jeudi 9 mai 2024

Saint Grégoire Le Grand, Les voies de l'esprit sont mystérieuses

 

 Pentecôte  Jean 15,26-27 ; 16,12-15




Saint Grégoire le grand (540-604)

64ème  pape, docteur et Père de l'Église d'occident.




On ne sait comment viennent ses dons, ni d’où, ni quand.

L’Esprit souffle où il veut ; et toi, tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d’où il vient, et tu ne sais ni où il va, Jn 3,8.

Même celui qui a été illuminé par l’Esprit ne peut découvrir comment sa voix s’est introduite jusqu’à l’oreille de son coeur. Il est incapable de décrire les voies par lesquelles sa force invisible a pénétré en lui, comment il vient et comment il se retire. Personne ne peut connaître d’avance les résultats d’une prédication ; personne ne peut prévoir dans quels coeurs entrera l’Esprit. Dieu sème dans les âmes d’une manière incompréhensible. On ne voit pas l’action de Dieu dans les coeurs, on ne voit pas comment il y entre, on ne connaît pas les voies qu’il prend pour les illuminer et cependant il les change. Nous voyons le résultat, nous ignorons le comment. - Quelle voie prend la lumière pour se répandre ? demande Dieu à Job, Jb 38,24.

Cette voie est invisible à nos yeux, répond Grégoire. La sagesse, comme l’Esprit, se répand secrètement dans les coeurs. La parole de l’Esprit se fait entendre sans bruit à l’oreille du coeur. C’est une parole à l’intérieur, c’est une voix qui ne fait pas de bruit mais qui donne la science au-dedans et instruit les coeurs, c’est une brise légère. Transmise sans bruit au coeur du croyant, la parole de l’Esprit est incommunicable. On peut percevoir son inspiration, non l’exprimer par des mots. N’est-ce pas le propre de l’expérience de ne pouvoir se transmettre ? On ne peut savoir ce qu’est une parole de l’Esprit-Saint si on ne l’a pas reçue.

La venue de l’Esprit est toujours inopinée. Aussi l’Écriture dit-elle que l’Esprit tombe sur ceux qu’il visite. Tomber, dit Grégoire, c’est être entraîné soudainement vers le bas. L’action de l’Esprit est rapide comme celle de l’éclair ; l’Esprit est présent à tous et a chacun au même moment. L’Esprit de Dieu n’a pas besoin des détours du langage humain pour se faire comprendre ; les mots qu’il emploie sont comme des paroles ; en fait une force intérieure intime à l’homme ce qu’il doit faire. C’est l’Esprit qui dit au coeur de Philippe : - Rejoins ce char, Ac 8,29 ; c’est lui qui fait entendre à l’esprit de Pierre : - Voici trois hommes qui te cherchent. Debout, descends et pars avec eux, Ac 10,19-20. En un instant les coeurs sont mis au courant de ce qu’ils ignoraient. La parole de Dieu est lumière subite dans les ténèbres de l’ignorance. Quand il veut instruire quelqu’un, l’Esprit ne souffre aucun retard. Il lui suffit de toucher l’esprit de l’homme, et son simple toucher enseigne tout. Le coeur est changé aussitôt qu’illuminé ; instantanément il n’est plus ce qu’il était et il devient ce qu’il n’était pas.

L’Esprit Saint vient dans tous les fidèles ; sur le Christ seul il est demeuré d’une manière permanente et unique, Jn 1,33 ; chez les fidèles, il n’est pour ainsi dire que de passage ; on ne peut jouir à volonté et de manière continue des dons de l’Esprit. L’Esprit n’est qu’en visite dans les âmes. Cependant il faut ajouter que chez certains, parce que leur vie est pure, l’Esprit réside en permanence. Autre chose bien sûr est l’habitation de l’Esprit dans tous les baptisés : c’est lui qui donne la vie aux âmes et il est présent partout. L’Esprit se rend présent puis se retire, il est mobile, Sg 7,22. Il se porte même à la rencontre de ceux qui ne le connaissent pas.

Insaisissable, l’Esprit laisse cependant des traces de son passage, il laisse dans le coeur la trace de l’expérience de l’invisible. L’Esprit a été envoyé dans nos coeurs par le Fils unique du Père pout nous donner la vie, pour nous donner la possibilité de croire à ce que nous ne connaissons pas encore par expérience. Celui qui n’a pas encore atteint une foi aussi assurée doit faire confiance provisoirement à ceux qui par l’Esprit Saint en font l’expérience.

D’une part, l’Esprit nous est donné comme témoin pour secourir notre foi parce que nous ne pouvons pas encore connaître d’expérience l’invisible. Maintenant, nous avons le gage de l’Esprit ; alors, dans la patrie, nous parviendrons aux joies d’en haut. On nous donne un gage pour nous donner l’assurance qu’une promesse sera tenue. Le don de l’Esprit est appelé un gage, 2 Cor 1,22 et 5,5, parce qu’il renforce la certitude de notre espérance.

D’autre part, il y a des chrétiens qui ont déjà par l’Esprit-saint l’expérience de l’invisible ils ont reçu de l’invisible une connaissance aussi assurée que l’est celle donnée par la vue dans les choses de ce monde.

Les chrétiens ordinaires ont reçu par l’Esprit Saint la certitude de l’invisible mais ils ne le connaissent pas encore d’expérience ; ils ont déjà la certitude de son existence puisqu’ils en ont touché le gage, mais ils n’ont pas la certitude de la réalité elle-même. Il y a l’expérience du chrétien ordinaire puis celle du mystique. Pour l’un, l’invisible est objet de foi, pour l’autre, l’invisible est objet d’expérience, quasi de constat.

L’homme n’est pas à la mesure de l’Esprit. Il y a disproportion entre ce que l’Esprit donne à entendre et la capacité de l’homme. Ce que l’Esprit fait voir en un instant au coeur du prophète, celui-ci ne peut l’exprimer d’un seul mot. La puissance de l’Esprit dépasse aussi la capacité des coeurs spirituels : l’Esprit Saint est ce vin nouveau qui fait éclater les outres, fussent-elles neuves. Tant qu’il demeure en cette vie et malgré tous ses efforts, l’homme ne peut voir la gloire de Dieu. L’Esprit ne donne de lui-même aux hommes qu’une connaissance limitée parce que leur faiblesse ne leur permet pas de le recevoir tel qu’il est. Il se fait brise légère, mais c’est encore trop pour eux ; cette brise leur fait l’effet d’un vent violent. L’Esprit nous touche légèrement mais ce toucher nous fait chanceler, sa lumière nous perturbe. L’homme n’est pas à la mesure des choses de Dieu.

Cependant, l’Esprit Saint sait s’adapter à la faiblesse de l’homme. Sa présence se manifeste comme un toucher. L’Esprit Saint est le doigt de Dieu, Mt 12,28 et Luc 11,20. Quand la grâce de l’Esprit Saint se répand en nous elle nous remplit de douceur, Job 20,17. L’Esprit du Christ en effet remplit de joie celui à qui il fait goûter la douceur de sa divinité. L’Esprit Saint mérite bien son nom de Paraclet ou consolateur.

Patrick CATRY, OSB, Moine de Wisques, Parole de Dieu, Amour et Esprit-Saint chez Saint Grégoire le Grand, Vie monastique N° 17, 181-185.

7ème DIMANCHE DE PÂQUES année B - Jean 17, 11-19

 


Saint Jean 17,11-19


« Amour…
Amour qui planait sur les eaux
Et les berças du premier souffle,…
Nos âmes dorment,

Prends-les d’un battement nouveau… »



« Amour »… Il n’y a pas de plus beau nom à donner à l’Esprit Saint ! Et il nous est bon de chanter souvent cette hymne, écrite par le poète Patrice de la Tour du Pin, en ce temps où nous ouvrons davantage nos cœurs à la venue de l’Esprit, où nous reconnaissons davantage sa présence… 
 
Cet Esprit insaisissable, souvent inaperçu, aux noms multiples car il est partout présent et sans cesse à l’œuvre, on l’appelle souffle, vent… - brise très douce du prophète Elie, ou grand bruit de bourrasque à la Pentecôte… - ,
 
on l’appelle feu qui réchauffe ou illumine– rayonnement de gloire de la Transfiguration, langues de feu à la Pentecôte, flamme du Cierge Pascal au milieu de nous… - , … 
on l’appelle aussi source d’eau vive, car l’Esprit nous purifie et nous vivifie,… 
et parfois il se fait reconnaître en forme de colombe… 
 
Et savez-vous, au fond de vous, il y a toujours une petite flamme,… même au plus sombre, peut-être au plus désespéré de votre cœur, oui, il y a toujours une petite flamme qui scintille… et cette petite flamme, c’est lui au fond de nous !... 
 
Oui, il y a toujours une source qui coule au fond de nous, et qui murmure sans cesse : « Viens vers le Père ! », une eau vive qui, nous dit Jésus, « jaillit en Vie éternelle ! » …Car cet Esprit Créateur, qui est à l’œuvre à la Création du Commencement : « Amour qui planais sur les eaux et les berças du premier souffle… », 
il est aussi sans cesse à l’œuvre à la Création de chaque instant : « Tu es la genèse en tout temps, tu es le vent qui crie naissance… », dit le poète… Et cet Amour créateur, il est aussi l’Amour rédempteur, l’Amour qui fait de nous des fils et des frères, l’Amour qui met en nous l’Amour… pour nous donner d’aimer jusqu'au bout notre prochain le plus proche, comme le plus lointain, comme peut-être aussi le plus ennemi de nos frères… « Amour descendant aujourd'hui, viens agiter les eaux enfouies de nos baptêmes qui, de la mort de Jésus Christ, nous font resurgir dans sa vie ! » ...
 

Frères et sœurs, c’est en ouvrant notre cœur à l’Esprit Saint, c’est en laissant notre petite flamme intérieure nous illuminer, c’est en nous abreuvant à la source d’eau vive qui coule en nous,  
c’est en accueillant le don de l’Amour, que notre vie va se transfigurer en Amour… 
 
Il se passe alors quelque chose,… quelque chose comme ce qui est arrivé à Marie, laissant l’Esprit Saint concevoir Jésus en elle… D'ailleurs elle est là au milieu des disciples, comme pour leur apprendre à accueillir l’Esprit Saint qui vient engendrer Jésus en chacun de nous… pour que nous devenions avec lui, Jésus, vraiment des fils et des filles tout aimants du Père, et des frères et sœurs pour tous… 
 
 
 
 
Oui, comme Jésus, avec Jésus,… laissant Jésus vivre en nous, aimer en nous, prier en nous… comme nous le voyons aimer et prier dans l'Evangile d'aujourd'hui. Dans cet Evangile, l’Esprit Saint est partout secrètement à l’œuvre : la prière, c’est lui,… la fidélité, c’est lui,… l’unité qui se construit, c’est lui,… le don de la Parole, c’est lui,… la joie, bien sûr c’est lui,…Jésus qui se consacre pour que nous soyons consacrés, - c'est-à-dire : Jésus qui se laisse entièrement prendre par l’Esprit d’Amour, et qui donne sa vie par Amour… pour que nous recevions nous aussi en plénitude l’Esprit d’Amour, et que nous donnions nous aussi notre vie par Amour -, c’est lui, c’est encore lui, c’est toujours lui… :
 
 « Pour eux je me consacre moi-même, afin qu’ils soient eux aussi consacrés par la vérité. » Bien sûr, la vérité, ici, c’est lui… Et l’envoi en mission, c’est lui… : « De même que tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi, je les ai envoyés dans le monde. »,  
 
Extrait Homélie abbaye de Tamié, 2016.

dimanche 5 mai 2024

Saint Augustin, Une fidélité réciproque

 

Ascension 9 mai 2024


Évangile de Jésus Christ selon Mc 16,15-20

Jésus ressuscité dit aux onze Apôtres : "Allez dans le monde entier. Proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création. Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé."




Nous croyons en Jésus que nous n'avons pas vu. Ceux qui l'ont vu et qui l'ont touché, qui ont entendu la parole de sa propre bouche, nous l'ont annoncé. Ils ont été envoyés par lui pour persuader le genre humain de la vérité. Ils n'ont pas eu l'audace d'y aller eux-mêmes. Et où ont-ils été envoyés? Vous l'avez entendu, quand on nous a lu l'Évangile : Allez dans le monde entier. Proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création (Mc 16,15). Les disciples ont donc été envoyés partout. On les croyait parce que, confirmés par des signes et des prodiges, ils disaient ce qu'ils avaient vu. Et nous, nous croyons en celui que nous n'avons pas vu, et dont nous attendons le retour. Tous ceux qui l'attendent avec joie se réjouiront alors. Et ceux qui ne croient pas, lorsque viendra ce qu'ils ne voient pas maintenant, seront couverts de honte.

Demeurons donc dans ses paroles pour éviter d'être confondus quand il viendra. Car lui-même dit dans l'Évangile à ceux qui avaient cru en lui : Si vous demeurez dans ma parole, vous êtes vraiment mes disciples. Et comme s'ils avaient demandé pour quel avantage, il ajoute: Vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres (Jn 8,31-32). Car, pour le moment, notre salut existe en espérance, pas encore en réalité. Puisque nous ne tenons pas encore ce qui a été promis, nous espérons seulement que cela viendra. Il est fidèle, celui qui a promis, il ne te trompe pas. Mais de ton côté, ne succombe pas, attends la promesse, car la vérité ne peut pas tromper. Et toi, ne sois pas menteur en professant une chose tandis que tu en fais une autre. Garde la foi, et lui gardera sa promesse. Mais si tu ne gardes pas la foi, c'est toi qui es coupable de fraude, non celui qui a promis.

Puisque vous savez que Dieu est juste, reconnaissez aussi que tout homme qui vit selon la justice de Dieu est vraiment né de lui (1 Jn 2,29). Actuellement notre justice vient de la foi. La justice parfaite ne se trouve que chez les anges, et même pas chez eux si on les compare à Dieu. Pourtant s'il y a une justice parfaite dans les âmes et les esprits créés par Dieu, c'est bien chez les anges saints, justes et bons que nulle chute n'a fait dévier, qu'aucun orgueil n'a fait tomber, mais qui demeurent toujours dans la contemplation du Verbe de Dieu et qui trouvent leur unique douceur en celui qui les a créés. En eux la justice est parfaite, et en nous, par la foi, elle commence à exister selon l'Esprit.

Commentaire sur la Première Épître de Jean, 4,2-3; SC 75, 220-224

Clerus homéliaires