samedi 27 février 2021

Gilbert de Hoyland, homélie vision du Christ

 


Tu nous as dit, Seigneur, d'écouter ton Fils bien-aimé ;

fais-nous trouver dans ta Parole les vivres dont notre foi a besoin :

et nous aurons le regard assez pur pour discerner ta gloire.

Par Jésus le Christ notre Seigneur.

 

 

 

Gilbert de Hoyland

abbé cistercien -  12ème siècle

Sermon 6 § 5 sur le Cantique

 

Pour m’en tenir à l’apparition du Verbe dans la chair : en plus des paroles de vie qui sortaient de sa bouche, quelle manifestation de vertu, à ton avis, ne voyait-on pas éclater dans son attitude extérieure ?

Quels signes manifestes de sa réalité intérieure n’apparaissaient-ils pas dans son regard, sa voix, son visage ?

Enfin, comment chacun de ses gestes n’aurait-il pas respiré sa grâce divine ?

Bienheureuse vision que celle-là, oui, mais pour celui qui croyait Dieu présent en cet homme.

Et, à vrai dire, le type de vision qui se manifeste aux prophètes et aux pères avant l’incarnation du Christ respirait bien quelque chose de divin dans l’image sous laquelle elle apparaissait ; et – selon ma conviction – elle répandait une délectation sans prix dans l’intelligence et les sens de celui qui la discernait, mais elle apparaissait au regard de ceux-là seulement dont l’âme était pure.

De même, après la résurrection, il n’est apparu dans la vérité même de sa chair qu’aux témoins désignés d’avance par Dieu, comme on peut le lire.

Heureux ces gardes, si une telle vision se présente à eux fréquemment et familièrement, surtout lorsque le Seigneur se montre dans sa chair déjà glorifiée, tel que Pierre et Jean l’ont vu transfiguré sur la montagne.

Il n’en reste pas moins que le premier type de ces visions n’est pas réel, ni le second complet …

Quant à celle que le Seigneur donne de lui-même, il précise : Il vous est avantageux que je m’en aille, sinon le Paraclet ne viendra pas. Bonne est donc cette vision, puisqu’elle est suscitée par le Paraclet qui survient : elle est spirituelle parce qu’intériorisée par l’Esprit.

D’ailleurs, c’est aussi à titre d’esprit que le Christ Seigneur se tient devant nous.

Cette vision-là consiste soit dans une vérité spirituellement révélée à travers l’intelligence, soit dans une douceur répandue en nous par la grâce.

Oui, faire l’expérience de cela, c’est voir.

Goûtez et voyez que le Seigneur est doux, est-il dit.

 https://abbaye-igny.fr/spiritualite/au-fil-de-la-liturgie

vendredi 26 février 2021

La transfiguration, Saint Jean de Damas, (+ vers 744)

                                                                                     Évangile de Jésus Christ selon saint Marc 9,2-10

Icône grecque de la transfiguration


Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean, et les emmène, eux seuls, à l'écart sur une haute montagne. Et il fut transfiguré devant eux. Ses vêtements devinrent resplendissants, d'une blancheur telle que personne sur terre ne peut obtenir une blancheur pareille.

Homélie de saint Jean de Damas (+ vers 744)

Le Fils bien-aimé du Père

Voici qu'une nuée lumineuse les couvrit de son ombre Mt 17,5, et les disciples furent saisis d'une crainte glus grande en voyant Jésus le Sauveur, avec Moïse et Élie dans la nuée.

Jadis, il est vrai, quand Moïse vit Dieu, il entra dans la divine nuée, donnant ainsi à entendre que la Loi était une ombre. Écoute ce que dit saint Paul: La Loi, en effet, n'avait que l'ombre des biens à venir, non la réalité même He 10,1. Israël, en ce temps-là, n'avait pas pu fixer les yeux sur la gloire passagère du visage de Moïse 2 Co 3,7Mais nous, le visage découvert, nous reflétons la gloire du Seigneur et nous sommes transformés d'une gloire en une gloire plus grande, par l'action du Seigneur qui est Esprit 2 Co 3,18.

Aussi la nuée qui couvrit les disciples de son ombre n'était-elle pas remplie de ténèbres - car elle ne les menaçait pas - mais de lumière. En effet, le mystère resté caché depuis les siècles et les générations a été révélé Col 1,26 et la gloire perpétuelle et éternelle est manifestée. Voilà pourquoi Moïse et Élie, aux côtés du Sauveur, personnifiaient la Loi et les Prophètes. Celui qu'annonçaient la Loi et les Prophètes, c'est, en vérité, Jésus, le dispensateur de la vie. 

Et une voix sortit de la nuée, qui disait: "Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis tout mon amour; écoutez-le!" Mt 17,5.

Tels sont les mots du Père sortis de la nuée de l'Esprit : "Celui-ci est mon Fils bien-aimé, lui qui est homme et apparaît tel. Hier, il s'est fait homme, a vécu humblement parmi vous, et maintenant son visage resplendit. Celui-ci est mon Fils bien-aimé, lui qui est avant les siècles. Il est le Fils unique de l'Unique. Hors du temps et éternellement il procède de moi, le Père. Il n'a pas accédé après moi à l'existence, mais, de toute éternité, il est de moi, en moi et avec moi." 

C'est par la bienveillance du Père que son Fils unique, son Verbe, s'est fait chair. C'est par sa bienveillance que le Père a accompli, dans son Fils unique, le salut du monde entier. C'est la bienveillance du Père qui a fait l'union de toutes choses en son Fils unique. Car l'homme est par nature un petit monde, portant en lui-même l'union entre toute essence visible et invisible, du fait qu'il est à la fois l'une et l'autre. Vraiment, il a plu au Maître de toutes choses, au Créateur qui gouverne l'univers, d'unir en son Fils unique et consubstantiel la divinité et l'humanité, et, par celle-ci, toute créature, pour que Dieu soit tout en tous Co 15,28.

"Celui-ci est mon Fils bien-aimé, le resplendissement de ma gloire, l'empreinte de ma substance He 1,3, par qui aussi j'ai créé les anges, par qui le ciel a été affermi, et la terre établie. Il porte l'univers par sa parole toute-puissante et par le souffle de sa bouche, c'est-à-dire l'Esprit qui guide et donne la vie."

"Écoutez-le, car celui qui le reçoit, me reçoit, moi qui l'ai envoyé, non en vertu de mon souverain pouvoir, mais à la façon d'un père. En tant qu'homme, en effet, il est envoyé, mais en tant que Dieu, il demeure en moi, et moi en lui. Celui qui n'honore pas mon Fils unique et bien-aimé, ne m'honore pas, moi, le Père, qui l'ai envoyé. Ecoutez-le, car il a les paroles de la vie éternelle."

Homélie sur la Transfiguration du Seigneur, 16-18; PG 96, 572-573
http://www.clerus.org/bibliaclerusonline/fr/jcb.htm

vendredi 19 février 2021

Saint Ignace Briantchaninov (1807-1867), sur la lecture de l'Evangile

 Conseil pour le temps de carême



SUR LA LECTURE DE L'ÉVANGILE....

Lorsque tu lis l'évangile, 
ne recherche pas la satisfaction, 
ne recherche pas le ravissement, 
ne recherche pas les pensées merveilleuses :
cherche à découvrir de manière infaillible la sainte vérité. 



Ne te contente pas d'une lecture de l'évangile qui n'apporte pas de fruits ; 
efforce-toi d'accomplir ses préceptes, 
lis-le en actes.  
C'est le livre de vie et il faut le lire en le vivant. 
Ne pense pas que c'est sans raison que le plus sacré des livres, les quatre évangiles,
commence par l'évangile selon saint Matthieu et se termine par l'évangile selon saint Jean. 

Matthieu enseigne davantage la manière d'accomplir la Volonté divine, et ses préceptes conviennent à ceux qui commencent à suivre la voie de Dieu. 
Jean expose le mode d'union de Dieu avec l'homme renouvelé par les commandements, ce qui n'est accessible qu'à ceux qui progressent dans la voie de Dieu.  

Lorsque tu ouvres le saint évangile pour le lire, 
souviens-toi qu'il décide de ton destin éternel. 
C'est d'après lui que nous serons jugés et 
c'est selon notre attitude envers lui ici-bas, sur terre, 
que nous recevrons en partage soit la béatitude éternelle, soit le châtiment éternel (Mt 25,26). 

Dieu a révélé sa Volonté à un grain de poussière insignifiant - l'homme! 
Le livre dans lequel est exposée cette grande et très sainte Volonté, est entre tes mains! 
Tu peux accepter autant que rejeter la Volonté de ton Créateur et Sauveur, selon ce que tu désires. 
Ta vie éternelle et ta mort éternelle sont dans tes mains : 
discerne donc combien il te faut être sage et prudent. 
Ne joue pas avec ton destin éternel. 
Prie le Seigneur avec un esprit contrit, 
afin qu'Il t'ouvre les yeux pour voir les merveilles cachées dans sa loi (voir ps 118,18) qui est l'évangile. 
Les yeux s'ouvrent et l'on découvre la merveilleuse guérison de l'âme du péché, accomplie par le Verbe de Dieu. La guérison des maladies du corps n'était que la preuve de la guérison de l'âme, la preuve pour les hommes charnels, pour les esprits aveuglés par la sensualité. (Luc 5,24) 

Lis l'évangile avec une piété et une attention extrême. 
Ne considère rien de ce qui est en lui comme de peu d'importance, peu digne d'intérêt. 
Du mépris de la vie résulte la mort. Lorsque tu lis les passages relatifs aux lépreux, aux paralytiques, aux aveugles, aux boiteux, aux possédés, que le Seigneur a guéris, pense que ton âme, qui porte dans leur très grande diversité les plaies du péché et se trouve en captivité chez les démons, est semblable à ces malades. Tire de l'évangile la foi. Le Seigneur qui les a guéris te guérira également, si tu Le pries assidûment de te guérir. Acquiers une telle disposition de l'âme, afin d'être apte à recevoir la guérison. Sont aptes à la recevoir ceux qui sont conscients de leur état de pécheur et sont décidés à le quitter. (Jn 9,39-42) 

Le Seigneur est inutile à celui qui est orgueilleusement juste,
c'est-à-dire au pécheur qui ne voit pas son état (Mt 9,13).
La vue des péchés, la vue de cette chute, dans laquelle se trouve tout le genre humain, est un don particulier de Dieu. 
Implore le Seigneur pour obtenir ce don, et le livre du Médecin céleste
- l'évangile - te sera plus compréhensible.
Efforce-toi de faire en sorte que l'évangile s'assimile à ton esprit et à ton coeur,
afin que ton esprit nage en lui,
pour ainsi dire, vive en lui :
alors ton activité s'accordera aisément avec l'évangile. 
Cela peut être atteint par la lecture incessante et pieuse,
par l'étude de l'évangile.
Saint Pacôme le Grand, l'un des plus illustres pères anciens,
connaissait par coeur le saint évangile,
et imposait à ses disciples,
grâce à une révélation divine,
le devoir impératif de l'apprendre.
Ainsi l'évangile les accompagnait partout et les dirigeait constamment. 

Pourquoi donc les éducateurs chrétiens de nos jours n'embelliraient-ils pas la mémoire
des enfants innocents avec l'évangile,
plutôt que de la surcharger par l'étude des fables d'Esope et autres nullités? 
Quel bonheur, quelle richesse que d'acquérir l'évangile par la mémoire ! 
Il est impossible de prévoir les bouleversements et les malheurs qui peuvent nous arriver au cours de notre vie terrestre. 
L'évangile, qui appartient à la mémoire,
est lu par l'aveugle,
accompagne le détenu en prison,
parle avec le cultivateur dans le champ,
dirige le juge au cours de l'audience même,
dirige le négociant dans le commerce,
réjouit le malade pendant l'insomnie accablante et la pénible solitude.
"Celui qui attire mes regards, c'est l'affligé, le coeur contrit qui craint ma parole" (Is 66,2), dit le Seigneur. 
Sois ainsi envers l'évangile et envers le Seigneur qui est présent en lui. 
Abandonne la vie de péché,
abandonne les passions et les jouissances terrestres,
renonce à ton âme, et l'évangile te sera alors accessible et compréhensible.
"Celui qui hait son âme dans ce monde," dit le Seigneur -
l'âme pour laquelle, à cause de la chute,
l'amour du péché est devenu pour ainsi dire naturel, pour ainsi dire la vie - la conservera pour la vie éternelle." (Jn 12,25) 

Pour celui qui aime son âme, pour celui qui ne se décide pas à l'abnégation, 
l'évangile est fermé : il lit les caractères, mais la parole de vie, comme l'Esprit, reste derrière un rideau impénétrable. Lorsque le Seigneur était sur terre dans sa très sainte chair, beaucoup Le virent tout en ne le voyant pas. Quel profit y a-t-il pour l'homme de regarder avec les yeux corporels, que les animaux ont eux aussi, alors qu'il ne voit rien avec les yeux de l'âme, de l'esprit et du coeur ?
De nos jours, nombreux sont ceux qui lisent l'évangile chaque jour, 
mais ne l'ont en fait jamais lu et ne le connaissent pas du tout.
L'évangile, dit un saint ermite, doit être lu avec un esprit pur :
il est compris dans la mesure de l'accomplissement en actes de ses préceptes. 

Mais il est impossible d'acquérir par ses propres efforts une découverte précise et parfaite de l'évangile : 
c'est un don du Christ (saint Marc l'ascète, Sur la foi spirituelle, chap. 32).
L'Esprit saint qui a élu demeure en son serviteur fidèle et véritable, 
fait de lui un lecteur parfait et un homme qui accomplit véritablement l'évangile. 
L'évangile est l'image des caractéristiques de l'homme nouveau, 
qui est le Seigneur venu du ciel (1 Co 15,48).
Cet homme nouveau est Dieu selon la nature. 

... Hissez-vous au-dessus de la terre; montez vers les cieux ; 
l'évangile vous y élèvera. 
Pendant que vous avez la lumière - l'évangile qui renferme le Christ - 
"croyez en la Lumière ; 
ainsi vous deviendrez enfants de la Lumière" du Christ (Jn 12 36).

Évêque Ignace Brianchaninov(1807-1867)
" La prière de Jésus"
 http://fratsaintmarcvendee.free.fr/docpage9/peres/pere7.htm
 
Père de l'Eglise orthodoxe, il est fêté le 30 avril.Né en 1807 dans la province de Vologda, il fut nommé Dimitris au Saint Baptême. D'origine noble, et d'éducation soignée, Ignace Briantchaninov entre dans l'armée et y devient officier du tsar. Il y fait des études d'ingénieur, puis obtient la permission de l'empereur Nicolas Ie de se retirer dans un monastère. Par la suite, il sera nommé Supérieur du Monastère de Lopov, dans ce diocèse de Vologda. Puis, nommé évêque du Caucase et de la Mer Noire, il reste moine, vivant la simplicité et la charité évangéliques. Il devient conseiller spirituel d'un grand nombre de fidèles. Il meurt le 30 avril 1867. Son culte a été officiellement reconnu par le Patriarcat de Moscou en 1988, à l'occasion du Millénaire du Baptême de la Russie.Il est l'auteur de plusieurs articles et livres de grande profondeur spirituelle. Il entretient une volumineuse correspondance (publiée en russe) avec des personnes de toute la Russie qui cherchent conseil auprès de lui. Publications traduites en français : La Prière de Jésus (Présence, 1976) ; Introduction à la tradition ascétique de l'Église d'Orient (Présence, 1979). Approches de la prière de Jésus (Bellefontaine, 1983). Les Miettes du Festin ou Contribution au Monachisme contemporain,( éd. Présence, 1978.)

dimanche 14 février 2021

Saint Césaire d'Arles, pour l'entrée en carême


Saint Césaire d'Arles  (470-543)

Moine à Lérins, archevêque d’Arles, prédicateur renommé.

Pour le carême



Tu peux me dire : Je n'ai rien à donner à l'indigent, 

je ne peux pas jeûner fréquemment et m'abstenir de vin ou de viandes. 

Mais peux-tu me dire que tu ne peux avoir la charité ? 

Elle qu'on possède d'autant plus pleinement qu'on la dispense totalement.

 

De meilleur marché qu'un verre d'eau froide,

il n'y a que la bonne volonté... 

Mais peut-être ai-je tort de dire

que la bonne volonté est ce qu'il y a de meilleur marché ? 

Oui, car elle est plus chère que tout et il a tout,

celui qui a la bonne volonté. 

La bonne volonté, en effet, s'appelle charité.

 

Remarquez, frères, que l'aumône de la charité, 

sans être accompagnée de dons matériels,

peut se suffire à elle-même,            

tandis qu'un don matériel qui n'émane pas d'un coeur bienveillant n'a pas de valeur.                             

Ainsi, comme vous le voyez vous-mêmes,

frères très aimés,

pour la rémission de tous nos péchés,           

si l'on ne possède pas de biens terrestres,                         

la charité et l'amour des ennemis sont plus que suffisants

et à cet égard, nous n'aurons aucune excuse,      

au jour du jugement : personne ne pourra dire qu'il n'a pas eu de quoi racheter ses péchés.

Sermon 37, 1. 38,5 182, 3. in Verbum Caro, 90, les presses de Taizé, 1969, p. 74-75., in Les chemins de la grâce, textes pour l'office des lectures, présentés par soeur Monique-Anne Giroux, Or.A.

samedi 6 février 2021

Saint Marc 1,2-39, Frère Bruno Demoures, Cistercien


5ème dimanche du temps ordinaire saint Marc 1,29-39

Le génie de saint Marc est de dire les choses de manière condensée : avec lui, la présentation des événements est souvent brève mais c’est intense. Ce que nous venons de lire en est très représentatif. Nous avons terminé aujourd’hui le récit de la première séquence de vie publique de Jésus, qui a l’allure d’une seule journée. Commencée par l’appel des disciples au bord de la mer, elle se poursuit par l’office du Sabbat le lendemain et enfin par cette soirée agitée que nous avons vue. Mais ce n’est pas fini parce que Jésus repart tout aussitôt pour être seul avec son Père. 

 

Et il y a de quoi attraper le vertige dans ce tout petit texte qui nous fait passer de la synagogue à la maison de Pierre, puis à la place du village, au désert et à toute la Galilée. 

Le temps et l’espace sont d’abord ramassés puis on dirait qu’ils éclatent : cette longue journée a débouché sur une durée sans fin, Jésus va de village en village et rien ne l’arrête.

Tout cela ressemble un peu à un travelling arrière où l’on voit l’horizon qui ne cesse plus de s’élargir. 

Mais il ne s’agit pas d’un simple effet littéraire ! Ce qui nous est donné à voir, c’est l’impact de la parole de vérité dans un monde qui l’attend mais ne le sait pas. Un impact sans violence mais qui secoue une vieille maison, celle des fils d’Israël qui ressemblait un peu à une relique au milieu d’un monde méditerranéen en pleine reconstruction, déjà à l’époque de Jésus. 

En tout cas, c’est bien une heureuse annonce : autour de Jésus, la vie se réveille, les douleurs sont chassées. 

On a même l’impression qu’une révolution est en marche, il suffit qu’il arrive quelque part pour que se révèlent des troubles dont tout le monde, tâchait peut-être de s’accommoder : les maisons sont pleines de gens malades, pire encore les synagogues sont assidûment fréquentées par les démons malgré toutes les dispositions qui devraient permettre de les tenir à l’écart. 

Et les démons sont bruyants : quand ils parlent, on n’entend qu’eux. 

C’est même cela qui rend la conduite de Jésus étrange. On se demande pourquoi lui n’a pas l’air de vouloir profiter de son succès.

 Il commence par les faire taire, ces démons, nous l’avions vu il y a une semaine et l’explication que nous donne Marc aujourd’hui a de quoi nous surprendre : il faut les faire taire parce qu’ils savent, eux, qui il est. 

Ainsi, Jésus parle mais non seulement nous n’avons aucune idée du contenu de ce qu’il dit mais il tient à ce que son identité reste cachée. Ce qui importe par conséquent, c’est bien qu’il s’agisse de sa parole à lui mais sa parole, ce n’est pas une suite d’explications. Car pour des explications tout le monde peut remplacer tout le monde, il suffit d’avoir compris. Cette fois, manifestement, c’est le prédicateur qui est le plus important. Et pourtant il ne dévoile pas tout.

 Et encore une fois, ceux qu’il rencontre et qui lui confient leurs douleurs se relèvent. Tous ceux-là quittent la maladie et tout ce qu’elle charrie de relations compliquées avec l’entourage, ils retrouvent la vie commune comme la belle mère de Simon qui passe du lit au service, réintégrée au milieu de ceux à qui, désormais, elle donne ses forces.

Ce tout petit détail dans le texte de Marc nous indique qu’il y a là une ouverture vers un vrai changement de position. Car le verbe employé à propos de cette femme qui se relève est le même que celui qui annonce la Résurrection. Or, en retrouvant la vie commune, elle devient servante et, paradoxalement, disparaît de la scène, il ne sera plus jamais question d’elle dans le texte de s. Marc. Mais c’est précisément parce qu’avec ce passage de la fièvre au service, la résurrection a commencé en elle. 

Au passage Marc nous signale donc la disparition d’une autre de nos maladies, une des plus tenaces mais des plus méconnues, bien qu’on ne puisse pas faire un pas sans la rencontrer. Et bien qu’elle soit grave. Cette maladie, c’est notre incapacité à tenir cette place de simples frères au milieu de nos frères. Car disparaître, voilà exactement ce qui nous est le plus dur. 

À la limite, nous acceptons de travailler, de nous donner pleinement à ce que nous faisons, mais à condition d’en tirer bénéfice d’une manière ou d’une autre. Et nous donner en nous enfouissant complètement dans ce à quoi nous nous donnons, voilà qui est autrement plus laborieux. Cela nous fait peur. Mais pas d’une petite crainte banale, car là il est question d’une angoisse profonde qui nous taraude : celle de n’être que des accidents insignifiants que personne n’attendait, que personne ne va chercher. Nous avons viscéralement peur de n’être que des gens à oublier.

C’est parce que nous ne voulons pas avoir l’air de compter pour du beurre que nous chercherons à vérifier l’intérêt qui nous est porté. Nos stratégies pour être vus sont inépuisables, elles infiltrent et contaminent le meilleur de notre service des autres. 

Mais l’Esprit que Jésus porte dans le monde et dans lequel nous devons être baptisés comme nous l’expliquait Jean-Baptiste a le pouvoir de faire pour nous ce qui est arrivé à la belle mère de Simon. Il possède la clef qui nous libère pour que nous puissions apprendre à servir, simplement, sans vouloir à tout prix attirer l’attention sur nous. 

La clef, Jésus lui-même nous la montre : il n’a pas besoin de chercher à profiter des situations, il n’a plus besoin de chercher à savourer son succès car il est tourné vers son Père. Toute la puissance de sa parole et de son action vient de là. 

La Parole qu’il délivre avec tant de générosité s’origine dans sa totale confiance de Fils. D’où un étonnant mélange de disponibilité et de discrétion. Il est à l’écart mais qui veut le voir le trouve. 

Et là encore il nous donne une leçon en nous montrant ce qu’est une parole authentique. Ce n’est ni un long raisonnement ni un hurlement d’excité comme avec les possédés. La vraie parole est don de soi qui fait vivre. Voilà pourquoi Jésus n’exhibe pas son identité : ce serait inutile et ce serait même trompeur. Le sens de son identité, nous le découvrirons en le regardant dans sa totale disponibilité, sans réticence et jusqu’au bout, jusqu’à la croix. 

Ce jour là, il s’est offert dans sa chair, mais aujourd’hui encore, ce matin, il est là, vraiment présent au milieu de nous, d’une présence cachée et sa chair offerte est notre nourriture. Aujourd’hui le travelling arrière continue l’horizon de son action s’est étendu jusqu’à nous. 

f. Bruno Demoures, N.-D. de Tamié, 8 Février 2015.

mardi 2 février 2021

"Si tu le veux, tu peux me purifier, saint Paschase Radbert

 6ème dimanche du temps ordinaire 




Évangile de Jésus Christ selon saint Marc (Mc 1,40-45)

Un lépreux vient trouver Jésus; il tombe à ses genoux et le supplie: "Si tu le veux, tu peux me purifier."Homélie de (+ 860)


Commentaire sur l'évangile de Matthieu,
5, 8, CCM 56 A, 475-476.

Le Seigneur guérit chaque jour l'âme de tout homme qui l'implore, l'adore pieusement et proclame avec foi ces paroles: Seigneur, si tu le veux, tu peux me purifier, Mt 8,2, et cela quel que soit le nombre de ses fautes. Car celui qui croit du fond du coeur devient juste, Rm 10,10. Il nous faut donc adresser à Dieu nos demandes en toute confiance, sans mettre nullement en doute sa puissance.

Et si nous prions avec une foi pleine d'amour, nous bénéficions certainement, pour parvenir au salut, du concours de la volonté divine qui agit en proportion de sa puissance et qui est capable de produire son effet. C'est la raison pour laquelle le Seigneur répond aussitôt au lépreux qui le supplie: Je le veuxMt 8,3. Car, à peine le pécheur commence-t-il à prier avec foi, que la main du Seigneur se met à soigner la lèpre de son âme. <>+

Ce lépreux nous donne un conseil excellent sur la façon de prier. Ainsi ne met-il pas en doute la volonté du Seigneur, comme s'il refusait de croire en sa bonté. Mais, conscient de la gravité de ses fautes, il ne veut pas présumer de cette volonté. Quand il dit que le Seigneur, s'il le veut, peut le purifier, il fait bien d'affirmer ainsi le pouvoir qui appartient au Seigneur, de même que sa foi inébranlable. Car, pour obtenir une grâce, la foi pure et vraie est à bon droit requise tout autant que la mise en oeuvre de la puissance et de la bonté du Créateur.

Par ailleurs, si la foi est faible, elle doit d'abord être fortifiée. C'est alors seulement qu'elle révélera toute sa puissance pour obtenir la guérison de l'âme et du corps. L'apôtre Pierre parle sans aucun doute de cette foi quand il dit: Il a purifié leurs coeurs par la foiAc 15,9. Si le coeur des croyants est purifié par la foi, nous devons entendre par là la force de la foi, car, comme le dit l'apôtre Jacques, celui qui doute ressemble au flot de la merJc 1,6.

La foi pure, vécue dans l'amour, maintenue par la persévérance, patiente dans l'attente, humble dans son affirmation, ferme dans sa confiance, pleine de respect dans sa prière et de sagesse dans ce qu'elle demande, est certaine d'entendre en toute circonstance cette parole du Seigneur: Je le veux.

En ayant présente à l'esprit cette réponse admirable, nous devons regrouper les mots selon leur sens. Aussi bien le lépreux a-t-il dit pour commencer: Seigneur, si tu le veux, et le Seigneur: Je le veux. Le lépreux ayant ajouté: Tu peux me purifier, le Seigneur ordonna avec la puissance de sa parole: Sois purifiéMt 8,2-3. Vraiment, tout ce que le pécheur a proclamé dans une vraie confession de foi, la bonté et la puissance divine l'ont aussitôt accompli par grâce.

Un autre évangéliste précise que l'homme qui recouvra la santé était tout couvert de lèpreLc 5,12, afin que personne ne perde confiance en raison de la gravité de ses fautes. Car tous les hommes sont pécheurs, ils sont tous privés de la gloire de DieuRm 3,23.

C'est pourquoi, si nous croyons à bon droit que la puissance de Dieu est à l'oeuvre partout, nous devons le croire également de sa volonté. Il veut, en effet, que tous les hommes soient sauvés et arrivent à connaître pleinement la vérité1Tm 2,4.

http://www.clerus.org/bibliaclerusonline/fr/jbu.htm

Prière

Dieu qui veux habiter les coeurs droits et sincères, donne-nous de vivre selon ta grâce; alors tu pourras venir en nous pour y faire ta demeure. Par Jésus Christ.



ASCHASE RADBERT saint (790 env. - env. 865)

Moine, puis écolâtre de Corbie, Paschase Radbert 
 
fonde Corvey (Germanie) en 822 ; 

abbé de Corbie en 844, 

il part pour Saint-Riquier en 851, 

puis revient à Corbie comme simple moine et y meurt.