mercredi 23 mars 2022

Saint Ambroise, + 397, le pardon suprême justice

 

5ème dimanche de carême année C                         Saint Luc 8,1-11



Une femme coupable d'adultère fut amenée par les scribes et les pharisiens devant le Seigneur Jésus. Et ils formulèrent leur accusation avec perfidie, de telle sorte que, si Jésus l'absolvait, il semblerait enfreindre la Loi, mais que, s'il la condamnait, il semblerait avoir changé le motif de sa venue, car il était venu afin de pardonner le péché de tous. Ils dirent en la lui présentant: Cette femme a été prise en flagrant délit d'adultère. Or dans la Loi, Moïse nous a ordonné de lapider ces femmes-là. Et toi, qu'en dis-tu (Jn 8,4-5) ?

Pendant qu'ils parlaient, Jésus, la tête baissée, écrivait avec son doigt sur le sol. Comme ils attendaient, il leva la tête et dit : Celui d'entre vous qui est sans péché, qu'il soit le premier à lui jeter la pierre (Jn 8,7). Y a-t-il rien de plus divin que cette sentence: qu'il punisse le péché, celui qui est sans péché ? Comment, en effet, pourrait-on tolérer qu'un homme condamne le péché d'un autre, quand il excuse son propre péché? Celui-là ne se condamne-t-il pas davantage, en condamnant chez autrui ce qu'il commet lui-même ?

Jésus parla ainsi, et il écrivait sur le sol. Pourquoi? C'est comme s'il disait: Qu'as-tu à regarder la paille qui est dans l'oeil de ton frère, alors que la poutre qui est dans ton oeil, tu ne la remarques pas (Lc 6,41)? Il écrivait sur le sol, du doigt dont il avait écrit la Loi (Ex 31,18). Les pécheurs seront inscrits sur la terre, et les justes dans le ciel, comme Jésus dit aux disciples: Réjouissez-vous parce que vos noms sont inscrits dans les cieux (Lc 10,20).

En entendant Jésus, les pharisiens sortaient l'un après l'autre, en commençant par les plus âgés, puis ils s'assirent pour délibérer entre eux. Et Jésus resta seul avec la femme qui était debout, là au milieu. L'évangéliste a raison de dire qu'ils sortirent, ceux qui ne voulaient pas être avec le Christ. Ce qui est à l'extérieur du Temple, c'est la lettre; ce qui est au-dedans, ce sont les mystères. Car ce qu'ils recherchaient dans les enseignements divins, c'étaient les feuilles et non les fruits des arbres; ils vivaient dans l'ombre de la Loi et ne pouvaient pas voir le soleil de justice.

Quand ils furent tous partis, Jésus resta seul avec la femme debout au milieu. Jésus, qui va pardonner le péché, demeure seul, comme lui-même l'a dit : L'heure vient et même elle est venue, où vous serez dispersés chacun de son côté, et vous me laisserez seul (Jn 16,32). Car ce n'est ni un ambassadeur ni un messager qui a sauvé son peuple, mais le Seigneur en personne. Il reste seul parce qu'aucun des hommes ne peut avoir en commun avec le Christ le pouvoir de pardonner les péchés. Cela revient au Christ seul, lui qui enlève le péché du monde. Et la femme méritait d'être pardonnée, elle qui, après le départ des Juifs, demeure seule avec Jésus.

Relevant la tête, Jésus dit à la femme: Où sont-ils, ceux qui t'accusaient ? Est-ce que personne ne t'a lapidée? Et elle répondit: Personne, Seigneur, Alors Jésus lui dit: Moi non plus, je ne te condamnerai pas. Va, et désormais, veille à ne plus pécher. Voilà, lecteur, les mystères divins, et la clémence du Christ. Quand la femme est accusée, le Christ baisse la tête, mais il la relève quand il n'y a plus d'accusateur, si bien qu'il veut ne condamner personne, mais pardonner à tous.

Que signifie donc: Va, et désormais veille à ne plus pécher ! Cela veut dire: Puisque le Christ t'a rachetée, que la grâce te corrige, tandis qu'un châtiment aurait bien pu te frapper, mais non te corriger.

 

 Lettre 26, 11-20; PL 16, 1044-1046, in clerus.org

jeudi 17 mars 2022

Le fils prodigue, Saint Augustin, homélie psaume 138.

 

4ème dimanche de carême

Saint Luc 15-13.11-32.


Même ceux qui sont loin de lui, Dieu les comprend



De loin tu as compris mes pensées, tu as découvert mon sentier, tu as prévu tous mes chemins
Ps 138,3-4. Que signifie de loin? Pendant que je suis encore voyageur, avant mon arrivée dans la patrie, tu as compris ma pensée. Songez au plus jeune fils, Lc 15,11-32, passim, car lui aussi est devenu le Corps du Christ, l'Église venue des nations païennes. Le plus jeune était parti au loin. En effet, un père avait deux fils. L'aîné n'était pas parti au loin, il travaillait aux champs et il symbolisait les saints qui, sous la Loi, observaient les pratiques et les préceptes de la Loi.

Mais le genre humain, qui s'était égaré dans le culte des idoles, était parti au loin. Rien, en effet, n'est aussi loin de celui qui t'a créé que cette image modelée par toi-même, pour toi. Le fils cadet partit donc dans une région lointaine, emportant avec lui sa part d'héritage et, comme nous l'apprend l'Évangile, il la gaspilla en menant une vie de désordre. Souffrant de la famine, il s'engagea au service d'un propriétaire du pays qui le chargea de garder un troupeau de porcs, et le malheureux, mais en vain, désirait se rassasier des gousses que mangeaient les porcs.

Après tant de malheurs et d'accablement, d'épreuves et de dénuement, il se rappela son père et voulut revenir vers lui. Il se dit : Je me lèverai, et j'irai vers mon père. Reconnaissez donc sa voix dans cette parole du psaume : Tu sais quand je m'asseois et quand je me lève,
Ps 138,2. Je me suis assis dans la misère, je me suis levé dans le désir de ton pain. De loin tu as compris mes pensées. Aussi, dans l'Évangile, le Seigneur nous dit-il que son père vint au-devant de lui. C'est vrai, parce qu'il avait compris de loin ses pensées. Tu as prévu tous mes chemins. Lesquels? Sinon les mauvais chemins qu'il avait suivis pour abandonner son père, comme s'il pouvait se cacher à ses regards qui le réclament, ou comme si l'écrasante misère qui le réduisait à garder les porcs n'était pas le châtiment que le père lui infligeait, dans son éloignement, en vue de le recevoir à son retour?

Il ressemblait à un fuyard qu'on arrête, poursuivi par la légitime revendication de Dieu, qui sévit contre nos passions, où que nous allions, si loin que nous puissions nous éloigner. Donc, comme un fuyard qu'on arrête, il dit : Tu as découvert mon sentier, et tu as prévu tous mes chemins. Avant même que j'y sois entré, avant même que j'y aie marché, tu les as vus d'avance. Et tu as permis que je suive mes chemins dans la peine, pour que, si je ne voulais plus peiner, je revienne dans tes chemins.

Parce qu'il n'y a pas de dissimulation dans mon langage,
Ps 138,4. Pourquoi parle-t-il ainsi ? Parce que je confesse ma faute devant toi: j'ai suivi mon propre sentier, je me suis éloigné de toi ; je t'ai quitté, toi auprès de qui j'étais bien; et pour mon bien, il a été mauvais pour moi d'avoir été sans toi. Car, si je m'étais trouvé bien sans toi, je n'aurais peut-être pas voulu revenir à toi.

Donc le psalmiste qui confesse ainsi ses péchés déclare qu'il est le Corps du Christ, maintenant qu'il est justifié, non par lui-même, mais par la grâce, lorsqu'il dit: Il n'y a pas de dissimulation dans mon langage.

conseils d'auteurs spirituels pour le carême, soeur Monique Anne Giroux, Or.A.


 

samedi 12 mars 2022

Dr. Wilbert Kreiss, Le figuier stérile Luc 13,6-9

 

Luc est le seul à relater cette parabole. Elle veut illustrer la terrible vérité énoncée au verset précédent : "Si vous ne vous repentez, vous périrez tous également", Luc 13,5.

Un figuier dans sa vigne:

Rien d'inhabituel à cela. Dans les petits vignobles de nos campagnes, on plantait bien des pêchers. Dans toutes les paraboles du Christ, la vigne représente le peuple de Dieu, en l'occurrence Israël. Mais dans notre texte, l'attention se porte non pas sur la vigne, mais sur le figuier qui s'y trouve. Sans doute représente-t-il l'individu, par opposition à la vigne, symbole de la collectivité. Le propriétaire vint non pas pour cueillir des figues, mais pour voir simplement si l'arbre en portait. Cependant il n'en trouva aucune. Un figuier sans figues est un homme sans repentance et qui n'en porte donc pas les fruits. Pour le figuier, la question est de savoir si ce manque de fruits est passager ou définitif, autrement dit s'il n'y a plus rien à faire.

 

 

Voilà trois ans... Coupe-le :

Ne cherchons pas à savoir à quelle époque dans l'histoire d'Israël correspondaient ces trois ans, nous risquerions de faire fausse route. Et de toutes façons, la parabole ne veut pas nous renseigner à ce sujet. Admettons plus simplement que c'est le temps que le propriétaire avait décidé de donner à son figuier pour constater s'il allait encore ou non porter du fruit. Il semble au premier abord qu'il y ait désaccord entre lui et son jardinier. Mais ce n'est pas le cas. Le propriétaire accepte en effet la requête du jardinier et consent à attendre une année de plus, et inversement le jardinier se déclare prêt à abattre l'arbre en cas d'échec. Dieu n'agit jamais sans prévenir. Il ne châtie pas avant d'avoir mis en garde. La cognée est mise à la racine en signe d'avertissement et comme un ultime appel à la repentance, Matthieu 3,10. Si celle-ci n'a pas lieu, elle entrera en action. Cf. Matthieu 7,19.20 ; Luc 19,41-44 ; Esaïe 5,5.6. Ce délai supplémentaire octroyé est la preuve de la patience d'un Dieu qui ne prend pas plaisir à la mort du pécheur, mais veut qu'il se convertisse et vive.

Pourquoi occupe-t-il la terre inutilement?

Littéralement : "pourquoi détruit-il la terre inutilement ?" Un arbre appauvrit toujours le sol dont il se nourrit. S'il ne porte pas de fruits, il ne fait que nuire et rend la terre improductive. A quoi bon, alors qu'au même endroit un autre arbre serait productif ? Il n'est que normal et juste de l'abattre.

Laisse-le encore cette année:

N'opposons pas un Christ compatissant et miséricordieux à un Père sévère et intransigeant. En effet, le Père accepte l'intercession de son Fils, et celui-ci consent à ce que l'arbre soit abattu, si dans un an il ne porte pas de fruit, à ce que le pécheur soit châtié s'il ne se repent pas. La colère n'exclut pas la grâce, ni la grâce la colère. Cette parabole nous présente Jésus dans sa fonction de médiateur et d'intercesseur. Pour bien comprendre cela, il est indispensable de lire les textes suivants: Romains 8,34 ; 1 Timothée 2,5-6 ; Hébreux 7,25 ; 9,24 ; 1 Jean 2,1-2. Cf. dans Petite Dogmatique Luthérienne, le chapitre sur l'office sacerdotal du Christ dans l'état de glorification. A la base de l'intercession de Jésus il y a son sacrifice médiateur, l'expiation de nos péchés par laquelle il nous a mérité le pardon et qui l'autorise à faire appel à la clémence et la patience de son Père. Il est le canal de la grâce, celui qui l'a méritée et acquise au monde, celui au nom duquel Dieu patiente, pardonne et sauve.

Je creuserai tout autour...:

Le jardinier ne fait pas que parler. Il s'engage aussi à agir. Jésus prend soin de la vigne et de ses figuiers. Dieu en est le propriétaire, et dans cette parabole Jésus lui-même se présente comme son jardinier, c'est-à-dire son serviteur. Mais un serviteur qui a beaucoup à dire. Dieu l'écoute, tient compte de ses désirs, dialogue avec lui, exauce ses requêtes. Il ne s'agit pas de prolonger simplement la vie du figuier d'une année supplémentaire, mais de faire une dernière tentative pour le rendre productif et ainsi le sauver. Il faudra creuser, mettre du fumier, aérer et enrichir le sol. C'est ainsi que Jésus, après nous avoir rachetés par son sacrifice, agit en vue de notre salut à l'aide de moyens de grâce. Nous sommes les bénéficiaires de ce travail. C'est grâce à lui que nous parvenons à la repentance et à la vie éternelle.

Peut-être donnera-t-il du fruit, sinon...:

Jésus sait que son travail peut être vain. Il compte avec un échec possible. Dans ce cas, il est prêt à renoncer lui aussi au figuier : "Sinon, tu le couperas". En fait, c'est le jardinier qui fera ce travail, mais à la demande du propriétaire. Jésus jugera les vivants et les morts, mais il agira sur l'ordre de son Père qui lui a confié la mission de racheter le monde, mais aussi de le juger. Le jugement divin est généralement précédé d'une intensification de la grâce. Ce fut le cas pour l'humanité avant le déluge, pour Israël avant la déportation à Babylone et avant la destruction finale de Jérusalem. Ce suprême effort de la grâce dont tant d'impénitents abusent, assurés qu'ils sont de la faveur de Dieu et de leur impunité, enlève aux hommes toute excuse. Dieu tente tout pour les sauver, Esaïe 5,3-5; Matthieu 23,37; Romains 10,21). Les damnés devront l'admettre au jour du jugement et n'en auront que plus de remords.

Ici s'arrête la parabole, sans dire si, grâce à l'intercession et au travail du jardinier, le figuier finit par porter du fruit. Si nous appliquons cette parabole à Jérusalem, nous savons quelle suite lui donner. Et si nous l'appliquions à nous-mêmes...?

Thèmes de réflexion:

  • Appliquée à nous, à chaque homme entendant la Parole de Dieu, cette parabole contient un pressant appel à la repentance et affirme clairement que le pécheur ne doit son salut qu'au Christ. Seule la grâce du Christ lui permet d'échapper au jugement mérité et de parvenir au salut. C'est encore une fois l'affirmation du monergisme divin dans l'oeuvre du salut, de l'exclusivité et de la souveraineté de la grâce.
  • La parabole n'illustre pas seulement la déception d'un propriétaire qui n'est pas payé de ses efforts, mais aussi la détresse d'un homme qui avait misé toute son espérance dans sa plantation. N'oublions pas que les Israélites chérissaient leurs vignes et leurs figuiers, signes de leur installation dans la terre promise et témoins de leur prospérité et des bénédictions divines promises aux patriarches. Détresse d'un homme qui semble avoir totalement échoué avec son figuier et, dans une autre parabole, avec sa vigne, Esaïe 5,4). Détresse du Christ devant une Eglise trop souvent infidèle et désobéissante, détresse et déception de l'époux devant les fugues constantes de son épouse.
  • Notre parabole est l'histoire d'un dialogue entre un propriétaire et son jardinier. Dieu est un Dieu de dialogue. Il dialogua avec Abraham pour Sodome, avec Moïse pour Israël, et surtout avec son Fils Jésus. Et c'est toujours lui qui cède. Cf. la lutte de Jacob avec l'ange de l'Eternel et le dialogue de la Cananéenne avec Jésus. Dieu s'avoue volontiers battu. Son coeur se laisse fléchir, dès qu'il y va du salut de l'homme.
  • Jésus ne demande qu'un délai. Il croit que ce n'est qu'une affaire de temps. Il croit en l'invincibilité de l'amour. Il croit en sa réussite. Il veut déployer encore plus d'efforts qu'auparavant, donner au figuier encore plus de chances de porter du fruit. "Peut-être portera-t-il du fruit?" Littéralement: "Et s'il portait du fruit?" Jésus y croit. C'est le "si" de l'espérance qui retentit sur chacun de nous. Mais ce "si" est suivi d'un "sinon": "Sinon tu le couperas". C'est un "si" d'amour. Mais il ne permet à personne de jouer avec la bonté et la patience de Dieu, de reporter la repentance au lendemain ou d'y renoncer tout bonnement, sous prétexte que le Seigneur est miséricordieux. On ne joue pas avec ce "si". Il représente une chance inouïe, mais une chance qu'il faut se dépêcher de saisir!
  • Après la patience vient l'heure du jugement (V.7). Jugement définitif, radical et irréversible. Non seulement parce que le travail de Dieu a été vain, mais parce que l'incrédule pour qui il a tout tenté n'a pas voulu répondre à l'immense amour dont il a été l'objet, que son coeur est resté de pierre, insensible à tous les témoignages de patience et de miséricorde.

 

Questions de révision et exercices:

    1) Qu'est-ce que cette parabole nous apprend sur les rapports entre Dieu le Père et son Fils Jésus-Christ?
    2) Que nous apprend-elle sur l'office ou le ministère du Christ?
    3) Si un homme est sauvé, à qui le doit-il? Et s'il périt éternellement, à qui la faute? Connaissez-vous des Eglises qui donnent à ces deux questions des réponses divergentes?
    4) Trouvez des textes bibliques affirmant que le jugement des vivants et des morts sera exercé par Jésus, le Fils de Dieu.
    5) Pourquoi pensez-vous que le Père ait confié à son Fils la mission de juger le monde?
    6) En vous fondant sur les affirmations de notre texte, bâtissez un petit sermon sur le plan suivant:
    Le secret du bonheur des chrétiens
    1) Ils appartiennent à Dieu a) par la création, b) par la rédemption. 
    2) Sa grâce demeure sur eux. 
    3) Leur sauveur intercède pour eux.
    Conclusion: Appel à la confiance et à porter les fruits de la repentance. 
     https://www.egliselutherienne.org

Saint Jean Damascène, homélie sur la transfiguration


 Luc 9, 28-36

Pierre et ses compagnons virent la Gloire de Jésus



         Aujourd’hui se manifeste ce que des yeux de chair ne peuvent voir : un corps terrestre rayonnant de la splendeur divine, un corps mortel manifestant la gloire de la divinité. Le Thabor jubile et se réjouit, montagne divine et sainte, car elle rivalise en grâce avec le ciel. Là, les apôtres choisis voient le Christ dans la gloire de son Royaume. Là, la résurrection des morts est manifestée à leur foi, et le Christ se montre Seigneur des morts et des vivants, lui qui fait paraître Moïse d’entre les morts, et qui prend pour témoin des vivants Elie, le cocher au souffle de feu. Là, les chefs des prophètes prophétisent encore, annonçant l’exode du Seigneur à travers la croix. Jadis au Sinaï, la fumée, la tempête, la ténèbre et le feu effrayant annonçaient que le donateur de la Loi était inaccessible, lui qui, comme une ombre, ne se laissait voir que de dos. Maintenant, tout ruisselle de lumière et de clarté.

        Tandis que s’accomplissent ces choses, et pour que le Christ soit révélé comme Seigneur de l’Ancienne et de la Nouvelle Alliance, pour que soit crue la résurrection des morts, et pour que Celui qui reçoit le témoignage du Père soit reconnu Seigneur des morts et des vivants, Moïse et Elie se tiennent comme des serviteurs aux côtés du Seigneur de gloire. Par les apôtres, leurs compagnons dans le service, ils sont vus parlant avec Lui. Moïse proclame : Ecoute, Israël spirituel, ce que l’Israël selon la chair n’a pu entendre : le Seigneur ton Dieu est un seul Seigneur, puisqu’il est un seul, connu en trois Personnes. Alors Elie répond : Celui-ci est Celui que jadis j’ai contemplé, incorporel comme une brise légère, je veux dire dans l’Esprit-Saint.

        Jadis, Moïse entrait dans la nuée divine, indiquant le caractère d’ombre de la Loi. Ne lit-on pas dans la lettre aux Hébreux : La Loi est l’ombre des choses à venir, non la vérité elle-même. Alors, Israël ne pouvait regarder intensément la gloire pourtant passagère du visage de Moïse ; mais, nous, le visage découvert, nous contemplons, comme dans un miroir, la gloire du Seigneur transfigurée de gloire en gloire par l’Esprit du Seigneur. C’est pourquoi une nuée, non plus de ténèbres mais lumineuse, les couvrit de son ombre. Car le mystère caché dès avant les siècles et les générations est révélé, et la gloire véritable se manifeste.

        Une voix sortit de la nuée et dit : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le ! Il est mon Fils bien-aimé dès avant tous les siècles, le Fils unique qui éternellement procède de moi, qui est toujours de moi, en moi et avec moi. En lui j’ai mis ma bienveillance. Oui, par la bienveillance du Père, le Fils unique s’est fait chair ; par la bienveillance du Père, le Fils unique a opéré le salut du monde entier. La bienveillance du Père a forgé dans le Fils unique la communion de tous les hommes.

Homélie sur la Transfiguration, 2, 3,13, 17-18, PG 96, 548…573

dimanche 6 mars 2022

Anastase du Sinaï pour la tranfiguration, VIIè s.

 2ème dimanche du carême, saint Luc 9,28-36


« Il nous est bon d'être ici »

Jésus montra ce mystère à ses disciples sur le mont Thabor. Tandis qu’il cheminait au milieu d’eux, il les avait entretenus de son règne et de son deuxième avènement dans la gloire. Mais parce qu’ils n’étaient peut-être pas suffisamment certains de ce qu’il leur avait annoncé au sujet de son règne, il voulut qu’ils finissent par être très fermement convaincus au fond de leur cœur, et que les événements présents les aident à croire aux événements à venir. C’est pourquoi, sur le mont Thabor, il leur fit voir une merveilleuse manifestation divine, comme une image préfigurative du royaume des cieux. C’est exactement comme s’il leur disait : « Pour que le retard n’engendre pas en vous l’incrédulité, dès maintenant, immédiatement, vraiment, je vous le dis, il y en a parmi ceux, qui sont ici qui ne connaîtront pas la mort avant qu’ils voient venir le Fils de l’homme dans la gloire de son Père. »

Et, voulant montrer que la puissance du Christ s’accorde avec sa propre volonté, l’évangéliste ajoute : Six jours après, Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean et les emmène à l’écart sur une haute montagne. Et il fut transfiguré devant eux, son visage devint brillant comme le soleil et ses vêtements, blancs comme la neige. Et voici que leur apparurent Moïse et Élie, qui s’entretenaient avec lui.

Telles sont les merveilles divines de la présente solennité ; tel est le mystère, accompli pour nous sur la montagne aujourd’hui, mystère qui est en même temps un acte sauveur. Car ce qui nous réunit est en même temps initiation au mystère du Christ et rassemblement pour sa célébration. Afin donc que nous pénétrions dans les mystères sacrés et inexprimables avec ceux qui ont été choisis parmi les disciples inspirés par Dieu, écoutons la voix divine et très sainte qui, comme d’en haut et du sommet de la montagne, nous convoque de la façon la plus persuasive.

C’est donc vers la montagne qu’il faut nous hâter, j’ose le dire, comme l’a fait Jésus qui, là comme dans le ciel, est notre guide et notre avant-coureur. Avec lui nous brillerons pour les regards spirituels, nous serons renouvelés et divinisés dans les structures de notre âme et, avec lui, comme lui, nous serons transfigurés, divinisés pour toujours et transférés dans les hauteurs.

Accourons donc, dans la confiance et l’allégresse, et pénétrons dans la nuée, ainsi que Moïse et Élie, ainsi que Jacques et Jean. Comme Pierre, sois emporté dans cette contemplation et cette manifestation divines, sois magnifiquement transformé, sois emporté hors du monde, enlevé de cette terre ; abandonne la chair, quitte la création et tourne-toi vers le Créateur à qui Pierre disait, ravi hors de lui-même : Seigneur, il nous est bon d’être ici!

Certainement, Pierre, il est vraiment bon d’être ici avec Jésus, et d’y être pour toujours. Qu’y a-t-il de plus heureux, qu’y a-t-il de plus sublime, qu’y a-t-il de plus noble que d’être avec Dieu, que d’être transfiguré en Dieu dans la lumière ? Certes, chacun de nous, possédant Dieu dans son cœur, et transfiguré à l’image de Dieu doit dire avec joie : Il nous est bon d’être ici, où tout est lumineux, où il y a joie, plaisir et allégresse, où tout, dans notre cœur, est paisible, calme et imperturbable, où l’on voit Dieu : là il fait sa demeure avec le Père et il dit, en y arrivant : Aujourd’hui le salut est arrivé pour cette maison. Là tous les trésors des biens éternels sont présents et accumulés. Là sont présentées comme dans un miroir les prémices et les images de toute l’éternité à venir.

Joie de la transfiguration, d'après les Pères d'Orient, Spiritualité orientale, N° 39,  Bellefontaine, 153-164

vendredi 4 mars 2022

Saint Jean Chrysostome, le rôle des tentations


1er dimanche de carême C



Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
4,1-13

Après son baptême, Jésus, rempli de l'Esprit Saint, quitta les bords du Jourdain; il fut conduit par l'Esprit à travers le désert où, pendant quarante jours, il fut mis à l'épreuve par le démon.

Alors Jésus fut conduit au désert par l'Esprit pour être tenté par le démon, Mt 4,1. Que signifie cet "alors" ? Après la descente de L'Esprit Saint, après la voix venue d'en-haut et qui disait : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en lui j'ai mis tout mon amour, Mt 3,17. Le plus surprenant est cette affirmation de l'évangéliste : c'est le Saint-Esprit qui le conduisit en ce lieu ! En effet, tout ce que Jésus a fait et enduré était destiné à nous instruire. Il a donc voulu être conduit en ce lieu pour lutter avec le démon, afin que nul parmi les baptisés ne soit troublé s'il subit après son baptême de plus grandes tentations, comme si c'était extraordinaire ; mais il doit supporter tout cela comme étant dans l'ordre des choses. C'est pour cela que vous avez reçu des armes : non pour rester oisifs, mais pour combattre.

Voici pour quels motifs Dieu n'empêche pas les tentations qui vous surviennent. D'abord pour vous apprendre que vous êtes devenus beaucoup plus forts ; puis, afin que vous gardiez la mesure, au lieu de vous enorgueillir des grands dons que vous avez reçus, car les tentations ont le pouvoir de vous humilier. En outre, vous serez tentés afin que ce génie du mal, se demandant encore si vous avez vraiment renoncé à lui, soit convaincu, par l'expérience des tentations, que vous l'avez totalement abandonné. Quatrièmement, vous êtes tentés pour être entraînés à être plus forts et plus solides que l'acier. Cinquièmement, afin que vous ayez la certitude absolue que des trésors vous ont été confiés. Car le démon ne vous aurait pas assaillis, s'il n'avait pas vu que vous receviez un plus grand honneur.

Et remarquez en quel lieu l'Esprit Saint a conduit Jésus: non pas en ville, ni sur la place publique, mais au désert. Car, puisqu'il voulait attirer le démon, il a donné prise à celui-ci non seulement en ayant faim, mais aussi en venant en ce lieu. Le démon s'attaque surtout à ceux qu'il voit seuls et à l'écart. Lorsqu'il voit des gens rassemblés, il n'a plus la même audace, il perd confiance. Aussi faut-il surtout que nous soyons toujours ensemble, pour ne pas offrir une proie facile au démon. Celui-ci trouve donc Jésus dans le désert, et un désert inaccessible.

Voyez avec quelle ruse et quelle perversité le démon s'approche, et comme il saisit le bon moment ! Il n'aborde pas celui qui jeûne, mais celui qui a faim. Apprenez ainsi comme le jeûne est un grand bien, et l'arme la plus puissante contre le démon ; sachez qu'après le baptême il ne faut pas se livrer au luxe, à l'ivrognerie, aux repas plantureux, mais s'adonner au jeûne. C'est pour cela que Jésus lui-même a jeûné, non pas qu'il en eût besoin, mais afin de nous instruire.

Homélies sur Matthieu, 13, 1 ; PG 57, 207-209. Clerus.org