samedi 26 février 2022

Karem Bustica, Un coeur de Dieu

 

"Quand on secoue le tamis, il reste les déchets ; de même, les petits côtés d'un homme apparaissent dans ses propos. Le four éprouve les vases du potier ; on juge l'homme en le faisant parler. C'est le fruit qui manifeste la qualité de l'arbre ; ainsi la parole fait connaître les sentiments. Ne fais pas l'éloge de quelqu'un avant qu'il ait parlé, c'est alors qu'on pourra juger.

Ben Sira le Sage, 27,4-7.


"Un bon arbre ne donne pas de fruit pourri", Luc 6,43.




Les arbres et les fruits rythment les lectures de ce dimanche. « C’est le fruit qui manifeste la qualité de l’arbre », dit la première lecture. Un palmier et un cèdre du Liban apparaissent dans le psaume. Et l’évangile du jour rappelle : « Un bon arbre ne donne pas de fruit pourri ; jamais non plus un arbre qui pourrit ne donne de bon fruit. » Ces images de la sagesse populaire illustrent le lien presque de cause à effet entre un arbre et son fruit. Impossible de dissocier la santé de l’un de la nature de l’autre. Illusion que de démêler leur commune identité. C’est comme un homme, ou une femme, et son cœur.
Les lectures seraient-elles en train de nous donner une leçon de morale ? Plutôt une leçon de vie spirituelle. D’abord, parce que l’arbre doit sa bonne santé au fait de rendre grâce au Seigneur, de chanter pour son nom, d’annoncer son amour et sa fidélité, ainsi que le clame le psalmiste. Autrement dit par Paul aux Corinthiens­ : « Rendons grâce à Dieu qui nous donne la victoire par notre Seigneur­ Jésus Christ. » La victoire de la vie sur la mort : l’espérance qui permet de tenir jusqu’au dernier jour. Ensuite, parce que le cœur de l’homme et de la femme est appelé à ressembler au cœur de Dieu. Et ce, malgré le mal, le péché et les blessures quelles qu’elles soient. En effet, « enlever la poutre qui empêche de voir clair », c’est se tourner vers Dieu pour pouvoir regarder comme Dieu regarde, parler comme Dieu parle, aimer comme Dieu aime.

In Prions en Eglise, N° 422.

vendredi 18 février 2022

Abba Poemen, Soyez miséricordieux comme votre Père

 

Luc 6,27-38  7ème dimanche du temps ordinaire année C

 

Quelques-uns  des vieillards allèrent  chez Abba  Poemen  et lui demandèrent : « A ton avis, quand  nous voyons les frères s'assoupir à l'office, faut-il les secouer pour qu'ils soient éveillés durant la vigile ? » Il leur dit : « Moi, quand  je vois le frère s'assoupir, je mets sa tête sur mes genoux et je le fais reposer ».

 

Un frère demanda à Abba Poemen : « Si je vois une faute de mon frère, est-il bien de la cacher? » Le vieillard lui dit: « A l'heure me nous cachons la faute de notre frère, Dieu cache la nôtre ; et à l'heure nous manifestons la faute du frère, Dieu manifeste aussi la nôtre ».

 

Un frère vint chez Abba Poemen et, devant quelques frères assis ensemble,  il loua un frère de ce qu'il haïssait le mal. Abba Poemen demanda à celui  qui  parlait : Qu'est-ce que  haïr  le mal ? Déconcerté, le frère ne trouva rien à répondre. S'étant  levé, il se prosterna et dit : « Père, qu'est-ce  que haïr le mal ? »  Le vieillard répondit : « Celui-là  hait le mal, qui hait ses péchés à lui et disculpe son prochain  ».

 

Quelques-uns des Pères demandèrent à Abba Poemen : « Quand nous voyons un frère commettre  un péché, veux-tu que nous le réprimandions ? » Le vieillard lui dit : « Quant  à moi, si j'ai besoin de passer à tel endroit  et que je vois un frère commettre  un péché, je passe outre sans le réprimander  ».

Il a dit encore : « La méchanceté ne fait nullement disparaître la méchanceté ; mais si quelqu'un te fait du mal, fais-lui du bien, afin que, par ta bienfaisance, tu fasses disparaître la méchanceté » (cf. Ro 12.21).

 

Un frère interrogea Abba Poemen, disant : « Quand  je vois un frère dont j'ai entendu dire une faute, je ne veux pas l'introduire dans cellule ; mais si j'en vois un bon, je prends plaisir avec lui».  Le vieillard lui dit : « Si tu fais un peu de bien au bon frère, fais le double pour l'autre, car c'est lui le malade ».

In Les sentences des Pères du désert, collection Solesmes 1981, N° 666, 638, 716, 687, 751, 644.

In Daniel Bourguet, L'évangile médité par les Pères, Luc, Veillez et prier, Editions Olivétain, p. 78-79.

samedi 12 février 2022

saint Jean Chrysostome (+ 407), un autre regard sur l'épreuve

6e dimanche du temps ordinaire C

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
6, 20-26

Jésus descendit de la montagne avec les douze Apôtres et s'arrêta dans la plaine. Il y avait là un grand nombre de ses disciples, et une foule de gens venus de toute la Judée, de Jérusalem, et du littoral de Tyr et de Sidon. Regardant alors ses disciples, Jésus leur dit   : "Heureux, vous les pauvres : le royaume de Dieu est à vous ! "



Homélie de saint Jean Chrysostome (+ 407) sur la Deuxième lettre aux Corinthiens

Seuls les chrétiens estiment les choses à leur vraie valeur, et ils n'ont pas les mêmes motifs de se réjouir et de s'attrister que le reste des hommes. A la vue d'un athlète blessé, portant sur la tête la couronne du vainqueur, celui qui n'a jamais pratiqué aucun sport considère seulement les blessures qui font souffrir cet homme. Il n'imagine pas le bonheur que lui procure sa couronne.

Ainsi font les gens dont nous parlons. Ils savent que nous subissons des épreuves, mais ignorent pourquoi nous les supportons. Ils ne considèrent que nos souffrances! Ils voient les luttes dans lesquelles nous sommes engagés et les dangers qui nous menacent. Mais les récompenses et les couronnes leur restent cachées, non moins que la raison de nos combats.

Que voulait dire Paul en affirmant : On nous croit démunis de tout, et nous possédons tout,
2 Co 6,10 ? Il entendait par là les biens terrestres et spirituels. Lorsque les villes le recevaient comme un ange, que les gens se seraient fait arracher les yeux pour les lui donner et qu'ils se seraient laissé couper la tête pour lui, n'avait-il pas toutes leurs richesses à sa disposition ?

Et si tu veux considérer les biens spirituels, tu reconnaîtras qu'il les possédait aussi en abondance. Aimé du Roi de l'univers, du Maître des anges, au point de partager ses secrets, il était le plus riche de tous, et tout lui appartenait. Aucun démon n'était capable de résister à son autorité, aucune souffrance ni maladie ne pouvait lui imposer sa loi.

Pour ce qui nous regarde, quand nous sommes soumis à l'épreuve à cause du Christ, supportons-la vaillamment, bien plus, avec joie. Si nous jeûnons, bondissons de joie comme si nous étions dans les délices. Si l'on nous outrage, dansons allègrement comme si nous étions comblés d'éloges. Si nous subissons un dommage, considérons-le comme un gain. Si nous donnons au pauvre, persuadons-nous que nous recevons. Celui qui ne donne pas de cette manière, ne donne pas de bon coeur.

Aussi bien, quand tu veux faire un don à quelqu'un, ne considère pas seulement ce que cela te coûte. Songe plutôt que tu en retires un profit plus important, car ceci l'emporte sur cela. En faisant l'aumône, comme en pratiquant n'importe quelle vertu, pense à la douceur de la récompense, plutôt qu'à la dureté du sacrifice.

Avant tout, rappelle-toi que tu combats pour le Seigneur Jésus. Alors tu entreras de bon coeur dans la lutte et tu vivras toujours dans la joie, car rien ne nous rend si heureux qu'une bonne conscience.

Homélies sur la Deuxième lettre aux Corinthiens, 12, 4 ; PO 61, 486-487. Clerus.org


mardi 1 février 2022

Saint Augustin(+ 430), sermon '", Pierre, simple pêcheur, apôtre du Christ


Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 5,1-11


5ème dimanche ordinaire année C

Un jour, Jésus se trouvait sur le bord du lac de Génésareth : la foule se pressait autour de lui pour écouter la parole de Dieu. Il vit deux barques amarrées au bord du lac ; les pêcheurs en étaient descendus et lavaient leurs filets. Jésus monta dans une des barques, qui appartenait à Simon.


Tandis que le bienheureux apôtre Pierre se trouvait sur la montagne avec le Seigneur et deux autres disciples du Christ, Jacques et Jean, il entendit une voix venant du ciel. Elle disait : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis tout mon amour, écoutez-le, Mt 17,5. Le même apôtre a évoqué ce souvenir quand il a dit : Cette voix venant du ciel, nous l'avons entendue nous-mêmes quand nous étions avec lui sur la montagne sainte. Et il a ajouté : Ainsi se confirme pour nous la parole des prophètes, 2 P 1,18-19. Cette voix céleste a retenti, et la parole des prophètes a été confirmée.

Qu'elle est grande la bonté du Christ ! Celui dont nous venons de rapporter les paroles, c'est Pierre, qui fut pêcheur, et maintenant un orateur mérite un grand éloge s'il est capable de comprendre ce pêcheur. Voilà pourquoi l'apôtre Paul s'adresse aux premiers chrétiens en ces termes ; Frères, vous qui avez été appelés par Dieu, regardez bien : parmi vous, il n'y a pas beaucoup de sages aux yeux des hommes, ni de gens puissants ou de haute naissance. Au contraire, ce qu'il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour couvrir de confusion ce qui est fort. Ce qu'il y a de fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour couvrir de confusion les sages. Ce qui est d'origine modeste, méprisé dans le monde, ce qui n'est rien, voilà ce que Dieu a choisi pour détruire ce qui est quelque chose, 1 Co 1,26-27.

Car si le Christ avait choisi en premier lieu un orateur, l'orateur aurait pu dire : "J'ai été choisi pour mon éloquence". S'il avait choisi un sénateur, le sénateur aurait pu dire : "J'ai été choisi à cause de mon rang". Enfin, s'il avait choisi un empereur, l'empereur aurait pu dire : "J'ai été choisi en raison de mon pouvoir". Que ces gens-là se taisent, qu'ils attendent un peu, qu'ils se tiennent tranquilles. Il ne faut pas les oublier ni les rejeter, mais les faire attendre un peu ; ils pourront alors se glorifier de ce qu'ils sont en eux-mêmes.

"Donne-moi, dit le Christ, ce pêcheur, donne-moi cet homme simple et sans instruction, donne-moi celui avec qui le sénateur ne daigne pas parler, même quand il lui achète un poisson. Oui, donne-moi cet homme. Certes, j'accomplirai aussi mon oeuvre dans le sénateur, l'orateur et l'empereur. Un jour viendra où j'agirai aussi dans le sénateur, mais mon action sera plus évidente dans le pêcheur. Le sénateur, l'orateur et l'empereur peuvent se glorifier de ce qu'ils sont : le pêcheur, uniquement du Christ. Que le pêcheur vienne leur enseigner l'humilité qui procure le salut. Que le pêcheur passe en premier. C'est par lui que l'empereur sera plus aisément attiré."

Songez donc à ce pêcheur saint, juste, bon et rempli du Christ, qui a reçu la charge de prendre ce peuple et tous les autres en jetant son filet jusqu'au bout du monde. Rappelez-vous donc qu'il a dit : Ainsi se confirme pour nous la parole des prophètes, 2 P 1,19.

Sermon 43, 5-6, CCL41, 510-511, in Clerus.org