dimanche 31 octobre 2021

Agir selon l’Ecriture, Dom Louis Leloir

32ème dimanche du temps ordinaire Mc 12,38-44


Ephrem (4ème siècle) souhaite et promet du trente pour un au jeûne, du soixante pour un à la charité, du cent pour un à la seule vérité ; la charité rapproche de Dieu plus que le jeûne, mais la charité elle-même est inférieure à la vérité, parce que, sans la limpidité de l’intention, l’amour profond, le désintéressement et l’oubli de soi, un geste de charité même matériellement très généreux, peut être de faible prix aux yeux de Dieu. L’Evangile met en scène une pauvre veuve dont les deux piécettes surpassent les dons très amples de nombreux riches, parce qu’elle donne de son nécessaire et, sans doute avec une pureté d’intention parfaite, Mc 12,41-44. « Réfugiez-vous dans la vérité, car c’est elle qui consolide vos remparts » dit encore Ephrem. « Aimons la vérité qui réjouit la terre et nous

La pensée d’Ephrem rejoint celle du désintéressement et l’oubli de soi, un geste de charité même matériellement généreux peut être de faible prix aux yeux de Dieu.

L’évangile met en scène de Saint Paul, disant que les manifestations extérieures de la charité ne sont rien sans la vérité de la charité, 1 Co, 13,3. Pour Ephrem et les Pères du désert le mot « la vérité » recouvre la pureté de l’intention et implique la fidélité aux paroles de Dieu ». 

Chacun doit pouvoir s’applique la parole de saint Paul : « Je fais tout à cause de l’Evangile, dans le désir d’être en communion avec lui, 1 Co, 9,23. Ce que Dieu nous demande, dit encore un autre apophtegme, « C’est de croire aux divines Ecritures, de pratiquer leurs paroles dans la mesure de nos forces… »

 

L’authenticité, c’est rechercher la personne même du Christ, qui est « le chemin, la vérité et la vie », Jn 14,6. Il s’agit d’imiter le Christ.



vendredi 29 octobre 2021

Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, Saint Augustin d’Hippone


 Mc 12,28-37                      dimanche 31 octobre 2021                

Ce qui n’est pas douteux, Seigneur,

Ce dont ma conscience est certaine, c’est que je t’aime.

Tu as frappé mon cœur de ta parole et je t’ai aimé.

D’ailleurs, le ciel et la terre et tout ce qui est en eux,

Les voici de partout qui me disent de t’aimer ;

Et ils ne cessent de le dire à tous les hommes, afin qu’ils soient

sans excuse.

 

 

 

Mais, qu’est-ce que j’aime quand je t’aime ?

Ce n’est pas la beauté d’un corps, ni son charme qui passe,

Ni la clarté de la lumière qu’aiment mes pauvres yeux,

Ni les douces mélodies des cantilènes variées,

Ni la suave odeur des fleurs, des parfums, des aromates,

Ni la manne, ni le miel.

Ni les membres accueillants aux étreintes de la chair.

Non, ce n’est pas cela que j’aime quand j’aime mon Dieu !

Et pourtant, j’aime une clarté, une voix, un parfum,

Une nourriture, une étreinte, quand j’aime mon Dieu :

C’est la clarté, la voix, le parfum, l’étreinte de l’homme intérieur

qui est en moi.

Là où brille pour mon âme une clarté que l’espace ne saisit pas,

Où chante une mélodie que le temps n’emporte pas,

Où s’exhale un parfum que ne dissipe pas le vent,

Où se savoure un mets que n’émousse pas la voracité,

Où se noue une étreinte qu’aucune satiété ne desserre.

C’est cela que j’aime quand j’aime mon Dieu ?

 

Mais, qu’est-ce-donc que ce Dieu ?

J’ai interrogé la terre et elle m’a dit : « Ce n’est pas moi ! »

Et tout ce qui est en elle m’a fait le même aveu.

J’ai interrogé la mer et les abîmes, les êtres vivants qui s’y meuvent

Et elles m’on répondu : « Nous ne sommes pas ton Dieu ; cherche

au dessus de nous »

J’ai interrogé le ciel, le soleil, la lune et les étoiles, et tous m’ont

Dit : « Nous non plus, nous ne sommes pas le Dieu que tu cherches ! »

Et j’ai dit à tous les êtres qui assaillent les portes de mes sens :

« Entretenez-moi de Dieu, puisque vous ne l’êtes point !

Dites-moi quelque chose de lui ! »

Ils se sont écriés d’une voix puissante : « C’est lui qui nous a créés ».

Pour les interroger, je n’avais qu’à les contempler, et leur réponse

était leur beauté.

 

Ô mon âme, je te le dis :

Ton Dieu est pour toi la vie.

Les Confessions, Garnier Flammarion 1964, Livre 10, chap. 6, extraits.

Daniel Bourguet, L’Evangile médité par les Pères, Marc, Veillez et priez,


vendredi 22 octobre 2021

Saint Marc 10,46-52, L'aveugle Bartimée

 



30e dimanche du temps ordinaire B


Évangile de Jésus Christ selon saint Marc
10,46-52

 

  

La foule est en marche vers Jérusalem et l’annonce de la Passion a été faite. Les apôtres n’avaient pas très bien compris la pensée de Jésus, car ils étaient préoccupés par leurs postes dans le futur royaume. Ils étaient aveuglés et ils ne voyaient pas leur maître comme un messie souffrant. Jésus leur avait pourtant dit : le Fils d’homme souffrira, sera mis à mort et il ressuscitera.

Ils étaient tous aveuglés. Ils avaient entendu au temple ce texte du prophète : Le Seigneur parle… Ils étaient partis dans les larmes, dans la consolation je les ramène; et parmi eux il y avait le boiteux et l’aveugle (1). Ils ne voyaient pas le lien.

À travers les siècles, leurs ancêtres avaient réalisé qu’ils étaient éclairés par Dieu, car ce dernier les avait aidés à s’approcher de Lui dans la longue marche de leur existence. Ils avaient uni leurs voix au temple en chantant qu’à travers les difficultés et les souffrances de leur peuple le Seigneur avait fait pour eux des merveilles (2). Le paradoxe se réalise.

À la sortie de la ville de Jéricho, environ 27 kilomètres de Jérusalem, les infirmes s’assoyaient au bord de la route pour mendier et leur manteau servait à recevoir les offrandes des passants.

Constatant qu’il y avait un mouvement de foule, l’aveugle s’informe et il apprend que c’est Jésus, le thaumaturge, qui attire tant de gens. Il se mit donc à crier : Jésus, fils de David.

Il faut le faire taire. Il ne faut surtout pas crier publiquement que Jésus est fils de David, car c’est affirmer que Jésus est le roi messie. Parler ainsi, c’est aller contre l’empire de Rome et cette affirmation mérite la mort. Personne ne veut mourir pour cet aveugle.

Fils de David, aie pitié de moi !

« En hébreu, la pitié (hèséd) désigne la relation mutuelle qui unit les parents, les amis et les alliés : c’est un attachement qui implique une entraide efficace et fidèle » (3).

Cette pitié humaine est transposée en Dieu. Dieu fait alliance avec son peuple. C’est lui qui crée la relation avec les hommes. Il est agissant. Il est le lien. Dieu est pitié.

L’aveugle désire voir et Jésus a pitié. Il entre en liaison, en communication ou en relation. Jésus sent un réel attachement envers l’aveugle et il s’implique. Appelez-le. On transmet l’invitation. Confiance, lève-toi ; il t’appelle.

Lisons bien le texte. L’aveugle bondit comme un cerf et il court vers Jésus. Avez-vous déjà vu un aveugle bondir et courir ?

Marc transpose l’événement.

Dans un temps d’aveuglement collectif sur le messianisme, l’aveugle voit. Lui qui ne voyait rien, il s’est ouvert à Jésus et sa démarche de foi lui a été confirmée. Va ta foi t’a sauvé.

Constatons que l’homme n’avait plus besoin de son manteau pour vivre, car il était sauvé. Tout est possible à Dieu (4).  Gardons cette image en nous-mêmes. Elle est merveilleuse.

Vous et moi, nous sommes parfois des aveugles de l’action du Christ. Lui, le grand prêtre et Fils du Père, (5) il est pitié. Il nous cherche. Il est lien et relation. Il est celui qui agit à notre égard.

Alors, disons souvent : Seigneur, prends pitié. Ou, Seigneur sois pour moi un lien. Sois pour moi relation. Sois… Ainsi, je serai et je vivrai de plus en plus dans ta lumière. Recevons la lumière afin de recevoir Dieu (6). 

L’homme se mit à voir, et il suivait Jésus sur la route.

Amen

 

Notes :

1.   1re lecture – Jérémie 31,7-9

2.   Psaume de la messe.

3.   Dictionnaire de vocabulaire biblique.

4.   Marc 10, 27

5.   2e lecture – Lettre aux Hébreux 5,1-6

6.   Clément d’Alexandrie, mort vers 215

 

André Sansfaçon, prêtre, homelie.qc.ca      

 

Commentaire

 

Cette homélie, qui nous éclaire si bien sur les textes évangéliques, me fait prendre conscience que j’ai à partager ma foi, à parler le plus souvent possible de l’amour et de la compassion de Dieu, car qui sait sur quel être désespéré, quel être isolé ou dégoûté des autres, ou de soi, peut tomber une petite étincelle d’où jaillira l’espérance ?

Sans cette étincelle de la foi, jamais le mendiant aveugle n’aurait recouvré la vue…

jeudi 7 octobre 2021

Saint Jean Chrysostome, Le maître devient serviteur

 

 17 octobre 2021

29e dimanche du temps ordinaire année B

Saint Mc 10,35-45


Jacques et Jean, les fils de Zébédée, s'approchent de Jésus et lui disent : "Maître, nous voudrions que tu exauces notre demande."

 



Voyant que Jacques et Jean s'étaient écartés de leur groupe et intriguaient pour obtenir les honneurs les plus élevés, les dix autres disciples donnèrent libre cours à leur colère. C'est alors que Jésus entreprit de corriger les passions déréglées des uns et des autres. Il les appela donc et leur dit : Les chefs des nations païennes commandent en maîtres. Les grands font sentir leur pouvoir. Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi. Celui qui veut être le premier sera le dernier de tous, Mc 10,42-44.

Manifestement, en convoitant ainsi les premières places, les plus hautes charges et les honneurs les plus élevés, les deux frères voulaient, à mon avis, avoir autorité sur les autres. Aussi Jésus s'oppose-t-il à leur prétention. Il met à nu leurs pensées secrètes en leur disant: Celui qui veut être le premier sera le serviteur de tous, Mc 10,44. Autrement dit : "Si vous ambitionnez le premier rang et les plus grands honneurs, recherchez le dernier rang, appliquez-vous à devenir les plus simples, les plus humbles et les plus petits de tous. Mettez-vous après les autres. Telle est la vertu qui vous procurera l'honneur auquel vous aspirez. Vous en avez près de vous un exemple éclatant, puisque le Fils de l'homme n'est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude, Mc 10,45. Voilà comment vous obtiendrez gloire et célébrité. Voyez ce qui m'arrive : je ne recherche ni honneur ni gloire, et pourtant le bien que je réalise ainsi est infini."

Nous le savons : avant l'Incarnation du Christ et son abaissement, tout était perdu, tout était corrompu ; mais, après qu'il se fût humilié, il a tout relevé. Il a aboli la malédiction, détruit la mort, ouvert le paradis, mis à mort le péché, déverrouillé les portes du ciel pour y ramener les prémices de notre humanité. Il a propagé la foi partout dans le monde. Il a chassé l'erreur et rétabli la vérité. Il a fait monter sur un trône royal les prémices de notre nature.

Le Christ est l'auteur de biens infiniment nombreux, que ni ma parole, ni aucune parole humaine ne saurait décrire. Avant son abaissement, il n'était connu que des anges, mais, depuis qu'il s'est humilié, la race humaine tout entière l'a reconnu.

Homélie contre les Anoméens, 8, 6; PG 48, 116-111.

dimanche 3 octobre 2021

Père Picard, Mieux connaître Dieu pour mieux l'aimer

 1
Le père François Picard est né le 4 octobre 1831 à Saint Gervasy dans le Gard. Nous nous souvenons spécialement de lui en ce jour de sa naissance.

Voici quelques extraits de ses enseignements aux soeurs Orantes de l'Assomption pour les former.


Nous voulons vous livrer un peu à l’étude pour élargir votre coeur et mieux contempler Celui que vos âmes doivent continuellement chercher.
“Connaître Dieu, c’est vivre”... Nous devons étudier Dieu, non seulement dans ses oeuvres, dans ses saints, mais en Lui-même, autant que nous le pouvons. Ne reculons pas devant l’étude et que tous nos actes tendent à accroître notre connaissance de Dieu.
Le but unique des études des Orantes de l’Assomption : mieux connaître Dieu pour mieux l’aimer... Il ne faut donc développer votre intelligence que pour enflammer votre coeur d’un plus grand amour de Dieu.
Que votre amour pour Dieu repose sur des bases solides, sur l’intelligence vraie des choses surnaturelles et non sur l’imagination.

SOYEZ SAINTES ET JOYEUSES
Instructions du Père PICARD aux Orantes
15 décembre 1896, p. 22 – 23.


Vous devez être des filles d’oraison... Usez de votre intelligence et surtout de votre coeur pour surnaturaliser vos moindres actes et pour y trouver l’occasion de glorifier Dieu en lui prouvant votre amour... Nous voulons vous livrer un peu à l’étude. Est-ce pour faire de vous des savantes et des latinistes ? Non, c’est uniquement pour développer votre intelligence, pour élargir votre coeur, afin que vous acquériez cette science des saints, la science de connaître Dieu, d’approfondir les grandes vérités, les écrits des Pères, les livres sacrés, pour mieux contempler Celui que vos âmes doivent continuellement chercher.

23 décembre 1896, p. 53.
Aimez l’Évangile, considérez-le comme le livre que vous devez savoir méditer, parce que c’est l’Évangile qui contient la doctrine de Notre Seigneur, et que si nous voulons bien connaître cette doctrine, c’est dans l’Évangile que vous devez la puiser...
Apprenez l’Évangile par la méditation, pénétrez-vous de la doctrine de Notre-Seigneur selon qu’elle est contenue dans l’Évangile. Pour commenter cette parole, il n’y a rien de beau comme les Pères de l’Église. Ce sont eux qui, dans leur sainteté, leur science, ont écrit les commentaires les plus capables de faire du bien aux âmes et, parmi ceux que vous devez aimer le plus, c’est certainement saint Augustin. Commencez par l’Évangile de saint Jean commenté par saint Augustin. Vous pourrez prendre ensuite saint Matthieu avec les commentaires de saint Jean Chrysostome.

HISTOIRE DE NOTRE FAMILLE RELIGIEUSE
Les 10 premières années, tome 1.
Instructions du Père PICARD à ses filles, 24 avril 1898, p. 69.


Connaître Dieu, c’est vivre. Aucune science ne peut nous donner la vie, sinon la science de Dieu. Nous devons étudier Dieu, non seulement dans ses oeuvres, dans ses saints, mais en Lui-même, autant que nous le pouvons. Ne reculons pas devant l’étude et que tous nos actes tendent à accroître notre connaissance de Dieu.
Méditons, cherchons Dieu dans la prière. Ce n’est pas à la science humaine que nous prétendons : c’est Jésus-Christ que nous voulons connaître parce qu’il est notre vie... C’est par la foi, c’est dans la prière que nous parviendrons à cette connaissance de Dieu qui est la Vie, en attendant que nous le contemplions face à face dans les cieux. Mais déjà, ici-bas, votre vocation contemplative vous rappelle à ce regard incessant de votre intelligence vers Dieu.

vendredi 1 octobre 2021

Saint Jean Chrysostome, le débiteur de dix mille talents

10 octobre 2021, 28ème dimanche année B

Saint Marc, 10,17-30


Jésus se mettait en route quand un homme accourut vers lui, se mit à genoux et lui demanda: "Bon Maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ?

 

En réponse à la question que lui posait un homme riche, Jésus avait révélé comment on peut parvenir à la vie éternelle. Mais l'idée d'avoir à abandonner ses richesses rendit cet homme tout triste, et il s'éloigna. Alors Jésus déclara :

Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d'une aiguille qu'à un riche d'entrer dans le Royaume de Dieu. 

Mais alors, qui peut être sauvé Remarque la réserve et le zèle du disciple. Il n'a pas dit : "Tu ordonnes l'impossible, ce commandement est trop difficile, cette loi est trop exigeante." Il n'est pas non plus resté silencieux. Mais, sans manquer au respect qu'un disciple doit à son Maître, il a dit : Mais alors, qui peut être sauvé ? montrant par là combien il était attentif aux autres. C'est qu'avant même d'être le pasteur, il en avait l'âme. Avant d'être investi de l'autorité, il possédait le zèle qui convient à un chef, puisqu'il se préoccupait de la terre entière. Un homme riche, propriétaire d'une fortune considérable, aurait probablement demandé cela par intérêt, par souci de sa situation personnelle et sans penser aux autres. Mais Pierre, qui était pauvre, ne peut être soupçonné d'avoir posé sa question pour de pareils motifs. C'est le signe qu'il se préoccupait du salut des autres, et qu'il désirait apprendre de son Maître comment on y parvient. D'où la réponse encourageante du Christ : Pour les hommes, cela est impossible, mais pas pour Dieu. Il veut dire : "Ne pensez pas que je vous laisse à l'abandon. Moi-même, je vous assisterai dans une affaire aussi importante, et je rendrai facile et aisé ce qui est difficile."

" Perdre pour gagner", saint Jean Chrysostome Homélie sur le débiteur de dix mille talents, 3; PG 51, 21.   http://www.clerus.org/bibliaclerusonline/pt/jzl.htm