samedi 25 mars 2023

Saint Pierre Chrysologue (+ 450), La résurrection de Lazare, miracle des miracles

 5ème dimanche de carême A


Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 11,1-45

Un homme était tombé malade. C'était Lazare, de Béthanie, le village de Marie et de sa soeur Marthe.




Voici que Lazare, revenu du séjour des morts, se présente à nous, portant une figure de la mort qui va être vaincue, et présentant un échantillon de la résurrection. Avant de pénétrer la profondeur d'un tel événement, arrêtons-nous à contempler l'aspect extérieur de cette résurrection, parce que nous y reconnaissons le miracle des miracles, la puissance des puissances, la merveille des merveilles.

Le Seigneur avait déjà ressuscité la fille du chef de synagogue, Jaïre, mais alors que la puissance de la mort venait de s'exercer sur elle. Il avait ressuscité aussi le fils unique d'une veuve, mais avant qu'il fût mis au tombeau, ce qui devait arrêter la corruption, prévenir la mauvaise odeur et rendre la vie au défunt avant qu'il fût pleinement tombé au pouvoir de la mort.

Mais au sujet de Lazare, tout ce qui se produit est exceptionnel. Sa mort et sa résurrection n'ont rien de commun avec les cas précédents car, ici, toute la puissance de la mort s'est déployée, toute la splendeur de la résurrection s'est manifestée. J'ose dire que Lazare eût accaparé tout le mystère de la résurrection du Seigneur s'il était revenu des enfers le troisième jour. Car le Christ est revenu le troisième jour comme étant le Seigneur, Lazare est rappelé à la vie le quatrième jour comme étant le serviteur. Mais pour établir ce que nous venons d'affirmer, parcourons quelques pages de cette lecture.

Ses soeurs envoyèrent dire au Seigneur : Seigneur, celui que tu aimes est malade. En parlant ainsi, elles frappent à la porte de son coeur, elles atteignent sa charité, elles s'efforcent de vaincre leur détresse par la force de leur amitié. Mais, pour le Christ, il importe davantage de vaincre la mort que d'éloigner la maladie. Aimer, pour lui, ce n'est pas tirer du lit, mais ramener des enfers et, pour son ami, ce qu'il va lui procurer bientôt, ce n'est pas le remède à sa langueur, mais la gloire de sa résurrection.

Bref, quand il apprit que Lazare était malade, il demeura deux jours au même endroit. Vous voyez comment il laisse le champ libre à la mort, il donne ses chances au tombeau, il permet à la décomposition de s'exercer, il n'empêche ni la pourriture ni l'odeur infecte. Il accepte que le séjour des morts se saisisse de Lazare, l'engloutisse, le garde prisonnier. Il agit pour que tout espoir humain soit perdu, et que toute la violence de la désespérance terrestre se déchaîne, afin qu'on voie bien que ce qui va se passer est l'oeuvre de Dieu, non de l'homme.

Il reste au même endroit à attendre la mort de Lazare jusqu'à ce qu'il puisse l'annoncer lui-même et déclarer qu'il ira vers lui. En effet, dit-il, Lazare est mort et je m'en réjouis. C'est donc cela aimer ? Le Christ se réjouissait parce que la tristesse de la mort allait bientôt se transformer en la joie de la résurrection. Et je m'en réjouis à cause de vous. Pourquoi à cause de vous ? Parce que, dans la mort et la résurrection de Lazare, se peignait toute la figure de la mort et de la résurrection du Seigneur, et ce qui allait bientôt suivre chez le maître était déjà réalisé chez le serviteur. Elle était donc nécessaire, cette mort de Lazare, pour que la foi des disciples, ensevelie avec Lazare, ressuscite avec lui.

Sermon 63, CCL 24 A, 373-376

http://www.clerus.org/bibliaclerusonline/pt/jy3.htm#bb

vendredi 17 mars 2023

ANONYME ANGLAIS DU XIXème siècle, l'Epître sur la discrétion


 L'OEIL DE L'AMOUR


Tu. sais déjà fort bien que le silence ou la

conversation, le jeûne ou la nourriture commune, la

solitude ou la vie en communauté, ne sont pas en

eux-mêmes notre vraie fin. lls peuvent être des

moyens d'atteindre cette fin, s'ils sont employés

légitimement et avec discrétion ; sinon, ce sont des

obstacles plutôt que des secours.

Chaque fois donc que tu te trouves en présence de

pratiques de ce genre, dont l'usage peut être bon

ou mauvais, si tu veux être humble, ne te laisse pas

aller aux recherches inquiètes de tes facultés pour

savoir ce qui est le meilleur. De ces deux attitudes

opposées, prends l'une dans une main, l'autre dans

I'autre, et choisis pour toi ce qui est caché entre les

deux ; cela te permettra d'user ou de ne pas user

de l'une des deux, à ton gré et en pleine liberté

d'esprit, sans encourir aucun blâme.


Tu me demanderas alors : qu'est-ce qui est ainsi

caché entre les deux ? Et je te répondrai : C'est

Dieu ! Dieu pour qui tu dois te taire, si tu dois rester

silencieux ; Dieu pour qui tu dois parler, si tu dois

parler ; Dieu pour qui tu dois jeûner ou ne pas

jeûner, vivre en communauté ou solitaire, selon le

cas. Car le silence n'est pas Dieu, ta parole n'est

pas Dieu ; et il en est de même de toutes ces

pratiques opposées. Dieu se trouve caché entre

elles, et ne peut être trouvé par aucune opération

de l'âme si ce n'est par l'amour de ton cæur.

L'intelligence ne peut le connaître, ni la pensée le

trouver ; il ne peut être saisi par le raisonnement,

mais il peut être aimé et choisi par la volonté

sincèrement aimante de ton cæur.


Choisis-le donc, et tu seras silencieux tout en

parlant ; comme tu parleras tout en gardant le

silence, et ainsi du reste. Ce choix de Dieu par

amour, réalisé en écartant toute autre chose, cette

recherche de lui dans la volonté sincère d'un cæur

pur, en passant entre ces exercices qui s'offrent à

nous comme but et fin de notre considération

spirituelle, voilà sans contredit la manière;la plus

noble de poursuivre et de chercher Dieu qu'une

âme contemplative puisse pratiquer ou apprendre

en cette vie. Peu importe si, dans cette recherche,

elle ne voit rien que puisse percevoir l'oeil spirituel

de la raison ; car il te suffit ici-bas que Dieu soit ton

amour et ta seule préoccupation, le choix et le but

de ton coeur, même si, de toute la vie, tu n'en vois

rien avec les yeux de l'intelligence.


Le trait que lance ce mouvement aveugle, c'est-à-,

dire la flèche acérée de I'amour et du désir, ne

manque jamais ; son but qui est Dieu. Ne l'a-t-il pas

dit lui-même au Livre de l'Amour, lorsqu'il s'exprime

ainsi : "Tu as blessé mon cæur, ma sæur, mon

amie et mon épouse, tu as blessé mon coeur par un

seul de tes regards !"



L'âme a deux yeux, la raison et l'amour, La raison

nous permet de saisir la puissance de Dieu, sa

sagesse et sa volonté dans les créatures, non pas en

lui-même. Mais lorsque la raison défaille, alors

désire, aime, et apprends à exercer ton amour ;

car c'est par l'amour que nous pouvons le

percevoir, le trouver et l'atteindre en lui-même.

C'est un oeil merveilleux que l'amour, et c'est de

l'âme aimante seule que le Seigneur a dit : 'Tu as

blessé mon cæur avec un seul de tes yeux".

L'amour dont il parle ici est aveugle sur bien des

points : il ne voit que la seule chose qu'il cherche,

et c'est pourquoi il la trouve et la goûte ; il atteint le

but qu'il a visé et blesse sa proie bien plus vite que

si son regard se dispersait sur nombre d'objets,

comme le fait la raison, en examinant et comparant

entre eux tant d'objets divers, le silence et la

conversation, le jeûne et la nourriture et le reste,

pour savoir quel est le meilleur.

L'Épître sur la Discrétion

mercredi 1 mars 2023

Saint Léon le Grand (+ 461), La Transfiguration prépare au scandale de la Passion


 

2e dimanche de carême A


Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
17,1-9

Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean son frère, et il les emmène à l'écart, sur une haute montagne. Il fut transfiguré devant eux.






Le Seigneur découvre sa gloire devant les témoins qu'il a choisis, et il éclaire d'une telle splendeur cette forme corporelle qu'il a en commun avec les autres hommes que son visage a l'éclat du soleil et que ses vêtements sont aussi blancs que la neige.

Par cette transfiguration il voulait avant tout prémunir ses disciples contre le scandale de la croix et, en leur révélant toute la splendeur de sa dignité cachée, empêcher que les abaissements de sa Passion volontaire ne bouleversent leur foi.

Mais, il ne prévoyait pas moins de fonder l'espérance de l'Église, en faisant découvrir à tout le Corps du Christ quelle transformation lui serait accordée; ses membres se promettraient de partager l'honneur qui avait resplendi dans leur chef.

Le Seigneur lui-même avait déclaré à ce sujet, lorsqu'il parlait de la majesté de son avènement: Alors les justes brilleront comme le soleil dans le royaume de leur Père, Mt 13,43. Et l'apôtre saint Paul atteste lui aussi: J'estime qu'il n'y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire que le Seigneur va bientôt révéler en nous, Rm 8,18. Et encore: Vous êtes morts avec le Christ, et votre vie reste cachée avec lui en Dieu. Quand paraîtra le Christ qui est votre vie, alors, vous aussi vous paraîtrez avec lui en pleine gloire Col 3,3-4.

Cependant, pour confirmer les Apôtres et les introduire dans une complète connaissance, un autre enseignement s'est ajouté à ce miracle. En effet, Moïse et Élie, c'est-à-dire la Loi et les Prophètes, apparurent en train de s'entretenir avec le Seigneur. Ainsi, par la réunion de ces cinq hommes s'accomplirait de façon certaine la prescription: Toute parole est garantie par la présence de deux ou trois témoins, Dt 19,15.

Qu'y a-t-il donc de mieux établi, de plus solide que cette parole ? La trompette de l'Ancien Testament et celle du Nouveau s'accordent à la proclamer; et tout ce qui en a témoigné jadis s'accorde avec l'enseignement de l'Évangile.

Les écrits de l'une et l'autre Alliance, en effet, se garantissent mutuellement; celui que les signes préfiguratifs avaient promis sous le voile des mystères est montré comme manifeste et évident par la splendeur de la gloire présente. Comme l'a dit saint Jean, en effet: Après la Loi communiquée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ, Jn 1,17. En lui s'est accomplie la promesse des figures prophétiques comme la valeur des préceptes de la Loi, puisque sa présence enseigne la vérité de la prophétie, et que sa grâce rend praticables les commandements.

Que la foi de tous s'affermisse avec la prédication de l'Évangile, et que personne n'ait honte de la croix du Christ, par laquelle le monde a été racheté.

Que personne donc ne craigne de souffrir pour la justice, ni ne mette en doute la récompense promise ; car c'est par le labeur qu'on parvient au repos, par la mort qu'on parvient à la vie. Puisque le Christ a accepté toute la faiblesse de notre pauvreté, si nous persévérons à le confesser et à l'aimer, nous sommes vainqueurs de ce qu'il a vaincu et nous recevons ce qu'il a promis. Qu'il s'agisse de pratiquer les commandements ou de supporter l'adversité, la voix du Père que nous avons entendue tout à l'heure doit retentir sans cesse à nos oreilles: Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis tout mon amour; écoutez-le ! Mt 17,5.

 

Sermon 51, 3-4, CCL 138 A, 290-300

Clerus


jeudi 23 février 2023

Saint Grégoire de Naziance, + 389, Le baptisé tenté comme le Christ

 


1er dimanche de carême A


Saint Matthieu 4,1-11

Jésus, après son baptême, fut conduit au désert par l'Esprit pour être tenté par le démon.









Si le persécuteur et le tentateur de la lumière vient t'assaillir après le baptême, - et certes il le fera, car il a bien assailli le Verbe, mon Dieu, dissimulé sous le voile de la chair, cette lumière cachée par son humanité visible, - tu as de quoi le vaincre ! Ne redoute pas le combat. Oppose-lui l'eau du baptême, oppose-lui cet esprit en qui s'éteignent les traits enflammés du Mauvais.

Si celui-ci te montre la pauvreté, - car il n'a pas hésité à la montrer au Christ lui-même - et si, te montrant la faim qui te menace, il te demande que les pierres deviennent du pain, dépiste ses intentions. Enseigne-lui ce qu'il ignore, oppose-lui cette Parole de vie qui est le Pain envoyé du ciel pour donner la vie au monde.

S'il t'attaque par les pièges de la vaine gloire - comme il l'a fait pour lui, en l'élevant sur le pinacle du Temple et en lui disant : Jette-toi en bas,
Mt 4,6,  pour donner une preuve de sa divinité -, ne te laisse pas abaisser par l'élévation de l'esprit. Car si cette épreuve le met en échec, il ne s'arrêtera pas pour autant. Il est insatiable, il attaque sur tous les fronts. Il flatte, avec une apparence de bénignité, mais il finit par le mal. C'est là sa stratégie. En outre, cet usurpateur est versé dans les Écritures. D'où ce refrain : Il est écrit, dit-il, au sujet du pain ; il est écrit au sujet des anges. Car il est écrit, dit-il, qu'il a donné pour toi des ordres à ses anges, ils te porteront sur leurs mains, Mt 4,6. O sophiste du mal ! Comment as-tu supprimé ce qui suit ? Car cela, je le comprends parfaitement, même si tu l'as caché : que je marcherai sur l'aspic et le basilic, qui te représentent ; que je foulerai aux pieds serpents et scorpions, car je serai entouré et protégé par la Trinité.

S'il t'attaque par la cupidité en te montrant en un moment, d'un seul coup d'oeil, tous les royaumes comme s'ils lui appartenaient, en exigeant que tu l'adores, méprise-le comme le pauvre qu'il est. Dis-lui, encouragé par le sceau du baptême : "Moi aussi, je suis une image de Dieu, mais je n'ai pas, comme toi, été précipité de ma gloire céleste à cause de mon orgueil. J'ai revêtu le Christ. Par le baptême, le Christ m'appartient. C'est à toi de m'adorer."

A ces paroles, crois-moi, il s'en ira, vaincu et humilié par ceux que le Christ a illuminés, comme il l'a été par le Christ, lumière primordiale.

Tels sont les bienfaits qu'apporté le bain du baptême à ceux qui reconnaissent sa force; voilà le festin qu'il propose à ceux qui souffrent d'une faim méritoire.

Discours 40, 10, PG 36, 370-371

http://www.clerus.org/bibliaclerusonline/pt/jy3.htm#a3

Saint Ephrem le Syrien, Jeûne, charité et vérité, 4ème siècle

 Jeûne, charité et vérité.




promet du 30 pour 1 au jeûne,

 du 60 pour 1 à la charité

 et du 100 pour 1 à la seule vérité.






La charité rapproche de Dieu plus que le jeûne,

mais la charité elle-même est inférieure à la vérité,

parce que,

sans la limpidité (pureté) de l’intention,

l’amour profond,

le désintéressement

et l’oubli de soi,

un geste de charité même matériellement très généreux, peut être de faible prix aux yeux de Dieu.

-         Réfugiez-vous dans la vérité, car c’est elle qui consolide vos remparts.

 

Pour saint Éphrem et les Pères du désert

La vérité recouvre la pureté de l’intention et implique la fidélité aux Paroles de Dieu.

 

Apophtegme

Ce que Dieu nous demande, c’est de croire aux divines Écritures et de pratiquer leurs paroles dans toute la mesure de nos forces.

samedi 18 février 2023

Saint Cyprien + 258, Les exigences de la loi nouvelle

 

7e dimanche du temps ordinaire A


Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
 5,38-48


Comme les disciples s'étaient rassemblés autour de Jésus, sur la montagne, il leur disait :

"Vous avez appris qu'il a été dit : 

Oeil pour oeil, dent pour dent."







Revêtir le nom du Christ sans suivre la voie du Christ, n'est-ce point trahir le nom divin et abandonner le chemin du salut ? Car le Seigneur lui-même enseigne et déclare que l'homme qui garde ses commandements entrera dans la vie, que celui qui écoute ses paroles et les met en pratique est un sage et que celui qui les enseigne et y conforme ses actes sera appelé "maître le plus grand" dans le Royaume des cieux. Toute prédication bonne et salutaire, affirme-t-il, ne profitera au prédicateur que si la parole qui sort de sa bouche se traduit ensuite en actes.

Or, y a-t-il un commandement que le Seigneur ait enseigné plus souvent à ses disciples que celui de nous aimer les uns les autres du même amour dont il a lui-même aimé ses disciples ? Trouvera-t-on, parmi ses conseils salutaires et ses divins préceptes, un commandement plus important à garder et à observer ? Mais comment celui que la jalousie a rendu incapable d'agir en homme de paix et de coeur pourra-t-il garder la paix ou la charité du Seigneur ?

Voilà pourquoi l'Apôtre Paul a publié aussi les mérites de la paix et de la charité. Il a affirmé avec force et enseigné que ni la foi ni les aumônes, ni même les souffrances du confesseur de la foi et du martyr ne lui serviraient de rien, s'il ne respectait pas intégralement et scrupuleusement les liens de la charité. Et il a ajouté : La charité est magnanime, la charité est serviable, la charité ne jalouse pas, 1 Co 13,4. Il nous apprend et nous fait voir ainsi que seul l'homme magnanime et bienveillant, sur qui la jalousie et l'envie, n'ont pas de prise, peut garder la charité.

De même, à un autre endroit, l'Apôtre a exhorté quiconque est déjà rempli du Saint-Esprit et devenu fils de Dieu par la naissance d'en-haut, à ne rechercher que les réalités spirituelles et divines. Puis il déclare : Pour moi, frères, je n'ai pu vous parler comme à des hommes spirituels, mais comme à des êtres de chair, comme à de petits enfants dans le Christ. C'est du lait que je vous ai donné à boire, non une nourriture solide ; vous ne pouviez encore la supporter. Mais vous ne le pouvez pas davantage maintenant, car vous êtes encore charnels. Du moment qu'il y a parmi vous jalousie, querelle et discorde, n'êtes-vous pas charnels et votre conduite n'est-elle pas tout humaine, 1 Co 3,1-3 ?


Nous ne pouvons, en effet, revêtir l'image de l'homme céleste que si nous manifestons notre ressemblance au Christ à travers l'existence dans laquelle nous venons d'entrer maintenant. Ce qui équivaut, en vérité, à devenir différents de ce que nous étions, et à commencer d'être ce que nous n'étions pas. Ainsi notre divine naissance brillera en nous, notre conduite divine de Dieu nous rendra semblables à Dieu le Père, notre vie entourée d'honneur et de louange fera resplendir Dieu en l'homme. Dieu même nous y exhorte et nous y engage en promettant à ceux qui lui rendent gloire qu'ils seront glorifiés en retour. Car j'honorerai, dit-il, ceux qui m'honorent, et ceux qui me dédaignent tomberont dans le mépris, 1 S 2,30.

Pour nous éduquer à lui rendre cette gloire et nous y préparer, le Seigneur et Fils de Dieu a enseigné dans son Évangile ce qu'est la ressemblance avec Dieu le Père en ces termes : Vous avez appris qu'il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Eh bien moi, je vous dis : Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent, afin que vous soyez semblables à votre Père qui est dans les cieux, Mt 5,43-45.

Traité sur la jalousie et l'envie, 12-15 ; CSEL 3, 427-430.
http://www.clerus.org/bibliaclerusonline/pt/jza.htm#ca

samedi 11 février 2023

Saint Jean Chrysostome, Faire la paix

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 5,17-37

Comme les disciples s'étaient rassemblés autour de Jésus, sur la montagne, il leur disait: "Ne pensez pas que je suis venu abolir la Loi ou les Prophètes: je ne suis pas venu abolir, mais accomplir."



Le Christ a donné sa vie pour toi et tu continues à détester celui qui est un serviteur comme toi. Comment peux-tu t'avancer vers la table de la paix ? Ton Maître n'a pas hésité à endurer pour toi toutes les souffrances, et tu refuses même de renoncer à ta colère ! Qu'est-ce qui te retient, dis-moi ? L'amour est la racine, la source et la mère de tous les biens. "Un tel m'a gravement offensé, dis-tu, il a été tant de fois injuste envers moi, il m'a menacé de mort !" Qu'est-ce que cela ? Il ne t'a pas encore crucifié comme les Juifs ont crucifié le Seigneur.

Si tu ne pardonnes pas les offenses de ton prochain, ton Père qui est dans les cieux ne te pardonnera pas non plus tes fautes. Que dit ta conscience quand tu prononces ces paroles : Notre Père, qui es aux cieux, que ton nom soit sanctifié (Mt 6,9), et celles qui suivent ? Le Christ n'a pas fait la différence. Son sang, il l'a versé aussi pour ceux qui ont versé le sien. Pourrais-tu faire quelque chose de semblable ? Lorsque tu refuses de pardonner à ton ennemi, c'est à toi que tu causes du tort, pas à lui. Tu as pu, en effet, le faire souffrir souvent dans la vie présente, mais toi, ce que tu te prépares, c'est un châtiment irrémissible, au jour du jugement. Car personne ne s'attire plus sûrement l'inimitié de Dieu, et ne lui inspire plus d'aversion, que l'homme rancunier, celui qui a le coeur enflé et dont l'âme brûle de colère.

Écoute ce que dit le Seigneur: Lorsque tu vas présenter ton offrande sur l'autel, si, là, tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse ton offrande là, devant l'autel, va d'abord te réconcilier avec ton frère, et ensuite viens présenter ton offrande (Mt 5,23-24). Mais tu dis : "Vais-je laisser là l'offrande et le sacrifice ?"  "Certainement, répond-il, puisque le sacrifice est justement offert pour que tu vives en paix avec ton frère."

Si donc le but du sacrifice est la paix avec ton prochain, et que tu ne sauvegardes pas la paix, il ne sert à rien que tu prennes part, même par ta présence, au sacrifice. La première chose que tu aies à faire c'est bien de rétablir la paix, cette paix pour laquelle, je le répète, le sacrifice est offert. De celui-ci, alors, tu tireras un beau profit. Car le Fils de l'homme est venu dans le monde pour réconcilier l'humanité avec son Père. Comme Paul le dit : Maintenant Dieu a réconcilié avec lui toutes choses (Col 1,22), par la croix, en sa personne, il a tué la haine (Ep 2,16). Aussi celui qui est venu faire la paix nous proclame-t-il également bienheureux, si nous suivons son exemple, et il nous donne son nom en partage. Heureux les artisans de paix, ils seront appelés fils de Dieu (Mt 5,9).

Ce qu'a fait le Christ, le Fils de Dieu, réalise-le aussi autant qu'il est au pouvoir de l'homme. Fais régner la paix chez les autres comme chez toi. Le Christ ne donne-t-il pas le nom de fils de Dieu à l'ami de la paix ?

Voilà pourquoi la seule bonne disposition qu'il requiert de nous  : c'est que nous soyons réconciliés avec nos frères. Il nous montre par là que de toutes vertus la charité est la plus grande.

Homélie sur la trahison de Judas, 2, 6; PG 49, 390-391.
http://www.clerus.org/bibliaclerusonline/pt/jza.htm#b5

 

samedi 4 février 2023

Saint Jean Chrysostome +407, Etre lumière

                                                                                                            5e dimanche du temps ordinaire A

Évangile de Jésus Christ selon saint Mt 5,13-16

Comme les disciples s'étaient rassemblés autour de Jésus, sur la montagne, il leur disait : 

"Vous êtes le sel de la terre."




Nous avons revêtu le Christ une fois pour toutes, et nous sommes devenus dignes de l'avoir comme hôte. Si nous le voulons, nous pourrons donc, sans dire un seul mot, en menant simplement une vie parfaite, révéler à tous la puissance qui habite en nous.  C'est bien de cela que parle le Christ, quand il dit : Que votre lumière brille devant les hommes : alors, en voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux, Mt 5,16. Cette lumière n'atteint pas les sens corporels, mais elle illumine l'âme et l'esprit de ceux qui la voient ; elle dissipe les ténèbres du mal et dispose tous ceux qui la reçoivent à briller de leur propre lumière et à prendre la vertu pour modèle.

Que votre lumière brille devant les hommes. Le Christ dit justement devant les hommes. Il veut dire : "Que votre lumière soit si vive qu'elle vous éclaire et brille également devant les hommes, car ils ont besoin de son aide !" La lumière naturelle permet de chasser les ténèbres pour voir le chemin à parcourir et aller droit devant soi sur une route ordinaire. Il en est de même pour la lumière spirituelle provenant d'une conduite exemplaire : elle éclaire ceux qui ont les yeux de leur esprit obscurcis par l'erreur et qui sont incapables d'apercevoir nettement le chemin de la vertu ; elle ôte la chassie des yeux de leur intelligence ; elle les met sur la bonne voie et leur permet de suivre désormais le chemin de la vertu.

Alors, en voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux. Autrement dit  : que votre vertu, que la discipline rigoureuse de votre conduite et de votre pratique des bonnes oeuvres éveillent en ceux qui vous voient le désir de glorifier le Maître universel. Que chacun de vous ait à coeur, je vous en prie, de mener une vie si parfaite qu'elle entraîne tous ceux qui la voient à chanter la louange du Maître.

Par votre conduite exemplaire, attirez sur vous la grâce de l'Esprit, si bien que vous deviendrez inexpugnables. Ainsi l'Église se réjouira et exultera de votre progrès ; notre Maître à tous sera glorifié et tous nous deviendrons dignes du Royaume des cieux, par la grâce, la miséricorde et l'amour du Fils unique de Dieu, notre Seigneur Jésus Christ, à qui soient, avec le Père et le Saint-Esprit, gloire, puissance, honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Amen.

Catéchèses baptismales 4, 18-21 33, SC 50, 192-193 199

http://www.clerus.org/bibliaclerusonline/pt/jza.htm#b4

 

samedi 28 janvier 2023

Syméon le nouveau théologien + 1022 , Les Béatitudes, une ascension vers la pureté

 


Il est vraiment nécessaire de méditer les divines Écritures. Pendant qu'on en donne lecture, tout homme a le devoir de se regarder, de réfléchir et d'observer, comme dans un miroir, son âme et l'état où elle se trouve.

Que veux-je dire ? L'homme entend la parole du Seigneur : Heureux les pauvres de cœur : le Royaume des cieux est à eux, Mt 5,3 ! Il doit donc s'examiner et s'éprouver continuellement, en toute situation humiliante - je veux dire outrages, déshonneur, mépris -, et regarder en lui-même pour voir si la vertu d'humilité est en lui ou non.

Car celui qui la possède supporte tout sans chagrin ni accablement. Rien de ce qui arrive ne blesse son coeur. Et même s'il en est un peu blessé, il n'est pas complètement bouleversé; ou plutôt, à cause de cette blessure au corps, simplement parce qu'il s'est un peu chagriné au lieu d'avoir accepté avec joie ce qui arrivait, il se flagelle et se regarde comme méprisable, il s'attriste et pleure ; il se retire dans le secret de son âme ou de sa cellule, et, persuadé qu'il a complètement perdu sa vie, il se prosterne devant Dieu et se confesse à lui.

Puis il entend encore : Heureux ceux qui s'affligent, Mt 5,5. Observe aussi que le Christ ne dit pas : ceux qui se sont affligés, mais : ceux qui s'affligent continuellement. Il faut donc que nous examinions également ce point, à savoir si nous nous affligeons chaque jour. Car si nous sommes devenus humbles par la pénitence, il est évident que nous ne passerons pas un jour ni une nuit sans larmes, sans affliction et sans componction.

Et encore : Heureux les doux, Mt 5,4. Celui qui s'afflige chaque jour peut-il continuer à vivre dans la colère et non dans la douceur ? De même, en effet, que l'eau éteint la flamme d'un foyer, de même l'affliction et les larmes éteignent la fureur de l'âme au point que celui qui s'est maintenu dans la colère voit la fureur de son âme se transformer et parvenir à un calme immuable.

Ensuite il doit examiner s'il a
 
faim et soif de la justice, Mt 5,6  de Dieu. En effet, il peut se trouver quelqu'un qui recherche la justice sans en avoir faim et soif, car Dieu est la justice ; ainsi l'entends-tu appeler soleil de justice, Ml 4,2. Celui qui a faim et soif de lui considère, en tout cas, le monde et ce qui est dans le monde comme des balayures. Quant aux honneurs des princes, il les regarde comme honteux, ou même il n'a pas la moindre idée des honneurs des hommes.

Et encore : Heureux les miséricordieux, Mt 5,7. Qui sont donc les miséricordieux ? Ceux qui sont devenus pauvres pour Celui qui s'est appauvri pour nous. Alors qu'ils n'ont rien à donner, ils se soucient constamment d'une manière spirituelle, des pauvres, des veuves, des orphelins et des malades. Ils les entourent de nombreuses attentions et de leur compassion, et versent sur eux des larmes brûlantes, à l'instar de Job qui disait : N'ai-je point pleuré sur tous les infirmes ? Jb 30,25. Et lorsqu'ils ont de quoi, ils leur font l'aumône avec joie et à tous ils rappellent de bon coeur les moyens de sauver leurs âmes, pour obéir à Celui qui a dit : Ce que j'ai appris avec simplicité, j'en fais part sans réserve, Sg 7,13.

C'est eux que le Seigneur déclare bienheureux, eux les vrais miséricordieux : aussi est-ce à partir d'une telle miséricorde, comme par un degré, qu'ils s'élèvent et parviennent à la parfaite pureté de l'âme.

C'est donc à ce titre que Dieu a également proclamé bienheureux ceux qui ont le coeur pur, quand il déclare :
 Heureux les coeurs purs : ils verront Dieu, Mt 5,8 ! L'âme ainsi purifiée voit Dieu en tout et se réconcilie avec lui. La paix s'établit entre Dieu, notre Créateur, et l'âme qui était naguère son ennemie, et elle est alors déclarée bienheureuse par Dieu pour avoir fait oeuvre de paix
. Heureux, dit-illes artisans de paix : ils seront appelés fils de Dieu, Mt 5,9 !

Catéchèses, 31 ; SC 113, 226-233.