Le monde visible proclame la bonté de Dieu, mais rien ne la proclame aussi clairement que la venue de Dieu parmi les hommes. Ainsi, celui qui était dans la condition de Dieu a pris la condition de serviteur. Il n'a pas rabaissé sa dignité, mais magnifié son amour pour les hommes. Et le mystère redoutable qui s'accomplit aujourd'hui nous fait voir les conséquences de cet abaissement. Mais de quel événement faisons-nous mémoire aujourd'hui ? Le Sauveur a lavé les pieds de ses disciples.
Vraiment, en assumant tous les traits de notre humanité, le Maître de l'univers a revêtu la condition de serviteur, et il l'a fait d'une manière très caractéristique de l'action de Dieu dans l'Incarnation, lorsqu'il se leva de table, Jn 13,4. Celui qui pourvoit à la subsistance de tous les êtres sous le ciel était assis à table parmi ses Apôtres, le Maître parmi les esclaves, la source de la sagesse parmi les ignorants, le Verbe parmi des hommes sans instruction, l'auteur de la sagesse parmi des illettrés. Celui qui donne à tous leur nourriture prenait sa nourriture à la même table que ses disciples, et celui qui procure la subsistance à l'univers recevait lui-même sa subsistance.
Et il ne se contenta pas de faire à ses serviteurs l'immense faveur de se mettre à table avec eux. Pierre, Matthieu et Philippe, hommes de cette terre, étaient à table avec lui : Michel, Gabriel et toute l'armée des anges se tenaient à ses côtés. Combien cela est admirable ! Les anges se tenaient près de lui avec crainte, les disciples étaient à table avec lui dans la plus grande familiarité.
Et cette merveille ne lui suffit pas, mais, dit l'évangile, il se leva de table. Celui qui est drapé du manteau de la lumière, Ps 103,2 était revêtu d'un manteau ; celui qui ceint le ciel de nuées se noua un linge à la ceinture ; celui qui fait couler l'eau des lacs et des fleuves versa de l'eau dans un bassin. Lui, devant qui tout s'agenouille aux cieux, sur terre et dans l'abîme, lava, à genoux, les pieds de ses disciples.
Le Seigneur de l'univers lava les pieds de ses disciples. Il n'offensa pas sa dignité, mais montra son immense amour pour les hommes. Pourtant, quelque immense que fût cet amour, Pierre n'oublia pas la majesté du Seigneur. Aussi bien, l'homme que son ardeur portait toujours à croire, fut également prompt à reconnaître l'exacte vérité. Les autres disciples, non par indifférence mais par crainte, laissèrent le Seigneur leur laver les pieds, et ne trouvèrent rien à redire. Mais le respect empêcha Pierre de le laisser faire, et il dit: Toi, Seigneur, tu veux me laver les pieds! Tu ne me laveras pas les pieds ; non, jamais ! Jn 13,8.
Pierre parla avec beaucoup de rudesse. Il jugeait bien, mais, ignorant la façon dont Dieu agit, c'est par esprit de foi qu'il refusa ; puis il obéit de bon coeur. Vraiment, le fidèle chrétien doit se comporter ainsi ; il ne doit pas s'obstiner dans ses décisions, mais céder à la volonté de Dieu. Car, si Pierre a exprimé son opinion d'une manière tout humaine, il s'est repenti par amour de Dieu.
Quand le Sauveur constata la résistance tenace de son âme, résistance plus forte que n'importe quelle enclume, il lui dit : Amen, je te le dis : Si je ne te lave pas, tu n'auras point de part avec moi, Jn 13,8. Considère attentivement combien l'affaire était grave, et comment le Sauveur brisa la résistance de Pierre. Se montrant plus rude que lui, il le rabroua d'un ton cassant ; il exclut Pierre de sa compagnie pour faire triompher la volonté de Dieu sur l'obstination humaine.
Dès lors, Pierre, l'homme bon et admirable, prompt à exprimer son opinion, fut également prompt à se repentir. Ayant senti la dureté des paroles qui lui étaient adressées, il se montra absolu dans son repentir, et dit : Pas seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête, Jn 13,9. Purifie-moi tout entier, lave-moi complètement, afin que je puisse dire aussi avec David : Lave-moi, je serai blanc plus que neige, Ps 50,9. Mais le Sauveur lui répondit : Celui qui vient de se baigner n'a besoin que de se laver les pieds, Jn 13,10.
Et pourquoi leur a-t-il lavé uniquement les pieds ? C'est en raison des voyages que devaient faire les Apôtres. En lavant leurs pieds, non seulement il les a nettoyés, mais il a encore affermi les pas des saints. Cette belle ablution des pieds, Isaïe l'avait vue bien des siècles auparavant. Sachant qu'elle n'était pas une ablution humaine mais une divine purification, il avait proclamé d'une voix éclatante : Qu'ils sont beaux, les pieds des messagers de la bonne nouvelle, des messagers de paix, Is 52,7 ! Le Sauveur a touché leurs pieds, faits de limon, pour les rendre forts, car ils devaient parcourir toute la terre qui est sous le ciel.
Homélie
sur le lavement des pieds, publiée par A. wenger, dans Revue des
Études byzantines, 1967, pp. 227-229.
http://www.clerus.org/bibliaclerusonline/pt/jy4.htm#bf
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