mardi 28 décembre 2021

Anselm Grün (né en 1945), Moine bénédictin, Les mages

 

Selon Saint Matthieu 2,1-42

2 janvier 2022 année C



Saint Matthieu rapporte qu’après la naissance de Jésus, des mages s’en vinrent d’orient à Jérusalem. Ils étaient à la recherche du roi des Juifs qui venait de naître et dont une étoile leur avait annoncé la venue. Ces mages pourraient avoir été des astrologues de Babylone (en Irak), experts dans l’interprétation des songes, des membres de la caste sacerdotale perse, qui se distinguaient alors par un savoir surnaturel.

Les Juifs chassés à Babylone avaient sans doute parlé aux astrologues du lieu de leur attente d’un Messie. L’art du christianisme primitif a représenté les mages comme des prêtres de la religion de Mithra, la principale concurrente de l’Église chrétienne naissante. Il faut voir dans ce fait une signification toute particulière. Saint Matthieu et les Pères de l’Église ont interprété l’adoration de ces mages comme le signe que les sages et les initiés du monde entier venaient vers le Christ pour lui rendre hommage et lui apporter des présents. Tout ce que les hommes avaient pu amasser de savoir et d’expérience conduisait à l’adoration de l’Enfant Dieu.

De quelque façon que l’on soit en quête, quelque expérience que l’on accumule en astrologie ou dans l’interprétation des songes, dans la magie ou les pratiques ésotériques, ce que l’on retrouve au fond de tout cela, c’est la nostalgie de l’Enfant divin, Dieu qui devient visible en s’incarnant.

Saint Matthieu nous montre un autre chemin. Il s’agit de penser jusqu'au bout le savoir du monde. On aboutit alors à ces questions : - Quel est le but de l’astrologie ? - Que recherche l’ésotérisme dans toutes ses branches si nombreuses et si diverses ? Le but ? C’est de déchiffrer le mystère de la vie. Qu’est-ce que l’homme ?

Qui est Dieu ?

D'où venons-nous ? Où allons-nous ?

Celui qui va jusqu'au bout de son savoir arrivera toujours à Dieu fait homme. C’est au Christ que le mène son savoir. C’est pourquoi les autres voies vers le divin ne représentent aucun danger pour notre foi chrétienne. Toutes ces voies témoignent du profond désir de trouver le Roi nouveau-né, l’Enfant divin à travers lequel rayonne la majesté de Dieu.

Les mages représentent aussi notre propre quête. Nous sommes tous en route vers le Roi qui vient de naître.

Il y a une magie qui désire s’emparer du divin, en faire sa chose. Ce n’est pas elle qui nous conduira vers Dieu. Avec cette magie, nous nous accrochons solidement à notre Moi.

Par la naissance du Christ, Dieu s’est révélé dans la chair, dans l’être humain. Et les mages ne parviennent au Christ qu’en se mettant en route et en renonçant à s’emparer de Dieu par des pratiques magiques. Leur chemin sera long. Ils devront laisser derrière eux tout leur savoir, et se prosterner dans un étonnement réel devant le mystère de Dieu qui rayonne à travers l’enfant de Marie.

Dans l’Écriture, les mages sont qualifiés d’astrologues. Ils interprètent les étoiles du ciel, et aussi celles qui se lèvent dans nos coeurs. Oui, Dieu Lui-même nous protège et nous guide sur les chemins tortueux de notre vie, pour nous conduire, par delà nos jours de bonheur et nos jours de désolation, jusqu'à l’Étoile qui brille au-dessus de l’Enfant divin. Dieu nous conduit jusqu'au lieu où nous pourrons nous oublier nous-mêmes pour nous prosterner, tout à nous-mêmes et tout en Dieu.

L’étoile, c’est l’image de ta nostalgie. Suit la jusqu’au bout. Son but ultime est le tien. La route sera parfois difficile, le désir se fera douleur, parce que tu n’auras pas atteint le véritable objet de ta quête, là où tu seras vraiment à la maison, chez toi.

Les Trois Rois

De ces mages, l’art et la piété populaire en occident ont fait aussi les Trois Rois, les Trois saints Rois, donnant de la Bible une interprétation qui relève de la psychologie des profondeurs.

Le trois est le nombre de l’homme complet. Dans les contes, le roi a toujours trois fils qui correspondent à l’esprit, à l’âme et au corps, ou encore à la tête, au coeur et au ventre. Tous trois se mettent en route pour trouver l’eau de la vie ou quelque remède pour le roi malade. Finalement, c’est sur le chemin de l’accession à soi-même qu’ils s’engagent. Ils y vivront maintes aventures et devront triompher de bien des dangers.

L’art a montré les Trois Rois représentant les trois âges de la vie, la jeunesse, la maturité et la vieillesse, ou bien les rois de trois grands continents, l’Europe, l’Afrique et l’Asie.

C’est en réalité de nous-mêmes qu’il s’agit. Tout en nous doit se mettre en route, la jeune vitalité, la force de l’homme mûr et la sagesse du grand âge, pour aller au fond de ce que signifie être homme. Pour rester vivant, il faut que tout se transforme. Le but qui nous est proposé, c’est de devenir des êtres royaux qui ne soient pas dominés par autrui mais se déterminent par eux-mêmes, qui soient d’accord avec eux-mêmes : c’est cela la dignité royale. Or dans le cas des Trois Rois, cette dignité s’exprime par le fait qu’ils se dépouillent des marques de leur royauté et se prosternent devant l’Enfant divin.

Les Trois Rois voyagent ensemble, ils sont étroitement associés. Ils écoutent la voix de leur coeur. C’est lui qui leur a montré une étoile, celle de la nostalgie. Leur chemin, c’est celui du désir. C’est un long pèlerinage, ils sont fatigués mais continuent, suivant en confiance le désir de leur coeur. Ils finissent par atteindre leur but que l’Étoile leur avait indiqué. Cependant ils ont besoin de rencontrer Hérode et ses lettrés pour la localiser exactement.

Nous devons écouter la voix de notre coeur, mais aussi nous nous laissons conseiller pour mieux l’entendre.

Le but du voyage des Trois Rois, c’est la maison de Marie avec l’Enfant. Au terme de leur voyage, ils ne reçoivent nulle récompense, mais au contraire, ils donnent tout ce qu’ils ont apporté, ils se prosternent et ils adorent. Tel est le paradoxe de notre existence.

Plus nous avançons sur le chemin qui mène à nous-mêmes, et moins nous importe ce que nous en retirons et quelle figure nous faisons face aux autres. Nous nous sommes laissé attirer par le mystère de la vie, et quand nous l’atteignons, nous nous prosternons dans l’oubli de nous-mêmes, entièrement saisis. Nous sommes dans notre maison.

Pour la piété populaire, les Trois saints Rois sont les patrons préférés des voyageurs. On les invoque également pour écarter les influences nocives du monde des esprits. Très tôt, on les a nommés Gaspard, Melchior et Balthasar. On a inscrit l’abréviation de leurs noms C+M+B sur le linteau des maisons, des étables et des granges, pour les protéger des mauvais esprits. Ces noms étaient probablement dérivés de la formule de bénédiction « Christus mansionem benedicat » : - Que le Christ bénisse cette maison.

Mais ce que les hommes plaçaient dans ces Trois Rois, c’était leur soif d’un savoir magique qui pourrait les délivrer des angoisses profondes de leurs âmes et de les protéger contre tous les dangers.

in Orantes de l'Assomption Les chemins de la grâce, Textes pour l'office des lectures, présentés par soeur Monique-Anne Giroux, Or.A.

dimanche 26 décembre 2021

Allons voir la Parole de Dieu, sermon du bienheureux, Guerric d'Igny (+1157)

 2e dimanche après Noël  C    



Commencement de l'Évangile de Jésus Christ selon saint Jean ,  Jn 1,1-18

Au commencement était le Verbe, 

la Parole de Dieu, 

et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu.






Vous vous êtes réunis, mes frères, pour entendre la parole de Dieu. Mais Dieu nous a préparé quelque chose de meilleur : il nous est donné aujourd'hui non seulement d'entendre, mais aussi de voir le Verbe de Dieu, pourvu seulement que nous allions jusqu'à Bethléem pour voir cette parole que Dieu a réalisée et qu'il nous a montrée ,
cf. Lc 2,15.

 

Dieu savait bien que les sens de l'homme sont incapables de saisir l'invisible, rebelles aux enseignements célestes et réfractaires à la foi, à moins que la réalité même exposée par la foi ne soit elle-même présentée visiblement à nos sens pour les convaincre. Car s'il est vrai que la foi naît de ce qu'on entend, Rm 10,17, elle naît bien plus facilement et plus vite de ce qu'on voit, comme nous l'apprend l'exemple de celui qui s'entend dire : Parce que tu m'as vu, tu crois, Jn 20,29, toi qui étais incrédule à l'égard de ce que tu avais entendu.



Cependant Dieu, voulant condescendre à notre lourdeur, a aujourd'hui rendu visible pour nous son Verbe, qu'il avait d'abord rendu audible. Il l'a même rendu palpable, au point que certains d'entre nous ont pu dire: 
Ce qui était depuis le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons contemplé de nos yeux, ce que nous avons vu et que nos mains ont touché, c'est le Verbe, la Parole de vie, 1 Jn 1,1.

Ce fut depuis le commencement de cette éternité qui n'a pas de commencement. Nous l'avons entendu quand il fut promis au commencement du temps, nous l'avons vu et touché quand il s'est montré à la fin des temps.


Cette parole qui vient de Dieu, j'ai parfois remarqué, mes frères, qu'on l'écoute avec ennui. Pourtant, la Parole qui vient de Dieu, peut-on la voir sans éprouver de la joie ? Je serai le premier à me condamner, parce que le Verbe qui est Dieu, lorsqu'il se présente à moi aujourd'hui tel que je suis, s'il ne me réjouit pas, je suis un impie ; s'il ne m'édifie pas, je suis un réprouvé.

S'il se trouve donc parmi nous un frère qui souffre de langueur spirituelle, je ne veux pas que ses oreilles se fatiguent plus longtemps à écouter ma parole méprisable. Qu'il se rende jusqu'à Bethléem, et que là il contemple celui que les anges désirent contempler,
cf. 1P 1,12, qu'il contemple le Verbe que le Seigneur nous a montré, cf. Lc 2,15. Qu'il se représente en esprit en quel état la Parole de Dieu, vivante et énergique, He 4,12, est couchée là, dans une mangeoire.


Parole sûre et qui mérite d'être accueillie sans réserve,
1Tm 1,15 ta Parole toute-puissante, Seigneur, qui dans une telle profondeur de silence, venant de ton trône royal bondit, Sg 18,14-15 jusque dans les crèches des animaux, elle nous parle mieux, pour l'instant, par son silence. Celui qui a des oreilles, qu'il entende, Mt 11,15 ce que nous dit ce saint et mystérieux silence du Verbe éternel ; parce que, si mon oreille ne me trompe, entre autres choses qu'il dit, il parle de paix au peuple des saints et des fidèles, Ps 84,9, à qui le respect et l'exemple qu'il donne ont imposé un silence religieux.

Sermons pour Noël, 5, 1-2 ; SC 166, 223-226
http://www.clerus.org/bibliaclerusonline/pt/jzn.h

vendredi 24 décembre 2021

Saint Bernard, Méditation dans le silence de la nuit

 


« Celui qui veut prier en paix ne tiendra pas seulement compte du lieu, mais du temps. Le moment du repos est le plus favorable et lorsque le sommeil de la nuit établit partout un silence profond, la prière se fait plus libre et plus pure.



« Lève-toi la nuit, au commencement des vigiles, et épanche ton cœur comme de l'eau devant le Seigneur ton Dieu », Lm 2,19. Avec quelle sûreté la prière monte dans la nuit, quand Dieu seul en est témoin, avec l'ange qui la reçoit pour aller la présenter à l'autel céleste ! Elle est pure et sincère, quand la poussière des soucis terrestres ne peut pas la salir. Il n'y a pas de spectateur qui puisse l'exposer à la tentation par ses éloges ou ses flatteries.

C'est pourquoi l'Épouse [du Cantique des Cantiques] agit avec autant de sagesse que de pudeur lorsqu'elle choisit la solitude nocturne de sa chambre pour prier, c'est-à-dire pour chercher le Verbe, car c'est tout un.

Tout est en lui : les remèdes à tes blessures, les secours dont tu as besoin, l'amendement de tes défauts, la source de tes progrès, bref tout ce qu'un homme peut et doit souhaiter.

Il n'y a aucune raison de demander au Verbe autre chose que lui-même, puisqu'il est toutes choses. »

St Bernard (1091-1153), Sermon 86 sur le Cantique des Cantiques (3), Trad. Béguin, Seuil, 1953.Texte intégral des Sermons sur le Cantique des Cantiques., In http://www.chemindamourverslepere.com/st-bernard-de-claivaux

dimanche 19 décembre 2021

Saint Bernard, 5ème Sermon pour la Vigile de Noël




« La gloire du Seigneur 


les enveloppa de sa lumière »





La nuit enveloppait le monde entier avant que se lève la lumière véritable, avant la naissance du Christ ; la nuit régnait aussi en chacun de nous, avant notre conversion et notre régénération intérieure. 

N’était-ce pas la nuit la plus profonde, les ténèbres les plus épaisses sur la face de la terre quand nos pères honoraient des faux dieux ?… 

Et une autre nuit sombre n’était-t-elle pas en nous quand nous vivions sans Dieu en ce monde, suivant nos passions et les attraits de ce monde, faisant des choses dont nous rougissons aujourd’hui comme d’autant d’oeuvres de ténèbres ?…

Mais maintenant vous êtes sortis de votre sommeil, vous vous êtes sanctifiés, devenus enfants de la lumière, enfants du jour, et non plus des ténèbres et de la nuit, 1 Th 5,5… « Demain vous verrez la majesté de Dieu en vous. » 

Aujourd’hui, le Fils s’est fait pour nous justice venue de Dieu ; demain, il se manifestera comme notre vie, pour que nous paraissions avec lui dans la gloire. 

Aujourd’hui un petit enfant est né pour nous, pour nous empêcher de nous élever dans la vaine gloire et, en nous convertissant, devenir comme de petits enfants, Mt 18,3. Demain il va se montrer en sa grandeur pour nous pousser à la louange et pour que nous aussi nous puissions être glorifiés et loués lorsque Dieu décernera à chacun sa gloire… « Nous serons semblables à lui parce que nous le verrons tel qu’il est », 1 Jn 3,2.  

Aujourd’hui, en effet, nous ne le voyons pas en lui-même, mais comme en un miroir, 1 Co 13,12 ; maintenant il reçoit ce qui relève de nous. Mais demain nous le verrons en nous, lorsqu’il nous donnera ce qui relève de lui, quand il se montrera tel qu’il est en lui-même et nous prendra pour nous élever jusqu’à lui.

vendredi 17 décembre 2021

Saint Ambroise, Il frappe à la porte



Il frappe à la porte






Je pense qu’on peut aussi appeler cieux l’âme dans laquelle le Christ vient. Il frappe à la porte, et si tu ouvres, il entre. 
Il n’entre pas seul, il entre avec le Père. 

 Moi et le Père, nous viendrons, et nous ferons en lui notre demeure, Jn 14,23. 
Le Verbe de Dieu éveille celui qui dort, Il appelle celui qui prend du loisir. 
Car Celui qui frappe à la porte veut entrer, toujours. 
Qu’Il entre ou n’entre pas ne dépend que de nous. 
Ouvre la porte ! Dilate ton coeur, qu’il y voie des richesses de simplicité, 
Des trésors de Paix, la douceur de la grâce. 

Accours vers cette lumière du Soleil qui illumine tout homme, Jn 1,9. 
Cette vraie lumière brille pour tous. 
Mais si quelqu’un ferme sa fenêtre, il se prive de la lumière. 
Tu exclus le Christ si tu fermes la porte de ton esprit. 
Le Christ a toujours pouvoir d’entrer, 
Mais il ne veut pas faire irruption comme un importun, 
Ni forcer les gens qui ne le désirent pas. 

Le Verbe veut toujours être cherché et souvent trouvé. 
Si la porte est fermée, il frappe. 
Si on le fait attendre, il part. 
Mais le Verbe revient sans tarder et frappe à nouveau. 

Saint Ambroise (340-397) Saint Ambroise est l'un des quatre grands docteurs d'occident avec Augustin, Jérôme et le pape Grégoire le Grand. Homélie sur le Ps 119.

in Orantes de l'Assomption, Les chemins de la grâce, textes pour l'office des lectures, 
présentés par soeur Monique-Anne Giroux, Or.A.

samedi 11 décembre 2021

Origène, Homélie sur saint Luc 3,10-18

 

3ème dimanche de l'avent année C



Il tient la pelle à vanner





Le baptême par lequel Jésus baptise est dans l'Esprit Saint et dans le feu, Lc 3,17. Si tu es saint, tu seras baptisé dans l'Esprit Saint ; si tu es pécheur, tu seras plongé dans le feu. Le même baptême deviendra condamnation et feu pour les pécheurs indignes ; mais les saints, ceux qui se convertissent au Seigneur avec une foi entière, recevront la grâce du Saint-Esprit et le salut.

Donc, celui qui est dit baptiser dans l'Esprit Saint et dans le feu tient la pelle à vanner et va nettoyer son aire à battre le blé ; il amassera le grain dans son grenier; quant à la paille, il la brûlera au feu qui ne s'éteint pas,
Lc 3,17-18. Je voudrais découvrir pour quel motif notre Seigneur tient la pelle à vanner, et par quel souffle la paille légère est emportée ça et là, tandis que le blé, plus lourd, s'accumule en un seul lieu, car, si le vent ne souffle pas, on ne peut séparer le blé de la paille.

Je crois que le vent doit s'entendre des tentations qui, dans la masse mélangée des croyants, révèlent que les uns sont de la paille, les autres, du froment. Car, lorsque votre âme a été dominée par une tentation, ce n'est pas la tentation qui l'a changée en paille, mais c'est parce que vous étiez de la paille, c'est-à-dire des hommes légers et sans foi, que la tentation a dévoilé votre nature cachée. En revanche, quand vous affrontez courageusement les tentations, ce n'est pas la tentation qui vous rend fidèles et constants ; elle révèle seulement les vertus de constance et de courage qui étaient en vous, mais de façon cachée. Penses-tu, dit le Seigneur, que j'avais un autre but, en parlant ainsi, que de faire apparaître ta justice,
Jb 40,3 LXX ? Et il dit ailleurs : Je t'ai affligé et je t'ai fait sentir la faim pour manifester ce que tu avais dans le cœur, Dt 8,3-5.

De la même manière, la tempête ne rend pas solide l'édifice bâti sur le sable,
Mt, 7,24-25. Mais, si tu veux bâtir, que ce soit sur la pierre. Alors, quand la tempête se lèvera, elle ne renversera pas ce qui est fondé sur la pierre ; mais pour ce qui vacille sur le sable, elle montre aussitôt que ses fondations ne valent rien. Aussi, avant que s'élève la tempête, que se déchaînent les rafales de vent, que débordent les torrents, tandis que tout demeure encore en silence, tournons toute notre attention sur le fondement de l'édifice, construisons notre demeure avec les pierres variées et solides des commandements de Dieu ; quand la persécution se déchaînera et qu'une cruelle tourmente s'élèvera contre les chrétiens, nous pourrons montrer que notre édifice est fondé sur la pierre, le Christ Jésus.

Mais si quelqu'un le renie - que ce malheur nous soit épargné! - qu'il le sache bien : ce n'est pas au moment où son reniement est devenu visible qu'il a renié le Christ ; i l portait en lui des semences et des racines de reniement déjà anciennes ; mais c'est plus tard qu'on a découvert ce qu'il portait et qui, alors, devenait public.

Aussi, prions le Seigneur pour que nous soyons un édifice solide, qu'aucune tempête ne peut renverser, parce que fondé sur la pierre, sur notre Seigneur Jésus Christ, à qui appartiennent la gloire et la puissance pour les siècles des siècles.

     SC 87, 340-342, Homéliaire patristique 139 (clerus.org)

mardi 7 décembre 2021

Mère Isabelle, 125ème anniversaire de la fondation

 8 décembre 1896 - 1921


 

 

Célébrons avec un grand amour, un grand désir...

Dieu habite parmi nous,

c'est une grand grâce.

Nous devons aimer nos églises et nos chapelles.

Nous devons aussi élever le temple de Dieu qui est notre coeur ; ...

nous ne donnons pas toujours au Saint-Esprit une demeure dans laquelle il puisse se reposer.

Mère Isabelle, Instruction aux Orantes, 10 novembre 1917.

dimanche 28 novembre 2021

Jean Tauler, lève-toi dit Isaïe

in Orantes de l'Assomption, les chemins de la grâce, textes pour l'office des lectures, présentés par soeur Monique-Anne Giroux, Or.A.

Jean Tauler 
(1300 – 1361)mystique Rhénan. L’appel divin : 2 manières d’y répondre, Sermon 5.  Nous laisser façonner par Dieu jusqu'au fond de notre âme : telle était la spiritualité qu'enseignait Jean Tauler aux « amis de Dieu ».

Lève-toi !
Dieu ne désire qu'une seule chose, la seule dont il ait besoin, et il la désire d'une façon si forte qu'il lui donne tous ses soins. Cette seule chose, c'est de trouver vide et accueillant le fond qu'il a mis dans l'esprit de l'homme afin de pouvoir y accomplir son œuvre d'Amour.


Mais que doit faire l'homme pour que Dieu puisse donner sa lumière et agir au fond de l'âme ? Il doit se lever.
 
« Lève-toi ! », dit Isaïe.

Si l'homme a quelque chose à faire, c'est de s'élever au-dessus de tout ce qui n'est pas Dieu, au-dessus de lui-même et au-dessus de toute créature. Cette élévation fait naître un ardent désir de se détacher et de se dépouiller de toute dissimilitude. Plus on se défait de toute dissimilitude et plus le désir grandit de s'en défaire.

 Il y a 2 catégories d'âmes qui répondent à cette touche intérieure et la suivent de 2 manières différentes.

Les premières se présentent avec leur subtilité naturelle et leur conception rationnelle avec lesquelles elles troublent le fond. Elles étouffent le désir de s'élever au-dessus de tout ce qui n'est pas Dieu en voulant écouter et comprendre par les chemins de leur conception rationnelle. Elles s'imaginent qu'elles ont ainsi la paix.

D'autres  veulent trouver leur satisfaction dans les observances et les pratiques de leur choix, dans la prière, les méditations...

C'est par ces exercices qu'elles veulent préparer le fond de leur âme. Elles trouvent une grande paix dans ces pratiques de piété, mais seulement dans celles qu'elles ont réglées elles-mêmes et pas ailleurs.

 Ceux qui se lèvent vraiment et qui ainsi sont illuminés, sont ceux qui  se livrent complètement à Dieu. Ils sortent d'eux-mêmes en toutes choses et ne gardent rien pour eux, ni dans les œuvres, ni dans les pratiques de piété, ni dans ce qu'ils font, ni dans ce qu'ils ne font pas, ni dans la joie, ni dans la peine. Mais ils acceptent tout de Dieu et lui rapportent absolument tout, dans un complet dépouillement d'eux-mêmes. Ils sont toujours contents de la volonté de Dieu, dans la paix et dans l'inquiétude, car ils aiment et désirent uniquement la volonté de Dieu.

 Ces personnes se lèvent en vérité et ils ont la paix dans le trouble, et la joie dans la souffrance. En tout, la volonté de Dieu leur agrée, et c'est pourquoi le monde entier ne saurait leur ravir leur paix.  Ces âmes ne goûtent que Dieu seul et rien d'autre. Ils sont en vérité illuminés, car Dieu répand sur eux sa lumière claire et pure en toutes circonstances, même aux heures de l'obscurité la plus sombre. Ce sont des gens surnaturels qui ne font rien sans Dieu. C'est Dieu qui est en eux. 

Ces personnes portent le monde entier.

Puissions-nous nous lever ainsi dans ce temps de l'attente, pour permettre à Dieu de faire en nous son œuvre.

samedi 20 novembre 2021

Guerric d'Igny, sermon IV pour l'Avent

Bienheureux, cistercien, vers 1070-1157.


Préparez le chemin du Seigneur

Le chemin du Seigneur, frères, qu'il nous est demandé de préparer se prépare en marchant. On y marche dans la mesure où on le prépare. Même si vous vous êtes beaucoup avancés sur ce chemin, il vous reste toujours à le préparer, afin que, du point où vous êtes parvenus, vous soyez toujours tendus au-delà.

Voilà comment, à chaque pas que vous faites, le Seigneur à qui vous préparez les voies vient au-devant de vous, toujours nouveau, toujours plus grand.

Aussi est-ce avec raison que le juste prie ainsi : Enseigne-moi le chemin de tes volontés et je le chercherai toujours. On donne à ce chemin le nom de vie éternelle, peut-être parce que bien que la providence ait examiné le chemin de chacun et lui ait fixé un terme jusqu'où il puisse aller, cependant la bonté de Celui vers lequel vous vous avancez n'a pas de terme.

C’est pour vous faire miséricorde que le Seigneur attend ; bienheureux tous ceux qui l’attendent, Is 30,18. Il ne faut pas que le délai imposé à l’espérance attiédisse notre foi ou bien rende inquiète notre patience, et que nous devenions alors semblables à ceux qui croient pour un temps et qui se retirent au moment de la tentation.

Que celui qui croira ne soit pas pressé, Is 28,16, de contempler l’objet de sa foi. Oui, attendre vraiment le Seigneur, c’est Lui conserver notre foi et, quoique privés de la consolation de sa présence, ne pas suivre le séducteur, mais demeurer suspendu à son retour, Os 11,7. Cela signifie qu’étant comme entre ciel et terre, on ne peut encore atteindre les biens célestes, sans pour autant vouloir toucher les choses de la terre.

In Orantes de l’Assomption, Les chemins de la grâce, textes pour l’office des lectures, présentés par sœur Monique-Anne Giroux, Or.A., p. 176.

samedi 13 novembre 2021

La lectio : écouter Dieu en lisant : décision pour le temps de l'Avent

 

La Lectio divina Lecture priante de la Parole de Dieu 

 

Le coeur et l’intelligence cherchent le Seigneur

La Lectio divina nous met à l’écoute de l’Esprit

Dieu nous parle dans l’Ecriture. C’est pourquoi chacun peut lire assidûment les Saintes Ecritures jusqu’à ce qu’elles deviennent une partie de son être. Par la Lectio divina ou lecture priante de la Parole de Dieu consignée dans la Bible, chaque croyant communie au Christ et le Christ lui fait connaître le Père.

Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole et mon Père l’aimera et nous viendrons à lui et nous ferons chez lui notre demeure”;" Jn 14,23.

 

En lisant l’Ecriture, nous nous mettons à l’écoute de ce que l’Esprit veut nous dire, ici et maintenant.

La Lectio divina nous fait entrer en contact avec le Mystère du Christ

En lisant, le message de la Parole pénètre le coeur et le coeur pénètre le mystère. L’Esprit présent en nous s’unit à la Parole de Dieu, qui est remplie d’Esprit Saint, de sorte que la Lectio stimule en nous la vie de la grâce.
A mesure qu’elle nous éveille, la Lectio développe et approfondit notre être spirituel dans la Parole de Dieu, et nous donne une conscience de plus en plus profonde du Mystère du Christ.

Lectio divina transforme notre coeur

Considérant la vie chrétienne comme l'évangélisation de notre conscience et de notre être profond, la place de la Lectio divina a toute son importance.

Vivre une retraite de Lectio demande de quitter notre quotidien pour mieux le retrouver ensuite.Cela demande de donner du temps, tout notre temps à la Parole de Dieu pour nous laisser transformer par elle. Il faut oser s'exposer simplement face à la Parole qui se révèle agissante et créatrice.

Origène, 3ème siècle

"Lire l’Ecriture est une façon pour Dieu et pour l’homme de se rencontrer. La vraie conversion, c’est de garder ce qu’on a compris dans son coeur et d’y conformer sa vie".

L’oreille du coeur s’affine progressivement et la Parole ne se déchiffre plus seulement dans l’Ecriture, mais aussi dans les rencontres et les événements. Dieu s’annonce dans la Bible et tout au long du jour. Dans cette annonciation, il nous revient d'écouter, en disponibilité et lucidité.En conclusion :La Lectio divina s’adresse à tous. Elle est accessible à tout lecteur humble et bienveillant. C'est une forme de rencontre entre Dieu et l’homme. En lisant l’Ecriture, nous devenons pleinement l'homme ou la femme à qui Dieu parle et dont Il attend une réponse.

Origène

“Il existe dans les Saintes Ecritures une sorte de force qui suffit, même sans explication, à celui qui la lit”, Homélie sur Josué XX 2.

vendredi 12 novembre 2021

Mon royaume n'est pas de ce monde, Saint Augustin, + 430.

 

21 novembre 2021, Christ Roi Saint Jean 18,33b-37.

Lorsque Jésus devant Pilate, celui-ci l'interrogea: "Es-tu le roi des Juifs?"

Écoutez donc, Juifs et Gentils ; écoutez, circoncis et incirconcis ; écoutez, tous les royaumes de la terre. Je ne m'oppose pas à votre exercice du pouvoir en ce monde, mon royaume n'est pas de ce monde, Jn 18,36.

Ne vous laissez pas égarer par la peur, comme Hérode le Grand, qui fut frappé d'épouvante quand on lui annonça la naissance du Christ. La peur, plus encore que la colère, déchaîna sa cruauté et, pour faire mourir Jésus, il ordonna le massacre de nombreux enfants, Mt 2,3.16. Mon royaume, dit le Christ, n'est pas de ce monde. Que voulez-vous savoir de plus? Venez dans le royaume qui n'est pas de ce monde ; venez-y par la foi, et que la peur ne vous rende pas cruels !

Le Christ, il est vrai, dit dans un psaume prophétique, en parlant de son Père : Il m'a sacré roi sur Sion, sa sainte montagne, Ps ,26. Mais cette ville et cette montagne ne sont pas de ce monde. Qu'est-ce, en effet, que le royaume du Christ ? Simplement ceux qui croient en lui, ceux à qui il dit : Vous n'êtes pas du monde, comme moi je ne suis pas du monde, Jn 17,16. Il veut pourtant qu'ils soient dans le monde. Aussi prie-t-il le Père pour eux : Je ne demande pas que tu les retires du monde, mais que tu les gardes du Mauvais, Jn 17,15. Voilà pourquoi il ne dit pas : "Mon royaume n'est pas dans ce monde", mais : Mon royaume n'est pas de ce monde. Il le confirme ensuite en ajoutant : Si mon royaume était de ce monde, j'aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs, Jn 18,36.

Il ne dit donc pas : "Mon royaume n'est pas ici", mais : Mon royaume n'est pas d'ici, Jn 18,36. Car son royaume est établi ici-bas et il durera jusqu'à la fin des temps ; il contiendra un mélange d'ivraie jusqu'à la moisson, qui est la fin du monde. Alors viendront les moissonneurs, qui sont les anges, et ils enlèveront tous ceux qui font tomber les autres. Ce qui serait impossible si son royaume n'existait pas ici-bas, Mt 13,38-41.

Pourtant, comme il est exilé dans le monde, il n'est pas d'ici. Le Christ dit en effet à ceux qui font partie de son royaume: Vous n'appartenez pas au monde, puisque je vous ai choisis en vous prenant dans le monde, Jn 15,19. Ils étaient donc du monde, quand ils n'étaient pas encore sujets du royaume, mais du prince de ce monde. Aussi, tous les hommes, bien que créés par le Dieu véritable, sont du monde en tant qu'issus de la race d'Adam, race corrompue et condamnée. Mais ceux d'entre eux qui sont régénérés dans le Christ forment le royaume qui n'est plus de ce monde.

Voilà comment Dieu nous a arrachés au pouvoir des ténèbres et nous a fait entrer dans le royaume de son Fils bien-aimé, Col 1,13, ce royaume dont le Christ dit : Mon royaume n'est pas de ce monde, ou bien : Mon royaume n'est pas d'ici, Jn 18,36.

Commentaire sur l'évangile de Jean, 115, 2; CCL 36, 644-645.