mercredi 28 octobre 2020

Toussaint, homélie de Saint Bernard

Pourquoi notre louange à l’égard des saints, 

pourquoi notre chant à leur gloire,

pourquoi cette fête même que nous célébrons ? 

Que leur font ces honneurs terrestres, alors que le Père du ciel, en réalisant la promesse du Fils, les honore lui-même ? De nos honneurs les saints n’ont pas besoin, et rien dans notre culte ne peut leur être utile. De fait, si nous vénérons leur mémoire, c’est pour nous que cela importe, non pour eux. Pour ma part, je l’avoue, je sens que leur souvenir allume en moi un violent désir.

Le premier désir, en effet, que la mémoire des saints éveille, ou plus encore stimule en nous, le voici : nous réjouir dans leur communion tellement désirable et obtenir d’être concitoyens et compagnons des esprits bienheureux, d’être mêlés à l’assemblée des patriarches, à la troupe des prophètes, au groupe des Apôtres, à la foule immense des martyrs, à la communauté des confesseurs ; au chœur des vierges, bref d’être associés à la joie et à la communion de tous les saints. Cette Église des premiers-nés nous attend, et nous n’en aurions cure ! Les saints nous désirent et nous n’en ferions aucun cas ! Les justes nous espèrent et nous nous déroberions !

Réveillons-nous enfin, frères ; ressuscitons avec le Christ, cherchons les réalités d’en haut ; ces réalités, savourons-les. Désirons ceux qui nous désirent, courons vers ceux qui nous attendent, et puisqu’ils comptent sur nous, accourons avec nos désirs spirituels. Ce qu’il nous faut souhaiter, ce n’est pas seulement la compagnie des saints, mais leur bonheur, si bien qu’en désirant leur présence, nous ayons l’ambition aussi de partager leur gloire, avec toute l’ardeur et les efforts que cela suppose. Car cette ambition-là n’a rien de mauvais : nul danger à se passionner pour une telle gloire.

Et voici le second désir dont la commémoration des saints nous embrase : voir, comme eux, le Christ nous apparaître, lui qui est notre vie, et paraître, nous aussi, avec lui dans la gloire. Jusque-là, il ne se présente pas à nous comme il est en lui-même, mais tel qu’il s’est fait pour nous : notre Tête, non pas couronnée de gloire, mais ceinte par les épines de nos péchés. Il serait honteux que, sous cette tête couronnée d’épines, un membre choisisse une vie facile, car toute la pourpre qui le couvre doit être encore non pas tant celle de l’honneur que celle de la dérision. Viendra le jour de l’avènement du Christ : alors on n’annoncera plus sa mort de manière à nous faire savoir que nous aussi sommes morts et que notre vie est cachée avec lui. La Tête apparaîtra dans la gloire, et avec elle,  les membres resplendiront de gloire, lorsque le Christ restaurera notre corps d’humilité pour le configurer à la gloire de la Tête, puisque c’est lui la Tête.

Cette gloire, il nous faut la convoiter d’une absolue et ferme ambition. Et vraiment, pour qu’il nous soit permis de l’espérer, et d’aspirer à un tel bonheur, il nous faut rechercher aussi, avec le plus grand soin, l’aide et la prière des saints, afin que leur intercession nous obtienne ce qui demeure hors de nos propres possibilités.

source http://catholique-belley-ars.cef.fr/Homelie-de-Saint-Bernard-pour-la-Toussaint.html

 


samedi 24 octobre 2020

Saint Grégoire le Grand, La contemplation

 


 

« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, et ton prochain comme toi-même » 

Mt 22,34-40

La contemplation d’après saint Grégoire Le Grand

La vie active et la vie contemplative doivent, d’après saint Grégoire, se mêler, si bien que l’idéal est en somme la vie mixte, celle où la contemplation déborde en service du prochain. Aux états de vie correspondent des manières différentes d’unir l’action et la contemplation. Tous cependant sont appelés à la contemplation.

Le terme de vita contemplativa se retrouve jusqu’à 44 fois dans les Homélies sur Ézéchiel et 20 fois dans les Moralia. En voici une définition :

  • La vie contemplative consiste à conserver de tout son esprit la charité envers Dieu et le prochain, elle cherche à se reposer (quiescere) de l’action extérieure, à s’adonner au seul désir du Créateur, de telle sorte qu’on n’ait plus le goût d’exercer aucune action, dépassant tous les soucis, l’âme alors brûle du désir de voir la face de son Créateur.
    Hom. Ez. II, 2, 8

Très fermement la condition première est posée : garder la charité - elle est le seul but - et sous son double aspect : envers Dieu, envers le prochain. Vient ensuite la description de la grande tendance contemplative : la recherche positive de l’otium, du repos. Grégoire fut dans l’action un contemplatif, sa vie fut une vie mixte, livrée au service du prochain, mais le désir de son âme ne cessa de l’entraîner vers la contemplation.


Mais cette contemplation elle-même à laquelle l’ascèse, la componction et le désir prédisposent et pour laquelle l’otium est requis, comment Grégoire la définit-il ? Elle est pour lui une mystique de la Vision.


Elle est regard vers Dieu, désir incessant de le voir, bien plus elle est Vision mais vision de foi, vision de désir, vision nocturne. Le brouillard s’interpose, la foi et le désir le traversent : le regard s’arrête sur le mystère (arcana).
Cet idéal : « voir Dieu » est une aspiration johannique (Jn 1, 14 ; 11, 40 ; 14, 9 etc.) qui fut admirablement reprise par saint Irénée déjà :

  • De même que ceux qui voient la lumière se trouvent dans la lumière et participent à son éclat, de même ceux qui voient Dieu sont en Dieu parce qu’ils participent à son éclat. La clarté les vivifie et ceux qui voient Dieu en reçoivent la vie.
    Irénée, AH IV, 20, 5
  • La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant et la vie de l’homme c’est la vision de Dieu.
    Irénée, AH IV, 20, 8

Et Grégoire de Nysse dit de même :

  • Voir Dieu, c’est la vie de l’âme.
    Grégoire de Nysse, Traité des enfants morts sans baptême, PG 46, 176 a

Regarder et continuer de regarder avec un grand désir les « arcanes » de Dieu est un acte d’amour d’où résulte une possession : l’âme « perçoit » - elle « sent ». La prière rend possible la vision de désir.
Dieu apparaît à Grégoire comme une lumière incirconscrite (lumen incircumscriptum). Sa perception de la transcendance divine est très vive mais faite de simplicité, de pureté, de limpidité ; devant Dieu l’âme se simplifie, elle se réjouit de sa pauvreté intérieure, « s’endort à tout le reste ». On connaît cette lumière invisible par le sentiment même qu’on éprouve de l’ignorer. Dieu est simple. Il est tout ce qu’il a :

  • Il a l’éternité, mais c’est lui-même qui est l’éternité. Il a la lumière mais c’est lui-même qui est sa propre lumière. Il a l’éclat mais c’est lui-même qui est son propre éclat.
    Moralia 16, 54

Dieu est entièrement présent à lui-même, toujours, il est vie, vérité, force, sagesse, soleil, feu, source de lumière, principe de toute clarté.

Une contemplation chrétienne : par la Médiation du Christ.

La contemplation d’après saint Grégoire passe toujours par la Médiation du Christ. Les images que Grégoire utilise pour en parler sont souvent empruntées au thème de la lumière : le Christ nous illumine. Dans le Christ incarné, dit-il, la Lumière du Verbe se dissimule dans la chair comme dans un vase de terre (testa) mais c’est afin de ne pas nous éblouir. Le Christ est comme une figure de vermeil (quasi speciem electri) : l’argent et l’or s’y mêlent. Cet alliage rend l’argent de l’humanité plus brillant mais il tempère l’éclat de l’or de la divinité (Hom. Ez. 1, 8, 25).


C’est dans le Christ que s’opère le passage du visible à l’invisible, de l’extérieur à l’intérieur, de la foi à l’intelligence de la foi, de l’humanité à la divinité : le Christ est notre Pâque.
Le regard sur l’humanité du Christ est déjà, par la foi, regard sur la divinité. Ce regard que dès maintenant (Jam quidem) nous portons sur notre Médiateur est donc le commencement de la vie bienheureuse.


Dieu dans le Christ élève l’homme jusqu’à lui :
Dieu est venu à l’homme dans le Verbe incarné et l’Esprit du Père et du Fils vient dans l’homme y répandant ses sept dons par lesquels l’âme peut retourner à Dieu : la crainte servile devient filiale et engendre l’attitude religieuse de piété ; la science donne de discerner la volonté de Dieu et l’homme reçoit la force de réaliser le devoir discerné ; le don de conseil lui donne de ne pas préjuger de cette force ; enfin dans l’intelligence que l’âme a de Dieu et d’elle-même, elle atteint la sagesse qui est la forme la plus haute de l’illumination (de la lumen illuminans). (D’après Moralia XVIII, 81).

4. Quelques précisions sur le vocabulaire de la contemplation

La vision de Dieu

Le terme nous paraît très fort, aussi doit-il être replacé dans le contexte grégorien constant de désir, de recherche. Grégoire emprunte d’ailleurs le terme à saint Augustin mais il le vide de toute l’influence de l’intellectualisme grec. La vision de Dieu est bien pour saint Grégoire, l’acte même de la vie contemplative.

Ici-bas, au-delà

Il est important de remarquer que ces deux termes ne s’opposent nullement pour saint Grégoire. Il n’y a nulle rupture entre l’ici-bas et l’au-delà mais parfaite continuité, bien plus l’au-delà est ici-bas en ce sens qu’il est très réellement commencé. Notre contemplation est une contemplation inchoative. Marthe et Marie sont sœurs comme l’étaient Rachel et Léa. Pierre et Jean sont unis.

  • L’amour qui commence ici-bas se parfait par la vision de Dieu dans l’éternelle patrie.
    Hom. in Ez. II, 9, 10
Les fenêtres obliques

Saint Grégoire affectionne cette image. Les fenêtres obliques sont des sortes de meurtrières, très étroites à l’extérieur, larges à l’intérieur :

  • Dans les fenêtres obliques, la partie par laquelle la lumière pénètre est étroite (angusta), mais la partie intérieure qui recueille cette lumière est large. Ainsi les âmes de ceux qui contemplent. Elles ne voient qu’une faible lueur de la véritable lumière (tenuiter) et cependant tout en elles semble se dilater. Sans doute ne peuvent-elles saisir que peu de choses de ce qu’elles regardent. Ce que, en contemplant, elles voient n’est presque rien (exiguum valde) mais ce rien suffit à dilater le sein des âmes (laxatur sinus mentium) et à augmenter leur ferveur et leur amour. Accueillant la lumière de la vérité comme au travers de meurtrières (quasi per angustias) tout chez elles semble s’élargir.
    In Ez. II, 5, 17
La réverbération

La contemplation est pour Grégoire un état normal : son acte est très fréquent : saepe et cependant elle ne peut être que fugitive.
L’âme est ravie hors d’elle-même, elle est élevée au-dessus d’elle-même (Moralia 24, 11), l’intelligence se transcende mais par moments furtifs (raptim, per transitum, quasi furtim), ensuite vient nécessairement la reverberatio. La violence de l’éclat de la lumière repousse l’âme :

  • Et cependant, repoussée, elle aime.
    Et tamen repulsus amat.
    Moralia 10, 13

Cette contemplation qui est toujours reprise mais qui ne peut être parfaite et stable, saint Grégoire aime de la symboliser par ce silence d’une demi-heure qui se fait dans le ciel (Ap 8, 1) :

  • Ardemment commencée, la contemplation n’atteint pas sa perfection.
    Moralia 30, 53
  • Il se fait un silence dans le ciel (= l’âme du juste) car le vacarme des actions terrestres s’apaise afin que l’âme puisse prêter l’oreille au secret intime. Mais cette quiétude de l’esprit ne peut être parfaite en cette vie, aussi on ne peut dire que dans le ciel il y eut un silence d’une heure mais comme (quasi) d’une demi-heure…
    H. Ez. II, 2, 14

La disproportion est trop grande entre l’âme et la lumière de Dieu, l’âme est comme repoussée, foudroyée. On le sait, la pensée est augustinienne et elle appartient à Plotin et déjà à Platon. L’insertion de Grégoire dans la pensée grecque est bien inconsciente cependant.

Le vol de l’âme

Le vol de l’âme est un élan, un désir, non pas un mouvement intellectuel, mais un mouvement spirituel qui soulève l’esprit vers la contemplation. La notitia est transcendée par le volatus - ce mot enchante Grégoire - comme l’intelligence est transcendée par le cœur.

  • Par la contemplation, nous sommes portés au-dessus de nous, nous sommes comme soulevés dans les airs.
    In Ez. I, 3, 1
  • Des mains humaines apparaissent sous leurs ailes.
    Ézéchiel 1, 8

car « sous le vol de la contemplation », il y a « la vertu de l’œuvre bonne ». Et certes, la vie contemplative est meilleure mais elle doit être unie à la vie active et soutenue par elle (voir H. Ez. 1,3,7 etc.).
Mais si haut que pût mener le vol de l’âme, il ne peut la mener au-delà de la foi.
L’objet de la contemplation est bien souvent l’excellence Verbe :

  • Les cœurs humains ne pourraient prendre leur envol pour contempler le Verbe si le Verbe tout-puissant ne s’était, pour les hommes, fait homme.
    In Ez. I, 3, 14
    http://www.patristique.org/Les-Peres-de-l-Eglise-latine-V-Gregoire-le-Grand-540-604.html

mardi 13 octobre 2020

Saint Hilaire, Matthieu 22-15.21

 

Saint Hilaire, Evêque de Poitiers et Père de l'Eglise + 367.
 


Commentaire Matthieu 22,15-21 - 18 octobre 2020.


Il faut rendre à Dieu ce qui vient de Dieu, c'est-à-dire le corps, l'âme et la volonté. La monnaie de César c'est la pièce d'or sur laquelle son image est gravée; la monnaie de Dieu c'est l'homme sur lequel Dieu a empreint son image. Donnez donc vos richesses à César, mais réservez pour Dieu seul la conscience que vous avez de votre innocence.

 

 https://www.apologetique.net/EvangilePere/EvangilePere.aspx?reference=Matthieu22,15

samedi 3 octobre 2020

conseils spirituels du Père Picard à notre fondatrice Isabelle

4 octobre fête de Notre fondateur père François Picard

Fondateur avec Isabelle Clermont-Tonnerre, Comtesse d'Ursel

des Orantes de l'Assomption le 8 décembre 1896.



15 octobre 1883. Paris.


Donnez-vous à Notre Seigneur.

Il faut se tenir humblement et constamment à la disposition de la grâce. Prêtez-vous aux choses de la terre et donnez-vous à Notre Seigneur.


11 décembre 1885. Paris.

Habituons-nous à parler de Notre Père

Les bavardages humains peuvent pénétrer partout, fermons l'oreille à tous les bruits qui assourdissent et empêchent d'entendre la voix de Dieu… Ayons pitié des pauvres pécheurs et gardons-nous de jeter la pierre à Dieu ou aux hommes de Dieu. Gardons-nous surtout de laisser amoindrir en nous et autour de nous les principes de l'Évangile sur la prière, la réparation, l'humilité, la pénitence et le dévouement. Gardons-nous enfin de condamner en une personne ce qu'elle a fait de bien parce qu'elle n'a pas persévéré…

 




27 janvier 1886. Paris.

Dans l'oraison, la base touche souvent au sommet

Sans cesse il faut revenir du ciel à la terre pour remonter de la terre au ciel. C'est l'échelle mystérieuse de Jacob. Les anges montaient et descendaient. En descendant ils restaient unis à Dieu et contemplaient sa face, en montant ils ne discontinuaient pas de veiller sur l'homme et de remplir leur mission. Ils voyaient comme voient les anges, unissant d'un seul regard les choses les plus distinctes et en apparence les plus séparées… Et nous… nous allons per saltum, sautant d'une chose à l'autre, mais Jésus accomplit en nous cette douce et forte unité…