samedi 27 septembre 2008

La lecture de l’Ecriture chasse de l'âme le découragement

Comment se comporter pendant les périodes de déréliction, ou au moins pour en réduire les dommages ?

Un des conseils est de prier en attendant que cela se termine : « Pendant les périodes de tentations, lorsque quelqu’un se trouve dans l’obscurité, une recommandation serait de s’occuper à la lecture des écrits des Pères » :

Lorsqu’il arrive que ton âme soit enveloppée de fortes ténèbres au-dedans d’elle-même, comme lorsque les rayons du soleil au milieu des nuages sont cachés à la terre, et que ton âme est privée pour un bref moment de réconfort spirituel et de la lumière de la grâce, à cause de la nuée des passions qui la couvre, et qu’en plus, la force produisant la joie est réduite pour un peu de temps, alors que ton esprit est couvert par un brouillard inaccoutumé, que ton esprit ne se trouble pas et ne t’abandonne pas au découragement. Mais sois patient, occupe-toi par la lecture des écrits des Docteurs de l’Eglise, efforce-toi de prier, et attends de recevoir de l’aide. L’aide viendra alors sans tarder et sans que tu t’en aperçoives.

La lecture de l’Ecriture (qeryana) : le mot syriaque s’applique à la fois à la Bible et aux Pères de l’Eglise chasse de l’âme le découragement et les ténèbres.

Quand quelqu’un souffre d’un sentiment de lourdeur alors qu’il se trouve dans la quiétude, celui-ci se dissout à quelque lecture des Ecritures ; parfois cela se produit grâce au discernement qu’ils goûtent, et qui vient de la lumière que procure la sagesse qui gît dans ses paroles.


Hilarion Alfeyev, L’univers d’Isaac le Syrien, spiritualité orientale, N° 76, abbaye de Bellfontaine, 126.

lundi 22 septembre 2008

La spiritualité biblique

Les Pères de l’Eglise vivaient de la Bible, pensaient et parlaient par la Bible avec cette admirable pénétration qui va jusqu’à l’identification de leur être avec la substance biblique elle-même. Si on se met à leur école, on comprend immédiatement qu’il s’agit du fait intérieur de toute lecture biblique : la Parole lue ou écoutée conduit toujours à la Parole vivante, à la présence de la Personne du Verbe. Saint Ephrem conseille ; « Avant toute lecture, prie et supplie Dieu pour qu’il se révèle à toi ». « Lui que je cherche dans tes livres », disait St Augustin. La légitime aspiration à comprendre, à trouver des réponses, se soumet au plus grand, à l’unique nécessaire et se place dans la perspective sacramentelle de l’avènement : « On consomme eucharistiquement la parole mystérieusement rompue », Origène, en vue de la communion avec le Christ. Connaître, ce n’est pas voir de l’extérieur, mais assimiler, prendre, s’identifier, de sorte que Dieu assume, dans l’acte même de sa connaissance, la souffrance de l’homme.

L’Ēvangile selon St Luc 24,45 nous dit que Dieu « ouvre l’intelligence » de ses disciples en montrant comment il faut lire la Bible pour y découvrir « tout ce qui est écrit de moi » ; en commençant par Moïse et par tous les prophètes, il leur expliqua dans toutes les Ecritures ce qui le concernait. C’est ainsi que le Seigneur « ouvrait le sens des Ecritures », en révélant que la Bible est l’icône verbale du Christ .

C’est dans le Christ, au-dedans de son Corps, dans l’Eglise qu’il faut lire la Bible et écouter Dieu. C’est toujours l’Eglise qui lit la Bible dès que s’ouvrent ses pages. Même seul, on lit ensemble, liturgiquement.

Paul Evdokimov, La nouveauté de l’Esprit, étude de spiritualité, spiritualité orientale, N0 20, collection Bellefontaine, extrait p. 18.

jeudi 18 septembre 2008

Le Christ - Parole unique de l'Écriture Sainte

Dans la condescendance de sa bonté, Dieu, pour se révéler aux hommes, leur parle en paroles humaines : "En effet, les paroles de Dieu, exprimées en langues humaines, ont pris la ressemblance du langage humain, de même que le Verbe du Père éternel, ayant assumé l'infirmité de notre chair, est devenu semblable aux hommes", Dei Verbum 13.


A travers toutes les paroles de l'Écriture Sainte, Dieu ne dit qu'une seule Parole, son Verbe unique en qui Il se dit tout entier, cf. He 1, 1-3 :

Rappelez-vous que c'est une même Parole de Dieu qui s'étend dans toutes les Écritures, que c'est un même Verbe qui résonne dans la bouche de tous les écrivains sacrés, lui qui, étant au commencement Dieu auprès de Dieu, n'y a pas besoin de syllabes parce qu'il n'y est pas soumis au temps, St Augustin, Psal. 103, 4, 1 : PL 37, 1378.

Pour cette raison, l'Église a toujours vénéré les divines Écritures comme elle vénère aussi le Corps du Seigneur. Elle ne cesse de présenter aux fidèles le Pain de vie pris sur la Table de la Parole de Dieu et du Corps du Christ, cf. Dei Verbum 21.


Dans l'Écriture Sainte, l'Église trouve sans cesse sa nourriture et sa force, cf. Dei Verbum 24, car en elle, elle n'accueille pas seulement une parole humaine, mais ce qu'elle est réellement : la Parole de Dieu, cf. 1 Th 2, 13. "Dans les Saints livres, en effet, le Père qui est aux Cieux vient avec tendresse au-devant de ses fils et entre en conversation avec eux", Dei Verbum 21.

Toute l'Écriture divine n'est qu'un seul livre,
et ce seul livre c'est le Christ,
"car toute l'Écriture divine parle du Christ, et
toute l'Écriture divine s'accomplit dans le Christ "
Hugues de Saint Victor

lundi 15 septembre 2008

Lecture priante

Si le but immédiat d’une lecture spirituelle est d’acquérir des connaissances religieuses, son but final est d’alimenter l’oraison. Et plus le livre ouvre l’âme au contact de Dieu, soit par son contenu, soit grâce à l’ambiance de silence, de liberté de cœur et de gratuité dans laquelle se fait la lecture, plus celle-ci sera féconde.

Or du point de vue du contenu, la Bible est dans une situation privilégiée. Parole de Dieu, elle nous met immédiatement en contact avec lui ; si nous la lisons dans un esprit d’accueil, d’écoute et de docilité, l’Esprit de Dieu nous y remue et nous y blesse. La Bible ne s’occupe du reste que de Dieu, ou du monde vu dans sa relation vis-à-vis de Dieu, ou de l’homme pour lui apprendre comment servir Dieu ; la lecture de la Bible est donc bien une lectio divina, une lecture qui plonge en Dieu. Aussi le moine en fera-t-il ses délices, répétant et surtout vivant ces paroles de Jérémie, 15,16 : « Quand tes paroles se présentaient, je les dévorais ; ta parole était mon ravissement et l’allégresse de mon cœur ».

Présent dans l’Eucharistie, Dieu l’est aussi dans la Bible, autre pain de vie ; comme l’Eucharistie, la Bible provoque à l’amour et à la prière ; elle en sera l’aliment et le soutien, après en avoir été le point de départ.


« Du champ vient la joie de la moisson ; de la vigne les fruits qui nous nourrissent et de l’Ecriture la doctrine vivifiante »,
Isaac d’Antioche (+460-461).

Le champ donne la moisson une fois l’année ; la vigne ne fournit qu’une vendange par an, tandis que la doctrine salutaire jaillit de l’Ecriture aussi souvent qu’on la lit. Le champ une fois moissonné, arrête et se repose ; de même la vigne, une fois la vendange faite, n’a plus d’utilité ; la Sainte Ecriture, au contraire, même si on la moissonne journellement, donne toujours des épis à ceux qui la scrutent. Allons donc à ce champ jouir de ses sillons et cueillir ses épis vivifiants.


Dom Louis Leloir, o.s.b., moine de Clervaux, Désert et communion, témoignage des Pères du Désert recueillis à partir des Paterica arméniens, spiritualité orientale, N° 26, collection Bellefontaire, extrait 272-275.

mercredi 10 septembre 2008

DIEU PARLE ENCORE, St Grégoire le Grand


Est-il bien tout à fait vrai cependant que Dieu nous a tout dit dans l’Ecriture ? Dieu est vivant. «Dieu parle tantôt par l’Ecriture, tantôt par une inspiration secrète». Grégoire n’enferme pas la Parole de Dieu dans une théorie. Dieu a tout dit dans l’Ecriture mais il ne s’y est pas enfermé. «Dieu parle par une révélation secrète quand il révèle par son Esprit à l’esprit élu ce qu’il faut faire ou enseigner”. Toutefois la norme de toute révélation secrète, c’est l’Ecriture. «Quand donc Samuel entendit le Seigneur l’appeler, il s’empressa vers Héli, parce que l’ordre élu des prédicateurs de la sainte Eglise confronte ce qu’il a appris par une révélation de Dieu à ce qui se trouve dans l’Ecriture sainte. La règle d’une juste intelligence se trouve exprimée dans les livres de la sainte Ecriture, parce que les conseils divins y sont exposés par nos vénérables Pères qui ont eu l’Esprit. Saint Samuel accourt donc vers Héli aussi souvent qu’il est appelé par le Seigneur parce que l’ordre des prédicateurs consulte les dits des anciens Pères au sujet de tout ce qu’il apprend par révélation spirituelle avant de croire que cette révélation vient bien du Seigneur en reconnaissant que cela ne diffère pas de ce qu’il lit dans l’Ecriture sainte. On tombe facilement dans l’erreur si on ne sait pas confronter à l’éminente vérité de l’Ecriture sainte ce qu’on a recueilli dans une contemplation secrète”. Dieu continue à se révéler aux hommes. Il existe une parole cachée, Job 4,12, parce qu’elle se fait entendre à l’intime de l’âme, c’est une parole de l’Esprit-Saint qu’on perçoit par le cœur et qui entraîne à désirer les biens invisibles ; c’est une parole sans bruit de voix ; elle élève l’esprit parce que la parole de l’Esprit se fait entendre silencieusement â l’oreille du cœur. Dieu est plus grand que son Ecriture et il n’est pas limité par elle, mais l'Ecriture demeure la norme de toute révélation secrète.

Ni la connaissance de l’Ecriture ni aucune révélation n’est chose que l’on s’arroge soi-même. Toute parole est don libre L’Esprit de prophétie n’est pas toujours présent aux prophètes, il n’est pas toujours à leur disposition, afin qu’au temps où ils ne l’ont pas, ils reconnaissent que c'est par don qu’ils l’ont quand l’Esprit vient à eux. Aussi quand Elisée interdit à son serviteur Giézi de repousser la Sunamite qui pleurait à ses pieds, il lui dit “Laisse-la, son âme est dans l’amertume; le Seigneur me l’a caché, il ne me l’a pas fait savoir”, 2 Rois 4,27. De même quand Josaphat l’interrogea sur l’avenir, alors que l’Esprit de prophétie ne lui était pas présent, il fit venir un joueur de lyre pour que l’Esprit de prophétie descende sur lui par la louange de la psalmodie, 2 Rois 3,11-15. L’inspiration de l’Esprit est libre don de Dieu ; elle n’est pas continue, pour que l’homme éprouve la vérité de l’inspiration en comparant les temps où il l’a et ceux où il ne l’a pas.
Patrick Catry, o.s.b., Moine de Wisques, Parole de Dieu, Amour et Esprit-Saint chez St Grégoire le Grand, 17.

mercredi 3 septembre 2008

DANS L'ECRITURE DIEU NOUS A TOUT DIT


Le pape saint Grégoire le Grand vécut de 540 à 604. Il est docteur de l'Eglise, sa fête a lieu le 3 septembre.
Né à Rome dans une famille patricienne, il devint préfet de la ville. En 575, ayant renoncé à ses charges et à sa fortune, il devint moine et se retira dans un monastère qu'il fonda et établit sous la règle bénédictine. Après une ambassade à Byzance pour le compte du pape Gélase II, il fut élu pape et eût à organiser la défense et l'organisation de Rome lors de l'invasion des lombards ainsi qu'à négocier avec eux, pour éviter un plus grand malheur à la ville. Ce fut lui qui envoya saint Augustin de Cantorbéry en Grande-Bretagne pour évangéliser ce pays. Il tourna l'Eglise vers les jeunes nations barbares qui s'étaient implantées dans les ruines de l'ancien empire Romain d'Occident. On doit à saint Grégoire de nombreuses lettres, homélies, dialogues et traités de pastorale. Il est à l'origine d'une réforme liturgique et le chant dit "grégorien" porte son nom.
Dans l’Ecriture qui contient sa Parole, Dieu nous a tout dit. Dieu a parlé une fois et cela suffit, il n’y a plus d’autre révélation à attendre. C’est ce qu’explique Eliu à son ami Job «Tu protestes contre Dieu parce qu’il ne répond pas à chacune de tes questions. Dieu parlera une fois et ne répétera pas deux fois la même chose...”. C’est comme s’il disait : Dieu ne répond pas au cœur de chacun par des révélations privées, car il a préparé une parole qui puisse satisfaire aux questions de tous. Dans la parole de son Ecriture en effet, si nous cherchons bien, nous trouvons réponse à chacun de nos besoins ; il n’est pas nécessaire que la voix de Dieu réponde en particulier à ce que chacun doit supporter. Dans l’Ecriture, il nous est répondu à tous d’une manière générale ; là en effet, la vie des prédécesseurs sert de modèle aux successeurs. Pour prendre un seul exemple, si nous sommes affligés d’une souffrance quelconque ou d’une maladie corporelle, peut-être désirons-nous connaître les causes cachées de cette souffrance ou de cette maladie pour trouver soulagement par la connaissance des maux dont nous souffrons. Mais parce qu’à chacune de nos tentations, il ne nous est pas répondu en particulier, nous recourons à l’Ecriture sainte. Nous y trouvons que Paul, tenté par l’infirmité de sa chair, entendit cette réponse : “Ma grâce te suffit, car ma puissance se déploie dans la faiblesse”, 2 Cor 12,9. Et cela lui fut dit dans sa propre faiblesse pour que cela ne nous soit pas dit à chacun d’entre nous individuellement. Dans l’Ecriture sainte, nous entendons la voix de Dieu qui s'adresse à Paul dans l’affliction afin que nous ne cherchions pas à l’entendre chacun pour notre propre compte en une consolation privée quand il nous arrive aussi d’être dans l’affliction. Le Seigneur ne nous répond donc pas à chacune de nos questions parce qu’il parlera une fois et qu’il ne répétera pas deux fois la même chose par ce qu’il a déclaré à nos Pères dans l’Ecriture, il a voulu aussi nous instruire ; Dieu ne répond plus aux pensées ou aux tentations de chacun par les voix des prophètes ou par l’office des anges parce qu’il a enfermé dans l’Ecriture sainte tout ce qui peut arriver à chacun, et qu’il a pris soin de donner pour modèle aux successeurs les exemples des prédécesseurs. Admirable leçon sur l’aujourd’hui de la Parole de Dieu.

Patrick Catry, o.s.b., Moine de Wisques, Parole de Dieu, Amour et Esprit-Saint chez St Grégoire le Grand, 16.