jeudi 28 mai 2020

Isaac de L'Etoile, La Pentecôte



Isaac de l'Étoile,
né vers 1105/1120
décédé en 1178 à l'abbaye de l'Étoile (Poitiers)
moine cistercien anglais
auteur spirituel et théologien du XIIème siècle,
Abbé du monastère de l'Étoile, près de Poitiers
il a laissé des écrits qui furent de populaires traités de spiritualité et théologie.



Un moine cistercien

« L'amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l'Esprit-Saint qui nous a été donné », Rom., 5, 5. 

C'était trop peu, bien-aimés, que le Fils de Dieu nous fût donné, selon qu'il est écrit : « Un petit enfant nous est né, un fils nous est donné », Isaïe, 9, 5.  Il fallait encore que l'Esprit-Saint nous fût communiqué. 

Est-ce qu'un jour le Père lui-même nous sera aussi donné, afin que nous qui ne sommes rien, nous recevions tout ; afin que nous qui avions perdu toute l'humanité, nous soyons gratifiés de toute la divinité ? Qui a entendu une chose pareille ? 

Nous étions aveugles : elle est née dans les ténèbres, la lumière qui devait nous éclairer. 

Et voici la naissance du Christ pour nous, à cause de nous et en nous : ce qu'il a reçu pour nous, il nous l'accorde également. 

Et voici le baptême du Christ pour nous, comme une sorte d'autre naissance, par laquelle nous pourrions naître en celui qui était né en nous : et comme lui est en nous, ainsi nous, nous sommes en lui : lui, il est devenu fils d'homme par l'Esprit-Saint et grâce à la Vierge Marie ; nous, nous devenons fils de Dieu par le même Esprit et grâce à la Vierge qui est l'Eglise. 

Nous étions de mauvais serviteurs sous l'emprise du péché, mais lui, il a été un bon serviteur à notre place, obéissant au Père en toute justice, accomplissant par son obéissance le devoir de notre soumission. 

Telle fut la vie du Christ pour nous. 
A cause du péché, nous étions les fils de la mort : en effet, le salaire du péché, c'est la mort. 
Mais lui, en mourant pour nous, a expié le forfait de notre faute. 

Telle fut la mort du Christ pour nous. 
Le Christ libère toutes choses, lui qui est venu pour dissoudre les œuvres du démon : il est écrit : « Il fait souffler son vent », Ps,147, 7, comme en ce jour, quand est venu du ciel un bruit semblable à celui d'un vent impétueux, Act., 2, 2, et les eaux que le Verbe avait déchaînées, se sont mises à couler sans obstacle pour la vie éternelle. 

C'est pourquoi, après la justice, est donnée la grâce par l'Esprit-Saint, et l'esclave qui avait été renvoyé libre par le Fils, voici qu'en ce jour il devient ami par l'Esprit-Saint. En ce jour, après que l'offense ait été réparée, le Maître baise son serviteur : bien plus, c'est l'ami qui donne à son ami un baiser de sa bouche ! Si, en effet, le Fils est dit à bon droit la bouche du Père, c'est en toute vérité que l'on peut dire que l'Esprit est le baiser de sa bouche. Au reste, le baiser est le signe de l'amour et de l'affection. En effet, « l'amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l'Esprit-Saint qui nous a été donné », Rom, 5,5.

Le Christ est d'une certaine manière un médiateur pour rétablir la justice, l'Esprit pour rétablir l'amitié. 

Le Christ est venu pour la Vérité, l'Esprit pour la Charité. 

Le Christ est venu pour le pardon, l'Esprit pour la persévérance. 

Cependant le Christ accomplit tout et l'Esprit accomplit tout d'une manière indivisible. Car le Père, le Fils et le Saint-Esprit accomplissent toutes choses ensemble et d'une façon semblable, eux qui sont un sans confusion et trois sans division. Cependant le Fils en quelque sorte reçoit sa mission propre du Père par lequel seul il est envoyé, tandis que l'Esprit reçoit la sienne de l'un et de l'autre, lui qui, avec le Père et le Fils, de la nature du Père et du Fils, dans le Père et le Fils, est un seul Dieu vivant, véritable et tout puissant, pour tous les siècles des siècles. 

ISAAC Abbé du monastère cistercien de l'Etoile au diocèse de Poitiers (XIIe siècle) Sermon III pour la Pentecôte 

lundi 18 mai 2020

Saint Augustin, Sermon pour l'Ascension





Aujourd’hui notre Seigneur Jésus Christ monte au ciel ; que notre coeur y monte avec lui

Écoutons ce que nous dit l’Apôtre : Vous êtes ressuscités avec le Christ. Recherchez donc les réalités d’en haut : c’est là qu’est le Christ, assis à la droite de Dieu. 

Le but de votre vie est en haut, et non pas sur la terre. De même que lui est monté, mais sans s’éloigner de nous, de même sommes-nous déjà là-haut avec lui, et pourtant ce qu’il nous a promis ne s’est pas encore réalisé dans notre corps.




Lui a déjà été élevé au-dessus des cieux ; cependant il souffre sur la terre toutes les peines que nous ressentons, nous ses membres. Il a rendu témoignage à cette vérité lorsqu’il a crié du haut du ciel : Saul, Saul, pourquoi me persécuter ? Et il avait dit aussi : J’avais faim, et vous m’avez donné à manger.
Pourquoi ne travaillons-nous pas, nous aussi, sur la terre, de telle sorte que par la foi, l’espérance, la charité, grâce auxquelles nous nous relions à lui, nous reposerions déjà maintenant avec lui, dans le ciel ? 

Lui, alors qu’il est là-bas, est aussi avec nous ; et nous, alors que nous sommes ici, sommes aussi avec lui. Lui fait cela par sa divinité, sa puissance, son amour ; et nous, si nous ne pouvons pas le faire comme lui par la divinité, nous le pouvons cependant par l’amour, mais en lui.

Lui ne s’est pas éloigné du ciel lorsqu’il en est descendu pour venir vers nous ; et il ne s’est pas éloigné de nous lorsqu’il est monté pour revenir au ciel. Il était là-haut, tout en étant ici-bas ; lui-même en témoigne : Nul n’est monté au ciel, sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme, qui est au ciel.

Il a parlé ainsi en raison de l’unité qui existe entre lui et nous : il est notre tête, et nous sommes son corps. Cela ne s’applique à personne sinon à lui, parce que nous sommes lui, en tant qu’il est Fils de l’homme à cause de nous, et que nous sommes fils de Dieu à cause de lui.

C’est bien pourquoi saint Paul affirme : Notre corps forme un tout, il a pourtant plusieurs membres ; et tous les membres, bien qu’étant plusieurs, ne forment qu’un seul corps. De même en est-il pour le Christ. Il ne dit pas : le Christ est ainsi en lui-même, mais il dit : De même en est-il pour le Christ à l’égard de son corps. Le Christ, c’est donc beaucoup de membres en un seul corps.
Il est descendu du ciel par miséricorde, et lui seul y est monté, mais par la grâce nous aussi sommes montés en sa personne. De ce fait, le Christ seul est descendu, et le Christ seul est monté ; non que la dignité de la tête se répande indifféremment dans le corps, mais l’unité du corps ne lui permet pas de se séparer de la tête.

Sermon pour l'Ascension, PLS2, p.494-495
Saint Augustin

samedi 9 mai 2020

6ème dimanche de Pâques, saint Jean 14-15-21 Esprit saint


Saint Jean 14,15-21





«Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur» venons-nous d'entendre. Ce «Défenseur» est appelé couramment dans l'évangile de saint Jean le «Paraclet». Ce mot «Paraclet» vient d'un mot grec qui veut dire «celui qui aide».









Dans la méditation de l'évangile de saint Jean qui nous est présentée ici, Jésus, avant de passer de ce monde au Père en mourant sur la croix, rassure ses disciples. Lorsqu'il ne sera plus visible pour eux, ils auront son aide continuellement, celle du Paraclet, que la tradition a identifié à l'Esprit Saint, l'Esprit du Père et du Fils. «Il demeurera en vous et il sera en vous…Je ne vous laisserai pas orphelins» promet Jésus à ses disciples.

Dans les quelques versets que nous avons lu, Jésus précise trois fonctions du Paraclet, de l'Esprit Saint, auprès de ses disciples que nous sommes et auprès de l'Église : enseigner, témoigner de lui et habiter le cœur des disciples.

I - Enseigner

Le Paraclet, dit Jésus, est l'Esprit de vérité. Il enseigne à suivre Jésus, à garder ses commandements. Il rappelle ce qu'a dit Jésus. Il est une mémoire vivante des paroles reçues de Jésus. Il est lui-même inspiré par le Père et par le Fils et il redit à notre cœur tout ce qu'a dit Jésus. Il rend notre intelligence attentive aux enseignements de Jésus. Il nous les fait aimer et chérir.

Ces enseignements ne sont pas seulement des préceptes à mettre en pratique. Ils sont un chemin de vie, le chemin de la vraie vie, un chemin d'éternité, Psaume 138, 24.

Le Paraclet, l’Esprit Saint, ne parle pas de lui-même. Il fait approfondir la foi en Jésus, Seigneur de nos vies.

«Je vous ai dit ces choses pendant que je demeure avec vous, dit Jésus un peu plus loin dans ce chapitre 14 de l’évangile de saint Jean, mais le Paraclet, l'Esprit Saint, que le Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses, et vous rappellera tout ce que je vous ai dit.», Jean 14, 25-26.

II – Témoigner

Le Paraclet, l’Esprit Saint, joue le rôle aussi d’un avocat et d’un défenseur envoyé par Jésus. Il témoigne ainsi de la vérité des enseignements de Jésus. Il les confirme. Il demeure auprès des disciples et il est en eux.

Il ne s’agit pas de mémoriser des enseignements, mais de les vivre. Le Paraclet fait entrer dans le mouvement de l’amour de Dieu qui se donne gratuitement et en abondance. Il témoigne que le combat de Jésus contre le mal a été gagné, que Jésus est vainqueur du Malin, que les ténèbres ont fait place à la lumière, que toute personne peut désormais devenir le fils ou la fille du Père en union avec le Fils bien-aimé, Jésus mort et ressuscité, toujours vivant.

Alors que le monde ne le voit pas, les disciples de Jésus, eux, le verront vivant et ainsi ils vivront comme Lui de la vie même de Dieu. «Le monde ne me verra plus, mais vous vous me verrez vivant, et vous vivrez aussi» dit Jésus dans l'évangile qui vient d'être proclamé.

III - Habiter

Cette merveilleuse présence du Paraclet, de l’Esprit Saint, nous dirige tout droit vers le Père dont Jésus a fait la volonté et qu’il nous a révélé comme un « Papa » proche de ses enfants (c'est le sens du mot Abba qu'employait Jésus pour désigner son Père et notre Père, Marc 14, 36. C’est pourquoi Jésus déclare ici : «En ce jour-là, vous reconnaîtrez que je suis en mon Père, que vous êtes en moi, et moi en vous».

Nous sommes ainsi amenés à entrer de plus en plus dans le mouvement d’amour de Dieu le Père qui a donné son Fils pour nous sauver. Malgré notre pauvreté et nos péchés qui nous éloignent de Dieu, nous ouvrons la porte à la rencontre personnelle de Jésus en gardant ses commandements qui se résument dans le «Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés», Jean 13, 34.

Ce faisant, Jésus lui-même viendra habiter en nous. «Celui qui m’aime sera aimé de mon Père : moi aussi je l’aimerai, et je me manifesterai à lui» dit Jésus. Quelle belle promesse! Quelle merveille! Quelle grâce à nulle autre pareille!

Conclusion

Nous sommes encore dans la fête de Pâques qui se prolonge dans la joie de la présence vivante de Jésus ressuscité que nous fêtons pendant 40 jours. Cela est bien indiqué par la liturgie qui ne parle pas de 2e, 3e , 4e, 5e dimanches après Pâques mais de 2e, 3e, 4e, 5e dimanches de Pâques. C’est toujours le temps de chanter ou de dire : « Ce jour que fit le Seigneur est un jour de joie alléluia! alléluia! alléluia!  »

Le Paraclet, l’Esprit Saint, qui se manifestera de façon éclatante à la Pentecôte que nous célébrerons dans quelques semaines est toujours à l’œuvre dans nos vies et dans l’Église. C’est lui cet autre Défenseur dont parle Jésus qui sera pour toujours avec nous. 

«Je ne vous laisserai pas orphelins».

Amen!

Mgr Hermann Giguère P.H.
Faculté de théologie et de sciences religieuses
de l'Université Laval
Séminaire de Québec


16 mai 2017

vendredi 8 mai 2020

La demeure, Jean-Christian Lévêque, o.c.d.

5ème dimanche de Pâques 
Saint Jean 14,1-12.

"Il y a beaucoup de demeures, 14,2..
           en savez-vous le chemin ? Jn 14,4.


« Que votre cœur cesse de se troubler ! », dit Jésus.
De quoi est fait pour les disciples ce trouble du « cœur », c’est-à-dire de l’intelligence et de l’affectivité ? Avant tout de la crainte du départ de Jésus. Une nouvelle solitude guette les amis du Christ, dans un monde hostile qui va se retourner contre eux et leur faire payer leur amitié pour le Messie. Le trouble du cœur, c’est la tentation de vivre en « orphelins », la tentation du « chagrin », comme dit encore Jésus (Jn 16,6s).
En réponse à cette crainte, Jésus nous appelle à la foi : « Croyez en Dieu ; croyez aussi en moi ». C’est donc de la foi spécifiquement chrétienne qu’il s’agira : la foi qui implique une relation vivante et avec Dieu, le Père, et avec Jésus son Fils, ainsi que Jésus l’affirme plus loin : « Personne ne va au Père que par moi » (v.6). L’antidote au « trouble du cœur », au flou de l’espérance, à la peur de mourir ou de vivre, c’est donc d’aller au Père par Jésus ; et à propos de ce grand passage au Père, Jésus précise successivement son rôle personnel et la part qui nous revient.
Jésus passe devant, à travers la mort, et, une fois dans la gloire, « dans la maison du Père », il prépare « un lieu pour nous ». La place ne manquera pour personne : il s’en porte garant. Puis il reviendra pour nous prendre avec lui, si bien que nous serons avec lui là où il est, dans la maison de gloire.
Quand viendra-t-il ? Ici, c’est l’ensemble de l’Évangile de Jean qui nous répond, en nous rappelant les trois venues du Ressuscité : d’abord ses apparitions des premiers jours, puis sa venue en gloire, pour nous ressusciter au dernier jour, et entre deux, sa venue de chaque jour pour faire en nous sa demeure. Chaque jour le Christ vient nous prendre avec lui, et nous nous rapprochons peu à peu du lieu où il est allé.
Et c’est ici que nous avons notre part à fournir. Nous avons à cheminer, à rester en chemin, et à chercher la route : « Quant au lieu où je vais, ajoute Jésus, vous en savez le chemin ». L’unique chemin vers la maison de gloire, vers le Père de la gloire, c’est Jésus lui-même ; et il est à la fois le chemin qui guide et le chemin qui porte. Il est même, paradoxalement, à la fois le chemin qui oriente et le chemin qui fortifie le voyageur, parce qu’il est, dans le mystère de sa Personne, toute la vérité offerte par Dieu et toute la vie qu’il donne en partage. Il est, aujourd’hui, « le chemin, la vérité, la vie ».
Dès lors, sur ce chemin qu’est le Christ, et par le Christ notre chemin, nous vivons déjà des biens de la maison de gloire ; et pour nous faire presser le pas vers cette demeure de gloire qui nous est préparée, le Christ et le Père viennent à nous pour faire chez nous leur demeure.
C’est ce mystère de la double demeure - demeure en Dieu , demeure en nous - qui a fasciné Elisabeth sur son chemin si court, elle qui disait à Dieu Trinité : « Pacifiez mon âme, faites-en votre ciel, votre demeure aimée et le lieu de votre repos … Ensevelissez-vous en moi, pour que je m’ensevelisse en vous, en attendant d’aller contempler en votre lumière l’abîme de vos grandeurs ».
Fr. Jean-Christian Lévêque, o.c.d.