dimanche 26 septembre 2010

Saint Grégoire le Grand, 29 septembre, Saint Michel

Un peu d'histoire…

Dès les tous premiers siècles, l'Eglise célébrait une fête, le 29 septembre, en l'honneur des anges : les "vertus des cieux", c'est-à-dire l'ensemble du monde angélique.

A la fin du Vème siècle, à la suite d'une apparition de Saint Michel sur le mont Gargan, en Italie du Sud, on construisit à cet endroit une basilique qui lui fut dédicacée.


Peu après, aux alentours de l'an 530, le pape Boniface, pour dédier une église à Saint Michel dans le grand cirque à Rome, choisit cette date du 29 septembre, déjà consacrée aux anges.
Cette double dédicace accrut alors grandement la gloire du grand archange.


Depuis le VIème siècle, donc, l'Eglise célèbre, en cette fête du 29 septembre, saint Michel et tous les anges, dont il est le chef.


Le 29 septembre est donc devenu, traditionnellement, "la Saint Michel" : fête tout à la fois religieuse et populaire, qui rythme l'année en marquant un changement de saison, de même que "la Saint Jean", le 24 juin, marque l'ouverture de l'été et de certains travaux dans les champs.


Très récemment (en 1969), la réforme du calendrier liturgique a fait du 29 septembre la fête des trois archanges dont nous connaissons le nom : Michel, Gabriel et Raphaël avec, toujours, l'ensemble de tous les anges.


Les trois archanges


Saint Grégoire le Grand nous les présente ainsi :
Il faut savoir que le nom d'anges désigne leur fonction, et non leur nature.

Tout au long de l’Ancien Testament, les anges sont présents pour instruire, protéger, réconforter et conduire les hommes. Après l’expulsion de nos premiers parents, l’ange à l’épée flamboyante interdit l’entrée du Paradis terrestre, Genèse III 24. Un ange consola Agar dans le désert, Genèse XVI 9 & XXI 17. C’est un ange qui arrêta le bras d’Abraham prêt à immoler Isaac, Genèse XXII 11. Avant que Sodome fût détruite par le feu du ciel, un ange fit sortir Loth et sa famille de la ville, Genèse XIX. Le patriarche Jacob vit en songe des multitudes d’anges monter et descendre l’échelle qui allait de la terre au ciel, Genèse XXVIII 12. Dieu envoya un ange pour conduire à travers le désert les Hébreux vers la Terre Promise, Exode XXIII 20-23. Elie fut réconforté dans le désert par un ange, Premier livre des Rois XIX 5.

Le Nouveau Testament est aussi tout rempli du ministère des anges. L’ange Gabriel fut le messager du mystère de l’Incarnation auprès de Zacharie, Evangile selon saint Luc I 11-20, et de Marie, Evangile selon saint Luc I 26-38. Un ange fut préposé à instruire saint Joseph de ce mystère, Evangile selon saint Matthieu I 20-23, et à l’assister dans sa vocation de père nourricier Evangile selon saint Matthieu II 13-21. Un ange annonça la naissance du Messie aux bergers de Bethléem et des multitudes d’anges chantèrent dans le ciel de Noël, Evangile selon saint Luc II 8-14. Des anges servirent Jésus après sa victoire sur la triple tentation, après le jeûne au désert, Evangile selon saint Matthieu IV 11, et un ange le réconforta lors de son Agonie, dans la nuit du jardin des Oliviers, Evangile selon saint Luc XXII 43. Des anges furent envoyés par Dieu pour annoncer la Résurrection du Sauveur aux saintes femmes, Evangile selon saint Matthieu XXVIII 5-6 & Evangile selon saint Luc XXIV 22, à Marie-Madeleine, Evangile selon saint Jean XX 11. Des anges, enfin, introduisirent les Apôtres après l’Ascension, Actes des Apôtres I 9.

Dans son enseignement, Jésus parla souvent des anges comme les auxiliaires à la fin du monde, Evangile selon saint Matthieu XIII 36-43, XVI 27 & XXIV 31, et il parla des anges gardiens, Evangile selon saint Matthieu XVIII 10.

L’Eglise primitive, comme le Seigneur, est assistée par les anges dont l’un fait échapper les Apôtres des mains des Saducéens, Actes des Apôtres V 19-20, et dont un autre délivre saint Pierre de la prison d’Hérode, Actes des Apôtres XII 6-17.

Un ange conduisit le centurion Corneille vers saint Pierre, Actes des Apôtres X 1-8, un autre sauva saint Paul d’un naufrage, Actes des Apôtres XXVII 23-26.

Saint Paul, dans ses épîtres, et saint Jean, dans l’Apocalypse, enseignèrent bien des choses sur les anges.

Or, l’Ecriture ne nous a révélé les noms que de trois d’entre les anges : Gabriel qui veut dire « la force Dieu », Raphaël « Dieu guérit », et Michel « Qui est comme Dieu ? »

La seule signification du nom du saint archange Michel nous indique le rôle qui lui est échu depuis le commencement jusqu’à la fin des temps. A la tête des armées célestes, il rejeta Lucifer des cieux, au moment de ce grand déchirement où s’ouvre le porche tragique de l’histoire ; Lucifer qui, oubliant son état de créature, ne veut pas servir les desseins de Dieu, est repoussé par la victorieuse question de Michel : Qui est comme Dieu ?

La force de saint Michel archange procède de son amour de Dieu qu’il proclame. Cet amour que les bons anges ont pour Dieu ne consiste pas seulement à vouloir l’adorer, le servir et lui plaire, mais aussi, et peut-être surtout, à se mettre au service de l’homme, en sachant que, par le mystère de l’Incarnation du Verbe divin, cette créature moins parfaite que lui, lui deviendra supérieure. … Dieu nous dit, affirme saint Jean Chrysostome : « Je commande aux anges, et toi aussi par les prémices (le Christ). Je suis assis sur le trône royal, et toi aussi par les prémices. ‘Il nous a ressuscités avec lui, est-il écrit, et assis avec lui à la droite du Père, Epître de saint Paul aux Ephésiens II 6.

"Les chérubins et les séraphins et toute l'armée céleste, les principautés, les puissances, les trônes et les dominations t'adorent à cause des prémices », saint Jean Chrysostome : commentaire de la première épître de saint Paul à Timothée, XV.

« Toutes les fois, dit saint Grégoire le Grand, qu’il s’agit d’une œuvre de merveilleuse puissance, c’est Michel que l’on nous dit envoyé, pour que son intervention même et son nom nous donnent à entendre que personne ne peut faire ce que Dieu seul a le privilège de faire. L'antique ennemi, qui a désiré par orgueil être semblable à Dieu, disait : J'escaladerai les cieux, par-dessus les étoiles du ciel j'érigerai mon trône, je ressemblerai au Très-Haut. Or, l'Apocalypse nous dit qu'à la fin du monde, lorsqu'il sera laissé à sa propre force, avant d'être éliminé par le supplice final, il devra combattre contre l'archange Michel : Il y eut un combat contre l'archange Michel », Saint Grégoire le Grand : homélie XXXIV sur les péricopes évangéliques.

Vous demandez que saint Michel vous protège et vous voulez gagner avec lui le combat contre les puissances démoniaques, alors battez-vous avec ses armes en étant, à la face du monde de ceux qui proclament que nul n’est comme Dieu…

Puissent vos cœurs s’ouvrir largement au mystère de l’archange saint Michel de sorte qu’il vous aide à devenir plus droits, plus forts et plus purs, témoins incorruptibles de la vérité divine qui demande notre aveu.

lundi 20 septembre 2010

Jean Cassien, Le cri vers Dieu

Jean CASSIEN, (360-435)

D'origine scythe, c'est-à-dire roumaine, Cassien reçut une solide formation classique. Jeune, il partit à Bethléem, où il se fit moine, puis vécut 10 ans chez les Pères des déserts égyptiens. Il se rendit auprès de Saint Jean Chrysostome à Constantinople, où il fut ordonné diacre. Puis, il séjourna à Rome. Vers 416, il vint se fixer à Marseille, pour y fonder un monastère d'homme (l'abbaye Saint Victor) et un monastère de femmes.


Celui qui tient compte des anciens, accepte de se reconnaître dans une situation de besoin. Placé face à lui-même, il renonce à regarder avec nostalgie l’idéal de soi perdu. Il crie vers Dieu qui seul peut le sauver. Son cœur, comme piqué par l’épine de la souffrance, se remplit de componction : les larmes jaillissent. Mais cette souffrance apaise. Car dans le creux de l’être, dans ce qui apparaissait comme un gouffre, un vide, se noue une relation de confiance dont nous sommes dépendants.

A chaque expérience de notre impuissance, il suffit de crier, du fond de notre misère : « Dieu viens à mon aide ! ». Peu à peu, la confiance en Dieu devient le levier de notre existence, le tremplin où nous prenons appui :

« Pour garder toujours en vous le souvenir de Dieu, voici la formule de prière que vous vous proposerez constamment ; « Dieu, viens à mon aide ; Seigneur, viens vite à mon secours ! » Ce n’est pas sans raison que ce court verset a été choisi particulièrement dans toutes l’Ecriture Sainte. Car il est propre à exprimer toutes les affections dont notre âme est susceptible, et il convient admirablement à tous les états et à toutes les tentations. On y voit l’invocation de Dieu contre toutes sortes de dangers, l’humilité d’une sincère confession, la vigilance que produisent une frayeur et une crainte continuelles, la considération de notre fragilité, l’espérance d’être exaucé et la confiance en la bonté de Dieu qui est toujours présent et proche de nous. Car celui qui invoque sans cesse son protecteur est assuré qu’il lui est toujours présent. Enfin on y voit le feu de l’amour fervent, l’appréhension des pièges qui nous environnent, la crainte des ennemis qui nous assiègent nuit et jour, dont l’âme reconnaît qu’elle ne peut se délivrer que par le secours de son défenseur (…).

Je me trouve quelquefois attaqué par la gourmandise, je désire des mets que le désert ne produit point et dans une âpre solitude je sens l’odeur des viandes qui paraissent sur la table des rois ; je me sens entraîné à les désirer, que puis-je faire alors que de dire : « Dieu, viens à mon aide ; Seigneur, viens vite à mon secours ! (…).


Je veux m’appliquer à la lecture afin de fixer ma pensée, je sens un mal de tête qui m’en empêche, ou dès la troisième heure, la somnolence fait tomber ma tête sur la page sacrée, et je suis forcé à dépasser le temps du repos, ou à le prévenir ; la violence du sommeil que je ne puis vaincre me fera entrecouper les psaumes et les prière canoniques de nos assemblées. Il me faut encore crier de même : « Dieu, viens à mon aide ; Seigneur, viens vite à mon secours ! (…) ».


Je suis tenté de vaine gloire et d’orgueil, et je me sens dans mon esprit quelque secrète complaisance, en pensant à la tiédeur et à la négligence de mes frères ; comment puis-je repousser une tentation si dangereuse, sinon en disant avec une grande contrition de cœur : « Dieu, viens à mon aide ; Seigneur viens vite à mon secours ! » Si j’ai obtenu la grâce de l’humilité et de la simplicité, en abandonnant toute enflure d’orgueil, par une incessante componction de l’esprit, je dois m’écrier de toutes mes forces : « Dieu viens à mon aide ; Seigneur, viens vite à mon secours ! » pour que « le pied de l’orgueilleux ne s’approche plus de moi, et que ne m’atteigne la main du pécheur ». Car je serais plus profondément blessé par la fierté de ma victoire.


Que le sommeil vous ferme les yeux sur la méditation de ce court verset, jusqu’à ce que votre âme en soit tellement possédée, qu’elle le redise, même pendant la nuit. Que ce soit la première chose qui, avant toute autre pensée, vous vienne dans l’esprit le matin à votre réveil. Qu’elle vous fasse en sortant du lit mettre les genoux par terre, et vous conduise ensuite d’actions en action dans tout le cours de la journée. Enfin, qu’en tout temps ce verset vous accompagne partout », Cassien, Coll., X, 10.


La pauvreté de ce verset est bienfaisante. Elle place celui qui prie dans une situation de mendiant à l’égard de Dieu, Ps 39, 18. Et Dieu lui-même répondra. Ce n’est pas sans raison que la liturgie des Heures met ce verset d’Ecriture sur nos lèvres au début de chaque office.

Sr Marie-Ancilla, o.p., Chercher Dieu, avec les Pères du Désert et leurs héritiers, 1996, Source de Vie.

lundi 13 septembre 2010

Père David Journault, Croix Glorieuse

Mardi 14 septembre 2010


Fête de la Croix Glorieuse

1Co I,18-24 ; Jn XIX,6-11,13-20,25-28,30-35.


La fête de la Croix Glorieuse est une occasion pour nous de réfléchir sur la place de la Croix dans notre foi… car nous nous sommes habitués à la Croix ! Depuis le Vendredi Saint, la Croix n’est pas seulement un instrument de supplice : elle est devenue le signe de la souffrance du Christ et le signe de notre libération. «Quand j’aurai été élevé de terre, dit Jésus, j’attirerai tout à moi", Jn 12,32.

La fête que nous célébrons plonge ses racines au IVème siècle à Jérusalem où, après avoir été découverte, la Croix du Christ était proposée à la vénération des pèlerins chaque 14 septembre.

Cette place prédominante de la Croix dans la foi et dans la pratique religieuse des chrétiens n’est pas toujours facile à comprendre pour ceux qui nous regardent de l’extérieur. Car enfin, n’est-ce pas étrange de choisir comme symbole de notre foi l’instrument de supplice sur lequel notre Dieu a été mis à mort ? Et comment pouvons-nous qualifier de “glorieuse” cette Croix, instrument de supplice et de mise à mort ?

Dans l’histoire de l’Église, on remarque que dans les premiers temps qui ont suivi la mort, la résurrection et l’ascension de Jésus, la Croix n’a pas été utilisée comme symbole. Dans les représentations, on voit bien que les chrétiens commencent à utiliser la Croix comme symbole à partir du moment où elle n’est plus utilisée comme mode d’exécution.

Nous nous sommes habitués à la Croix : nous en avons dans nos églises, dans nos maisons, au bout de nos chemins, dans nos cimetières… Je ne sais pas combien il y a de croix et de calvaires en France, mais elles sont là comme les témoins de la foi de nos ancêtres qui les ont installées, comme les témoins de notre foi… Mais qu’est-ce que cela veut dire de vénérer la Croix ? Comment la Croix peut-elle être la preuve de l’amour de Dieu ? Comment l’instrument de supplice d’un innocent peut-il être glorieux ?

Que nous dit Jésus ? « De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé, afin que tout homme qui croit obtienne par lui la vie éternelle. » Le Christ fait référence à ce passage de l’histoire d’Israël que nous avons relu dans le livre des Nombres, dans la première lecture. Face à l’épreuve de la vie, face au danger, représenté par les serpents, le serpent de bronze fabriqué par Moïse veut être le moyen pour le peuple de se rappeler qu’il tient sa vie du Seigneur et que c’est en restant fidèle à Dieu qu’ils seront sauvés.

La Croix, c’est ce lieu suprême de l’abaissement du Fils de Dieu : venu dans notre monde, il a pris chair dans la Vierge Marie et s’est fait homme… Venu pour enseigner les hommes et leur ouvrir le chemin de la communion avec Dieu, son Père et notre Père, il a été rejeté par certains, et conduit jusqu’à la mort, et la mort sur la Croix.

Mais cette mort devient alors le moyen du Salut du monde : en vivant sa Passion par amour pour nous tous, en acceptant de porter le poids du péché de l’humanité, en s’offrant à son Père comme la victime sainte et parfaite, le Christ nous libère du péché et de la mort éternelle. Comme le serpent de bronze pour le peuple d’Israël au désert, le Christ sur la Croix sauve ceux qui le contemplent.

Mais alors que le serpent de bronze procurait une guérison physique, adorer le Christ procure une guérison spirituelle et ouvre les portes de la vie éternelle.

La Croix du Christ a bien plusieurs sens : elle est le symbole de la haine et de la cruauté dont l’homme est capable, mais elle est bien plus le symbole de la douceur et du pardon du Christ. Par sa Passion, le Christ nous montre jusqu’où va l’amour de Dieu pour nous. C’est sur la Croix que Jésus manifeste pleinement l’étendue de l’amour du Père pour l’humanité : finalement, sur la Croix, le Christ là encore nous parle d’amour et de tendresse.

Et si la Croix peut être dite “glorieuse”, ce n’est pas par je ne sais quel attachement macabre à la souffrance. Non, si la Croix peut être dite “glorieuse”, c’est parce qu’elle est le lieu où se manifeste l’amour parfait, c’est parce qu’elle est le lieu où Dieu lui-même se révèle de la façon la plus parfaite.
Demandons au Seigneur la force de suivre son Fils sur le chemin de la Croix, sur le chemin du don de nos vies, alors nous pourrons aimer comme le Christ nous a aimés. Amen.

http://peredavidjournault.blogspot.com/2008_09_01_archive.html

lundi 6 septembre 2010

Saint Jean Damascène, Nativité de la Très Sainte Vierge Marie



Saint Jean Damascène, ainsi nommé parce qu'il naquit vers 650 à Damas, en Syrie.

Il est le dernier des Pères grecs et le plus remarquable écrivain du huitième siècle…


Il est mort le 4 décembre 749 à Mar-Saba. Il a été déclaré de manière quasi-immédiate "Vénérable" en 787 par le concile de Nicée II et "Docteur de l'Eglise" par le Pape Léon XIII en 1890.

8 Septembre - fête de la Nativité de la Vierge

Neuf mois étant accomplis, Anne mit au monde une fille et l'appela du Nom de Marie. Quand elle l'eut sevrée, la troisième année, Joachim et elle se rendirent au Temple du Seigneur et, ayant offert au Seigneur des victimes, ils présentèrent leur petite fille Marie pour qu'elle habitât avec les vierges qui, nuit et jour, sans cesse, louaient Dieu. Quand elle eut été amenée devant le Temple du Seigneur, Marie gravit en courant les quinze marches sans se retourner pour regarder en arrière et sans regarder ses parents comme le font les petits enfants. Et cela frappa d'étonnement toute l'assistance, au point que les prêtres du Temple eux-mêmes étaient dans l'admiration.

Puisque la Vierge Marie devait naître d'Anne, la nature n'a pas osé devancer le germe béni de la grâce. Elle est restée sans fruit jusqu'à ce que la grâce eût porté le sien. En effet il s'agissait de la naissance, non d'un enfant ordinaire, mais de cette première-née d'où allait naître le premier-né de toute créature, en qui subsistent toutes chose. O bienheureux couple, Joachim et Anne ! Toute la création vous doit de la reconnaissance, car c'est en vous et par vous qu'elle offre au créateur le don qui surpasse tous les dons, je veux dire la chaste Mère qui était seule digne du Créateur.

Aujourd'hui sort de la souche de Jessé le rejeton sur lequel va s'épanouir pour le monde une fleur divine. Aujourd'hui Celui qui avait fait autrefois sortir le firmament des eaux crée sur la terre un ciel nouveau, formé d'une substance terrestre ; et ce ciel est beaucoup plus beau, beaucoup plus divin que l'autre, car c'est de lui que va naître le soleil de justice, celui qui a créé l'autre soleil....

Que de miracles se réunissent en cette enfant, que d'alliances se font en elle ! Fille de la stérilité, elle sera la virginité qui enfante. En elle se fera l'union de la divinité et de l'humanité, de l'impassibilité et de la souffrance, de la vie et de la mort, pour qu'en tout ce qui était mauvais soit vaincu par le meilleur. O fille d'Adam et Mère de Dieu ! Et tout cela a été fait pour moi, Seigneur ! Si grand était votre amour pour moi que vous avez voulu, non pas assurer mon salut par les anges ou quelque autre créature, mais restaurer par vous-même celui que vous aviez d'abord créé vous-même. C'est pourquoi je tressaille d'allégresse et je suis plein de fierté, et dans ma joie, je me tourne vers la source de ces merveilles, et emporté par les flots de mon bonheur, je prendrai la cithare de l'Esprit pour chanter les hymnes divins de cette naissance...

Aujourd’hui le créateur de toutes choses, Dieu le Verbe compose un livre nouveau jailli du cœur de son Père, et qu’il écrit par le Saint-Esprit, qui est langue de Dieu…

O fille du roi David et Mère de Dieu, Roi universel. O divin et vivant objet, dont la beauté a charmé le Dieu créateur, vous dont l'âme est toute sous l’action divine et attentive à Dieu seul ; tous vos désirs sont tendus vers cela seul qui mérite qu'on le cherche, et qui est digne d'amour ; vous n'avez de colère que pour le péché et son auteur. Vous aurez une vie supérieure à la nature, mais vous ne l'aurez pas pour vous, vous qui n'avez pas été créée pour vous. Vous l'aurez consacrée tout entière à Dieu, qui vous a introduite dans le monde, afin de servir au salut du genre humain, afin d'accomplir le dessein de Dieu, I'Incarnation de son Fils et la déification du genre humain. Votre cœur se nourrira des paroles de Dieu : elles vous féconderont, comme l'olivier fertile dans la maison de Dieu, comme l'arbre planté au bord des eaux vives de l'Esprit, comme l'arbre de vie, qui a donné son fruit au temps fixé : le Dieu incarné, la vie de toutes choses. Vos pensées n'auront d'autre objet que ce qui profite à l'âme, et toute idée non seulement pernicieuse, mais inutile, vous la rejetterez avant même d'en avoir senti le goût.

Vos yeux seront toujours tournés vers le Seigneur, vers la lumière éternelle et inaccessible ; vos oreilles attentives aux paroles divines et aux sons de la harpe de l'Esprit, par qui le Verbe est venu assumer notre chair... vos narines respireront le parfum de l'époux, parfum divin dont il peut embaumer son humanité. Vos lèvres loueront le Seigneur, toujours attaché aux lèvres de Dieu. Votre bouche savourera les paroles de Dieu et jouira de leur divine suavité. Votre cœur très pur, exempt de toute tache, toujours verra le Dieu de toute pureté et brûlera de désir pour lui. Votre sein sera la demeure de celui qu'aucun lieu ne peut contenir. Votre lait nourrira Dieu, dans le petit enfant Jésus. Vous êtes la porte de Dieu, éclatante d'une perpétuelle virginité. Vos mains porteront Dieu, et vos genoux seront pour lui un trône plus sublime que celui des chérubins... Vos pieds, conduits par la lumière de la loi divine, le suivant dans une course sans détours, vous entraîneront jusqu'à la possession du Bien-Aimé. Vous êtes le temple de l'Esprit-Saint, la cité du Dieu vivant, que réjouissent les fleuves abondants, les fleuves saints de la grâce divine. Vous êtes toute belle, toute proche de Dieu ; dominant les Chérubins, plus haute que les Séraphins, très proche de Dieu lui-même.

Salut, Marie, douce enfant d'Anne ; l’amour à nouveau me conduit jusqu’à vous. Comment décrire votre démarche pleine de gravité ? Votre vêtement ? Le charme de votre visage ? Cette sagesse que donne l'âge unie à la jeunesse du corps ? Votre vêtement fut plein de modestie, sans luxe et sans mollesse. Votre démarche grave, sans précipitation, sans heurt et sans relâchement. Votre conduite austère, tempérée par la joie, n'attirant jamais l'attention des hommes. Témoin cette crainte que vous éprouvâtes à la visite inaccoutumée de l'ange ; vous étiez soumise et docile à vos parents ; votre âme demeurait humble au milieu des plus sublimes contemplations. Une parole agréable, traduisant la douceur de l'âme. Quelle demeure eût été plus digne de Dieu ? Il est juste que toutes les générations vous proclament bienheureuse, insigne honneur du genre humain. Vous êtes la gloire du sacerdoce, l’espoir des chrétiens, la plante féconde de la virginité. Par vous s'est répandu partout l'honneur de la virginité. Que ceux qui vous reconnaissent pour la Mère de Dieu soient bénis, maudits ceux qui refusent...

O vous qui êtes la fille et la souveraine de Joachim et d'Anne, accueillez la prière de votre pauvre serviteur qui n'est qu'un pécheur, et qui pourtant vous aime ardemment et vous honore, qui veut trouver en vous la seule espérance de son bonheur, le guide de sa vie, la réconciliation auprès de votre Fils et le gage certain de son salut. Délivrez-moi du fardeau de mes péchés, dissipez les ténèbres amoncelées autour de mon esprit, débarrassez-moi de mon épaisse fange, réprimez les tentations, gouvernez heureusement ma vie, afin que je sois conduit par vous à la béatitude céleste, et accordez la paix au monde. A tous les fidèles de cette ville, donnez la joie parfaite et le salut éternel, par les prières de vos parents et de toute l'Eglise.

Homélie de Saint Jean de Damas, pour la fête de la Nativité de la Très Sainte Vierge