mardi 24 août 2010

St Augustin, extrait lettre à Proba, la désolation avant la consolation


                 St Augustin

                 fête 28 août

Augustin, évêque, serviteur du Christ et des serviteurs du Christ, à Proba, pieuse servante de Dieu, salut dans le Seigneur des seigneurs

Proba, surnommée Faltonia, de la gens Anicia, était veuve de Probus, l’éternel préfet de la Ville (de Rome), consul en 371. Trois de leurs fils devinrent consuls à leur tour. Après la prise de Rome par les Goths (410), et Proba se réfugia en Afrique comme beaucoup de Romains.





La désolation avant la consolation


5. C’est pourquoi, au sein des ténèbres de cette vie où nous cheminons loin du Seigneur, aussi longtemps que nous avons pour guide la foi et non la vision (cf 2 Co 5,6-7), l’âme chrétienne doit s’estimer abandonnée de peur qu’elle ne cesse de prier. Elle doit apprendre à fixer le regard de la foi sur les Ecritures saintes et divines «comme sur une lampe qui brille en un lieu obscur, jusqu’à ce que le jour commence à poindre et que l’astre du matin se lève dans nos coeurs», 2 P 1,19. Car de cette lampe découle comme d’une source ineffable cette lumière qui brille dans les ténèbres sans que les ténèbres puissent la comprendre, et qui n’est vue que des coeurs purifiés par la foi. «Bienheureux, en effet, ceux qui ont le coeur pur, car ils verront Dieu », Mt 5,8. Et «nous savons que lorsqu’il se manifestera, nous lui serons semblables, car nous le verrons tel qu’il est », 1 Jn 3,2. Alors la vie véritable succédera à la mort et la vraie consolation à la désolation. Cette vie «affranchira notre âme de la mort », cette consolation «tarira les larmes de nos yeux», et parce qu’il n’y aura plus alors de tentation, le psalmiste ajoute, «elle préservera nos pieds de la chute», Ps 114,8. Or s’il n’y a plus de tentation, il n’y aura plus de prière, nous n’aurons plus à attendre de bien promis mais à contempler le bien reçu. Aussi le psalmiste dit : « Je plairai au Seigneur dans la terre des vivants», Ps 114,9 où nous serons alors et non dans le désert des morts où nous sommes à présent. «Car vous êtes morts » dit l’Apôtre, «et votre vie est cachée avec le Christ en Dieu. Quand le Christ apparaîtra, lui qui est votre gloire, alors vous aussi vous apparaîtrez avec lui, pleins de gloire », Col 3,3-4. Voilà cette vie véritable que les riches doivent chercher à saisir par leurs bonnes œuvres. Là aussi est la vraie consolation. Sans elle une veuve reste dans la désolation, même si elle a des enfants et des petits-enfants, qu’elle gouverne sa maison avec piété, et qu’elle cherche à obtenir de tous les siens qu’ils placent leur espérance en Dieu ; j’entends cette veuve qui dit cependant dans sa prière : «Mon âme a soif de toi, après toi ma chair elle-même languit en cette terre déserte, impraticable et sans eau», Ps 62,2, qu’est notre vie toujours près de s’éteindre, quelles que soient les consolations passagères que nous puissions y trouver, quels que soient ceux qui y marchent avec nous, quelle que soit l’abondance de biens dont nous soyons comblés. Car tu sais combien toutes ces choses sont incertaines. Et fussent-elles exemptes d’incertitude, que seraient-elles en comparaison de la félicité qui nous est promise?

6. Je te parle ainsi puisque, veuve riche et noble, mère d’une famille nombreuse, tu m’as demandé ma pensée sur la manière de prier, et afin que malgré ceux qui te restent et t’entourent de leurs soins en cette vie, tu te considères comme abandonnée, tant que tu ne seras pas parvenue à cette vie où se trouve la conso-lation véritable et certaine. Là enfin s’accompliront les paroles de la prophétie: «Nous avons été rassasiés dès le matin par ta miséricorde, nous avons passé tous nos jours dans l’allégresse et la joie. Les jours où nous avons été dans l’humiliation, les années où nous avons connu le malheur, tu nous les as rendus en joie», Ps 89,15.

Saint Augustin extrait de la La lettre à Proba sur la prière de demande et le Notre Père

mardi 17 août 2010

Saint Bernard, Visites du Verbe, Sermon 74 sur le Cantique des Cantiques

SAINT BERNARD DE CLAIRVAUX (1090-1153)
fête 20 août

Bernard est né à Fontaine-lès-Dijon (à quelques kilomètres au nord de Dijon). Si son père est un chevalier de rang modeste, sa mère, Aleth de Montbard, est d'une lignée prestigieuse, tournée tant vers la Bourgogne que vers la Champagne. Troisième de sept enfants, il subit profondément dans son enfance l'influence de sa mère qu'il perd à l'âge de seize ou dix-sept ans. Destiné à être clerc, il reçoit une formation littéraire solide chez les chanoines séculiers de Châtillon-sur-Seine.

Vers l'âge de vingt ans, il décide d'entrer au monastère de Cîteaux, fondé en 1098 par Robert de Molesme au sud de Dijon et où se pratiquait l'ascèse monastique la plus rude, dans un strict retour à la Règle bénédictine, loin des agitations du monde. Il convainc ses frères et ses proches de se « convertir » avec lui. En avril 1112 (ou en mai 1113), Bernard arrive à Cîteaux avec trente compagnons. En juin 1115, il est envoyé fonder en Champagne, avec douze moines, l'abbaye de Clairvaux dans le Val d'Absinthe, au bord de l'Aube, non loin de Troyes. Attaché viscéralement à sa communauté, Bernard reste toute sa vie abbé de Clairvaux, refusant toute autre dignité dans l'Église. Pendant quinze ans, Bernard se consacre au développement de Clairvaux. A sa mort, l'ordre de Cîteaux compte 345 couvents, dont 167 dépendent de Clairvaux même.

Le Verbe aiguise le désir

4. Des mouvements de départ et de retour du Verbe ont effectivement lieu dans l’âme. Jésus Lui-même a dit : “Je m’en vais et je viens vers vous”, Jn 14, 28 et “Encore un peu et vous ne me verrez plus, et puis un peu encore et vous me verrez”, Jn 16, 16. Mais que ce peu dure longtemps ! Mon Seigneur, appelles-tu court ce temps que nous passons sans te voir ? Ce temps est long, beaucoup trop long... Pourtant les 2 sont vrais : il est court si l’on considère nos mérites, et long si l’on tient compte de nos désirs. Nous trouvons ces 2 affirmations chez le Prophète : “S’il tarde à venir, attends-le, car il viendra et ne tardera pas”, Ha 2, 3. Comment peut-il dire à la fois qu’il ne tardera pas et qu’il tarde à venir - sinon parce que ce délai, tout à fait normal en ce qui concerne nos mérites, paraît interminable à nos désirs ? C’est que l’âme qui aime, emportée, soulevée par ses désirs, oublie son peu de mérites, ferme les yeux sur la majesté de Dieu pour les ouvrir sur ses dons et, s’appuyant sur sa grâce, se comporte envers Lui avec une totale assurance. Sans honte pour son audace, elle rappelle le Verbe ; confiante, elle Lui réclame ses douceurs, et avec sa liberté coutumière, Le nomme non pas son Seigneur, mais son Bien-Aimé : “”Reviens, mon Bien-Aimé”, “sois semblable à la gazelle et au faon des biches sur les montagnes de Bethel”, Ct 2, 17.

Les visites de l’Époux

5. Je veux dire comment cela se passe en moi... Je l’avoue, je suis insensé de dire ces choses, 2 Co 11, 21, le Verbe est venu en moi, et plus d’une fois : s’Il y est entré fréquemment, je n’ai pas toujours pris conscience de son arrivée. Je L’ai senti en moi et je me rappelle sa présence. Quelquefois j’ai même dû prévenir son entrée, mais jamais je ne l’ai sentie pas plus que son départ, Jn 3, 8. D’où est-Il venu en mon âme ? Où est-Il retourné en la quittant ? Par où a-t-Il pénétré ? Par où est-Il sorti ? Aujourd’hui encore, je l’ignore... Ce n’est d’ailleurs pas étonnant, puisque c’est à Lui qu’il est dit : “Nul ne connaît la trace de tes pas”, Ps 76, 20.

Il n’est point entré par les yeux, car Il n’a pas de couleur, ni par les oreilles, car Il est silencieux, ni par le nez, car ce n’est pas au souffle qu’il se mêle, mais à l’esprit... Il n’est pas entré par ma gorge, car Il n’est nourriture ni breuvage ; et je ne L’ai pas touché, car Il est impalpable. Par où est-iI donc entré ? Peut-être n’est-Il pas entré, car Il ne vient pas du dehors, comme quelque chose d’extérieur. Il n’est pas non plus venu du dedans, puisqu’Il est le bien et que le bien, je le sais, n’est pas en moi.

Je suis monté jusqu’au sommet de mon être, et voici que le Verbe me dominait de très haut. Explorateur curieux, je suis descendu au fond de moi-même, et je L’ai trouvé plus bas encore. J’ai regardé au-dehors, et je L’ai découvert au-delà de ce qui m’est le plus extérieur ; je me suis tourné au-dedans : Il m’est bien plus intime que moi-même. J’ai reconnu alors la vérité de ce que j’avais lu : “C’est en Lui que nous avons le mouvement et l’être”, Ac 17, 28. Heureux celui en qui Il est, qui vit par Lui et reçoit de Lui son mouvement.

La présence de l’Époux

6. Si ses voies sont aussi insaisissables, vous me demanderez comment j’ai pu savoir qu’Il était là. C’est que le Verbe est vivant et efficace, He 4, 12 ; dès son entrée en moi, Il a réveillé mon âme endormie ; Il a remué, adouci et blessé mon coeur, mon coeur de pierre, mon coeur malade. Ils’est mis aussi à défricher et à détruire, à bâtir et à planter Jr 1, 10, à arroser les terres arides ; Il a éclairé les recoins obscurs ; Il a ouvert ce qui était fermé ; Il a enflammé ce qui était froid, et mon âme toute entière ne pouvait que bénir le Seigneur et tout mon être louer son saint Nom, Ps 102, 1

Quand Il est entré en moi, le Verbe Époux ne m’a jamais donné le moindre signe de son arrivée ; c’est seulement le secret tremblement de mon coeur qui Le décèle. Mes vices s’enfuient, mes affections charnelles sont maîtrisées : devant la mise en lumière du mal caché en moi, Ps 18, 13, j’ai admiré la profondeur de Sa Sagesse. L’amélioration même modeste de mon comportement m’a fait faire l’expérience de sa Miséricorde. Par la transformation et le renouvellement de mon esprit, Ep 4, 23, j’ai perçu quelque chose de Sa beauté ; enfin, considérant tout cela à la fois, je suis resté stupéfait de son immense grandeur.

Quand l’Époux s’éloigne

7. Dès que le Verbe s’en va, aussitôt tout commence à refroidir et s’engourdir, ce qui est bien pour moi l’indice de son départ : alors mon âme est triste jusqu’à ce qu’Il revienne et me réchauffe le coeur comme Il sait le faire pour me signifier son retour. Si telle est vraiment mon expérience du Verbe, ne vous étonnez pas que j’ose prendre la voix de l’Épouse pour le rappeler quand Il est parti : mon désir, sans égaler le sien, n’est cependant pas sans y ressembler. Tant que je vivrai, je ne cesserai d’utiliser pour rappeler le Verbe ce mot de “Reviens !”. Je le répéterai chaque fois qu’Il s’échappera, et le désir passionné de mon coeur le poursuivra d’un cri continuel, le suppliant de revenir, de me rendre la joie de son salut, Ps 50, 14, de se rendre Lui-même à moi.