mercredi 28 juillet 2010

Saint Cyprien de Carthage, Dieu n’écoute pas la voix, mais le cœur


Cyprien, évêque de Carthage, naquit vers 200 dans la ville de Carthage (Afrique du Nord, presqu'île de l'actuelle ville de Tunis, en Tunisie), où toute sa vie et son oeuvre se dérouleront. Thascius Cyprianus était le fils d'un riche sénateur païen, et reçut une belle éducation séculière, devenant un fameux orateur, et enseignant rhétorique et philosophie à l'école de Carthage.




« Prions, mes frères bien-aimés, comme Dieu notre maître nous a appris à le faire. (…) Lorsque nous prions, que notre voix soit réglée par la décence et le respect. Souvenons-nous que nous sommes en présence de Dieu et que nous devons plaire à ses regards divins par l’attitude de notre corps et le calme de notre parole. L’insensé pousse de grands cris; l’homme respectueux prie avec modestie. Le Seigneur nous ordonne de prier en secret, dans des lieux solitaires et reculés, même dans nos chambres. C’est là ce qui convient le mieux à la foi. Nous savons, en effet, que Dieu est présent partout , qu’il voit et entend tous ses enfants, qu’il remplit de sa majesté les retraites les plus secrètes, selon cette parole : « Je suis avec vous, ne me cherchez pas au loin », Jér., XXIII. « Quand l’homme se cacherait au centre de la terre, dit encore le Seigneur, est-ce que je ne le verrais pas ? Est-ce que je ne remplis pas et la terre et le ciel ? Et plus loin : Les yeux du Seigneur regardent partout les bons et les méchants », Prov., XV. Quand nous nous réunissons pour offrir avec le prêtre le divin sacrifice, prions avec recueillement. Gardons-nous bien de jeter à tous les vents des paroles sans suite et de formuler tumultueusement une demande dont la modestie doit faire tout le prix. Dieu n’écoute pas la voix, mais le cœur. Il n’est pas nécessaire de l’avertir par des cris, puisqu’il connaît les pensées des hommes. Nous en avons une preuve dans cette parole du Seigneur ! « Que pensez-vous de mauvais dans vos cœurs ? », Luc, XV. Et dans l’Apocalypse : « Toutes les Églises sauront que c’est moi qui sonde les cœurs et les reins », Ap., II. Anne, dont nous trouvons l’histoire au premier livre des Rois, se soumit à cette règle, et en cela elle fut une figure de l’Eglise. Elle n’adressait pas au Seigneur des paroles bruyantes; mais, recueillie en elle-même, elle priait silencieusement et avec modestie. Sa prière était cachée, mais sa foi manifeste; elle parlait, non avec la voix, mais avec le cœur. Elle savait bien que Dieu entend des vœux ainsi formulés; aussi, grâce à la foi qui l’animait, elle obtint l’objet de sa demande. C’est ce que nous apprend l’Écriture : « Elle parlait dans son cœur et ses lèvres remuaient; mais sa voix n’était pas entendue; et le Seigneur l’exauça », I Reg., I. Nous lisons de même dans les psaumes : « Priez du fond du cœur, priez sur votre couche et livrez, votre âme à la componction », Ps., IV. L’Esprit-Saint nous donne le même précepte par la bouche de Jérémie : « C’est par la pensée que vous devez adorer le Seigneur ». Lorsque vous remplissez le devoir de la prière, mes frères bien-aimés, n’oubliez pas la conduite du Pharisien et du Publicain dans le temple. Le Publicain n’élevait pas insolemment ses regards vers le ciel, il n’agitait pas ses mains hardies; mais frappant sa poitrine, et, par cet acte, se reconnaissant pécheur, il implorait le secours de la miséricorde divine. Le Pharisien, au contraire, s’applaudissait lui-même. Aussi le Publicain fut justifié et non pas l’autre. Il fut justifié à cause de sa prière, car il ne plaçait pas l’espoir de son salut dans une confiance aveugle en son innocence, attendu que personne n’est innocent; mais il confessait humblement ses péchés, et Dieu qui pardonne toujours aux humbles, entendit sa voix (...).

Nous venons de voir, mes frères bien-aimés, d’après les saints livres, quelle doit être notre attitude dans la prière. Voyons maintenant ce que nous devons demander. « Vous prierez ainsi, nous dit Jésus-Christ: Notre père qui êtes dans les cieux, que votre nom soit sanctifié. Que votre règne arrive. Que votre volonté soit faite sur la terre comme dans le ciel. Donnez-nous aujourd’hui notre pain quotidien. Pardonnez-nous nos, offenses comme nous les pardonnons à ceux qui nous ont offensés. Ne souffrez pas que nous soyons induits en tentation; mais délivrez-nous du mal; ainsi soit-il », Matth., VI. Avant toutes choses, le Dieu qui nous a si fortement recommandé la paix et l’unité n’a pas voulu que nos prières eussent un caractère personnel et égoïste; il n’a pas voulu, quand nous prions, que nous ne pensions qu’à nous-même. Nous ne disons pas : mon Père qui es dans les cieux, donne-moi aujourd’hui le pain dont j’ai besoin. Nous ne demandons pas seulement pour nous-mêmes le pardon de nos fautes, l’exemption de toute tentation et la délivrance du mal. Notre prière est publique et commune, et quand nous prions, nous ne pensons pas seulement à nous, mais à tout le peuple; car tout le peuple chrétien ne forme qu’un seul corps. Le Dieu qui nous a enseigné la paix la concorde et l’unité veut que notre prière embrasse tous nos frères, comme il nous a tous portés lui-même dans sou sein paternel. Ainsi prièrent les trois enfants dans la fournaise leurs voix étaient unies comme leurs cœurs. C’est ce que nous enseigne l’Écriture, en les proposant à notre imitation : « Les trois enfants, dit-elle, comme d’une seule bouche, chantaient un hymne au Seigneur et le bénissaient », Dan., III. Et pourtant le Verbe fait homme ne leur avait pas appris à prier. Est-il donc étonnant qu’il ait exaucé leur demande, lui qui prête toujours l’oreille à la prière de l’homme simple et pacifique ? Nous voyons les apôtres et les disciples prier de la même manière, après l’ascension de Jésus-Christ. Tous, dit l’Écriture, unis par un même sentiment, persévéraient dans la prière avec les saintes femmes, avec Marie, mère de Jésus, et ses proches parents, Act., I. Nous voyons, par cette union, combien leur prière était sincère, persévérante et efficace. Dieu qui réunit dans la même maison les frères dont les sentiments sont unanimes, n’ouvre les portes de la demeure éternelle qu’à ceux dont les coeurs s’unissent dans la prière ».

De l’Oraison Dominicale, par Saint Cyprien de Carthage

mardi 20 juillet 2010

Saint Syméon, le nouveau théologien, sur les Ecritures

11ème siècle, moine orthodoxe

« Ce n’est pas une fois seulement que l’Esprit Saint a agi sur les écrivains sacrés, donnant ainsi naissance aux textes sacrés, mais il agit toujours sur celui qui lit les Écritures, et seule sa présence permet à la lettre de devenir esprit, lui seul assure une jeunesse perpétuelle au texte. L’Ecriture devient Parole féconde si l’Esprit de Dieu anime celui qui la lit. »
Discours XV, « Sur les Ecritures », PG 120,385C.


Citations des Chapitres pratiques et théologiques.

33. Dans les prières et dans les larmes, supplie Dieu de t'envoyer un guide impassible et saint. Mais examine toi-même les divines Écritures et singulièrement les écrits pratiques des saints Pères, afin qu'en leur comparant ce que t'enseigne et ce que fait ton maître et ton supérieur, tu puisses voir et apprendre ces leçons comme dans un miroir, recueillir et retenir dans tes pensées ce qui s'accorde aux divines Écritures, mais discerner et rejeter ce qui est bâtard et altéré, pour ne pas t'égarer. Sache-le, il y a de nos jours beaucoup de trompeurs et de faux maîtres.

46. Les afflictions qui brisent le coeur, lorsqu'elles sont fréquentes et intempestives, enténèbrent et troublent la réflexion de l'intelligence. Elles effacent de l'âme la prière pure et la componction [la prière pure et l'humilité]. Elles fatiguent le coeur, et dès lors le font devenir dur et insensible à jamais. C'est ainsi que les démons s'ingénient à décourager les spirituels.

mercredi 14 juillet 2010

St Jean Climaque, Dieu donne la prière à celui qui prie

Il est né en Syrie autour de 575 et il devient, à 16 ans, moine du monastère Sainte-Catherine sur le mont Sinaï, où il meurt le 30 mars 606, d’où sa fête le 30 mars dans le calendrier des saints.


Point de recherche dans les paroles de votre prière : que de fois les bégaiements simples et monotones des enfants fléchissent leur père ! Ne vous lancez pas dans de longs discours afin de ne pas dissiper votre esprit dans la recherche de paroles. Une seule parole du publicain a ému la miséricorde de Dieu ; un seul mot plein de foi a sauvé le larron. La prolixité dans la prière souvent emplit l'esprit d'images et le dissipe tandis que souvent une seule parole a pour effet de le recueillir. Vous sentez-vous consolé et attendri par une parole de prière, arrêtez-vous là, car c'est que votre ange gardien alors prie avec vous !

Tandis que nous n'aurons pas obtenu la prière véritable, nous ressemblerons à ceux qui apprennnent aux enfants à faire leurs premiers pas. Travaillez à élever votre pensée ou mieux à la reclure dans les paroles de votre prière. Si la faiblesse de l'enfance la fait tomber, relevez-la. Car l'esprit est instable de nature, mais Celui qui peut tout affermir peut fixer aussi l'esprit. Si vous ne cessez de combattre, Celui qui fixe des bornes à la mer, viendra en vous et dira à votre esprit : "Tu viendras jusqu'ici, non au-delà", Jb 38,11.

Le premier degré de la prière consiste à chasser par une pensée ou une parole simple et fixe les suggestions au moment même où elles apparaissent. Le second, à garder notre pensée uniquement à ce que nous disons et pensons. Le troisième, c'est la saisie de l'âme dans le Seigneur.

On n'apprend pas à voir, c'est un effet de la nature, la beauté de la prière ne s'apprend pas non plus par l'enseignement d'autrui. Elle a son maître en elle-même, Dieu qui "enseigne aux hommes la science, ps 94,10, donne la prière à celui qui prie et bénit les années des justes.

St Jean Climaque, l'échelle sainte, 29, Bellefontaine, 1978, Spiritualité Orientale, N° 24, in Sources Vives, N° 151, mai 2010.

mardi 6 juillet 2010

Sainte Catherine de Sienne, dans les dialogues entre l'âme et Dieu


Vierge, Docteur de l’Eglise
et Copatronne de l'Europe

1347-1380

Traité de la prière, LXVI, 3-5

Dans des dialogues entre l'âme et Dieu... l'âme se demande où elle peut acquérir l'amour de Dieu et du prochain : c’est dans la cellule de la connaissance d’elle-même, par la sainte oraison, comme Pierre et les disciples, qui, en se renfermant dans les veilles et la prière, perdirent leur imperfection et acquirent la perfection. Par quel moyen ? Par la persévérance unie à la sainte foi.
Mais ne pense pas qu’on reçoive cette ardeur et cette force divine par une prière purement vocale. Beaucoup me prient plutôt des lèvres que du coeur. Ils ne songent qu’à réciter un certain nombre de psaumes et de Pater noster. Dès qu’ils ont rempli leur tâche, ils ne pensent pas à autre chose ; ils mettent toute leur piété dans de simples paroles. Il ne faut pas agir de la sorte ; quand on ne fait pas davantage, on en retire peu de fruit et on m’est peu agréable.

Faut-il quitter la prière vocale pour la prière mentale, à laquelle tous ne semblent pas appelés ? Non, mais il faut procéder avec ordre et mesure.

Tu sais que l’âme est imparfaite avant d’être parfaite et sa prière doit être de même. Pour ne pas tomber dans l’oisiveté, lorsqu’elle est encore imparfaite, l’âme doit s’appliquer à la prière vocale ; mais elle ne doit pas faire la prière vocale sans la faire mentale ; pendant que les lèvres prononcent des paroles, elle s’efforcera d’élever et de fixer son esprit dans mon amour, par la considération de ses défauts en général et du sang de mon Fils, où elle trouvera l’abondance de ma charité et la rémission de ses péchés.