Sermon du
bienheureux Guerric D'Igny, abbé
Préparez le chemin du Seigneur."
Le
chemin du Seigneur, frères, qu'il nous est demandé de préparer se prépare en
marchant. On y marche dans la mesure où on le prépare. Même si vous vous êtes
beaucoup avancés sur ce chemin, il vous reste toujours à le préparer, afin que,
du point où vous êtes parvenus, vous soyez toujours tendus au-delà. Voilà
comment, à chaque pas que vous faites, le Seigneur à qui vous préparez les
voies vient au-devant de vous, toujours nouveau, toujours plus grand. Aussi
est-ce avec raison que le juste prie ainsi :
"Enseigne-moi
le chemin de tes volontés et je le chercherai toujours."
On
donne à ce chemin le nom de vie éternelle, peut-être parce que bien que la
providence ait examiné le chemin de chacun et lui ait fixé un terme jusqu'où il
puisse aller, cependant la bonté de celui vers lequel vous vous avancez n'a pas
de terme. C'est pourquoi le voyageur sage et décidé pensera commencer lorsqu'il
arrivera. Il oubliera alors ce qui est derrière lui pour se dire chaque jour :
"Maintenant, je commence."
Mais nous qui parlons d'avancée dans ce
chemin, plût au ciel que nous nous soyons mis en route ! A mon sens, quiconque
s'est mis en route est déjà sur la bonne voie : il faut toutefois qu'il ait
vraiment commencé, qu'il ait trouvé le chemin de la ville habitée, comme dit le
psaume. Qu’ils sont peu nombreux ceux qui la trouvent, dit la Vérité. Qu'ils
sont nombreux ceux qui errent dans les solitudes...
Et toi Seigneur, tu nous as préparé un chemin, si seulement nous consentons à
nous y engager. Tu nous as enseigné le chemin de tes volontés en disant : Voici
le chemin, suivez-le sans vous égarer à droite ou à gauche. C'est le chemin que
le Prophète avait promis : "Il y aura une route droite et les insensés ne
s'y égareront pas." J'ai été jeune, maintenant je suis vieux et, si j'ai
bonne mémoire, je n'ai jamais vu d'insensés sur ton chemin, Seigneur, c'est
tout juste si j'ai vu quelques sages qui aient pu le suivre tout au long.
Malheur à vous qui êtes sages à vos yeux et qui vous dites prudents, votre
sagesse vous a éloignés du chemin du salut et ne vous a pas permis de suivre la
folie du Sauveur.
Si tu es déjà sur le chemin, ne perds
pas ta route ; tu offenserais le Seigneur qui lui-même t'a conduit. Alors il te
laisserait errer dans les voies de ton coeur. Si ce chemin te paraît dur,
regarde le terme auquel il te conduit. Si tu vois ainsi le bout de toute
perfection, tu diras : "Comme ils sont larges tes ordres." Si ton
regard ne va pas jusque-là, crois au moins Isaïe le Voyant qui est l'oeil de
ton corps. Il voyait bien ce terme lorsqu'il disait : "Ils marcheront par
ce chemin, ceux qui ont été libérés et rachetés par le Seigneur, et ils
viendront dans Sion avec des cris de joie. Un bonheur éternel transfigurera
leur visage, allégresse et joie les accompagneront, douleur et plainte auront
pris fin." Celui qui pense à ce terme, non seulement trouve le chemin
court, mais encore a des ailes, de sorte qu'il ne marche plus, il vole vers le
but. Que par là vous conduise et vous accompagne celui qui est le chemin de
ceux qui courent et la récompense de ceux qui arrivent au but :
Jésus-Christ."
Sermon V pour l'Avent, in Lectionnaire
pour les dimanches et fêtes de Jean-René Bouchet, Cerf, 1994, pp.
36-38).
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