vendredi 31 juillet 2020

Mathieu 14,13-21, la tempête apaisée

19ème dimanche du temps ordinaire

9 août 2020


Ce récit montre comment Jésus enseigne et éduque ses disciples. Jésus leur montre par avance tout le chemin qu’ils devront parcourir et aussi comment ils devront le parcourir.

Tout d’abord, il est précisé que cet épisode de la tempête apaisée suit immédiatement celui de la multiplication des pains. A juste titre. Pour pouvoir traverser les tempêtes, les épreuves, nous avons besoin d’être fortifiés. Et cette force, c’est l’eucharistie qui nous la donne. Bien souvent, nous pouvons nous rendre à la messe avec un cœur agité par des doutes, des souffrances. Mais nous en ressortons avec cette certitude que Dieu est avec nous, qu’il nous accompagne au quotidien et que nous n’avons rien à craindre. Il est notre Bon Pasteur.


Il est aussi surprenant de voir Jésus obliger ses disciples à monter dans la barque et se charger lui-même de renvoyer la foule. A première vue, nous pourrions penser que c’est aux disciples d’assumer ce travail. Et pourtant Jésus leur demande de partir, qui plus est, sans lui car il reste à terre. Par cela, il nous est montré que les disciples ont besoin de se retrouver entre eux, d’être ensemble, à l’écart, pour méditer et comprendre ce que le Seigneur vient d’accomplir. Dans notre vie de baptisés, nous touchons ici à l’importance de prendre des temps de retraites, de récollections. Le Seigneur ne nous envoie pas seulement à toutes les nations pour proclamer la Bonne Nouvelle. Il nous invite aussi à prendre du temps pour nous afin de prier. Parfois, nous piétinons dans notre vie spirituelle car nous ne savons pas prendre suffisamment de recul pour relire notre vie et l’offrir à Jésus.

Les disciples sont dans la barque et la tempête se lève. Cette barque, avec les douze apôtres, représente l’Eglise malmenée par le vent contraire et loin de la terre. Cette situation nous donne une bonne idée de ce que peut être le combat spirituel. Le vent est contraire, c’est à dire que tout autour de nous semble nous pousser dans le mauvais sens, loin de Jésus. La terre est loin, ce qui signifie que l’espoir de trouver un refuge est bien lointain. C’est le propre même du combat spirituel : nous nous sentons perdus et nous ne savons plus à quoi nous raccrocher. C’est alors que Jésus vient, après nous avoir laissés lutter. Cette affirmation peut surprendre. Le Seigneur prendrait-il plaisir à nous voir lutter ? Sûrement pas ! Mais il est vrai cependant que notre foi se fortifie à travers les épreuves. Dans l’Epître de saint Jacques, nous trouvons ce beau passage : « Tenez pour une joie suprême, mes frères, d’être en butte à toutes sortes d’épreuves. Vous le savez, bien éprouvée, votre foi produit la constance », Jc 1,2-3.

C’est pourquoi nous  sommes appelés à faire la même expérience que Pierre. Jésus lui dit « Viens »,   Mt 14,29. Et Pierre marche sur les eaux, puis il commence à douter.  Pierre s’écrit finalement : « Seigneur, sauve-moi », Mt 14,30. Jésus étend la main et le saisit. Ce cri de Pierre peut être le nôtre aujourd’hui : «  Seigneur, sauve-moi ». Nous verrons alors Jésus nous tendre la main et nous sauver. Que notre foi ne vacille pas. 

Père Pascal Montavit, http://www.archivioradiovaticana.va/storico/2014/08/09/commentaire_de_l%C3%A9vangile_du_10_ao%C3%BBt__matthieu_14,_22-33/fr-1104259

 

lundi 27 juillet 2020

Saint Ephrem Matthieu 14,13-21

18e dimanche du temps ordinaire A


Jésus partit en barque pour un endroit désert, à l'écart. Les foules l'apprirent et, quittant leurs villes, elles suivirent à pied.


Homélie

Le don des pains en prépare un autre, plus grand

Commentaire de saint Éphrem (+ 373)


Au désert notre Seigneur multiplia le pain, et à Cana il changea l'eau en vin. En attendant de donner aux hommes son corps et son sang en nourriture, il habitua et exerça leur palais à son pain et à son vin. Il leur fit goûter un pain et un vin éphémères pour les entraîner à savourer le corps et le sang vivifiants. Il leur donna libéralement ces choses de peu de valeur pour qu'ils sachent que ce qu'il leur donnerait serait encore plus gratuit. Il leur donna gratuitement ce qu'ils auraient pu lui acheter, mieux, ce qu'ils avaient l'intention d'acheter, afin qu'ils sachent qu'il n'exigerait d'eux aucun paiement. Car s'ils pouvaient payer le prix du pain et du vin, ils ne pourraient payer son corps et son sang.

Or, le Seigneur ne s'est pas contenté de nous en faire don gracieusement, mais il s'est ingénié à nous entourer de prévenances. Ces petites choses, il nous les a données gratuitement pour nous attirer, afin que nous nous avancions et recevions gratuitement le bien qui surpasse tout. <> Il nous a attirés par des aliments doux au palais pour nous entraîner vers ce qui vivifie les âmes. Aussi a-t-il incorporé une agréable saveur au vin qu'il a fait, pour montrer quels trésors immenses sont cachés dans son sang vivifiant.

Mais vois aussi comment sa puissance créatrice atteint toutes choses. Ayant pris un peu de pain, notre Seigneur le multiplia en un clin d'oeil. Ce que les hommes font et transforment en dix mois de travail, ses dix doigts l'ont fait dans l'instant même. Ses mains étaient sous le pain comme une terre, sa parole au-dessus de lui comme le tonnerre; le murmure de ses lèvres se répandit sur le pain comme une pluie, et le souffle de sa bouche fut comme le soleil; en un très court instant il conduisit à son terme ce qui demande à tous un temps fort long. Alors le pain ne manqua plus; d'un peu de pain sortit une multitude de pains, comme lors de la première bénédiction: Soyez féconds, multipliez-vous, et remplissez la terre, Gn 1,28.

Une fois de plus, le Seigneur a manifesté la sainteté de sa parole à ceux à qui il avait ordonné de la mettre en pratique et il a montré avec quelle rapidité il octroyait ses dons à ceux qui les acceptaient. Néanmoins, il n'a pas multiplié le pain autant qu'il l'aurait pu, mais en quantité suffisante pour rassasier ceux qui mangeaient. Ce n'est pas sa puissance qui a mesuré son miracle, mais la faim des affamés. Car s'il avait mesuré son miracle à sa puissance, la victoire de celle-ci n'aurait pas pu être évaluée.

Mais le miracle a été mesuré à la faim de milliers de gens, et il s'est trouvé un surplus de douze corbeilles. Chez tous les artisans, la capacité est inférieure aux besoins des clients, puisqu'ils ne peuvent fabriquer tout ce que leur demandent leurs clients. Mais l'oeuvre réalisée par le Seigneur a dépassé les désirs de ceux qui avaient faim. Et il a dit: Rassemblez les morceaux pour qu'absolument rien ne se perde (Jn 6,12), afin qu'eux ne pensent pas que son action n'était qu'apparente. Mais, en conservant les restes un jour ou deux, ils en viendraient à croire que l'action du Seigneur était bien une réalité et non une vision trompeuse.

De fait, après qu'ils eurent été rassasiés, ils comprirent que le Seigneur les avait nourris au désert, comme il l'avait fait pour répondre aux prières de Moïse, et ils s'écrièrent: C'est vraiment lui le prophète, celui dont il est dit qu'il viendra dans le monde, Jn 6,14.

Commentaire de l'Évangile concordant, 12, 1.3-5; CSCO 145, Scriptores Armeniaci, 2, 115-117.
http://www.clerus.org/bibliaclerusonline/pt/jzc.htm

samedi 11 juillet 2020

Jean Chrysostome HOMÉLIE XLIV, Mt 13,1-23, le semeur


Il s’assied auprès de la mer, pour prendre comme à l’hameçon et au filet les habitants de la terre. Et ce n’est pas sans grande raison que l’évangéliste rapporte cette circonstance, comme pour marquer que Jésus-Christ s’était placé dans cette assemblée du peuple, d’une telle manière, qu’il avait tous ses auditeurs en face, sans qu’il y en eût un seul derrière lui.

« Et une grande multitude s’assembla autour de lui, de sorte que montant dans une barque il s’y assit, tout le peuple se tenant sur le rivage. Et il leur disait beaucoup de choses en paraboles. 


Celui qui sème est sorti pour aller semer .  D'où est « sorti » celui qui est présent partout et qui remplit tout? Comment a-t-il pu sortir et où a-t-il pu aller ? Mais quand Jésus-Christ s’est approché de nous par son incarnation, il ne l’a pas fait en passant d’un lieu en un autre, mais en se faisant homme et en se rendant visible à nous.. Il est venu pour en être le laboureur lui-même; pour rendre cette terre fertile, en la cultivant avec soin, et pour y semer sa parole comme une semence précieuse de vertu et de piété. Car j’entends ici par cette « semence » sa parole; par la « terre » qui la reçoit, nos âmes, et il est lui-même « 
celui qui la sème. » Mais que devient enfin cette semence? Il s’en perd trois parties, et il ne s’en sauve qu’une.

En semant, une partie de la semence tomba le long du chemin, et les oiseaux vinrent et la mangèrent. Il ne dit pas qu’il ait lui-même jeté cette semence hors du chemin, mais qu’elle y est tombée.

Une autre tomba dans des lieux pierreux, où elle n’avait pas beaucoup de terre, et elle leva aussitôt, la terre où elle était ayant peu de profondeur.

Le soleil s’étant levé ensuite, elle en fut brûlée; et comme elle n’avait pas beaucoup de racine, elle se dessécha . 
Une autre tomba dans les épines, et les épines crurent et l’étouffèrent. 
Une autre partie de la semence tomba dans une bonne terre, et elle fructifia; quelques grains rendant cent pour un, d’autres soixante, et d’autres trente . 

Que celui-là l’entende qui a des oreilles pour entendre. Il n’y a que cette quatrième partie de toute la semence qui se sauve, et encore même avec beaucoup d’inégalité et de différence. Jésus-Christ voulait dire par là qu’il offrait indifféremment à tous les instructions de sa parole. Car comme un laboureur ne choisit point en semant, et ne fait aucun discernement d’une terre d’avec une autre, mais répand sa semence également partout, Jésus-Christ de même, en prêchant, ne faisait point de distinction entre le riche et le pauvre, entre le savant et l’ignorant, entre l’âme ardente et celle qui était lâche et paresseuse. Il semait de même sur tous les coeurs, et il faisait de son côté tout ce qu’il devait faire, quoi qu’il n’ignorât pas quel devait être le succès de son travail. Après cela il pourra dire véritablement : « Qu’ai-je dû faire que je n’aie point fait? », Isaïe, XIII, 9. Les prophètes comparent partout le peuple à une vigne. Isaïe dit: « Il est devenu comme une vigne. », Isaïe, V. Et David dit: « Vous avez « transféré votre vigne de l’Egypte. », Ps. LXXIX, 13. Et Jésus-Christ le compare à un champ semé, pour marquer que les hommes allaient à l’avenir lui obéir avec plus de promptitude et que la terre porterait bientôt d’excellents fruits.

Ces paroles: « Celui qui sème est sorti pour aller semer, » ne doivent pas être regardées comme une redite. Car un laboureur sort souvent pour d’antres choses que pour semer. Il sort pour labourer et pour cultiver la terre. Il sort pour en arracher les épines et toutes les mauvaises herbes, ou pour d’autres sujets semblables; mais Jésus-Christ n’est sorti que pour semer. D’où vient donc, mes frères, qu’une si grande partie de cette semence se perd ? Il n’en faut pas accuser celui qui sème, mais la terre qui reçoit cette semence, c’est-à-dire l’âme qui n’écoute point cette divine parole. Pourquoi ne dit-il pas plutôt que les lâches ont reçu cette semence et l’ont laissé perdre ? que les riches l’ont reçue et l’ont étouffée ? que ceux qui vivaient dans la mollesse l’ont reçue et qu’ils l’ont rendue inutile ? Jésus-Christ ne veut pas parler si clairement pour ne point porter ces peuples au désespoir. Il veut les laisser à eux-mêmes, et il veut que ce soit leur propre conscience qui les justifie ou qui les condamne.
Ce qui arrive ici à la semence dont une partie se perd, arrive aussi ensuite à la pêche, où l’on rejette une partie des poissons qu’on avait pris.

Jésus-Christ dit à dessein cette parabole à ses disciples, pont les fortifier par avance et pour les avertir que si dans la suite des temps ils voyaient beaucoup de ceux à qui ils auraient prêché l’Evangile, se perdre, ils ne devaient pas pour cela se décourager, puisque la même chose était arrivée à Jésus-Christ, qui, sachant le peu de succès que devait avoir la divine semence, n’avait pas néanmoins laissé de semer.

Mais comment peut-on concevoir, me dites-vous, qu’on sème sur des épines, sur des pierres et dans des chemins ? Je vous réponds que cela serait ridicule à l’égard d’une semence matérielle qu’on jette sur la terre; mais à l’égard de nos âmes et de la parole de Dieu, c’est une chose qui ne peut être que très louable. On blâmerait très-justement un laboureur s’il perdait ainsi sa semence, parce que les pierres ne peuvent devenir de la terre et que les chemins ne peuvent cesser d’être des chemins, ni les épines d’être des épines. Mais il n’en est pas ainsi de nos âmes Les pierres les plus dures peuvent se changer en une terre très-fertile. Les chemins les plus battus peuvent n’être plus foulés aux pieds, ni exposés à tous les passants, mais devenir un champ bien préparé et bien cultivé. Les épines peuvent disparaître pour faire place à la semence, afin que le grain croisse et pousse en haut, sans qu’il trouvé rien qui l’empêche de monter.
Si ces changements étaient impossibles, le semeur divin n’aurait jamais rien semé dans le monde. Et s’ils ne sont pas arrivés dans toutes les âmes, ce n’est point la faute du laboureur, mais de ceux qui n’ont pas voulu se changer. Il a accompli avec un soin entier ce qui dépendait de lui. Si les hommes, au lieu de correspondre à son ouvrage; l’ont au contraire détruit en eux-mêmes, il n’est point responsable de leur perfidie, après qu’il a témoigné tant de bonté et tant d’affection envers les hommes.

Mais remarquez ici, je vous prie, qu’on ne se perd pas en une seule manière, mais en plusieurs qui sont différentes l’une de l’autre.

Ceux qui sont comparés « au chemin», sont les paresseux, les lâches et les négligents. 
Ceux qui sont figurés « par la pierre», sont ceux qui tombent seulement par faiblesse: « Celui, » dit l’Evangile, « qui est semé sur les pierres est celui qui écoute la parole, et la reçoit aussitôt avec joie, mais il n’a point de racine en lui-même et n’a cru que pour un temps, et lorsqu’il s’élève quelque persécution à cause de la parole, il se scandalise, aussitôt. Lorsqu’un homme écoute la parole de Dieu et n’y donne point d’attention, l’esprit malin vient ensuite, et il enlève ce qui avait été semé dans son coeur. C’est là celui qui est marqué par la semence qui tombe le long du, chemin. » Ce n’est pas un crime égal de renoncer à la parole de l’Evangile, lorsque personne ne nous y contraint par ses persécutions, ou de le faire seulement en cédant à la force et à la violence.

Mais ceux qui sont figurés «par les épines» sont encore bien plus coupables que les autres.

Afin donc, mes frères, que nous ne tombions point dans ces malheurs, cachons cette divine semence dans le fond de notre âme et conservons-la comme un trésor précieux dans notre mémoire. Si le malin fait ses efforts pour nous la ravir, il dépend de nous d’empêcher qu’il ne nous l’ôte. Si cette semence se sèche, cela ne vient point de l’excès de la chaleur; Jésus-Christ ne dit point que ce soit le grand chaud qui produise cet effet; mais il dit : « Parce qu’elle n’a point de racine. » Si cette parole est étouffée, il n’en faut point accuser les épines, mais celui qui les laisse croître. On petit couper si l’on veut cette tige malheureuse et se servir utilement de ses richesses. C’est pourquoi Jésus-Christ ne dit pas simplement « le siècle; » mais « les soins du siècle; » ni « les richesses» en général, «mais la tromperie des richesses. »

N’accusons donc point les choses en elles-mêmes, mais l’abus que nous en faisons et la corruption de notre esprit. On peut être riche sans se laisser surprendre par les richesses. On peut demeurer dans le monde sans être accablé de ses soins. Les richesses ont deux maux qui sont opposés l’un à l’autre; l’un d’exciter notre avarice et d’allumer nos désirs, et l’autre de nous rendre lâches et mous. Et c’est avec grande raison que Jésus-Christ attribue cette «tromperie » aux richesses. Car il n’y a rien dans les richesses que de trompeur. Ce n’est qu’un nom vain qui n’a rien de solide et de véritable. Le plaisir, la gloire, la beauté et toutes les choses semblables ne sont que des fantômes, qui n’ont point d’être et de subsistance.

Enfin, après avoir marqué ces différentes manières, par lesquelles les hommes se perdent, il commence aussitôt à parler « de la bonne terre, » pour nous empêcher de tomber dans le désespoir et pour nous donner une sainte confiance que nous pourrons nous sauver par une pénitence sincère, et passer de ces trois états marqués par ces trois sortes de terre en un quatrième, où l’âme devient une bonne, une excellente terre.

Mais pourquoi, la terre étant bonne, la semence étant la même, ainsi que le laboureur qui la répand, un grain néanmoins en porte-t-il, l’un « cent, » l’autre « soixante, » et l’autre « trente ? » Cela ne vient que de la différence de la terre. Car, bien qu’elle soit toute bonne, elle ne laisse pas d’admettre divers degrés de bonté. Ainsi cette inégalité ne vient ni du laboureur, ni de la semence, mais de la terre qui la reçoit, non selon la différence de sa nature, mais selon la différente disposition de la volonté. Et ce qui fait paraître encore la grande miséricorde de Dieu envers les hommes, c’est qu’il n’exige pas de tous un même degré de vertu, mais qu’eu recevant avec joie les premiers, il ne rejette ni les seconds ni les troisièmes.

Le but qu’il avait en tout ceci, était de persuader ses disciples qu’il ne suffit pas d’écouter sa parole . Pourquoi donc, direz-vous, Jésus-Christ ne parle-t-il point des autres passions comme de l’impureté et de la vaine gloire? Je vous réponds qu’il a tout compris dans ces deux mots « des inquiétudes du siècle, et de la tromperie des richesses; car la vaine gloire et toutes les autres passions sont des ruisseaux de ces deux sources. Il y joint encore ceux qui sont figurés « par la « pierre » et « par le chemin, » pour montrer qu’il ne suffit pas de renoncer à ses richesses, mais qu’il faut encore pratiquer les autres vertus. Car, que vous servirait-il d’être dégagé de l’argent, si vous êtes négligent et lâche ? Que vous servirait-il de même d’être fervent et généreux dans le reste si vous êtes paresseux à écouter la parole de Jésus-Christ ?

On ne se sauve point en ne pratiquant la vertu qu’à demi. 
Il faut premièrement écouter avec ardeur et retenir avec soin les vérités de l’Evangile. 
Il faut ensuite les pratiquer avec force et avec courage, et enfin mépriser l’argent, renoncer aux richesses, et fouler aux pieds toutes les choses de cette vie. 
L’enchaînement de toutes ces vertus commence par l’application à écouter la parole de Dieu C’est le premier pas pour le salut. « Comment croiront-ils, » dit saint Paul, « s’ils n’entendent? », Rom. X, 14) Je vous dis aussi la même chose. Comment pratiquerons-nous ce que Dieu nous ordonne, si nous n’écoutons ce qu’il nous dit ? Mais après ce premier degré, Dieu exige de nous le courage et la vigueur, et un mépris général pour toutes les choses d’ici-bas, 

... Ne nous consolons donc pas de ce que nous ne perdons point le fruit de la parole divine de toutes les manières que nous le pourrions; mais pleurons plutôt de ce que nous la laissons périr en quelque manière que ce puisse être. Portons le feu dans ces «épines, » et dans ces ronces. Ce sont ces tiges malheureuses qui étouffent cette divine semence. Les riches ne le savent que trop, eux que leurs richesses rendent incapables non-seulement de la vertu, mais même de tout le reste. Aussitôt qu’ils se sont rendus les esclaves de leurs plaisirs, ils ne peuvent plus s’appliquer aux affaires même de ce monde, et encore bien moins aux choses du ciel qui regardent le salut. Car leur esprit est attaqué en même temps d’une double peste, par les passions qui le corrompent, et par les inquiétudes qui le déchirent. Chacune de ces deux causes suffit pour les perdre. Lors donc qu’elles se joignent ensemble, dans quel abîme les doivent-elles jeter ?

Et ne vous étonnez pas que Jésus-Christ donne le nom d’ « épines aux plaisirs de la vie. » Vous êtes trop charnel et trop enivré de vos passions pour comprendre cette vérité. Mais ceux qui renoncent à ces faux plaisirs, savent que les délices ont des pointes plus perçantes et plus mortelles que toutes les épines que nous voyons, et qu’elles perdent encore plus l’âme et le corps même, que les soins et les embarras du monde.
Il n’y a point de chagrins et d’inquiétudes, qui nuisent autant à l’esprit, que l’excès de la bonne chair nuit à notre corps. Car ces excès engendrent enfin les maladies, les insomnies et les autres maux de tête, d’oreilles et d’estomac, ce que les épines ne peuvent faire. Comme on se met toutes les mains en sang lorsqu’on presse des épines; ces excès de même et ces délices perdent toutes les parties du corps, et leur venin se répand sur la tête, sur les yeux, sur les mains, et sur les pieds. Comme les épines sont stériles, les délices le sont aussi; et elles causent une perte bien plus grande, et dans des choses bien plus importantes. Car elles avancent la vieillesse, elles interdisent les sens, elles étouffent la raison, elles aveuglent l’âme la plus éclairée; elles rendent le corps lâche et efféminé, elles le remplissent d’un amas d’ordures et de saletés. Elles lui causent mille mauvaises humeurs, et elles deviennent une source de corruption et de pourriture.

...

Vous ressemblez à un homme qui aurait entre les mains un luth parfaitement beau dont les cordes seraient de fil d’or, et qu’on regarderait comme un chef-d’oeuvre de l’art, et qui au lieu de se servir de cet instrument pour la fin à laquelle il est destiné, le remplirait d’ordure et de boue. C’est là proprement le désordre où vous tombez. Car j’appelle de l’ordure et de la boue, non la nourriture en elle-même, mais l’abus que vous en faites par votre intempérance et par votre luxe.

...

Comprenons donc ces vérités, mes frères, fuyons le luxe et les délices, aimons la sobriété et la vie réglée, pour jouir dans le corps et dans l’âme d’une parfaite santé, et pour obtenir ensuite les biens à venir, par la grâce et par la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui est la gloire et l’empire dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.




dimanche 5 juillet 2020

Guillaume de Saint-Thierry, Tu m'as enjôlé Seigneur


 (v. 1085-1148)
Moine cistercien et auteur mystique

Tu m'as enjôlé Seigneur et je me suis laissé prendre.
Tu as été le plus fort, tu l'as emporté !
J'ai distingué ta voix qui disait : "Venez à moi, vous tous qui peinez et êtes chargés, et je vous soulagerai!"

Je suis venu à toi ; j'ai cru à ta parole.
En quoi m'as-tu soulagé ?
Je ne peinais pas et maintenant je peine, et si fort que je succombe à la peine.
Je n'étais pas surchargé, et maintenant, je ploie sous le fardeau.



Tu as dit pourtant : "Mon joug est délicieux et mon fardeau léger."
Où donc se trouvent ces délices ?
Où donc est cette légèreté ?
Maintenant je n'en puis plus sous le joug, je tombe sous le fardeau.
J'ai jeté un regard tout à l'entour, mais personne pour me secourir !
J'ai cherché, mais personne pour m'aider !

Qu'est-ce donc, Seigneur ? Pitié ! Car je suis infirme.
Le Seigneur m'a répondu :
je ne t'ai pas enjôlé, mon fils, mais je t'ai doucement guidé jusqu'ici.
Tu murmures parce que je ne te soulage pas, mais si je ne t'avais pas soulagé, déjà tu aurais succombé !
Tu gémis sous mon joug et tu fatigues sous mon fardeau, mais c'est l'amour qui donne à mon joug la suavité, et à mon fardeau la légèreté.
Tu es incapable de porter seul mon fardeau et mon joug, mais si l'amour se joint à toi pour les porter, à ton grand étonnement, tu goûteras tout de suite leur suavité.

Seigneur, c'est bien ce que je t'ai dit :
 j'ai fait ce que j'ai pu ! Ce qui semblait être en mon pouvoir, je l'ai mis à ton service.
Si j'avais pu avoir l'amour, déjà depuis longtemps je serais parfait.
Si tu ne me le donnes pas, je ne puis l'avoir, et si je ne l'ai, je ne puis tenir.
Combien je suis capable de peu de choses, tu le sais, tu le vois !
De cette misère enlève donc ce que tu voudras, mais donne-moi cet amour dans sa plénitude et sa perfection ! Tant que je n'ai pas l'amour, qui m'aidera à porter ma peine ?

Le Seigneur me dit :
- C'est moi qui jusqu'ici ai porté ta peine, et je la porterai encore.
- Seigneur, avec ta grâce je ne lâcherai pas.
Je ne te quitterai pas, et de deux choses l'une.
Ou bien tu m'achemineras au terme du voyage commencé, ou bien je tomberai sur la route derrière toi, si tant est qu'on puisse tomber sur la route derrière toi !

Pitié, Seigneur, regarde ma petitesse, ma pauvreté !
Aide-moi ! Porte le pauvre infirme, le misérable de corps et d'esprit que je suis !
Je t'appartiens, sauve-moi !
Entre tes mains je remets mon esprit !
La fin de la Loi, c'est l'amour, et c'est aussi la fin de ma prière.
Donne-moi l'amour, toi qui es Amour !
Que je t'aime plus que moi-même, et ne m'inquiète en rien de ce que tu pourras faire de moi, pourvu que je fasse ce qui est agréable à tes yeux.

Toi, ma force, aie pitié de ma faiblesse, et que ce soit ta grande gloire que ma faiblesse tienne bon à ton service !

vendredi 3 juillet 2020

Creuser un chemin surnaturel dans nos âmes, Mère Isabelle, fondatrice des Or.A.


Il faut creuser un chemin surnaturel dans nos âmes
Instructions aux Orantes, 25 août 1917.                        

Notre vie étant toute consacrée à Dieu, ce n’est pas seulement une partie du temps qui doit être réservée à l’oraison, mais toute notre vie…

Notre âme doit toujours être prête à recevoir l’empreinte de Dieu, de la prière, de l’union avec Notre Seigneur. C’est ainsi que nous devons être à travers notre vie organisée pour nous unir à Dieu. Souvent, nous la désorganisons parce que nous croyons que ce sont les occupations extérieures qui nous troublent  alors que ce sont surtout les distractions intérieures.








Quand on veut que l’eau coule vers un endroit défini, il faut creuser le sol pour lui donner un passage. De même, si nous voulons que nos pensées et nos aspirations soient transformées par la grâce, il faut creuser un chemin surnaturel dans nos âmes…               




       

Ayez à cœur de chercher Dieu véritablement 


Ne vous laissez pas aller à de petits mécontentements et à des craintes, laissez-vous pénétrer de la présence de Dieu et abandonnez-vous à Lui comme à votre père. Si vous gardez des préoccupations, des désirs de paraître, de vous adonner davantage aux choses qui vous intéressent, alors vous ne
creusez pas ce sentier qui doit vous conduire à l’union avec Dieu.



Confiance

   Instruction aux Orantes, 17 janvier 1920.

Quels que soient notre caractère, notre tempérament, nos faiblesses, ayons confiance en Notre Seigneur et il fera en nous de grandes choses puisqu’il veut notre Union à Lui. Cette union ne sera jamais complète sur la terre, sans doute, mais Il nous donnera les lumières nécessaires pour supprimer tout ce qui y fait obstacle.  

                                    A l'occasion du 99 ème anniversaire de sa mort au monastère de sceaux le 3 juillet 1921