vendredi 22 juillet 2011

SIMONE WEIL, la porte


Ouvrez-nous donc la porte et nous verrons les vergers,
Nous boirons leur eau froide où la lune a mis sa trace.
La longue route brûle ennemie aux étrangers.
Nous errons sans savoir et ne trouvons nulle place.


Nous voulons voir des fleurs. Ici la soif est sur nous.
Attendant et souffrant, nous voici devant la porte.
S’il le faut nous romprons cette porte avec nos coups.
Nous pressons et poussons, mais la barrière est trop forte.


Il faut languir, attendre et regarder vainement.
Nous regardons la porte ; elle est close, inébranlable.
Nous y fixons nos yeux ; nous pleurons sous le tourment ;
Nous la voyons toujours ; le poids du temps nous accable.

La porte est devant nous ; que nous sert-il de vouloir ?
Il vaut mieux s’en aller abandonnant l’espérance.
Nous n’entrerons jamais. Nous sommes las de la voir...
La porte en s’ouvrant laissa passer tant de silence

Que ni les vergers ne sont parus ni nulle fleur ;
Seul l’espace immense où sont le vide et la lumière
Fut soudain présent de part en part, combla le cœur,
Et lava les yeux presque aveugles sous la poussière.

mardi 12 juillet 2011

Jean Danielou, Lire l’Écriture pour écouter le Verbe et entrer en relation avec Dieu : c’est une grâce.


                 Saint Benoît écrit
Lire l’Écriture pour écouter le Verbe et entrer en relation avec Dieu : c’est une grâce.

“Il faut accepter les voies de Dieu et un dépassement par rapport aux grâces passées. Il ne faut pas essayer de retenir la grâce, mais il faut “cueillir le fruit et jeter la branche”. Les grâces nous sont données pour nous aider à un moment donné. Ce qui importe, c’est plus le fruit qu’elles ont produit dans nos vies que la saveur qu’elles ont eues et qui n’en était que l’écho superficiel. A chaque moment de nos vies, nous recevons les grâces dont nous avons besoin, et la meilleure grâce est toujours celle du moment présent. Seulement, très souvent, nous vivons dans l’avenir ou dans le passé et nous passons à côté du présent. Nous ne savons pas reconnaître Dieu là où Il est vraiment, c’est-à-dire toujours dans le présent. Nous le cherchons là où Il n’est pas, c’est-à-dire dans le souvenir du passé ou dans les rêves de l’avenir”, Jean Daniélou, Oraison et abandon, conférence donnée au Cercle Jean-Baptiste et publié dans le Bulletin du Cercle de 1952 ; repris dans Christus 148 (1990), 409-413.


              “ Pour aller vers ce que tu ne sais pas,
                il faut passer par où tu ne sais pas.
                Pour aller vers ce que tu ne possèdes pas,
                il faut passer par ce que tu ne possèdes pas”.

                                                  Saint Jean de la Croix.

mercredi 6 juillet 2011

Commencer l’été avec les conseils de Lectio divina, Guillaume de Saint Thierry


À des heures déterminées, il faut vaquer à une lecture déterminée. Une lecture de rencontre, sans suite, trouvaille de hasard, bien loin d’édifier l’âme, la jette dans l’inconstance. Accueillie à la légère, elle disparaît de la mémoire plus légèrement encore. Au contraire, il faut s’attarder dans l’intimité de maîtres choisis et l’âme doit se familiariser avec eux. Les Écritures, en particulier, demandent à être lues et pareillement comprises, dans l’esprit qui les a dictées. Tu n’entreras jamais dans la pensée de Paul si, par l’attention suivie à le lire et l’application assidue à le méditer, tu ne t’imprègnes au préalable de son esprit. Jamais tu ne comprendras David, si ta propre expérience ne te revêt des sentiments exprimés par les psaumes. Ainsi des autres auteurs. Au reste, quel que soit le livre, l’étude et la lecture diffèrent autant l’une de l’autre que l’amitié de l’hospitalité, l’affection confraternelle d’un salut occasionnel. Il faut aussi chaque jour détacher quelque bouchée de la lecture quotidienne et la confier à l’estomac de la mémoire : un passage que l’on digère mieux et, qui, rappelé à la bouche, fera l’objet d’une fréquente rumination ; une pensée plus en rapport avec notre genre de vie, capable de soutenir l’attention, d’enchaîner l’âme et de la rendre insensible aux pensées étrangères. De la lecture suivie, il faut tirer d’affectueux élans, former une prière qui interrompe la lecture. Pareilles interruptions gênent moins l’âme qu’elles ne la ramènent aussitôt plus lucide à la compréhension du texte. La lecture est au service de l’intention. Si vraiment le lecteur cherche Dieu dans sa lecture, tout ce qu’il lit travaille avec lui et pour lui dans ce but et sa pensée rend captive ou asservit l’intelligence du texte en hommage au Christ. Mais s’il s’écarte de cette fin, son intention entraîne tout après elle. Il ne trouve alors rien de si saint, de si pieux dans les Écritures, qu’il n’arrive, par vaine gloire, perversion de sentiment ou dépravation d’esprit, à faire servir à sa malice et à sa vanité. C’est que la crainte du Seigneur doit être au principe de toute lecture des Ecritures : en elle s’affermit d’abord l’intention du lecteur ; de son sein jaillissent ensuite, harmonisés, l’intelligence et le sens du texte.
Lettre aux frères du Mont-Dieu, SC n° 223, p. 239-241.