mercredi 21 mai 2008

Si tu aspires à prier; Evagre le Pontique

Evagre le Pontique
Vitrail de Paris

La prière est un rejeton
de la douceur
et de l'absence
de la colère.

Évagre (345-399) naquit à Iborna, dans la région du Pont (actuelle Turquie), d'où son surnom de Ponticus, Pontique. Ordonné diacre par Grégoire de Naziance, il l'accompagne à Constantinople, à partir de 380.Puis il s'embarque pour Jérusalem, où il est accueilli dans le monastère fondé par Mélanie (l'Ancienne) et Rufin, au Mont des Oliviers. Ensuite il se retira en Egypte, où il devint le disciple de Macaire d'Alexandrie. Il gagnait sa vie en copiant des manuscrits.

Si tu aspires à prier, renonce à tout pour obtenir le tout.
Que tu pries avec des frères ou seul, tâche de prier non par habitude, mais avec sentiment.
Qui aime Dieu, converse toujours avec lui comme avec un père, se dépouillant de toute pensée passionnée.
Si tu veux prier, tu as besoin de Dieu qui donne la prière à celui qui prie. Invoque-te donc en disant : «Que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne, c'est-à-dire «que ton Esprit soit reconnu comme saint et que vienne ton Fils unique», car c'est ce qu'il a enseigné quand il a dit d'adorer le Père en “esprit et en vérité» Jn 4,23. Celui qui prie en esprit et en vérité ne glorifie plus le Créateur à partir des créatures, mais c'est de Dieu même qu'il loue Dieu.



Le Saint Esprit, compatissant à notre faiblesse, nous visite même si nous ne sommes pas encore purifiés. Pourvu seulement qu'il trouve notre intelligence priant avec sincérité, il survient alors en elle, il dissipe toute la phalange des raisonnements et des pensées qui l'assiègent, et il l'amène à l'amour de la prière spirituelle.
Si tu es théologien, tu prieras vraiment, et si tu pries vraiment, tu es théologien.
Si tu aspires à prier, ne fais rien de tout ce qui est incompatible avec la prière, afin que Dieu s'approche et fasse route avec toi.
Ne te représente pas une figure de Dieu, quand tu pries, ni ne laisse ton intelligence subir l’impression d'aucune forme ; mais va à l’immatériel, et tu comprendras.
Si tu t'appliques à la prière, prépare-toi aux assauts des démons et supporte vaillamment leurs coups. Efforce-toi d'acquérir beaucoup d'humilité et de courage, et les insultes des démons ne toucheront pas ton âme. Nul fléau n'approchera de ta tente, parce qu'il donnera en ta faveur des ordres à ses anges pour qu'ils te gardent, Ps 91,10-11, et les anges chasseront invisiblement loin de toi toutes les entreprises hostiles.
Ne veuille pas que ce qui te concerne s'arrange selon tes idées, mais selon Le bon plaisir de Dieu. Alors tu seras sans trouble et plein de reconnaissance dans ta prière.
Fais tous tes efforts pour ne rien dire contre personne dans ta prière ; ce serait démolir ce que tu veux édifier et rendre ta prière abominable.
À un saint plein d'amour pour Dieu et de zèle pour la prière, survinrent, tandis qu'il marchait dans le désert, deux anges qui le prirent au milieu et cheminèrent avec lui, mais il ne fit pas attention à eux pour ne pas perdre ce qu'il y a de meilleur; car il se rappelait ce mot de l'apôtre : «Ni les anges, ni les principautés, ni les puissances ne pourront nous séparer de l'amour du Christ», Rm 8,38.

Si tu n'as pas encore reçu le charisme de la prière ou de la psalmodie, obstine-toi et tu recevras.
Lorsque dans ta prière tu seras parvenu au-dessus de toute autre joie, c'est alors qu'en toute vérité, tu auras trouvé la prière.

In Philocalie, Chapitres de la prière, fascicule 8, Abbaye de Bellefontaine, 1987, p. 52s, in Daniel Bourguet, l’Evangile médité par les Pères, Marc, Veillez et priez, éd. Olivétain, 133-134.

lundi 5 mai 2008

Saint Augustin, le Maître intérieur

Le Maître intérieur "L'onction que vous avez reçue de lui demeure en vous et vous n'avez pas besoin que quelqu'un vous enseigne, car son onction vous enseigne tout ", I Jean, II, 27. Le mystère de l'onction, c'est la vertu invisible, l'onction invisible, l'Esprit-Saint. [...] Que faisons-nous donc, frères, quand nous vous enseignons ? Si son onction vous enseigne toutes choses, alors nous travaillons pour rien ? Et pourquoi tant crier ? Il n'y a qu'à vous abandonner à son onction, et cette onction vous enseignera. [...] Voyez donc ce grand mystère, frères : le son de nos paroles frappe vos oreilles, le Maître est à l'intérieur. Ne pensez pas que l'on puisse apprendre quelque chose d'un homme. Nous pouvons attirer votre attention par le tapage de notre voix ; s'il n'y a pas au-dedans quelqu'un pour vous enseigner, ce tapage est inutile. Voulez-vous savoir, frères ? Est-ce que vous n'entendez pas tous ce sermon ? Et pourtant combien sortiront d'ici encore ignorants ? Autant qu'il est en moi, j'ai parlé à tous ; mais ceux à qui cette onction ne parle pas au dedans, ceux que l'Esprit-Saint n'enseigne pas au dedans, s'en retourneront ignorants. Les enseignements du maître à l'extérieur sont comme des auxiliaires, des avertissements. Mais celui qui enseigne les cœurs a sa chaire dans le ciel [...]. Qu'il vous parle lui-même au-dedans, quand personne n'est là ; car même si quelqu'un est à côté de toi, il n'y a personne dans ton cœur. Et qu'il n'y ait pas personne dans ton cœur, que le Christ soit en ton cœur, que son onction soit dans ton cœur, pour que tu n'aies pas dans ce désert le cœur assoiffé, sans avoir les sources qui puissent l'arroser.C'est le Maître intérieur qui enseigne, le Christ qui enseigne, son inspiration qui enseigne. Où ne sont pas son inspiration et son onction, inutile est le tapage des mots au dehors. Les mots que nous prononçons au dehors, frères, sont comme le jardinier devant l'arbre ; il travaille au dehors, il apporte de l'eau et tout le soin de son travail ; mais tout ce qu'il apporte ainsi du dehors, est-ce cela qui forme les fruits ? qui revêt de feuilles ombreuses la nudité du bois ? Est-ce qu'il fait à l'intérieur quelque chose de tel ? Mais qui agit ainsi ? Ecoutez le jardinier, l'Apôtre, et voyez ce que nous sommes, et écoutez le Maître intérieur : " J'ai planté, Apollos a arrosé ; mais Dieu a donné la croissance ; ce n'est pas celui qui plante qui est quelque chose, ni celui qui arrose, mais Dieu qui donne la croissance". Voilà donc ce que nous vous disons ; que par notre parole nous plantions ou nous arrosions, nous ne sommes riens, mais c'est Dieu qui donne la croissance, c'est-à-dire c'est son onction qui vous enseigne toutes choses.

Extrait du Commentaire sur la I° Epître de saint Jean, tr. IV, ch. II, P.L. t. XXXV, trad. R.P. Camelot, in La Vie spirituelle, octobre 1946.Cf : http://spiritualite-chretienne.com