samedi 29 janvier 2022

Dieu au coeur de notre lectio

 


Dès les premiers mots de la Bible nous voyons à l'oeuvre le souffle et la parole de Dieu,
 Gn 1,2-3 ; "par sa parole, le Seigneur a fait les cieux, et toute leur armée par le souffle de sa bouche", chantons-nous en écho au Psaume 33. Plusieurs fois dans son célèbre ouvrage "Contre les hérésies", Saint Irénée évoque ces deux mains de Dieu qui ont modelé l'homme, c'est-à-dire le Fils et l'Esprit, ou encore le Verbe et la Sagesse (Ad.Her. IV, Pr.4 ; IV 7,4 ; V 1,3 ; V 6,1 ; V 28,4). Tout cela nous montre combien la parole de Dieu est inspirée, son Verbe est rempli d'Esprit Saint sans mesure, Jn 3,34. Quand, à l'exemple d'Ezéchiel ou de Jean, nous prenons cette parole et la mangeons, Ez 3,1-30 ; Ap 10,8-10, Dieu, comme aux premiers jours de la Genèse, nous façonne, il nous transforme à l'image de son Fils et nous insuffle son Esprit de vie, Gn 1,26 et 2,7.

 
 
 
D'une part, en effet, la Parole de Dieu nous renvoie sans cesse au Christ. Toutes les Ecritures le concernent comme il le fera comprendre aux deux disciples d'Emmaüs, Lc 24,27.44. Il donne leur achèvement, leur plénitude de sens aux promesses faites aux patriarches, aux annonces des prophètes, à l'espérance des psalmistes : partout se découvre peu à peu son visage de Sauveur. Présence active et vivifiante qui, de page en page, vient à notre rencontre et nous appelle. Car s'il ouvre notre intelligence et fait brûler notre coeur, Lc 24,32, c'est pour que désormais et de plus en plus nous nous attachions à Lui sans retour.

Saint Athanase, évêque d'Alexandrie au IVè siècle, raconte comment saint Antoine le Grand, qu'on appellera un jour le père des moines, "entra dans une église. Il advint qu'on lut l'évangile et il entendit le Seigneur disant au riche : si tu veux être parfait, va, vends tut ce que tu as et donne-le aux pauvres, et viens, suis-moi, tu auras un trésor dans le ciel. Antoine ayant reçu de Dieu le souvenir des saints, comme si la lecture avait été faite pour lui, sortit aussitôt de l'église. Les biens qu'il avait de ses parents... il en fit cadeau aux gens du village pour n'en être pas embarrassé... Il vendit tous ses meubles et distribua aux pauvres tout l'argent qu'il en reçu ..." (Vita § 2). Ce fut pour lui l'aurore d'une vie nouvelle, toute ordonnée à l'amour du Seigneur qui, peu à peu, le conformait à lui.

Force de la parole qui nous conduit à ne plus rien préférer au Christ, Règle de st B 72,11. Entendue en Eglise ou méditée dans le secret de notre chambre, elle nous invite à renoncer à nous-mêmes et à le suivre, Mt 16,24. Cela, chaque jour, ainsi que Saint Benoît nous le rappelle : "Ecoutons d'une oreille attentive la voix puissante de Dieu qui chaque jour nous presse en disant : aujourd'hui, si vous entendez sa voix, n'endurcissez pas votre coeur", Prol. 9 et 10. Car le temps de la rencontre est toujours au présent. Consentir à cette parole c'est recevoir le pouvoir de devenir dès maintenant enfant de Dieu, Jn 1,12. Par elle nous apprenons que "vivre, c'est Christ et mourir à nous-mêmes est un gain", Phil 1, 21.

Ainsi donc, Dieu est au coeur de notre lectio en tant que celle-ci nous ouvre à la présence agissante du Christ en nous et autour de nous. D'autre part, la parole de Dieu est aussi et en même temps, expérience de l'Esprit. L'apôtre Jean souligne à plusieurs reprises le lien entre demeurer en Dieu, garder sa parole et recevoir le don de l'Esprit. Par exemple dans sa première épître, 1 Jn 3,24 : "Celui qui garde ses commandements demeure en Dieu et Dieu en lui. Par là nous reconnaissons qu'il demeure en nous, grâce à l'Esprit dont il nous a fait don", Jn 14, 23-26 et 1Jn 4, 13.

Quand la parole bouleverse notre coeur et nous donne la force de la conversion , Ac 2,37-38, c'est-à-dire de sortir de nous mêmes vers l'Autre et les autres ; quand nous laissons Dieu entrer et bousculer notre vie, c'est l'Esprit qui est à l'oeuvre pour nous recréer dans le Christ, pour nous faire renaître d'en-haut, quand bien même nous serions déjà vieux, comme Nicodème , Jn 3,4.7-8, et il n'est pas pire vieillissement que le péché, Rm 6,6. Car l'Esprit est communion, 2 Co 13,13. Il nous introduit dans la communion du Fils avec le Père, il bâtit l'unité du corps du Christ qui est l'Eglise, 1 Co 12,13 ; Ep 4,4 ; Col 1,18.

Le signe que notre lectio a vraiment rencontré le Christ dans l'Esprit est notre adhésion, notre participation renouvelée à la vie de l'Eglise. Autrement dit : ceux que Dieu a engendré par la Parole de vérité, Jc 1,18 ; 1 Pi 1,23-25, l'Esprit en fait des membres vivants du corps du Christ. La dimension trinitaire de la lectio se déploie et s'approfondit en communion ecclésiale. Dans cette optique, ceux et celles qui nous ont précédés sur ce chemin deviennent pour nous des témoins et des amis qui nous aident à y progresser à notre tour. C'est pourquoi, après la Bible, les écrits des Pères et des saints de tous les temps constituent un trésor inépuisable où chacun peut reconnaître sous des formes multiples et variées, l'unique Esprit de Dieu transfigurant l'homme à l'image du Fils bien-aimé, 2 Co 3,14-18, si du moins il y consent.

jeudi 20 janvier 2022

Origène (+ 253), Jésus nous parle aujourd'hui

 Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 1,1-4 Lc 4,14-21



Lorsque Jésus, avec la puissance de l'Esprit, revint en Galilée, sa renommée se répandit dans toute la région. Il enseignait dans les synagogues des Juifs, et tout le monde faisait son éloge.






Quand vous lisez : Il enseignait dans leurs synagogues, et tout le monde faisait son éloge, gardez-vous de n'estimer heureux que ces gens-là, et de vous croire privés de son enseignement. Si les Écritures sont vraies, le Seigneur n'a pas seulement parlé en ce temps-là, dans les assemblées juives, mais il parle également aujourd'hui dans notre assemblée. Et Jésus enseigne non seulement dans la nôtre, mais dans d'autres encore, et dans le monde entier. Et il cherche des instruments pour répandre ses enseignements. Priez pour qu'il me trouve, moi aussi, disposé et apte à le chanter.

Il vint ensuite à Nazareth, où il avait grandi. Comme il en avait l'habitude, il entra dans la synagogue le jour du sabbat, et il se leva pour faire la lecture. On lui présenta le livre du prophète Isaïe. Il ouvrit le livre et trouva le passage où il est écrit: L'Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m'a consacré par l'onction, Lc 4,16-18, citant Is 61,1.

Ce n'est pas par hasard, mais par une disposition de la divine Providence que Jésus ouvrit le livre et trouva un passage de l'Écriture qui prophétisait à son sujet. Il est écrit, en effet, qu'un moineau ne tombe pas dans le filet sans la volonté du Père, Mt 10,29, et que les cheveux de la tête des Apôtres sont tous comptés, Lc 12,7. Ne serait-ce pas aussi en vertu de sa providence que le livre d'Isaïe fut choisi plutôt qu'un autre, ainsi que ce passage précis qui parle du mystère du Christ: L'Esprit du Seigneur est sur moi, parce que le Seigneur m'a consacré par l'onction, Is 61,1 ?

Après avoir lu ces paroles, Jésus referma le livre, le rendit au servant et s'assit. Tous, dans la synagogue, avaient les yeux fixés sur lui, Lc 4,20. En ce moment aussi, dans notre synagogue, c'est-à-dire dans notre assemblée, vous pouvez, si vous le voulez, fixer les yeux sur le Sauveur. Car, lorsque vous tenez le regard le plus profond de votre coeur attaché à la contemplation de la sagesse, de la vérité et du Fils unique de Dieu, vos yeux sont fixés sur Jésus. Bienheureuse assemblée dont l'Écriture atteste que tous avaient les yeux fixés sur lui! Comme je voudrais que cette assemblée mérite un témoignage semblable, que tous, catéchumènes, fidèles, femmes, hommes et enfants, regardent Jésus avec les yeux non du corps, mais de l'âme! Lorsque, en effet, vous tournerez vers lui votre regard, sa lumière et sa contemplation rendront vos visages plus lumineux, et vous pourrez dire: Sur nous, Seigneur, la lumière de ton visage a laissé ton empreinte, cf. ps 4,7, toi à qui appartiennent la gloire et la puissance pour les siècles des siècles. Amen, 1 P 4,11.

 Homélie 32, 1-3.6, GCS 9, 193-195


samedi 15 janvier 2022

Saint Maxime de Turin (+415), homélie noces de Cana

 


Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 2,1-11

Il y avait un mariage à Cana en Galilée. La mère de Jésus était là. Jésus aussi avait été invité au repas de noces avec ses disciples.

Homélie

Le vin nouveau de la vraie joie

 

 

 
Le Fils de Dieu est donc allé aux noces pour sanctifier par sa présence bénie le mariage qu'il avait institué par une décision souveraine. Il est allé à des noces célébrées selon l'ancienne coutume, en vue de se choisir dans la société des païens une épouse qui resterait toujours vierge. Lui qui n'est pas né d'un mariage humain est allé aux noces. Il y est allé non point pour prendre part à un joyeux banquet, mais pour se révéler par un exploit vraiment admirable. Il est allé aux noces non pour boire des coupes de vin, mais pour en donner. Car, dès que les invités manquèrent de vin, la bienheureuse Marie lui dit : Ils n'ont pas de vin. Jésus apparemment contrarié lui répondit : Femme, que me veux-tu, Jn 2,3-4.

De telles paroles sont, sans aucun doute, le signe d'un mécontentement. Elles s'expliquent pourtant, à mon avis, par le fait que la mère lui avait signalé d'une manière inattendue qu'on manquait d'une boisson matérielle, alors qu'il était venu offrir aux peuples de la terre entière le calice nouveau de l'éternel salut. En répondant : Mon heure n'est pas encore venue, Jn 2,4, il prophétisait certainement l'heure très glorieuse de sa passion, ou bien le vin de notre rédemption qui procurerait la vie à tous. Car Marie demandait une faveur temporelle, tandis que le Christ préparait une joie éternelle.

Le Seigneur très bon n'a toutefois pas hésité à accorder cette grâce moindre, alors que de grandes grâces étaient attendues. La bienheureuse Marie, parce qu'elle était véritablement la mère du Seigneur, voyait par la pensée ce qui allait arriver et connaissait d'avance la volonté du Seigneur. Aussi prit-elle bien soin d'avertir les serviteurs par ces mots: Faites tout ce qu'il vous dira, Jn 2,5. Sa sainte mère savait assurément que la parole de reproche tombée de la bouche de son fils, le Seigneur, ne cachait pas le ressentiment d'un homme en colère, mais contenait une mystérieuse compassion.

Alors, pour rassurer sa mère déconcertée par cette réprimande, le Seigneur révéla aussitôt son pouvoir souverain. Il dit aux serviteurs qui attendaient : Remplissez d'eau les cuves,
Jn 2,7. Les serviteurs, dociles, s'empressèrent d'obéir. Et voici que d'une manière soudaine et merveilleuse, ces eaux commencèrent à recevoir de la force, à prendre de la couleur, à répandre une bonne odeur, à acquérir du goût, et en même temps à changer entièrement de nature. Et cette transformation des eaux en une autre substance a manifesté la présence de la puissance créatrice. Personne, en vérité, hormis celui qui a créé l'eau de rien, ne peut la transformer en une substance destinée à d'autres usages.

Il n'y a aucun doute, mes bien-aimés, que celui-là même qui a changé l'eau en vin, lui a donné aussi, à l'origine, la consistance de la neige et la dureté de la glace. Il l'a changée en sang pour les Égyptiens. Pour étancher la soif des Hébreux, il lui a ordonné de couler d'un dur rocher, dont il a fait jaillir, comme du sein d'une mère, une source nouvelle qui a fait vivre une multitude innombrable de peuples.

Tel fut, dit l'Écriture, le commencement des signes que Jésus accomplit. C'était à Cana en Galilée. Il manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui, Jn 2,11. La foi des disciples ne s'appliquait pas du tout à ce qui s'accomplissait sous leurs yeux, mais à ce que les yeux du corps ne peuvent voir. Ils ont cru, non que Jésus Christ était le fils d'une vierge, car ils le savaient, mais qu'il était aussi le Fils unique du Très-Haut, ce dont le miracle leur fournissait la preuve.


Voilà pourquoi, mes frères, nous devons croire, nous aussi, de tout notre coeur, que celui-là même que nous appelons le fils de l'homme, est également le Fils de Dieu. Puisqu'il était présent aux noces en tant qu'homme, et qu'il a changé l'eau en vin en tant que Dieu, croyons que non seulement il partage notre nature, mais aussi qu'il est par nature égal au Père, afin que notre Seigneur, dans sa bonté, veuille nous donner à boire, en raison de cette foi, le vin très pur de sa grâce.

http://www.catho.org/9.php, Homélie 23  PL 57. 274-276

samedi 8 janvier 2022

Sévère d’Antioche. " Homélie 84 " baptême de Jésus

 


Moi, le Seigneur, je t’ai appelé selon la justice, je t’ai pris par la main, je t’ai mis à part, j’ai fait de toi mon Alliance avec le peuple, et la lumière des nations ; tu ouvriras les yeux des aveugles, tu feras sortir les captifs de leur prison, et de leur cachot, ceux qui habitent les ténèbres. Is 42, 6-7

C’est pour nous que le Christ fut baptisé. En effet, il remplit notre baptême de lumière, de vie et de sainteté. Il s’est constitué la route pour la venue de l’Esprit Saint en nous. L’Esprit est venu vers Lui comme sur les prémices de notre race, afin de passer aussi sur ceux qui sont de la même race, quand ils sont rendus parfaits par le baptême. 

Sévère d’Antioche. " Homélie 84 " , Martin de La Roncière, trésors spirituels des chrétiens d'Orient et d'Occident, pour prier chaque jour de l'année, p. 100-101.