22e dimanche du temps ordinaire année B
Mc 7,1-8, 14-15.21-23
Discerner, c'est connaître la source
de nos pensées et de nos réactions.
Des auteurs spirituels nous indiquent des chemins d'attention.
Pour
savoir s’avancer dans le flot des pensées, sans se laisser passivement
entraîner par elles, mais savoir trier les bonnes et les mauvaises.
Dans
les bonnes pensées agit notre vraie nature, attirée par la grâce.
Dans
les mauvaises pensées, ce dynamisme est capturé par des forces étrangères qui
enveloppent l’âme d’une gangue opaque et s’interposent entre l’esprit et le
cœur.
Cette
attention aux pensées, cette pêche particulièrement fructueuse dans le silence
de la nuit où l’inconscient est poreux, tout cela doit se situer dans la
perspective de la prière. C’est seulement par sa relation avec Dieu, en effet,
que la personne peut se dégager de tout conditionnement. Et cette prière doit
être discrète, voire secrète. - Retire-toi
dans ta chambre et ferme la porte, dit Jésus, de peur de devenir
ostentation et gêne pour autrui.
« Voici le véritable fondement de la
prière : être attentif à ses pensées et se livrer à la prière dans un
grand calme, une grande paix, de manière à ne pas choquer les autres… L’homme
devra donc porter le combat sur ses pensées, tailler dans leur masse…, se
pousser vers Dieu, ne pas faire les volontés de ses pensées, mais, au contraire,
les ramener de leur dispersion en triant les pensées naturelles d’avec les
mauvaises. L’âme sous le péché s’avance comme à travers un fleuve envahi de
roseaux, de fourrés… Qui veut les franchir doit étendre les mains et,
péniblement écarter de force l’obstacle qui l’emprisonne. Ainsi les pensées de
la puissance ennemie enveloppent l’âme de leur gangue opaque. Il faut un grand
zèle, une grande attention pour les discerner…
Pseudo-Macaire,
Sixième homélie, PG 34, 520.
Dans
la plupart des textes, le cœur est
compris comme le centre d’intégration proprement personnel de toutes nos
facultés. C’est le cœur-esprit déjà
purifié, notamment par la grâce baptismale. Il faut donc pratiquer la garde du cœur en discernant les
pensées.
« Sois le portier de ton
cœur et ne laisse aucune pensée entrer sans l’interroger ; interroge-les
une à une, et dis-leur : - Es-tu de notre parti ou du parti de nos
adversaires ? Et, si elle est de la maison, elle te comblera de paix.
Évagre le Pontique, Lettre 11, Ed.
Frankenberg, p. 575.
Une pensée ambiguë se met entre
parenthèses, à quelque distance. On la « bombarde » par le rayon de
la prière, jusqu’à ce qu’elle s’intègre ou se désintègre.
Eveille-toi,
sois-vigilant. Si la pensée qui te vient est une pensée bonne, sache que Dieu
veut t’ouvrir une voie de vie … Mais si la pensée est ténébreuse, si tu hésites
car tu ne peux voir clairement… si elle va t’aider ou te tromper, puisqu’elle
peut s’être cachée sous une forme bonne, veille nuit et jour dans la ferveur et
la tension de la prière, pour te préparer à la combattre. Ne la chasse pas, ne
l’accepte pas non plus, mais prie sur elle, ardemment. Ne cesse pas d’invoquer
le Seigneur. Et lui te montrera d’où elle vient.
Isaac Le Syrien, traités ascétiques, 34,
traité, Ed. Spnanos, p. 148.
Il ne s’agit pas seulement de garder son
calme, car le ressentiment est pire qu’un éclat de colère, mais de l’Esprit
saint pacifier l’âme.
L’Esprit
saint pacifie l’âme,
La
colère trouble le cœur.
Rien
autant que la colère ne s’oppose à la venue en nous de l’Esprit.
Jean Climaque, L’Echelle sainte, 8ème
degré, 17 (20), p. 71.
Jean Cassien recommande un tête-à-tête
silencieux, abandonné, confiant, avec Dieu, l’homme « fermant la porte de
sa chambre », comme le demande Jésus, c’est-à-dire la porte de la cellule
intérieure, de son cœur-esprit. Prières fréquentes mais courtes à cause de leur
intensité même, qui évite la distraction.
Nous
devons mettre un soin particulier à suivre le précepte évangélique qui nous
demande d’entrer dans notre chambre et d’en fermer la porte pour prier notre
Père.
Voici
comment l’accomplir.
Nous
prions dans notre chambre quand nous retirons entièrement notre cœur du tumulte
des pensées et des soucis, et que dans une sorte de tête-à-tête secret et
d’amitié très douce, nous découvrons au Seigneur nos désirs.
Nous
prions la porte fermée, lorsque nous invoquons sans ouvrir les lèvres Celui qui
ne tient pas compte des paroles, mais regarde au cœur.
Nous
prions en secret lorsque nous parlons à Dieu par le cœur seulement et la
concentration de l’âme, et ne manifestons qu’à lui nos dispositions. Si bien
que les puissances adverses elles-mêmes n’en puissent deviner la nature. Telle
est la raison du profond silence qu’il convient de garder dans la prière.
Aussi
nos prières doivent-elles être fréquentes, mais courtes, de peur que, si elles
se prolongeaient, l’ennemi n’ait la possibilité d’y glisser la distraction.
C’est là le sacrifice véritable : « Le sacrifice que Dieu veut, c’est
un cœur brisé », Ps 50,19.
Il
y a trois étapes dans la vie des convertis ; le commencement, le milieu et
la perfection. Au commencement les convertis rencontrent les séductions de la
douceur, au milieu des combats contre la tentation, à la fin, la perfection de
la plénitude. C’est d’abord la douceur, pour les réconforter, ensuite
l’amertume, pour les exercer ; enfin la suavité des choses ultimes, pour
les affermir ?
Grégoire Le Grand, Morale sur Job,
20,11,28, PL 76,302.
Textes sélectionnés par soeur Monique-Anne Giroux, Orantes de l'Assomption