samedi 22 juin 2024

Saint Augustin, Passons sur l'autre rive

 



12ème dimanche du temps ordinaire

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc 4,35-41

Toute la journée, Jésus avait parlé à la foule en paraboles. Le soir venu, il dit à ses disciples : "Passons sur l'autre rive". Survient une violente tempête.




Je vais, avec la grâce du Seigneur, vous entretenir de l'évangile de ce jour. Je veux aussi, avec l'aide de Dieu, vous encourager à ne pas laisser la foi dormir dans vos coeurs au milieu des tempêtes et des houles de ce monde. Le Seigneur Jésus Christ exerçait sans aucun doute son pouvoir sur le sommeil non moins que sur la mort, et quand il naviguait sur le lac, le Tout-Puissant n'a pas pu succomber au sommeil sans le vouloir. Si vous le pensez, c'est que le Christ dort en vous. Si, au contraire, le Christ est éveillé en vous, votre foi aussi est éveillée. L'Apôtre dit : Que le Christ habite en vos coeurs par la foi, Ep 3,17. Donc le sommeil du Christ est le signe d'un mystère. Les occupants de la barque représentent les âmes qui traversent la vie de ce monde sur le bois de la croix. En outre, la barque est la figure de l'Église. Oui, vraiment, tous les fidèles sont des temples où Dieu habite, et le coeur de chacun d'eux est une barque naviguant sur la mer: elle ne peut sombrer si l'esprit entretient de bonnes pensées.

On t'a fait injure : c'est le vent qui te fouette ; tu t'es mis en colère: c'est le flot qui monte. Ainsi, quand le vent souffle et que monte le flot, la barque est en péril. Ton coeur est en péril, ton coeur est secoué par les flots. L'outrage a suscité en toi le désir de la vengeance. Et voici : tu t'es vengé, cédant ainsi sous la faute d'autrui, et tu as fait naufrage. Pourquoi ? Parce que le Christ s'est endormi en toi, c'est-à-dire que tu as oublié le Christ. Réveille-donc le Christ, souviens-toi du Christ, que le Christ s'éveille en toi. Pense à lui.

Que voulais-tu ? Te venger. As-tu oublié la parole qu'il a dite sur la croix : Père, pardonne-leur: ils ne savent pas ce qu'ils font , Lc 23,34 ? Celui qui s'était endormi dans ton coeur a refusé de se venger.

Réveille-le, rappelle-toi son souvenir. Son souvenir, c'est sa parole; son souvenir, c'est son commandement. Et quand tu auras éveillé le Christ en toi, tu te diras à toi-même: "Quel homme suis-je pour vouloir me venger ? Qui suis-je pour user de menaces contre un homme ? Peut-être serai-je mort avant d'avoir pu me venger ? Et quand viendra pour moi le moment de quitter ce corps, si j'expire brûlant de haine et assoiffé de vengeance, celui qui n'a pas voulu se venger ne m'accueillera pas. Celui qui a dit : Donnez, et vous recevrez ; pardonnez, et vous serez pardonnes, Lc 6,37 ne m'accueillera pas. Je réprimerai donc ma colère, et mon coeur trouvera à nouveau le repos." Le Christ a commandé à la mer, et elle s'est calmée,  Mt 8,26.

Ce que je viens de vous dire au sujet des mouvements de colère doit devenir votre règle de conduite dans toutes vos tentations. La tentation surgit: c'est le vent qui souffle; ton âme est troublée: c'est le flot qui monte. Réveille le Christ, laisse-le te parler. Qui donc est celui-ci, pour que même les vents et la mer lui obéissent, Mt 8,27 ? Quel est celui à qui la mer obéit? A lui la mer, c'est lui qui l'a faite, Ps 94,5. Par lui, tout s'est fait, Jn 1,3. Imite plutôt les vents et la mer: obéis au Créateur. La mer entend l'ordre du Christ, vas-tu rester sourd ? La mer obéit, le vent s'apaise, vas-tu continuer à souffler ?

Que voulons-nous dire par là ? Parler, agir, ourdir des machinations, n'est-ce pas souffler, et refuser de s'apaiser au commandement du Christ ? Quand votre coeur est troublé, ne vous laissez pas submerger par les vagues. Si pourtant le vent nous renverse - car nous ne sommes que des hommes -, et qu'il excite les passions mauvaises de notre coeur, ne désespérons pas. Réveillons le Christ, afin de poursuivre notre voyage sur une mer paisible et de parvenir à la patrie.

Homélie de saint Augustin (+ 430), Sermon 63, 1-3; PL 38, 424-425.

http://www.clerus.org/bibliaclerusonline/fr/jbv.htm

jeudi 13 juin 2024

Saint Pierre Chrysologue (+ 450), la graine devient un grand arbre

11e dimanche du temps ordinaire

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc 4,26-34

 

Parlant à la foule en paraboles, Jésus disait : 

"Il en est du règne de Dieu comme d'un homme qui jette le grain dans son champ: nuit et jour, qu'il dorme ou qu'il se lève, la semence germe et grandit, il ne sait comment. "


La graine devient un grand arbre





Mes frères, vous avez appris aujourd'hui comment le Royaume des cieux, dans toute sa grandeur, est comparé à une graine de moutarde. Le Royaume des cieux, dit le Seigneur, est comparable à une graine de moutarde, Mt 13,31.

Est-ce là tout ce que les croyants espèrent ?

Est-ce là tout ce que les fidèles attendent ?

Est-ce là le bonheur auquel les vierges parviennent après une longue pratique de la virginité ?

Est-ce là la gloire à laquelle aspirent les martyrs, lorsqu'ils versent jusqu'à la dernière goutte de leur sang ?

Est-ce là ce que l'oeil n'a pas vu, ce que l'oreille n'a pas entendu, ce qui n'est pas monté au coeur de l'homme, 1 Co 2,9

Est-ce là ce que promet l'Apôtre et qui est tenu en réserve dans l'ineffable mystère du salut, pour ceux qui aiment ?

Mes frères, ne nous laissons pas facilement déconcerter par les paroles du Seigneur. Si, en effetla faiblesse de Dieu est plus forte que l'homme, et si la folie de Dieu est plus sage que l'homme, 1Co 1,25, cette toute petite chose, qui est le bien de Dieu, est plus splendide que toute l'immensité du monde.

Puissions-nous seulement semer dans notre coeur cette graine de moutarde, de sorte qu'elle devienne le grand arbre de la connaissance, s'élevant de toute sa hauteur pour élever notre pensée jusqu'au ciel, et déployant toutes les branches de la science. Son fruit brûlant réchaufferait notre bouche de son goût vivifiant, son grain allumerait en nous un feu qui enflammerait notre coeur et, en savourant le fruit de cet arbre, nous cesserions de dédaigner ce qui nous était inconnu.

Comme le dit le Christ, le Royaume de Dieu est semblable à la graine de moutarde.  Le Christ est le Royaume. A la manière d'une graine de moutarde, il a été jeté dans un jardin, le corps de la Vierge. Il a grandi et il est devenu l'arbre de la croix qui couvre la terre entière.

Après qu'il eut été broyé par la Passion, son fruit a produit assez de saveur pour donner du bon goût et de l'arôme, d'une manière égale, à tous les êtres vivants qui le touchent. Car, tant que la graine de moutarde demeure intacte, ses vertus restent cachées, mais elles déploient toute leur puissance quand la graine est broyée. De même le Christ a-t-il voulu que son corps fût broyé pour que sa force ne reste pas cachée.

Mes frères, il nous faut broyer cette graine de moutarde pour éprouver toute la force, figurée dans cette parabole. Le Christ est roi, car il est le principe de toute autorité. Le Christ est le Royaume, car en lui réside toute la gloire de son royaume. Le Christ est homme, car l'homme tout entier est renouvelé en lui. Le Christ est la graine de moutarde, l'instrument dont Dieu se sert pour faire descendre toute sa grandeur dans toute la petitesse de l'homme.

Que dirai-je encore? Lui-même est devenu toute chose pour renouveler tous les hommes en lui. Le Christ homme a reçu la graine de moutarde qui est le Royaume de Dieu. Le Christ homme l'a reçue, alors que le Christ Dieu la possédait depuis toujours. Il a jeté la semence dans son jardin.

Le jardin est la terre cultivée qui s'est étendue au monde entier, labouré par la charrue de la Bonne Nouvelle. Il est clôturé par les bornes de la sagesse. Les Apôtres ont peiné pour en arracher toutes les mauvaises herbes. On prend plaisir à y contempler les jeunes pousses des croyants, les lis des vierges et les rosés des martyrs. Des fleurs y donnent toujours leur parfum.

Le Christ a donc semé la graine de moutarde dans son jardin. Elle a pris racine quand il a promis son Royaume aux patriarches, elle est née avec les prophètes, elle a grandi avec les Apôtres, et elle est devenue l'arbre immense qui étend ses innombrables rameaux sur l'Église, en lui prodiguant ses dons.

Prends les ailes d'argent de la colombe évangélique dont parle le prophète (cf. ps 67,14). Prends ses plumes brillantes sous l'éclat du soleil divin. Envole-toi dans ton vêtement d'or pour jouir d'un repos sans fin, désormais hors de l'atteinte des filets, parmi tant de magnifiques frondaisons. Sois assez fort pour prendre ainsi ton vol, et va habiter en sécurité dans cette vaste demeure !


Sermon 98, 1-2 4-7, CCL 24 A, 602-606.

Saint Pierre Chrysologue

Clerus.org

samedi 8 juin 2024

Saint Jean Chrysostome, Le Christ vainqueur du mal

10e dimanche du temps ordinaire B 


Évangile de Jésus Christ selon saint Marc 3,20-35 

 

Jésus entre dans une maison, où de nouveau la foule se rassemble, si bien qu'il n'était pas possible de manger. Sa famille, l'apprenant, vint pour se saisir de lui, car ils affirmaient: "Il a perdu la tête." 

 

 

 

 Les signes de la résurrection du Seigneur sont clairs : 

la ruse a cessé, la jalousie a été bannie,

la querelle a été foulée aux pieds, 

la paix est en honneur et la guerre a pris fin. 

Nous ne pleurons plus sur Adam, lui qui fut formé le premier (1Tm 2,13), mais nous glorifions le second Adam (1Co 15,47). 

Nous ne blâmons plus Ève, la désobéissante (Gn 3,6), mais nous disons bienheureuse Marie, la mère de Dieu. 

Nous ne nous détournons plus de l'arbre, mais nous portons la croix (Lc 14,27) du Seigneur. 

Nous ne redoutons plus le serpent (Gn 3,1), mais nous révérons l'Esprit Saint. 

Nous ne descendons plus en terre, mais nous remontons aux cieux. 

Nous ne sommes plus exilés du Paradis (Gn 3,23-24), mais nous vivons auprès d'Abraham (Lc 16,22). 

Nous n'entendons plus dire comme les Juifs : J'ai rendu ton jour semblable à la nuit (Os 4,5), mais nous chantons, dans un sens spirituel : Voici le jour que fit le Seigneur, qu'il soit pour nous jour de fête et de joie (Ps 117,24) ! 

 Pourquoi ce chant ? 

Parce que le soleil n'est plus obscurci (Mt 27,45), mais que tout s'illumine. 

Parce que le voile du Temple n'est plus déchiré (Mt 27,51), mais que l'Église est reconnue. 

Parce que nous ne tenons plus des rameaux de palmier (Jn 12,13), mais que nous portons les "nouveaux illuminés." Voici le jour que fit le Seigneur, qu'il soit pour nous jour de fête et de joie. 

Voici le jour, celui-ci et non un autre, car il n'y a qu'une reine et une multitude de princesses. 

Voici le jour, le jour du Seigneur, jour triomphal, consacré par la coutume à la résurrection. C'est le jour où nous sommes parés de grâce et partageons l'agneau (Ex 12,8-11) spirituel, où l'on donne du lait (1 Co 3,2 1P 2,2) à ceux qui viennent de renaître, où le plan divin s'accomplit pour les pauvres. 

Qu'il soit pour nous jour de fête et de joie, sans que nous courions dans les tavernes, mais en nous hâtant vers les sanctuaires, sans que nous honorions l'ivresse, mais en aimant la tempérance, sans que nous nous amusions sur les places, mais en chantant des psaumes dans nos maisons. 

Ce jour est celui de la résurrection, non des excès. Personne ne monte au ciel en dansant. Personne en état d'ivresse ne se tient auprès d'un roi. Que personne donc parmi nous ne déshonore ce jour! Voici le jour où Adam a été libéré, où Ève a été délivrée de son affliction (Gn 3,16). 

Voici le jour où la mort féroce a frémi, où la résistance des blocs de pierre (Mt 27,51) a été brisée et anéantie, les verrous des tombeaux (Mt 27,52) mis en pièces et enlevés. Voici le jour où les corps (Mt 27,53) de ceux qui étaient morts depuis longtemps ont été rendus à leur vie antérieure, où les lois sévères des puissances souterraines, jusqu'alors immuables, ont été abolies, où les cieux se sont ouverts (Mt 3,16) quand le Christ notre Seigneur est ressuscité. 

Voici le jour où l'arbre verdoyant et fertile de la résurrection a étendu ses branches sur le monde entier pour le bien de la race humaine, comme dans un jardin où les lis des nouveaux illuminés ont grandi, où les ruisseaux des pécheurs se sont desséchés. Voici le jour où la force du diable a été paralysée, où les armées des démons ont été balayées. 

Voici donc ce jour que fit le Seigneur, qu'il soit pour nous jour de fête et de joie, avec la grâce du Christ illuminant par sa résurrection le monde entier qui habitait les ténèbres et l'ombre de la mort (Lc 1,79). A lui, au Père et au Saint-Esprit, gloire et adoration pour les siècles des siècles. Amen.

 Homélie pascale attribuée à saint Jean Chrysostome (+ 407) 

Homélies pascales, 51, 1-3, SC 187, 318-322