samedi 25 mars 2023

Saint Pierre Chrysologue (+ 450), La résurrection de Lazare, miracle des miracles

 5ème dimanche de carême A


Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 11,1-45

Un homme était tombé malade. C'était Lazare, de Béthanie, le village de Marie et de sa soeur Marthe.




Voici que Lazare, revenu du séjour des morts, se présente à nous, portant une figure de la mort qui va être vaincue, et présentant un échantillon de la résurrection. Avant de pénétrer la profondeur d'un tel événement, arrêtons-nous à contempler l'aspect extérieur de cette résurrection, parce que nous y reconnaissons le miracle des miracles, la puissance des puissances, la merveille des merveilles.

Le Seigneur avait déjà ressuscité la fille du chef de synagogue, Jaïre, mais alors que la puissance de la mort venait de s'exercer sur elle. Il avait ressuscité aussi le fils unique d'une veuve, mais avant qu'il fût mis au tombeau, ce qui devait arrêter la corruption, prévenir la mauvaise odeur et rendre la vie au défunt avant qu'il fût pleinement tombé au pouvoir de la mort.

Mais au sujet de Lazare, tout ce qui se produit est exceptionnel. Sa mort et sa résurrection n'ont rien de commun avec les cas précédents car, ici, toute la puissance de la mort s'est déployée, toute la splendeur de la résurrection s'est manifestée. J'ose dire que Lazare eût accaparé tout le mystère de la résurrection du Seigneur s'il était revenu des enfers le troisième jour. Car le Christ est revenu le troisième jour comme étant le Seigneur, Lazare est rappelé à la vie le quatrième jour comme étant le serviteur. Mais pour établir ce que nous venons d'affirmer, parcourons quelques pages de cette lecture.

Ses soeurs envoyèrent dire au Seigneur : Seigneur, celui que tu aimes est malade. En parlant ainsi, elles frappent à la porte de son coeur, elles atteignent sa charité, elles s'efforcent de vaincre leur détresse par la force de leur amitié. Mais, pour le Christ, il importe davantage de vaincre la mort que d'éloigner la maladie. Aimer, pour lui, ce n'est pas tirer du lit, mais ramener des enfers et, pour son ami, ce qu'il va lui procurer bientôt, ce n'est pas le remède à sa langueur, mais la gloire de sa résurrection.

Bref, quand il apprit que Lazare était malade, il demeura deux jours au même endroit. Vous voyez comment il laisse le champ libre à la mort, il donne ses chances au tombeau, il permet à la décomposition de s'exercer, il n'empêche ni la pourriture ni l'odeur infecte. Il accepte que le séjour des morts se saisisse de Lazare, l'engloutisse, le garde prisonnier. Il agit pour que tout espoir humain soit perdu, et que toute la violence de la désespérance terrestre se déchaîne, afin qu'on voie bien que ce qui va se passer est l'oeuvre de Dieu, non de l'homme.

Il reste au même endroit à attendre la mort de Lazare jusqu'à ce qu'il puisse l'annoncer lui-même et déclarer qu'il ira vers lui. En effet, dit-il, Lazare est mort et je m'en réjouis. C'est donc cela aimer ? Le Christ se réjouissait parce que la tristesse de la mort allait bientôt se transformer en la joie de la résurrection. Et je m'en réjouis à cause de vous. Pourquoi à cause de vous ? Parce que, dans la mort et la résurrection de Lazare, se peignait toute la figure de la mort et de la résurrection du Seigneur, et ce qui allait bientôt suivre chez le maître était déjà réalisé chez le serviteur. Elle était donc nécessaire, cette mort de Lazare, pour que la foi des disciples, ensevelie avec Lazare, ressuscite avec lui.

Sermon 63, CCL 24 A, 373-376

http://www.clerus.org/bibliaclerusonline/pt/jy3.htm#bb

vendredi 17 mars 2023

ANONYME ANGLAIS DU XVIème siècle, l'Epître sur la discrétion


 L'OEIL DE L'AMOUR


Tu. sais déjà fort bien que le silence ou la

conversation, le jeûne ou la nourriture commune, la

solitude ou la vie en communauté, ne sont pas en

eux-mêmes notre vraie fin. lls peuvent être des

moyens d'atteindre cette fin, s'ils sont employés

légitimement et avec discrétion ; sinon, ce sont des

obstacles plutôt que des secours.

Chaque fois donc que tu te trouves en présence de

pratiques de ce genre, dont l'usage peut être bon

ou mauvais, si tu veux être humble, ne te laisse pas

aller aux recherches inquiètes de tes facultés pour

savoir ce qui est le meilleur. De ces deux attitudes

opposées, prends l'une dans une main, l'autre dans

I'autre, et choisis pour toi ce qui est caché entre les

deux ; cela te permettra d'user ou de ne pas user

de l'une des deux, à ton gré et en pleine liberté

d'esprit, sans encourir aucun blâme.


Tu me demanderas alors : qu'est-ce qui est ainsi

caché entre les deux ? Et je te répondrai : C'est

Dieu ! Dieu pour qui tu dois te taire, si tu dois rester

silencieux ; Dieu pour qui tu dois parler, si tu dois

parler ; Dieu pour qui tu dois jeûner ou ne pas

jeûner, vivre en communauté ou solitaire, selon le

cas. Car le silence n'est pas Dieu, ta parole n'est

pas Dieu ; et il en est de même de toutes ces

pratiques opposées. Dieu se trouve caché entre

elles, et ne peut être trouvé par aucune opération

de l'âme si ce n'est par l'amour de ton cæur.

L'intelligence ne peut le connaître, ni la pensée le

trouver ; il ne peut être saisi par le raisonnement,

mais il peut être aimé et choisi par la volonté

sincèrement aimante de ton cæur.


Choisis-le donc, et tu seras silencieux tout en

parlant ; comme tu parleras tout en gardant le

silence, et ainsi du reste. Ce choix de Dieu par

amour, réalisé en écartant toute autre chose, cette

recherche de lui dans la volonté sincère d'un cæur

pur, en passant entre ces exercices qui s'offrent à

nous comme but et fin de notre considération

spirituelle, voilà sans contredit la manière;la plus

noble de poursuivre et de chercher Dieu qu'une

âme contemplative puisse pratiquer ou apprendre

en cette vie. Peu importe si, dans cette recherche,

elle ne voit rien que puisse percevoir l'oeil spirituel

de la raison ; car il te suffit ici-bas que Dieu soit ton

amour et ta seule préoccupation, le choix et le but

de ton coeur, même si, de toute la vie, tu n'en vois

rien avec les yeux de l'intelligence.


Le trait que lance ce mouvement aveugle, c'est-à-,

dire la flèche acérée de I'amour et du désir, ne

manque jamais ; son but qui est Dieu. Ne l'a-t-il pas

dit lui-même au Livre de l'Amour, lorsqu'il s'exprime

ainsi : "Tu as blessé mon cæur, ma sæur, mon

amie et mon épouse, tu as blessé mon coeur par un

seul de tes regards !"



L'âme a deux yeux, la raison et l'amour, La raison

nous permet de saisir la puissance de Dieu, sa

sagesse et sa volonté dans les créatures, non pas en

lui-même. Mais lorsque la raison défaille, alors

désire, aime, et apprends à exercer ton amour ;

car c'est par l'amour que nous pouvons le

percevoir, le trouver et l'atteindre en lui-même.

C'est un oeil merveilleux que l'amour, et c'est de

l'âme aimante seule que le Seigneur a dit : 'Tu as

blessé mon cæur avec un seul de tes yeux".

L'amour dont il parle ici est aveugle sur bien des

points : il ne voit que la seule chose qu'il cherche,

et c'est pourquoi il la trouve et la goûte ; il atteint le

but qu'il a visé et blesse sa proie bien plus vite que

si son regard se dispersait sur nombre d'objets,

comme le fait la raison, en examinant et comparant

entre eux tant d'objets divers, le silence et la

conversation, le jeûne et la nourriture et le reste,

pour savoir quel est le meilleur.

L'Épître sur la Discrétion

mercredi 1 mars 2023

Saint Léon le Grand (+ 461), La Transfiguration prépare au scandale de la Passion


 

2e dimanche de carême A


Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
17,1-9

Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean son frère, et il les emmène à l'écart, sur une haute montagne. Il fut transfiguré devant eux.






Le Seigneur découvre sa gloire devant les témoins qu'il a choisis, et il éclaire d'une telle splendeur cette forme corporelle qu'il a en commun avec les autres hommes que son visage a l'éclat du soleil et que ses vêtements sont aussi blancs que la neige.

Par cette transfiguration il voulait avant tout prémunir ses disciples contre le scandale de la croix et, en leur révélant toute la splendeur de sa dignité cachée, empêcher que les abaissements de sa Passion volontaire ne bouleversent leur foi.

Mais, il ne prévoyait pas moins de fonder l'espérance de l'Église, en faisant découvrir à tout le Corps du Christ quelle transformation lui serait accordée; ses membres se promettraient de partager l'honneur qui avait resplendi dans leur chef.

Le Seigneur lui-même avait déclaré à ce sujet, lorsqu'il parlait de la majesté de son avènement: Alors les justes brilleront comme le soleil dans le royaume de leur Père, Mt 13,43. Et l'apôtre saint Paul atteste lui aussi: J'estime qu'il n'y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire que le Seigneur va bientôt révéler en nous, Rm 8,18. Et encore: Vous êtes morts avec le Christ, et votre vie reste cachée avec lui en Dieu. Quand paraîtra le Christ qui est votre vie, alors, vous aussi vous paraîtrez avec lui en pleine gloire Col 3,3-4.

Cependant, pour confirmer les Apôtres et les introduire dans une complète connaissance, un autre enseignement s'est ajouté à ce miracle. En effet, Moïse et Élie, c'est-à-dire la Loi et les Prophètes, apparurent en train de s'entretenir avec le Seigneur. Ainsi, par la réunion de ces cinq hommes s'accomplirait de façon certaine la prescription: Toute parole est garantie par la présence de deux ou trois témoins, Dt 19,15.

Qu'y a-t-il donc de mieux établi, de plus solide que cette parole ? La trompette de l'Ancien Testament et celle du Nouveau s'accordent à la proclamer; et tout ce qui en a témoigné jadis s'accorde avec l'enseignement de l'Évangile.

Les écrits de l'une et l'autre Alliance, en effet, se garantissent mutuellement; celui que les signes préfiguratifs avaient promis sous le voile des mystères est montré comme manifeste et évident par la splendeur de la gloire présente. Comme l'a dit saint Jean, en effet: Après la Loi communiquée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ, Jn 1,17. En lui s'est accomplie la promesse des figures prophétiques comme la valeur des préceptes de la Loi, puisque sa présence enseigne la vérité de la prophétie, et que sa grâce rend praticables les commandements.

Que la foi de tous s'affermisse avec la prédication de l'Évangile, et que personne n'ait honte de la croix du Christ, par laquelle le monde a été racheté.

Que personne donc ne craigne de souffrir pour la justice, ni ne mette en doute la récompense promise ; car c'est par le labeur qu'on parvient au repos, par la mort qu'on parvient à la vie. Puisque le Christ a accepté toute la faiblesse de notre pauvreté, si nous persévérons à le confesser et à l'aimer, nous sommes vainqueurs de ce qu'il a vaincu et nous recevons ce qu'il a promis. Qu'il s'agisse de pratiquer les commandements ou de supporter l'adversité, la voix du Père que nous avons entendue tout à l'heure doit retentir sans cesse à nos oreilles: Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis tout mon amour; écoutez-le ! Mt 17,5.

 

Sermon 51, 3-4, CCL 138 A, 290-300

Clerus