Aujourd'hui
s'avance la Croix,
la création exulte ; la Croix, chemin des égarés, espoir des
chrétiens, prédication des Apôtres, sécurité de l'univers,
fondement de l'Église, fontaine pour ceux qui ont soif.
Aujourd'hui
s'avance la Croix et les enfers sont ébranlés. Les mains de Jésus
sont fixées par les clous, et les liens qui attachaient les morts
sont déliés.
Aujourd'hui,
le sang qui ruisselle de la Croix parvient jusqu'aux tombeaux et fait
germer la vie dans les enfers. Dans une grande douceur Jésus est
conduit à la Passion, bénissant ses douleurs à toute heure. Il est
conduit au jugement de Pilate qui siège au prétoire.
À
la sixième heure on le raille.
Jusqu'à
la neuvième heure, il supporte la douleur des clous, puis sa mort
met fin à sa Passion.
À
la douzième heure, il est déposé de la Croix : on dirait un
lion qui dort. Alors il descend aux enfers, désirant voir les justes
qui se reposent de leurs fatigues et il les passe en revue comme un
roi regardant son armée au repos à l'heure de midi. Il dit :
- Me voici, je viens. Et
toute l'armée se dresse aussitôt.
Pendant
le jugement, la Sagesse se tait et la Parole ne dit rien.
Ses
ennemis le méprisent et le mettent en Croix. Aussitôt, l'univers
est ébranlé, le jour disparaît et le ciel s'obscurcit. On le
couvre d'un vêtement dérisoire, on le crucifie entre deux brigands.
Ceux à qui, hier, il avait donné son corps en nourriture le
regardent mourir de loin.
Pierre,
le premier des apôtres, a fui le premier.
André
aussi a pris la fuite.
Et
Jean qui reposait sur son côté n'a pas empêché un soldat de
percer ce côté de sa lance.
Le
chœur des douze apôtres s'est enfui. Ils n'ont pas dit un mot pour
lui, eux pour qui il donne sa vie.
Lazare
n'est pas là, lui qu'il a rappelé à la vie.
L'aveugle
n'a pas pleuré celui qui a ouvert ses yeux à la lumière.
Et
le boiteux, qui grâce à lui pouvait marcher, n'a pas couru auprès
de lui.
Seul
un bandit crucifié à son côté, le confesse et l'appelle son roi,
au scandale des juifs. Ô larron, fleur précoce de l'arbre de la
Croix, premier fruit du bois du Golgotha.
Désormais,
par la Croix, les ombres sont dissipées et la vérité se lève,
comme nous le dit l'Apôtre : - L'ancien
monde est passé, toutes choses sont nouvelles. La
mort est dépouillée, l'enfer livre ses captifs, l'homme est libre,
le Seigneur règne, la création est dans la joie.
La
Croix triomphe et toutes les nations, tribus, langues et peuples
viennent pour l'adorer. Nous trouvons en elle notre joie avec le
bienheureux Paul qui s'écrie : - Loin
de moi la pensée de trouver ma gloire ailleurs que dans la Croix de
Jésus-Christ notre Seigneur. La
Croix rend la lumière à l'univers entier, elle chasse les ténèbres
et rassemble les nations de l'Occident, du Nord, de la mer et de
l'Orient en une seule Église, une seule foi, un seul baptême dans
la charité. Elle se dresse au centre du monde, fixée sur le
calvaire. Armés de la Croix, les apôtres s'en vont prêcher et
rassembler dans son adoration tout l'univers, foulant aux pieds toute
puissance hostile. Par elle, les martyrs ont confessé la foi avec
audace et n'ont pas craint les ruses des tyrans. S'en étant chargés,
les moines, dans une immense joie, ont fait de la solitude leur
séjour. Cette Croix paraîtra lors du retour du Christ, la première
dans le ciel, sceptre précieux, vivant, véritable et saint du grand
Roi : - Alors, dit le
Seigneur, apparaîtra dans le ciel le signe du Fils de l'homme. Nous
la verrons, escortée par les anges, illuminant la terre, d'un bout
de l'univers à l'autre, plus claire que le soleil, annonçant le
jour du Seigneur. Ainsi soit-il.
Sélection soeur Monique-Anne, Les chemins de la grâce, T 2, 230.