dimanche 24 juillet 2022

Saint Basile, Homélie, Que faire des grandes richesses ?

 


18e dimanche du temps ordinaire C            31 août 2022


Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 
12,13-21



Du milieu de la foule, un homme demanda à Jésus : 

"Maître, dis à mon frère de partager avec moi notre héritage."




 

Il y avait, dit l'évangileun homme riche dont les terres avaient beaucoup rapporté. Il se disait : Que vais-je faire ? Je vais démolir mes greniers et j'en construirai de plus grands, Lc 12,16-18. Pourquoi donc cette terre avait-elle tant rapporté à un homme qui ne devait faire aucun bon usage de cette fertilité ? C'était pour mieux mettre en lumière la patience de Dieu dont la bonté s'étend même sur de telles gens. Car il fait tomber sa pluie sur les justes et sur les injustes, et il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, Mt 5,45.

De quel état d'esprit cet homme faisait-il montre? L'aigreur du caractère, la haine des hommes, l'égoïsme, voilà ce qu'il offrait en retour à son bienfaiteur. Il oubliait que nous appartenons tous à la même nature. Il ne jugeait pas nécessaire de distribuer son superflu aux pauvres. Mais ses greniers craquaient, trop étroits pour ses immenses dépôts, et son coeur d'avare n'était pas encore comblé. D'ailleurs, ses nouvelles récoltes s'ajoutaient sans cesse aux anciennes et les apports annuels venaient accroître son opulence, de sorte qu'il se trouva dans une situation sans issue. Il n'acceptait pas de se défaire de ses anciennes réserves, tant il était avare, et il n'arrivait plus à entreposer les nouvelles récoltes trop abondantes. De là les projets non réalisés et les angoisses insurmontables.

Que vais-je faire ? Qui n'aurait pitié d'un homme en proie à un pareil tourment?  Car ce ne sont pas des bénéfices que la terre lui apporte, mais des soupirs. Elle ne lui procure pas d'abondants revenus, mais des soucis, des peines et un embarras extrême. Il pousse des lamentations comme le ferait un miséreux. Ne sont-ce pas là les plaintes de celui qui est réduit à la mendicité ? Que vais-je faire? Comment vais-je me nourrir, me vêtir ?


Considère, homme, celui qui t'a comblé de ses dons. Souviens-toi de toi-même. Rappelle-toi qui tu es, quelles affaires tu conduis, qui te les a confiées, pour quelle raison tu as été préféré à beaucoup. Tu es le serviteur du Dieu bon, tu as la charge de tes compagnons de service. Ne crois pas que tous ces biens sont destinés à ton ventre. Dispose des biens que tu as entre les mains comme s'ils appartenaient à autrui: ils te donneront du plaisir pendant quelque temps, puis s'évanouiront et disparaîtront. Mais il t'en sera demandé un compte détaillé.

Que vais-je faire ? La réponse était simple : "Je rassasierai les affamés, j'ouvrirai mes greniers et j'inviterai les pauvres. J'imiterai Joseph, j'annoncerai à tous ma charité, je ferai entendre une parole généreuse: 'Vous tous, qui manquez de pain, venez à moi. Que chacun prenne une part suffisante des dons que Dieu m'a accordés ! Venez y puiser comme à des fontaines publiques".


Homélie de saint Basile (+ 379),  Que faire des grandes richesses?

Homélies sur la richesse, 6, 1-2; PG 31, 261 -265. in Clerus.org

samedi 16 juillet 2022

Marie figure de l’Église dans l’éternité


 

Saint Luc 10,38-42


Marie assise aux pieds du Seigneur, recueillant ses paroles, signifie la vision face à face : - Nous le connaîtrons tel qu’Il est, 1 Jn 3,2. Ce sera la contemplation. L’unique occupation de l’Église sera la fruition de la Sagesse. Quand le Christ remettra le Royaume à son Père, se réalisera la promesse : - Votre joie, personne ne vous l'enlèvera, Jn 16,22.


 Tu resteras Seul pour être tout en tous ; et, éternellement, nous ne chanterons plus ensemble qu’une seule louange, la Tienne, devenus nous-mêmes Un seul dans Ton Unité, Sermon 179, 5

Alors, quand tout sera sous le pouvoir du Fils, il se mettra lui-même sous le pouvoir du Père qui lui aura tout soumis, et ainsi, Dieu sera tout en tous, 1 Co 15,28.

C’est la fruition [du mot ‘fruit’ : action de jouir de quelque chose] de l’unité entre nous et en Dieu qui sera le bonheur de l’éternité. Marie est toute occupée de l’Unique, c’est ce qui fait sa supériorité. Le ciel sera la possession de l’Unité suprême, celle de la Sainte Trinité. Et cette unité se réalisera dans un repas dont le pain sera la Vérité. Dieu Lui-même recevra ses serviteurs fidèles à sa table, selon la promesse rapportée par saint Luc : - Heureux les serviteurs que le Maître, à son arrivée, trouvera en train de veiller. Amen, je vous le dis : Il prendra la tenue de service, les fera passer à table et les servira chacun à son tour, Lc 12,37.

Ceux qui l’auront servi dans la personne des plus petits d’entre les siens, Il les recevra et les nourrira de la pleine Vérité qu’Il est Lui-même. Mystère de la Pâque, au-delà duquel aura lieu le banquet éternel dont le Christ sera à la fois le ministre et le pain. Cette vie future sera marquée du sceau de la permanence : ce sera la patrie par opposition au chemin.

- Marie a choisi la meilleur part : elle ne lui sera pas ôtée.

Bien loin de passer, cette part croîtra sans cesse, Sermon 179, 6

Jean représente cette vie bienheureuse où nous recevrons du Christ la plénitude de la science par opposition à la plénitude de patience que représente la vie de l’Église présente.

Marie, Rachel et Jean, le temps de l’extentio

Marie figurait la vie éternelle mais elle ne la tenait pas encore. Dans le commentaire du Ps 148, saint Augustin insiste sur le fait que notre occupation doit être la louange de Dieu, parce qu’elle sera notre joie de la vie future et que personne ne peut devenir apte à la vie éternelle s’il ne s’y est exercé dès maintenant. Saint Augustin reconnaît que cette expérience demeure assez rare : la contemplation est le fait de quelques uns.

 

Marie vivait du Verbe, mais à travers la parole humaine. Elle était assise, en son humilité, comme une vallée toute prête à recevoir l’eau courante. Mais au fond du cœur, elle était debout, dans la permanence de l’attente. Oisive et paisible, elle remet au Maître tout jugement sur son propre compte. La contemplation de l’unique détournait Marie du souci de multiples détails.

 

Une vocation du même ordre rendait Rachel stérile. Comme sa sœur Lia aux yeux malades était pour Jacob une épouse féconde, de même, ceux qui prêchent l’Évangile au milieu des tribulations, engendrent au Royaume de Dieu beaucoup d’enfants en annonçant le Christ crucifié. Or Rachel, resplendissante de beauté, voit dans le Verbe, Dieu auprès de Dieu ; elle veut à son tour enfanter des enfants à Jacob, mais c’est en vain. C’est ainsi que la vie contemplative voudrait communiquer ce qu’elle sait.

 

Jean voit le Verbe dans la Trinité. Son charisme est d’avoir été élevé à la vision des mystères du Verbe, à une certaine expérience et expression de la transcendance. Marie, Rachel et Jean sont dans l’attente et, par éclairs, rassasiés de la vision du Verbe de Dieu dans sa vie Trinitaire. Ce n’est pas encore la vision face à face impossible ici-bas, c’est la vision en énigme et comme dans un miroir. La fruition totale de la Sagesse n’appartient qu’à la vie éternelle. C’est en servant le Verbe fait chair, qu’il nous faut apprendre à écouter le Verbe hors du temps. 

ST AUGUSTIN ET LA BIBLEA-M La Bonnardièreéditions Beauchesne, 1986, p. 411–425.

samedi 2 juillet 2022

Mère Isabelle, Anniversaire de sa mort, fondatrice

Mère Isabelle, fondatrice des soeurs Orantes de l'Assomption est décédée le 3 juillet 1921 à 92 Sceaux.

… Il y a au fond de l'âme cette habitation de Dieu dans son unité et sa Trinité, cette union plus intime à certains mystères, cette compréhension du rôle de Jésus priant en moi... Tout cela serait si beau, si ce n'était pas enveloppé de ce nuage de distractions, d'indifférence, d'ennui. C'est plus qu'un nuage de poussière, c'est un mur qui s'élève entre moi et la Beauté. Il n'y a que la lumière de Dieu pour fondre cette glace, pour abattre ce mur et cette lumière ne luit qu'à travers de longs jours de patience que je veux aussi longs que Dieu les voudra pour moi, n'ayant pas d'autre désir que de m'unir à lui et de lui donner des âmes… C’est la mort qui nous affranchira de toutes les misères de l'esprit et du cœur, qui nous donnera Dieu le souverain bien, l'unique lumière…

 17 octobre 1906. Lettre de Mère Isabelle au Père Emmanuel Bailly.




vendredi 1 juillet 2022

Saint Augustin, Priez le maître de la moisson


Je vous envoie comme des agneaux au  milieu des loups

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
10,1-12 Lc 10,17-20

Parmi ses disciples, Jésus en désigna encore soixante-douze, et il les envoya deux par deux devant lui dans toutes les villes et localités où lui-même devait aller. Il leur dit: "La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux."




L'évangile qui vient d'être lu nous invite à nous interroger sur la moisson dont le Seigneur a dit : La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. Priez le maître de la moisson d'envoyer des ouvriers pour sa moissonLc 10,2. Alors, aux douze disciples auxquels il avait donné le nom d'Apôtres, il en adjoignit soixante-douze autres. Puis il les envoya tous, comme ses paroles l'indiquent, à une moisson déjà préparée.

Quelle était donc cette moisson ? Certainement pas la moisson des païens, puisque chez eux rien n'avait été semé. Il nous faut donc l'entendre du peuple juif. C'est pour cette moisson-là qu'est venu le maître de la moisson, et il y a envoyé ses moissonneurs. Quant aux païens, il leur a envoyé des semeurs, non des moissonneurs. Sachons donc que la moisson était faite chez les Juifs et les semailles chez les païens. Le Seigneur avait choisi ses Apôtres dans cette moisson, où le grain était mûr et prêt à être coupé, car les prophètes l'y avaient semé. Quel plaisir de parcourir du regard la terre que Dieu cultive ! Quel délice de contempler ses dons et les ouvriers qui travaillent dans son champ ! 

Vous pouvez y observer deux moissons, l'une qui est en cours, l'autre, encore à faire; celle-ci chez les païens, celle-là chez les Juifs. Prouvons ce que nous venons de dire en nous appuyant simplement sur la divine Écriture, celle du maître de la moisson. Voici. Nous savons qu'il est dit dans le passage que nous venons d'entendre: La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. Priez le maître de la moisson d'envoyer des ouvriers pour sa moisson. 

Il est bien dans mon propos de vous montrer que la moisson a rapport aux peuples parmi lesquels les prophètes ont prêché. Ce sont eux en effet qui étaient les semeurs, afin que les Apôtres puissent être les moissonneurs. Pour germer et grandir, le blé avait dû être semé par les prophètes; arrivé à maturité, il attendait que les Apôtres viennent le moissonner. Le Seigneur n'a-t-il pas déclaré alors à ses disciples: Vous dites que l'été est encore loin. Levez les yeux et regardez les champs, ils sont blancs pour la moissonJn 4,35. Il a dit encore: D'autres ont pris de la peine, et vous, vous profitez de leurs travaux ,Jn 4,38. Abraham, Isaac, Jacob, Moïse et les prophètes ont pris de la peine. Ils ont peiné pour semer le grain. A son avènement, le Seigneur a trouvé la moisson mûre. Et il a envoyé les moissonneurs avec la faux de l'Évangile. 

Les prédicateurs de l'Évangile ne saluent personne en chemin. Ils ne veulent rien faire d'autre qu'annoncer la Bonne Nouvelle par amour de leurs frères. Qu'ils entrent dans les maisons et qu'ils disent: Paix à cette maisonLc 10,5). Ils ne se bornent pas à en parler, mais ils répandent la paix dont ils sont remplis. Ils proclament la paix et la possèdent. Celui qui est rempli de paix salue en disant: Paix à cette maison. S'il y a là un ami de la paix, la paix du messager ira reposer sur luiLc 10,6.

Homélie de saint Augustin (+ 430), Sermon 101, 1-211, PL 38, 605-607 610, in Clerus.org.