jeudi 4 décembre 2014

Avent, Homélie ancienne sur la Lettre aux Philippiens, 4, 4 [attribuée à St Ambroise ?]

"La bonté divine, frères très chers, nous invite, pour le salut de nos âmes, aux joies de la béatitude éternelle, comme vous l'avez entendu dans la lecture qui nous occupe, où l'Apôtre disait : Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur. Les joies du monde tendent à la tristesse ; mais les joies conformes à la volonté de Dieu attirent aux biens durables et éternels ceux qui y persévèrent. C'est pourquoi l'Apôtre ajoute : Je le répète, réjouissez-vous."
 
[...] Que votre sérénité soit connue de tous les hommes : c’est-à-dire que votre conduite sainte ne doit pas seulement apparaître devant Dieu, mais aussi devant les hommes, pour donner un exemple de sérénité et de réserve devant tous ceux qui demeurent avec vous sur la terre, ou encore pour laisser un bon souvenir devant Dieu et les hommes.
Le Seigneur est proche : ne soyez inquiets de rien : le Seigneur est toujours proche de ceux qui l’invoquent avec sincérité, avec une foi droite, une espérance ferme, une parfaite charité : car il sait de quoi vous avez besoin avant que vous le lui demandiez : Il est toujours près à secourir, dans n’importe lequel de leurs besoins, ceux qui le servent fidèlement. Aussi, lorsque nous voyons que le malheur est imminent, nous n’avons pas à nous faire de grand souci, puisque nous devons savoir que Dieu est pour nous un défenseur tout proche, selon cette parole : Le Seigneur est proche de ceux dont le cœur est angoissé, et il sauvera ceux dont l’esprit est abattu. Les angoisses sont nombreuses pour les justes mais de toutes le Seigneur les délivrera [Ps 34]. Si nous nous efforçons d’accomplir et de garder ce qu’il prescrit, il ne tardera pas à s’acquitter de ses promesses.
 
Mais, en toute circonstance, dans l’action de grâce priez et suppliez pour faire connaître à Dieu vos demandes : nous ne devons pas, si nous sommes accablés d’épreuves, les supporter avec récriminations et tristesse, loin de là, mais avec patience et bonne humeur, en rendant grâce à Dieu en tout temps et à propos de tout.".
 

mercredi 26 novembre 2014

L'avent, le sens d'une attente, F. Boëdec, sj.

L'Avent : le sens d'une attente


Chaque année à la même époque, quand arrive le temps de l’Avent, j’éprouve toujours avec le même étonnement une joie intérieure. Ce n’est pas l’ambiance de Noël avec ses guirlandes et ses lumières, si nombreuses autour de St Ignace, ni même la perspective des fêtes, qui me touchent. C’est que l’incroyable se répète : Voici Dieu qui vient à nous ! La vie spirituelle me semble d’un coup plus simple : ce n’est plus l’heure de me présenter devant lui à la force des poignets, je n’ai rien à faire qu’à le laisser s’approcher. Si Dieu vient et revient, c’est donc que la nuit ne tiendra plus longtemps devant la lumière, que la terre mûrit déjà en ses entrailles les récoltes insoupçonnées de demain, et que nous n’avons pas tort de croire en nos patients labeurs et aux fidélités du quotidien.

Pourtant, avouons-le, s’il n’y avait la liturgie pour nous le rappeler, le temps de l’Avent comme celui du Carême se déroulerait sans doute souvent sans qu’on y prenne garde. On se retrouve à Noël ou à Pâques sans avoir vu le temps passer, entraînés par le rythme du travail, les soucis de santé, les questions des enfants, les projets et sollicitations multiples…

Dans tout cela, il y a ce qui est essentiel et ce qui ne l’est pas. Il y a ce qui occupe nos esprits, nos boites mails, nos répondeurs, et ce qui aurait besoin de temps et d’espace pour mûrir et se dire. Il y a ce que nous nous employons à prévoir, programmer et décider, avec la fébrilité et l’impatience quand les choses ne vont pas assez vite, quand les réponses tardent à venir. Et nous avons tous, quel que soit l’âge, d’excellents stratagèmes pour remplir notre espace intérieur de paroles et de bruits, notre esprit de toutes sortes d’urgences et de tâches à remplir.

Ce temps de l’Avent vient dire à nos vies qu’il faut consentir à l’attente, à la distance pour que quelque chose de juste et de vraiment nouveau survienne dans nos existences. En somme, il nous faut des « avents » dans le rythme des jours pour que le plus important puisse émerger. Il ne s’agit pas de se dérober au réel qui nous attend avec ses vraies urgences, et ne supporte pas les fuites même habillées de vernis spirituel. Il s’agit de vivre le réel pour que celui-ci soit le lieu d’une arrivée, d’une venue ; pour que dans la juste distance que l’on met avec toutes choses, nous puissions laisser de l’espace à Celui qui fait « toutes choses nouvelles » (Apocalypse, 21,5).

D’ici Noël, essayons de contempler nos vies différemment. Pour laisser monter ce qui nous habite au plus profond, aspire à se dire et appelle à autre chose. Mais aussi pour nous mettre en attente, paisible et confiante, de cet essentiel qui ne nous appartient pas, qu’on ne maîtrise pas, mais dont on sait pourtant avoir tant besoin. Voici qu’il vient Celui qui peut combler nos attentes.

« Me voici pour faire du nouveau, il bourgeonne déjà. Ne le voyez-vous pas ? » Isaïe 43, 19

P. François Boëdec, sj.

dimanche 10 août 2014

Saint Bonaventure, sermon sur la Dignité Royale de la B Vierge




 

La Bienheureuse Vierge Marie est Mère du Souverain Roi parce qu’elle l’a noblement conçu, comme l’annonce le message que l’Ange lui apporta. « Voici, dit-il, que tu vas concevoir et enfanter un fils. » Et plus loin : « Le Seigneur lui donnera le trône de David son père ; il régnera sur la maison de Jacob à jamais, et son règne n’aura pas de fin », Luc 1, 31-33. C’est comme s’il disait expressément : Voici que tu vas concevoir et enfanter pour fils le Roi qui siège éternellement sur le trône royal, et de ce fait, tu régneras comme Mère du Roi, et comme Reine tu siégeras sur le trône royal. S’il convient en effet qu’un fils honore sa mère, il convient qu’il lui donne accès au trône royal. Aussi la Vierge Marie, parce qu’elle a conçu celui qui porte « inscrit sur sa cuisse : Roi des rois et Seigneur des seigneurs », Apocalypse 19, 16, aussitôt qu’elle conçut le Fils de Dieu, fut Reine, non seulement de la terre, mais encore du ciel, ce qui est signifié dans l’Apocalypse par ces paroles : « Un signe grandiose apparut au ciel : c’est une Femme, le soleil l’enveloppe, la lune est sous ses pieds et douze étoiles couronnent sa tête », Apocalypse 12, 1. Marie est la Reine la plus illustre par sa gloire, ce que signifie bien le Prophète dans le psaume qui concerne spécialement le Christ et la Vierge Marie, où l’on dit d’abord au sujet du Christ : « Ton trône, ô Dieu, dans les siècles des siècles », et un peu plus loin au sujet de la Vierge : « La Reine s’est tenue à ta droite », c’est-à-dire à la place d’honneur, ce qui s’applique à sa gloire spirituelle. Puis : « dans son vêtement d’or », Psaume 44, 7 et 10, qui représente le vêtement de l’immortalité glorieuse, qui fut attribuée à la Vierge dans Son Assomption. Car on ne peut accepter que ce vêtement dont le Christ fut couvert, et qui en outre fut parfaitement sanctifié ici-bas par le Verbe incarné, devienne la pâture des vers. De même qu’il a convenu au Christ de donner à sa Mère la grâce en plénitude dans sa conception, ainsi a-t-il convenu qu’il attribuât la plénitude de la gloire en l’Assomption de cette Mère. Et c’est pourquoi il faut affirmer que la Vierge, glorieuse dans son âme et dans son corps, trône auprès de son Fils.

Marie Reine est encore dispensatrice de la grâce, ce qui fut signifié dans le livre d’Esther, où il est dit : « C’est la petite source qui devient un fleuve et s’est transformée en lumière et en soleil », Esther 10, 6. La Vierge Marie, sous la figure d’Esther, est comparée à la diffusion de la source et de la lumière, à cause de la diffusion de la grâce quant à son double fruit : l’action et la contemplation. Car la grâce de Dieu, qui guérit le genre humain, descend jusqu’à nous à travers elle comme par un aqueduc, parce que la dispensation de la grâce appartient à la Vierge non pas par mode de principe, mais par mode de mérite. Par son mérite, donc, la Vierge Marie est la Reine très éminente, par rapport au peuple, puisqu’elle obtient le pardon, triomphe dans le combat et distribue la grâce, et par suite, conduit jusqu’à la gloire.

Homélie de Saint Bonaventure, évêque (Sermon sur la Dignité Royale de la Bienheureuse Vierge Marie



samedi 28 juin 2014

La prière du Christ, P. Édouard Pousset, s.j.


29 juin S. Pierre et S.Paul

Dans la prière du Christ, il est question de nous, explicitement, en deux circonstances qui nous concernent très directement : le choix des apôtres et la question que Jésus pose à Pierre : Et vous, qui dites-vous que je suis ?  C’est-à-dire la confession de foi.
Il a été question de nous dans la prière du Christ, de chacun, comme dans cette visite de Jésus à Capharnaüm où on lui amenait tant de malades : Et lui, imposant les mains à chacun d’eux, Il les guérissait, Lc 4,40.  Jésus veille sur chacun.

Il a été question de chacun de nous dans la prière du Christ, dans l’entretien du Fils avec le Père. Notre être a été recréé au baptême, puis consacré par un appel, notre vocation a germé dans la sainte Trinité. Saint Luc nous rapporte le choix des douze :  - En ces jours-là, Jésus s’en alla dans la montagne pour prier, et il passa toute la nuit à prier Dieu. Le jour venu, il appela ses disciples et en choisit douze auxquels il donna le nom d’Apôtres, Lc 6, 12-13. Dans un autre texte de st Jean, Jésus  dit : - Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis, Jn 15,16. Et il s’en alla dans la montagne pour prier. Et il passa une nuit à prier Dieu.

Aujourd’hui, nous nous sentons tous dans la précarité. La condition humaine a toujours été précaire. Nous sommes précaires. Si l’étoile du matin, comme dit Isaïe, Is 14,12, est tombée du ciel, pourquoi nous-mêmes ne tomberions-nous pas ? Eh bien non. Il n’y a pas de danger, parce que nous sommes dans la prière du Christ.

Demandons aux paroles de l’Évangile de façonner notre foi. Elles le peuvent. Si une parole de l’Écriture nous frappe, elle crée à l’instant même dans notre être ce qu’elle dit à notre intelligence. Pourquoi aurions-nous la moindre inquiétude ? Le Christ a prié pour nous. Puisque nous sommes dans la prière du Christ, nous y restons. Puisque nous sommes dans l’entretien du Fils avec le Père, nous sommes tenus. Et ce n’est pas seulement notre destinée éternelle qui est sûre, c’est aussi le temps présent que nous vivons. Vivre dans la foi, c’est vivre en paix.
Dieu scrute nos cœurs. Dieu ne peut pas nous dispenser d’être hommes et d’être fils de Dieu. Il attend que nous lui disions oui, comme quelque chose qui va de soi, en grande simplicité. Dieu passe son temps à préparer cet instant dans nos vies. Dieu nous attend pour nous consumer dans le feu qu’il est, en un instant, flamme vive pour l’éternité. Il nous aide avec patience et longtemps à porter nos fardeaux, jusqu’au moment choisi où Il nous change en un enfant du Royaume qui dit oui, tout simplement.
De cette confirmation de notre foi et de notre espérance, il a été question dans la prière du Christ. Un jour qu’il priait à l’écart, ses disciples étant avec Lui, Il les interrogea : - Au dire des foules, qui suis-je ? … Et puis Jésus leur demanda : - Mais pour vous, qui suis-je ? Pierre alors répondit : - Le Christ, le Messie de Dieu, Lc 9, 18-20. Voilà, c’est la confirmation d’une vocation.

Dans le commencement d’une vie religieuse se produit une première conversion, la conversion à la générosité, et ce n’est pas rien. La seconde conversion intervient quand on a à répondre à cette question : Qui dites-vous que je suis ? Rappelons-nous la rencontre de Pierre avec Jésus Ressuscité. Après lui avoir demandé par trois fois : - M’aimes-tu ? Jésus lui dit : - Suis-moi. S’étant retourné, Pierre aperçoit, marchant à leur suite, le disciple que Jésus aimait. Et Pierre dit à Jésus : - Et lui, Seigneur, que lui arrivera-t-il ? Jésus lui répond : - Si je veux qu’il demeure jusqu’à ce que je vienne, que t’importe ? Toi, suis-moi. 
C’est dans une très longue prière du Seigneur que se gagne, dans l’entretien avec son Père, la liberté d’un homme. Vient le temps où cette liberté se décide, et elle passe tout simplement du côté de Dieu. Tout l’avenir est engagé. C’est à cela que Dieu travaille. Quand cela arrive, tout est sûr, depuis maintenant et pour toujours. Tout dépend de Dieu, et on s’aperçoit que tout a toujours dépendu de Dieu, depuis notre conception dans le sein de notre mère, et même depuis toujours, il a été question de nous dans l’entretien des trois Personnes divines. Voilà… C’est simple la vie – et c’est beau.

 

samedi 7 juin 2014

Saint Grégoire le Grand (540-604)
                      64èmepape, docteur et Père de l'Église d'occident.
 
 
L’Esprit Saint et la connaissance de Dieu

-          L’ouverture des sens

Par le don de l’Esprit, Dieu répand dans tous les hommes sa connaissance. Nos sens ne sont pas naturellement ouverts aux choses de Dieu. Il faut le vent violent de la Pentecôte, Ac 2,2, pour briser notre surdité et notre insensibilité aux choses de Dieu. Outre la Pentecôte historique dont parle les Actes des Apôtres, il est une pentecôte intérieure et toute personnelle qui se passe sans témoin dans le cœur du croyant. Entendre la voix du Seigneur, c’est percevoir en soi l’inspiration de sa grâce, c’est-à-dire le Souffle de l’Esprit. Alors notre cœur est pénétré d’une force intérieure qui l’incite à l’amour de Dieu. En recevant l’Esprit Saint, les Apôtres ont été introduits dans la pensée de Dieu. Il peut arriver que l’Esprit se fasse pour l’âme petit ruisseau ou torrent.

-          Le don de la Parole

L’Esprit s’est manifesté à la Pentecôte sous le symbole des langues de feu. Celui qui est touché par la langue de feu de l’Esprit confesse le Verbe de Dieu, le Fils unique. Personne ne peut dire que Jésus est Seigneur, si ce n’est par l’Esprit Saint, 1Co 12, 3. Quand Pierre voit le Seigneur transfiguré, il reçoit la consigne de n’en rien dire avant la résurrection, Mt 17, 8. Pour pouvoir parler du Christ avec autorité, l’apôtre doit avoir reçu l’intelligence du mystère que donne l’Esprit Saint. Ce n’est pas une sagesse humaine qui peut pénétrer les mystères de l’Incarnation. Il faut la puissance de l’Esprit.

-          L’écoute de la Parole

Quand un homme parle de Dieu à d’autres, l’Esprit est là en celui qui parle comme en celui qui écoute, à la mesure de la disponibilité intérieure de celui qui parle et de celui qui écoute. Pourquoi les auditeurs comprennent-ils différemment ce qu’exprime une voix unique ? C’est que, par le moyen de ce qui est adressé à tous, le Maître intérieur instruit certains d’une manière toute spéciale. Le bruit de la voix n’enseigne rien si l’esprit de l’auditeur n’est pas oint de l’Esprit Saint. Les prédicateurs sont les coopérateurs de Dieu, et tandis que le prédicateur agit à l’extérieur par son ministère d’exhortation, Dieu agit intérieurement par Son Esprit : Celui qui plante n’est rien… C’est Dieu qui donne la croissance, c’est Dieu, par sa grâce intérieure, qui ouvre invisiblement l’accès du cœur.

Lire l’Écriture ou écouter les prédicateurs ne suffit pas pour changer de vie. Il ne faut pas compter sur ses propres forces, mais tout attendre du don de l’Esprit. Cette attente n’est pas une attitude paresseuse ou purement passive. L’enseignement des hommes est le plus souvent indispensable pour qu’agisse l’Esprit.

-          La connaissance et l’Amour

À la Pentecôte, l’Esprit a rendu les apôtres ardents et éloquents, il les a embrasés et les a faits parler. Ceux qui sont remplis de l’Esprit aiment les réalités célestes dont ils parlent. Même ce que nous ne comprenons pas encore pleinement, nous pouvons déjà l’aimer du fond du cœur, parce que nous avons reçu le gage de l’Esprit. L’amour précède en quelque sorte la connaissance. Quand se répand le feu de l’amour, c’est que le cœur aussi est atteint comme l’intelligence, et alors plus rien n’a vraiment d’importance pour l’homme que Dieu. On ne comprend bien les choses de Dieu que si on va jusqu’à les aimer et tout cela vient de l’Esprit Saint.

-          La connaissance, mesure de l’amour

On ne peut aimer que ce que l’on connaît et, comme ici-bas on connaît les choses de Dieu par la foi, on ne peut aimer que ce qu’on croit. La foi précède la charité. L’esprit ne voit pas parfaitement ce qu’il aime, il ne fait que commencer à le voir. C’est pourquoi la vie présente dans la foi est une vie de désir. Quand on a commencé à connaître Dieu par la foi, on aspire à le voir face à face.

samedi 19 avril 2014

Saint Irénée, Homélie pour la première semaine de Pâques

Saint Irénée (2ème siècle)
Né à Smyrne [Grèce], 2ème évêque de Lyon, théologien etPère de l'Église. Contre les hérésies III,24,1.

Homélie pour la première semaine de Pâques

Après que notre Seigneur fut ressuscité des morts, et que les apôtres eurent été revêtus de la force d'en haut par la venue de l'Esprit-Saint, ils furent remplis de certitude au sujet de tout et ils possédèrent la connaissance parfaite. Et c'est alors qu'ils s'en allèrent jusqu'aux extrémités de la terre, proclamant la bonne nouvelle des biens qui nous viennent de Dieu et annonçant aux hommes la paix céleste. Ils avaient tous ensemble, et chacun pour son compte, l'Évangile de Dieu.
Ainsi Matthieu publia-t-il chez les hébreux, dans leur propre langue, une forme écrite d'Évangile, à l'époque où Pierre et Paul évangélisaient Rome et y fondaient l'Église. Après la mort de ces derniers, Marc, le disciple et l'interprète de Pierre, nous transmit, lui aussi par écrit, ce que prêchait Pierre. De son côté, Luc, le compagnon de Paul, consigna en un livre l'Évangile que prêchait celui-ci. Puis Jean, le disciple du Seigneur, celui-là même qui avait reposé sur sa poitrine, publia, lui aussi, l'Évangile, tandis qu'il séjournait à Éphèse, en Asie

Cette foi que nous avons reçue de l'Église, nous la gardons avec soin, car sans cesse, sous l'action de l'Esprit de Dieu, telle un dépôt de grand prix renfermé dans un vase excellent, elle rajeunit et fait rajeunir le vase même qui la contient. C'est à l'Église elle-même, en effet, qu'a été confié le "Don de Dieu", comme l'avait été le souffle à l'ouvrage modelé, afin que tous les membres puissent y avoir part et être par là vivifiés ; c'est en elle qu'a été déposée la communion avec le Christ, c'est-à-dire l'Esprit-Saint, arrhes de l'incorruptibilité, confirmation de notre foi et échelle de notre ascension vers Dieu. Car "dans l'Église, est-il dit, Dieu a placé des apôtres, des prophètes, des docteurs" et tout le reste de l'opération de l'Esprit.
De cet Esprit s'excluent donc tous ceux qui, refusant d'accourir à l'Église, se privent eux-mêmes de la vie par leurs doctrines fausses et parfois leurs actions dépravées.

Là où est l'Église, là est aussi l'Esprit de Dieu. Là où est l'Esprit de Dieu, là est aussi l'Église et toute grâce. Et l'Esprit est Vérité.

 

dimanche 13 avril 2014

Hymne à la nuit pascale

Nuit claire plus que le jour
Nuit lumineuse plus que le soleil
Nuit blanche plus que la neige
Nuit brillante plus que l’éclair
Nuit radieuse plus que des flambeaux
Nuit charmante plus que le Paradis.

Nuit délivrée des ténèbres
Nuit saturée de lumière.

Nuit chassant le sommeil
Nuit enseignant la veille avec les anges.


Nuit frayeur des démons
Nuit désir de l’année.
Nuit escorte nuptiale de l’Église
Nuit mère des nouveaux baptisés


Nuit où le diable assoupi est dépouillé
Nuit où l’Héritier a emmené l’héritière à son héritage.


Astérius d'Amasée (4ème siècle)
Ancien rhéteur devenu évêque d'Amasée [Turquie].
Homélies sur le Ps 5, p. 40,436, traduction L. Fritz, A. Failler.

lundi 7 avril 2014

Bienheureux Jean-Paul II, Libérés de la mort


Libérés de la mort

La demande qui monte du cœur de l’homme dans sa suprême confrontation avec la souffrance et la mort, spécialement quand il est tenté de se renfermer dans le désespoir et presque de s’y anéantir, est surtout une demande d’accompagnement, de solidarité et de soutien dans l’épreuve. C’est un appel à l’aide pour continuer d’espérer, lorsque tous les espoirs humains disparaissent.

C’est en face de la mort que l’énigme de la condition humaine atteint son sommet pour l’homme, et pourtant, c’est par une inspiration juste de son cœur qu’il rejette et refuse cette ruine totale et ce définitif échec de sa personne. Le germe d’éternité qu’il porte en lui, irréductible à la seule matière, s’insurge contre la mort.
Cette répulsion naturelle devant la mort est éclairée, et ce germe d’espérance en l’immortalité  est accompli par la foi chrétienne… La certitude de l’immortalité future et l’espérance de la résurrection promise projettent une lumière nouvelle sur le mystère de la souffrance et de la mort. Elles mettent au cœur du croyant une force extraordinaire pour s’en remettre au dessein de Dieu.

jeudi 27 mars 2014

Saint Théodore le Studite, Tenez vos lampes allumées

Saint Théodore le Studite (759-826)


Théodore est né dans une noble famille de Constantinople. Noble et pieuse, puisque tout un pan de la famille est entré au couvent, Théodore compris, dans un petit monastère d'Asie Mineure dirigé par un oncle. Théodore est supérieur du monastère quand l'empereur répudie sa femme légitime et épouse religieusement sa maîtresse, une parente de la pieuse famille. Théodore et ses moines réprouvent publiquement ce mariage : premier exil. Théodore a 37 ans. Les choses se tassent avec un changement d'empereur. Entre-temps, des raids arabes ont chassé les moines byzantins d'Asie Mineure. Théodore se retrouve à la tête d'un monastère de Constantinople, le Stoudios. Habité par un ardent désir de retrouver la pureté du monachisme primitif et de redonner à la vie communautaire ses lettres de noblesse, Théodore fait du Stoudios le centre d'une réforme monastique. Dans les Catéchèses qu'il adresse chaque jour à ses frères, il exalte l'obéissance et la fidélité au devoir quotidien. La vie paisible du cloître ne durera pas longtemps. L'empereur Léon V reprend la politique des empereurs du siècle précédent et met hors la loi les images saintes. Théodore devient l'âme de la résistance Il passera le restant de sa vie dans un exil douloureux. Le règlement du Stoudios, tel qu'il l'a établi, servira de règle à un grand nombre de monastères orientaux

Tenez vos lampes allumées
Il y a un temps pour les semailles et un temps pour la moisson, un temps pour la paix et un temps pour la guerre, un temps pour le travail et un temps pour le loisir.  Mais pour le salut de l'âme, tout moment est propice, et toute journée est favorable, si du moins nous le voulons. Ainsi donc, soyons toujours en mouvement vers le bien, faciles à mouvoir, mettant la Parole en actes.
C'est toujours le temps de la prière, le temps de la réconciliation après les fautes, le temps de ravir le Royaume des cieux. Voici l'époux, dit l'Évangile, sortez à sa rencontre. Et les vierges sages sont allées à sa rencontre avec des lampes brillantes et elles sont entrées pour les noces ; tandis que les vierges folles retardées par l'absence de bonnes œuvres criaient :

- Seigneur, Seigneur, ouvre-nous ! 
Mais il a répondu : - En vérité, je vous le dis, je ne vous connais pas.

Et il ajoute : - Veillez donc car vous ne savez ni le jour ni l'heure.

Il faut donc veiller et éveiller l'âme à la sobriété, à la sainteté, à la purification, à l'illumination, pour éviter que la mort ne nous ferme la porte. Qu'ils sont heureux les serviteurs que le Maître, à son retour, trouvera vigilants.
Pour moi qui suis ton serviteur indigne, Dieu, veuille m'éveiller du sommeil de mon indolence. Fait brûler en moi le feu de Ton Amour divin ; que grandisse sans cesse au-dedans de moi mon désir de répondre à ton infinie tendresse. Ah! S'il m'était donné de pouvoir tenir à longueur de nuit ma lampe allumée et ardente dans Ton temple, Seigneur ! Si elle pouvait éclairer tous ceux qui pénètrent dans la maison de mon Dieu !

Seigneur, accorde-moi cet amour qui se garde de tout relâchement, que je sache tenir toujours ma lampe allumée, sans jamais la laisser s'éteindre ; qu'en moi elle soit lumière pour mon prochain.

Ô Christ, daigne allumer toi-même nos lampes, toi notre Sauveur, fais-les brûler sans fin dans ta demeure, et recevoir de Toi, une lumière indéfectible,  éternelle. Que ta lumière dissipe nos propres ténèbres, et que par nous elle fasse reculer les ténèbres du monde.

Seigneur Jésus, allume ma lampe à Ta propre lumière. Qu'à Ta lumière je ne cesse de Te voir, de tendre vers Toi tout mon être. Alors, dans mon cœur, je ne verrai que Toi seul, et en Ta présence, ma lampe sera toujours allumée et ardente.

Daigne répandre en nous assez de Ton amour pour que nous aimions Dieu comme il convient. Que Ton amour nous possède tout entiers, pour que nous ne sachions plus rien aimer sinon toi, qui est éternel. Qu'en nous se réalise comme tu veux ce progrès de l'amour par ta grâce, Seigneur Jésus Christ, à qui est la gloire dans les siècles des siècles. Amen.

Oraison de saint Colomban
Seigneur Jésus, allume ma lampe à ta propre lumière. Qu'à ta lumière je ne cesse de te voir, de tendre vers Toi mon regard et mon désir. Alors, dans mon cœur, je ne verrai que Toi seul, et en Ta présence ma lampe sera toujours allumée et ardente.

vendredi 21 mars 2014

J. Besset, La samaritaine, St Jean 4,1-42

La Samaritaine   Jn 4,1-42
 
Par le seul fait d’avoir suscité un bref espoir Jésus a ranimé en elle sa capacité à exprimer des désirs. Le désir s’appuie sur une possibilité de dépassement et cela aide à exister. Il lui montre qu’il y a réellement d’autres valeurs que celles qu’elle a cherchées à atteindre jusqu’à maintenant. Il ne lui conseille pas d’accepter de vivre son sort avec résignation en lui parlant d’un bonheur futur au paradis, mais il l’encourage à vivre maintenant et à se dépasser maintenant. C’est d’ailleurs ce qu’elle fait puisqu’elle plante là sa cruche et qu’elle va ameuter la ville en plein midi.

Jésus est entré en relation avec elle sans établir de distance entre elle et lui. Il n’a fait état ni de sa supériorité masculine à lui, ni de sa déchéance féminine à elle. Même s’il lui a bien montré qu’il connaît tout de son passé peu glorieux, cela n’a établi aucune distance entre eux. Cette simple attitude suffit à éveiller en elle de l’espoir parce qu’il l’a considérée comme une femme normale. Elle se met alors à rassembler du monde, hors de la ville et hors de la sieste pour leur dire que la seule valeur qui compte dans la vie c’est celle que l’on reçoit de Dieu.

La vie spirituelle que propose Dieu n’est pas forcément liée à l’austérité religieuse dans laquelle, rites et prières prendraient force d’habitude en dominant les frustrations. La vie spirituelle consiste à introduire Dieu dans le quotidien de la vie, à lui offrir nos espoirs et nos peines, à lui faire partager nos frustrations pour qu’il nous aide à les dépasser, car Dieu ne se rencontre que dans le dépassement de soi.

Si la femme a oublié sa cruche c’est qu’elle a déjà dépassé l’intérêt pour la vie matérielle où elle était, si elle va chercher les villageois c’est qu’elle a dépassé les conventions sociales qui l’ont enfermée dans sa situation. Elle est désormais prête à se battre pour la vie.

« Venez-voir l’homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait ! » Mais qu’a-t-elle fait la pauvrette ? Elle n’a rien fait. Elle a bien essayé de faire, mais à chaque tentative elle n’a rencontré que des échecs. Elle a compris qu’elle ne pouvait pas rester enfermée dans ses échecs. Alors que rien n’avait encore changée dans sa vie, elle a compris que tout désormais pouvait changer, et elle le fait partager aux autres, car elle se met à considérer les choses autrement. Dieu s’est révélé à elle comme le Dieu de l’ouverture et non de l’enfermement. Qu’est-ce qui a alors changé en elle ? rien et pourtant tout a changé. N’est-ce pas cela l’action du Christ en nous ? N’est-ce pas déjà cela le Royaume ?
http://jbesset.blogspot.fr/2011/03/la-samaritaine-jean-45-42-comme-dans.html


 

mardi 11 mars 2014

Saint Grégoire de Nysse, la source jaillit et se révèle

                  Matthieu 17,1-13


Saint Grégoire de Nysse (335-395) affirme que la vie spirituelle est croissance, dynamisme et mouvement. Parce qu'aucune limite n'est assignable à Dieu, la quête de Dieu est chemin infini, dont le parcours ne suscite ni fatigue, ni lassitude. II décrit l'âme relancée d'instant en instant en avant par l'Epoux qui l'interpelle: "Lève-toi, viens",invitée sans cesse à passer outre. Car la perfection ne connaît pas de terme, elle est progrès continuel, transformation de "gloire en gloire", comme dit St Paul 2 Co 3,18. II s'agit donc, selon la formule de Grégoire,"d’aller de commencement en commencement par des commencements qui n'ont jamais de fin » :

«Supposons que quelqu’un s’approche de cette source qui, au dire de l’Ecriture, montait de la terre aux origines et dont l’abondance était telle qu’elle se répandait sur toute la surface de la terre. Celui qui s’approchera d’une telle source admirera cette eau infinie qui ne cesse de jaillir et de se répandre. Mais il ne saurait dire qu’il a vu toute l’eau : comment pourrait-il voir ce qui est encore caché dans le sein de la terre ? Aussi longtemps, par la suite, qu’il reste près de la source, il en sera toujours aux commencements de sa contemplation de l’eau. Car l’eau ne cesse de se répandre et de toujours recommencer à jaillir.
Ainsi en est-il de qui regarde vers la beauté divine et sans limite: ce qu’il découvre sans cesse se manifeste à lui comme étant absolument nouveau et étonnant par rapport à ce qui est déjà saisi ; aussi admire-t-il ce qui à chaque instant se révèle à lui et ne cesse-t-il jamais de désirer davantage, car ce qu’il attend est encore plus magnifique et plus divin que ce qu’il a vu. C’est pourquoi, ici également, l’Épouse, tout en ne cessant d’être dans l’admiration et l’étonnement de ce qu’elle découvre, jamais n’arrête à ce qu’elle a ainsi découvert le désir qu’elle a de Celui qu’elle contemple. À cause de tout cela, même maintenant, elle perçoit le Verbe comme frappant encore à la porte et, dans son obéissance, elle se lève et dit : “La voix de mon Bien-Aimé frappe à la porte”, Cant. 5, 2a» .
Onzième homélie sur le Cantique, trad. Adelin Rousseau).

vendredi 7 mars 2014

Saint Augustin, charte de la paix, la cité de Dieu


Charte de la Paix


La Cité de Dieu 19, 12






De même que tous désirent la joie, il n’est personne qui n’aime la paix. Puisque même ceux-là qui veulent la guerre ne veulent rien d’autre assurément que la victoire, c’est donc à une paix glorieuse qu’ils aspirent à parvenir en faisant la guerre. Qu’est-ce que vaincre, en effet, sinon abattre toute résistance ? C’est donc en vue de la paix que se font les guerres, et cela même par ceux qui s’appliquent à l’exercice des vertus guerrières dans le commandement et le combat.

Tout homme cherche la paix même en faisant la guerre,

et nul ne cherche la guerre en faisant la paix.

La Paix du corps, c’est l’agencement harmonieux de ses parties.
La Paix de l’âme sans raison, c’est le repos bien réglé de ses appétits.
La
Paix de l’âme raisonnable, c’est l’accord bien ordonné de la pensée et de l’action.
La
Paix de l’âme et du corps, c’est la vie et la santé bien ordonnées de l’être animé.
La
Paix de l’homme mortel avec Dieu, c’est l’obéissance bien ordonnée dans la foi sous la loi éternelle.
La
Paix des hommes, c’est leur concorde bien ordonnée.
La
Paix de la maison, c’est la concorde bien ordonnée de ses habitants
dans le commandement et l’obéissance.
La
Paix de la cité, c’est la concorde bien ordonnée des citoyens
dans le commandement et l’obéissance.
La
Paix de la cité céleste, c’est la communauté parfaitement ordonnée
et parfaitement harmonieuse dans la jouissance de Dieu
et dans la jouissance mutuelle en Dieu.
La
Paix de toutes choses, c’est la tranquillité de l’ordre.
L’ordre, c’est la disposition des êtres égaux et inégaux, désignant à chacun la place qui lui convient.

lundi 17 février 2014

Pseudo-Macaire, les lampes allumées au feu de l'Esprit saint


Les lampes innombrables qui brûlent ont toutes été allumées au même feu, c’est-à-dire que toutes, elles ont été allumées et brillent sous l’action d’une seule et même substance. Ainsi, les chrétiens resplendissent sous l’action du feu divin, le Fils de Dieu.
Leurs lampes allumées se trouvent au fond de leur cœur et brillent en sa Présence, pendant le temps qu’ils passent sur la terre, tout comme lui-même resplendit. L’Esprit ne dit-il pas : « C’est pour cela que Dieu t’a oint d’une huile d’allégresse » Ps 45,8 ? Il a été appelé oint,  afin que, recevant l’onction de la même huile dont il a été oint, nous puissions nous aussi être appelées des « christs », étant de la même nature et formant avec lui un seul corps. Il est écrit également : « Celui qui sanctifie et ceux qui sont sanctifiés forment un seul tout », Heb, 2,11.
Pseudo-Macaire, Grande Lettre, PG 34,772, in Olivier Clément, La vocation de l’homme, p. 106-107.

mercredi 12 février 2014

St Cyrille et méthode, deux patrons de l'Europe, 14 février

 
                                Act. 13,46-49. / Ps 117(116),1.2. / Lc 10,1-9
 

Le 14 février, c'est la fête de deux patrons de l’Europe, saint Cyrille et saint Méthode, deux frères originaires de Byzance, qui furent au IXème siècle, apôtres des Slavons.

L’Eglise nous invite à nous imprégner de l’urgence de la mission ; ou plus fondamentalement encore : afin de nous rappeler la dimension essentiellement missionnaire de toute vie chrétienne. Comme il le fit pour ses apôtres, Jésus appelle à lui ses disciples pour « être avec lui et pour les envoyer prêcher », Mc 3, 14. L’un ne va pas sans l’autre. Le baptême à la fois nous incorpore au Christ, et fait de nous des « Envoyés ».

Les deux actions sont accomplies dans le même Esprit qui accompagne tout le mouvement de l’incarnation rédemptrice. L’exhortation de Jésus résonne comme un dernier « briefing » de volontaires, prêts à partir pour une « mission impossible » :

« Allez ! Je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups ». Des équipes de deux, pas plus, car « les ouvriers sont peu nombreux ». La prudence n’exigerait-elle pas dès lors d’attendre que les disciples soient en plus grand nombre ? Réponse : « “La moisson est abondante” et ne peut attendre : la récolte risquerait d’être perdue. Votre engagement résolu dans la mission que je vous confie incarnera votre prière au Père, lui demandant “d’envoyer des ouvriers pour sa moisson” ». Le sang des martyrs, constatait déjà Tertullien, est la semence des chrétiens. Dieu ne se laisse pas vaincre en générosité, et donne à son Eglise tout ce dont elle a besoin dans la mesure même de son engagement au service du Royaume : « Cherchez d’abord le Royaume, et le reste vous sera donné par surcroît : le Père sait ce dont vous avez besoin », Mt 6, 32-33.

... Aurions-nous perdu le zèle missionnaire ? N’avons-nous pas su entretenir le Feu de l’Esprit ? Le Seigneur ne saurait permettre qu’il s’éteigne, mais reconnaissons que la Flamme étouffe sous un monceau de cendres d’indifférence. Il est urgent de souffler sur les braises de notre baptême afin que se lèvent les apôtres du troisième millénaire que nous ont mérités les innombrables martyrs du XXème siècle, eux qui ont si généreusement mêlé leur sang à celui du Christ pour en féconder notre terre.

Et quelle est la mission des témoins de l’Evangile ? Le programme pastoral est celui de l’Eglise de tous les temps. Saint Paul l’écrivait déjà aux chrétiens de Corinthe : « Ce que nous proclamons, ce n’est pas nous-mêmes » (ou quelque doctrine que nous aurions « bricolée » à partir de diverses traditions, saupoudrée de christianisme) ; c’est ceci : « Jésus Christ est Seigneur, et nous sommes vos serviteurs, à cause de Jésus ».

Sommes-nous encore conscients de la grandeur de ce ministère que dans sa miséricorde, Dieu nous a confié ? Face à un monde qui cherche à nous culpabiliser sur certaines actions historiques de l’Eglise, « nous n’avons aucun motif de honte » : nous savons fort bien que « nous portons en nous ce trésor de la Révélation comme dans des poteries sans valeur ». Les erreurs du passé ne doivent pas nous empêcher de « manifester la vérité » ; bien plus : nous ne pouvons pas nous taire, car Dieu a « fait resplendir dans nos cœurs la connaissance de sa gloire qui rayonne sur le visage du Christ », et cette connaissance est destinée à tous.

Oui « le règne de Dieu s’est fait tout proche de nous » en Jésus Christ notre Seigneur. « Adorons-le éblouissant de sainteté. De jour en jour proclamons son salut ; racontons à tous les peuples sa gloire, à toutes les nations ses merveilles », Ps 95 [96]).

Père Joseph-Marie Verlinde

jeudi 30 janvier 2014

Le sel, la lampe et la ville, Mt 5,13-16

Voici donc le sel, puis la lampe et la ville.
Trois images communes.
Trois vérités proclamées.
Trois exigences à vivre.

                 Matthieu 5,13-16


Le sel est connu à tous les niveaux du monde entier.
À toute nourriture, il donne goût et saveur, Jb 6,6.
Il assainit, conserve, vivifie.
On connaît bien sa symbolique biblique.
il figure la sagesse, exprime l’amitié,
traduit partout l’animation, la joie fraternelle, la vie, Col 4,6.

Il s’agit donc tout d’abord
de rester dans ce monde sans être de ce monde, Jn 17,15;
...
Nous avons à communiquer à la terre la saveur du Royaume !
Nous devons révéler au monde les secrets de la sagesse de Dieu, 1 Co 2,6-13 !
Car nous sommes porteurs d’une parole. La Parole de Dieu
qui est le sel de la vie.
Mais si le sel s’affadit, avec quoi salera-t-on ? Mt 5,132.

Vous êtes la lumière du monde, Mt 5,14.
La deuxième image employée par Jésus
est celle de la lampe que l’on n’allume pas
pour la mettre sous le boisseau,
mais bien sur le lampadaire afin qu’elle éclaire
tous ceux qui sont dans la maison ,5,15.

...
Avec saint Augustin, nous devons commencer par le reconnaître :
«Avoue que toi-même tu n’es pas la lumière...
La lumière que j’ai ne vient pas de moi.
C’est une lumière participée qui me vient toute de toi, mon Dieu» .
L’Église elle-même n’est pas la lumière,
mais le reflet de Sa lumière.
C’est «le Christ», dit le Concile, dans Lumen Gentium justement,

Mais c’est, avant toute chose, la lumière de l’amour.
Ce qu’avec le prophète Isaïe on pourrait appeler
le pur rayonnement de la vraie charité :
Alors ta lumière jaillira comme l’aurore...
Ta lumière se lèvera dans les ténèbres
et ta nuit sera comme la lumière du plein midi, 58,8-10.
Voilà où réside la véritable illumination du monde.
Dans ce rayonnement de clarté qui jaillit des actes de pur amour.
À ce signe, tous vous reconnaîtront pour mes disciples, nous dit le Christ,
à l’amour que vous aurez les uns pour les autres, Jn 13,35.
La visibilité de la communauté est celle du bien qu’elle fait.
C’est parce qu’ils ont pu dire : «Voyez comme ils s’aiment»
que l’entourage des premiers chrétiens a pu reconnaître au milieu d’eux la présence du Christ.
Et que beaucoup, à l’appel de cette lumière, Ac 2,42-47 ; 6,7 ; Ph 2,15 ; 1 Th 5,5-8,
sont devenus chrétiens à leur tour.
Là où est l’amour, là est Dieu, est-il écrit, 1 Jn 4.7.
C’est donc bien notre amour qui est lumière de Dieu !

La troisième image est la plus brièvement mentionnée.
Elle n’est pas pour autant la moins belle.
C’est celle de la ville sise au sommet d’un mont
et qui ne peut être cachée, Mt 5,14.
À première vue, le rapprochement avec la lumière peut paraître étonnant.
Le voyageur égaré en pleine nature dans la nuit
comprend vite pourtant ce que peut représenter
pour tous ceux qui marchent ou errent au loin, dans la campagne,
toutes ces lampes ainsi allumées d’une ville haute habitée.

Oui, le sel de la terre que peuvent devenir nos vies
salées par le feu de la parole de Dieu, Mc 9,49 ;
la lumière du monde que peuvent être nos liturgies
éclairée par l’amour fraternel et la foi rayonnante, Ph 2,15 ;
la ville haute que peuvent représenter nos communautés
élevées dans l’unité en messagères de paix, Ph 4,4-9 ;
tout cela n’a qu’un but : la gloire de Dieu !
Alors, nous dit Jésus, en voyant ce que vous faites de bien,
les hommes rendront gloire à votre Père qui est aux cieux.

Frère Pierre-Marie, St Gervais, Paris

lundi 27 janvier 2014

Sophrone de Jerusalem, lumière pour éclairer les nations, St Luc 2,22-40

Saint Luc 2,22-40 ... Lumière pour éclairer les nations

« Si nos cierges procurent un tel éclat,
c'est d'abord pour montrer la splendeur divine
de Celui qui vient »
Sophrone de Jérusalem.
 
« Allons à la rencontre du Christ, nous tous qui honorons et vénérons son mystère avec tant de ferveur, avançons vers lui dans l'enthousiasme ! Que tous sans exception participent à cette rencontre, que tous sans exception y portent leurs lumières. Si nos cierges procurent un tel éclat, c'est d'abord pour montrer la splendeur divine de Celui qui vient, qui fait resplendir l'univers et l'inonde de lumière éternelle en repoussant les ténèbres mauvaises ; c'est aussi et surtout pour manifester avec quelle splendeur de notre âme, nous-mêmes devons aller à la rencontre du Christ. De même, en effet, que la Mère de Dieu, la Vierge Très Pure, a porté dans ses bras la véritable lumière à la rencontre de ceux qui gisaient dans les ténèbres ; de même nous, illuminés par ses rayons et tenant en mains une lumière visible pour tous, hâtons-nous vers celui qui est vraiment la lumière. C'est évident : puisque la lumière est venue dans le monde et l'a illuminé alors qu'il baignait dans les ténèbres, puisque le Soleil levant qui vient d'en haut nous a visités, ce mystère est le nôtre. C'est pour cela que nous avançons en tenant des cierges, que nous accourons en portant des lumières, afin de signifier la lumière qui a brillé pour nous, mais aussi afin d'évoquer la splendeur que cette lumière nous donnera. Courons donc ensemble, allons tous à la rencontre de Dieu. Cette lumière véritable, qui éclaire tout homme venant en ce monde, voici qu'elle vient. Soyons-en tous illuminés, mes frères, soyons-en tous resplendissants. Que nul d'entre nous ne demeure, comme un étranger, à l'écart de cette lumière; que nul, alors qu'il en est inondé, ne s'obstine à rester plongé dans la nuit. Avançons tous dans la lumière, tous ensemble, illuminés, marchons à sa rencontre, avec le vieillard Syméon, accueillons cette lumière glorieuse et éternelle. Avec lui, exultons de tout notre cœur et chantons un hymne d'action de grâce à Dieu, Père de la lumière, qui nous a envoyé la clarté véritable pour chasser les ténèbres et nous rendre resplendissants.

Le Salut que Dieu a préparé à la face de tous les peuples et qu'il a manifesté pour la gloire du nouvel Israël que nous sommes, voilà que nous l'avons vu à notre tour, grâce au Christ ; nous avons été aussitôt délivrés de la nuit de l'antique péché, comme Syméon le fut des liens de la vie présente, en voyant le Christ. Nous aussi, en embrassant par la foi le Christ venu de Bethléem à notre rencontre, nous qui venions des nations païennes, nous sommes devenus le peuple de Dieu, car c'est le Christ qui est le Salut de Dieu le Père. Nous avons vu de nos yeux Dieu qui s'est fait chair. Maintenant que la présence de Dieu s'est montrée et que nous l'avons accueillie dans notre âme, nous sommes appelés le nouvel Israël ; et nous célébrons sa venue par une fête annuelle pour ne jamais risquer de l'oublier ».
Homélie de Saint Sophrone, évêque de Jérusalem, † 638 ou 639
Discours 3, sur la fête des Lumières 6.7; texte grec: PG 87-3, 3291-3293)
 
Originaire de Damas, rhéteur distingué, Sophrone ne tarde pas à abandonner le monde pour vivre le monachisme. Il eut tout de même la passion du voyage notamment en Égypte et en Palestine. C’est en Palestine, en 634, qu’il fut élu, tout laïc qu’il était, patriarche de Jérusalem, siège qu’il occupa peu de temps, obligé de céder devant l’envahisseur et livrer sa ville sainte au calife Omar en 637. Dès son intronisation comme patriarche, ce juge de la foi rassemble autour de lui un concile appelé à se pencher sur l’unité de la personne dans le Christ. Au cours de sa longue carrière, Sophrone écrit des vies de saints, des poèmes et prononce quelques homélies.