dimanche 29 décembre 2013

Augustin Guillerand, Le Verbe

 
Augustin Guillerand, Ordre Cartusien (+1945)                                                           



                                                                                                                                                           Jn 1, 1…14
   

 Le Verbe

est la Lumière vraie qui illumine tout homme venant en ce monde, parce qu’à tout homme Le Verbe dit ce qui est.

C’est le Verbe qui éclaire la raison humaine et la dispose en rapport juste avec l’Être. Le Verbe montre dans les êtres créés des images de l’Être incréé, mais seulement des images. Une image fait connaître ce qu’elle représente, mais on ne doit pas s’arrêter à l’image. Il faut la dépasser et rejoindre par elle, en elle, la réalité dont elle est l’image. Sinon, on reste dans la vanité et le mensonge.

Au fond secret d’un homme qui vient au monde, une voix crie :
Le monde est tout ce qu’il contient, ce n’est pas l’Être qui est ;

il est son oeuvre ; il est une image plus ou moins lointaine de lui ; c’est la voix du Verbe en nous ;

c’est la Lumière vraie qui brille en tout homme.

Lumière de sa raison en tous ;

Lumière de la grâce dans ceux que la foi éclaire ;

Lumière enfermée dans les créatures inférieures elles-mêmes, pour que l’homme pût percevoir ce rapport qui les unit à Celui qui est.

vendredi 20 décembre 2013

Julien de Vézelay, Et le Verbe s'est fait chair

Tympan basilique de Vézelay


 Julien de Vézelay (v. 1805-1160)
             
   Moine à Vézelay [France].
   Sermons sur Noël 1. SC 192,45.52.60.

Et le Verbe s'est fait chair 
 
Un silence paisible enveloppait toute chose, et la nuit était au milieu de son cours rapide, alors, ta Parole toute-puissante, Seigneur, est venue de ton trône royal, Sg 18,14-15. Ce texte de l'Écriture désigne le temps très saint où la toute-puissante Parole de Dieu est venue jusqu'à nous pour nous parler de notre salut ; partant du secret le plus intime du Père, elle descendait dans le sein d'une mère. Dieu qui avait parlé à nos pères par les prophètes sous des formes fragmentaires et variées dans les derniers temps, dans les jours où nous sommes, Il nous a parlé par ce Fils, He 1,1-12, dont il dit :
- Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui j'ai mis tout mon amour ; écoutez-le, Mt 3,17 ; 17,5. La Parole de Dieu vient donc à nous de son trône royal ; elle s'abaisse pour nous élever ; elle s'appauvrit pour nous enrichir ; elle se fait chair pour nous diviniser.

Mais, pour que le peuple qui doit être racheté mette toute sa confiance et son espérance dans l'avènement et l'efficacité de cette parole, elle est appelée Parole toute-puissante.Car, si elle n'était pas la Parole toute-puissante, l'homme, damné et voué à toutes les misères, n'espérerait que de façon bien tiède et bien timide, qu'elle le délivrerait du péché. Donc, pour que l'homme perdu ait la certitude de son salut, la Parole qui le sauve est appelée toute-puissante.

Et voyez quelle toute-puissance : le ciel n'existait pas encore ni ce qui est contenu dans son enceinte, Est 16,10 ; il parla, et ce qu'il dit exista, Ps 32,9. Ce fut fait de rien, 2 M 7,28, car la toute-puissance de cette Parole créait, tout ensemble et instantanément, la matière et la forme. La Parole a dit : Que le monde soit, et le monde a été fait. Elle a dit : Que l'homme soit, et l'homme a été fait.
Mais, ce qu'elle avait créé, la Parole ne l'a pas recréé aussi facilement. Elle a créé par son commandement, mais elle a recréé par sa mort ; elle a créé en commandant, mais elle a recréé en souffrant. Vous m'avez donné bien de la peine, Ml 2,17, avec vos péchés. Le monde ne m'a donné aucune peine pour l'organiser et le gouverner, car je déploie ma vigueur d'un bout du monde à l'autre et je gouverne l'univers avec douceur, Sg 8, 1.

Seul l'homme, violateur obstiné de la loi fixée et promulguée par moi, m'a donné de la peine, avec ses péchés. C'est pourquoi, venant du trône céleste, je n'ai pas refusé de me renfermer dans le sein d'une vierge et de m'unir en une seule personne avec l'humanité déchue. Dès ma naissance on m'enveloppe de langes, on me couche dans une mangeoire parce qu'il n'y a pas de place à l'auberge pour le Créateur du monde.
Toutes choses étaient plongées au milieu du silence, c'est-à-dire entre les Prophètes qui ne parlaient plus, et les Apôtres qui parleront plus tard. Ce silence formait donc un espace entre la parole de ceux-ci et la parole de ceux-là. Tandis que toutes choses étaient plongées au milieu du silence, la Parole toute-puissante, c'est-à-dire le Verbe du Père, est venue de son trône royal, Sg 18,14-15. Il est beau que ce soit au milieu du silence que vienne le Médiateur entre Dieu et les hommes, 1 Tm 2,5, homme vers les hommes, mortel pour sauver les mortels, Lui qui, par sa mort, sauvera les morts.

Qu'elle vienne encore maintenant, je l'en prie, la Parole de Dieu, vers ceux qui font silence. Écoutons ce que le Seigneur nous dit au fond de nous-mêmes. Qu'ils se taisent, les mouvements et les cris malencontreux de notre chair ; qu'elles fassent silence, les images désordonnées de notre cœur, pour que nos oreilles attentives écoutent librement ce que dit l'Esprit. L'Esprit de vie parle toujours à notre âme, et une voix se fait entendre du firmament, Ez 1,26. Mais nous, en portant notre attention ailleurs, nous n'entendons pas l'Esprit qui nous parle.

vendredi 13 décembre 2013

Saint Ambroise de Milan, Réjouissez-vous dans le Seigneur, Ph 4,4-5

Saint Ambroise (340-397)
Évêque de Milan [Italie] et docteur de l’Église.

Ph 4,4-5.  

 Réjouissez-vous dans le Seigneur

Les joies du monde tendent à la tristesse.

Les joies conformes à la volonté de Dieu attirent aux biens durables et éternels ceux qui y persévèrent.

Saint Paul ajoute : Je le répète, réjouissez-vous. Que votre sérénité soit connue de tous les hommes. Votre conduite sainte ne doit pas seulement apparaître devant Dieu, mais aussi devant les hommes, pour donner un exemple de sérénité et de réserve devant tous ceux qui demeurent avec vous sur la terre, pour laisser un bon souvenir devant Dieu et les hommes.
Le Seigneur est proche : ne soyez inquiets de rien.

Le Seigneur est toujours proche de ceux qui l’invoquent en vérité, avec une foi droite, une espérance ferme, une parfaite charité.

Il sait de quoi vous avez besoin avant que vous le lui demandiez.

Il est toujours près à secourir, dans n’importe lequel de leurs besoins, ceux qui Le servent fidèlement. Aussi, lorsque nous voyons que le malheur est imminent, nous n’avons pas à nous faire de grand souci, puisque nous devons savoir que Dieu est pour nous un défenseur tout proche, selon cette parole du psalmiste : Le Seigneur est proche de ceux dont le cœur est angoissé, et il sauvera ceux dont l’esprit est abattu. Les angoisses sont nombreuses pour les justes mais de toutes leurs angoisses, le Seigneur les délivre, Ps 34. Si nous nous efforçons d’accomplir et de garder ce qu’Il prescrit, le Seigneur ne tarde pas à venir.
Mais, en toute circonstance, dans l’action de grâce priez et suppliez pour faire connaître à Dieu vos demandes. Nous ne devons pas, si nous sommes accablés d’épreuves, les supporter avec récriminations et tristesse, mais avec patience et bonne humeur, en rendant grâce à Dieu en tout temps et à propos de tout.

samedi 7 décembre 2013

Mère Isabelle, appel à fonder relecture

              117ème anniversaire de la fondation de soeurs Orantes de l'Assomption
                                         8.12.1896 - 8.12.2013

 
 
7 juin 1919, veille de Pentecôte

Rectification écrite par Mère Isabelle après la lecture des chroniques du monastère


Appel à fonder 

Quand, par suite des circonstances, j’eus renoncé à entrer, dans quelques années, chez les dames de l’Assomption, je restai dans un état fort pénible d’ignorance de la volonté de Dieu sur moi et mes oraisons étaient pleines d’angoisse quand, tout à coup, dans la prière, jaillit une parole, une lumière : Notre Seigneur me faisait comprendre qu’il me destinait à une œuvre nouvelle… C’était si étonnant, si incompréhensible que j’en fus abasourdie, mais c’était si clair, si net que la raison jointe à la crainte de l’illusion, pouvaient seules me faire douter. La si brève parole du divin Maître s’était imprégnée dans mon âme comme un cachet sur la cire et cette empreinte ne devait plus jamais s’en effacer. Quelque fussent dans l’avenir mes doutes et mes craintes, je ne pus jamais chercher sérieusement une voie qui ne fut pas une voie nouvelle, inexistante encore. Je l’aurais cependant bien voulu ayant horreur de l’inconnu et des voies un tant soit peu extraordinaires. Mais j’avais alors bien du temps devant moi avant de réaliser un projet quelconque de vie religieuse et, toute remplie d’étonnement, je fis la seule chose à faire : j’écrivis au Père Picard en lui soumettant la parole qui semblait venir d’en-haut et être la manifestation de mon avenir.

 J’aurais peut-être été fort soulagée si le Père m’eut répondu que je n’étais qu’une sotte et que je n’avais plus à penser à cette billevesée [pensée fantaisiste].  Mais, tout au contraire, le Père m’écrivit de mettre par écrit, au courant de la plume, tout ce que je pensais. Cela devenait sérieux. J’écrivis un grand nombre de pages et je les envoyai au Père, pensant que j’aurais une réponse. Mais le Père garda un complet silence qui ne me tourmentait d’ailleurs pas, puisque je lui avais tout dit, que rien ne pressait et que j’étais en sécurité sous l’obéissance.

 Un an après, j’allai faire ma retraite et, grand fut mon étonnement quand le Père me dit que, dans cette retraite, nous causerions de tout, même de mon grand cahier : - Alors vous l’avez pris au sérieux ? – Oui, et je vous le dis pour votre consolation, je m’attendais, je savais d’avance ce que vous m’écririez.

 J’étais à l’eau… Mes idées n’étaient pas traitées d’illusions et il faudrait, tôt ou tard marcher à une lumière qui, plus j’avançais, devait me sembler ténèbres.

 J’en causais quelquefois, mais plutôt rarement, avec le Père. Par principe, le Père Picard ne concevait pas une œuvre toute faite dans son esprit. Il pensait, il agissait sous le souffle du Saint Esprit, il étudiait les circonstances, cherchant à y découvrir les intentions de Dieu, écoutait patiemment tout ce qu’on lui disait, le pour comme le contre et, par-dessus tout veillait à ce que l’âme fût fidèle et ne déviât pas des vues de Dieu sur elle ; et là était le secret de son extraordinaire ascendant sur les âmes. On voyait en lui l’intermédiaire de Dieu.

 Il disait d’ailleurs qu’une œuvre ne se faisait jamais complètement telle qu’on l’avait d’abord supposée. Et cela se comprend parce qu’après l’appel réel mais très rapide de Dieu, la créature y mêle nécessairement son propre travail d’intelligence et d’imagination. Il est impossible à l’esprit humain de ne pas chercher aux alentours de la Parole de Dieu ce qu’elle peut bien signifier au juste et cela n’est pas défendu, au contraire mais ce qu’on pense n’est pas toujours ce que Dieu veut et c’est souvent très petit à petit qu’il montre sa volonté par les circonstances humaines, les réflexions, la sagesse de la direction, la fidélité des âmes, la nature des vocations.

dimanche 1 décembre 2013

Jean Tauler, "lève-toi !" dit Isaïe


Jean Tauler (1300 – 1361), mystique Rhénan. L’appel divin : 2 manières d’y répondre, Sermon 5.  Nous laisser façonner par Dieu jusqu'au fond de notre âme : telle était la spiritualité qu'enseignait Jean Tauler aux « amis de Dieu ».

 

Lève-toi !

Dieu ne désire qu'une seule chose, la seule dont il ait besoin, et il la désire d'une façon si forte qu'il lui donne tous ses soins. Cette seule chose, c'est de trouver vide et accueillant le fond qu'il a mis dans l'esprit de l'homme afin de pouvoir y accomplir son œuvre d'Amour.

Mais que doit faire l'homme pour que Dieu puisse donner sa lumière et agir au fond de l'âme ? Il doit se lever.
 
« Lève-toi ! », dit Isaïe.

Si l'homme a quelque chose à faire, c'est de s'élever au-dessus de tout ce qui n'est pas Dieu, au-dessus de lui-même et au-dessus de toute créature. Cette élévation fait naître un ardent désir de se détacher et de se dépouiller de toute dissimilitude. Plus on se défait de toute dissimilitude et plus le désir grandit de s'en défaire.

 Il y a 2 catégories d'âmes qui répondent à cette touche intérieure et la suivent de 2 manières différentes.

Les premières se présentent avec leur subtilité naturelle et leur conception rationnelle avec lesquelles elles troublent le fond. Elles étouffent le désir de s'élever au-dessus de tout ce qui n'est pas Dieu en voulant écouter et comprendre par les chemins de leur conception rationnelle. Elles s'imaginent qu'elles ont ainsi la paix.

D'autres  veulent trouver leur satisfaction dans les observances et les pratiques de leur choix, dans la prière, les méditations...

C'est par ces exercices qu'elles veulent préparer le fond de leur âme. Elles trouvent une grande paix dans ces pratiques de piété, mais seulement dans celles qu'elles ont réglées elles-mêmes et pas ailleurs.

 Ceux qui se lèvent vraiment et qui ainsi sont illuminés, sont ceux qui  se livrent complètement à Dieu. Ils sortent d'eux-mêmes en toutes choses et ne gardent rien pour eux, ni dans les œuvres, ni dans les pratiques de piété, ni dans ce qu'ils font, ni dans ce qu'ils ne font pas, ni dans la joie, ni dans la peine. Mais ils acceptent tout de Dieu et lui rapportent absolument tout, dans un complet dépouillement d'eux-mêmes. Ils sont toujours contents de la volonté de Dieu, dans la paix et dans l'inquiétude, car ils aiment et désirent uniquement la volonté de Dieu.

 Ces personnes se lèvent en vérité et ils ont la paix dans le trouble, et la joie dans la souffrance. En tout, la volonté de Dieu leur agrée, et c'est pourquoi le monde entier ne saurait leur ravir leur paix.  Ces âmes ne goûtent que Dieu seul et rien d'autre. Ils sont en vérité illuminés, car Dieu répand sur eux sa lumière claire et pure en toutes circonstances, même aux heures de l'obscurité la plus sombre. Ce sont des gens surnaturels qui ne font rien sans Dieu. C'est Dieu qui est en eux. 

Ces personnes portent le monde entier.

Puissions-nous nous lever ainsi dans ce temps de l'attente, pour permettre à Dieu de faire en nous son œuvre.