Vendredi saint
Gloire et puissance de la croix.
Le Seigneur est livré à ceux qui le haïssent. Pour insulter sa dignité
royale, on l'oblige à porter lui-même l'instrument de son supplice.
Ainsi s'accomplissait l'oracle du prophète Isaïe : Il a reçu sur ses épaules le pouvoir. En se chargeant ainsi du bois de la croix, de ce bois qu'il allait transformer en sceptre de sa force,
c'était certes aux yeux des impies un grand sujet de dérision mais,
pour les fidèles, un mystère étonnant : Le vainqueur glorieux du démon,
l'adversaire tout-puissant des puissances du mal, présentait sur ses
épaules, avec une patience invincible, le trophée de sa victoire, le
signe du salut, à l'adoration de tous les peuples.
Comme la foule allait avec Jésus au lieu du supplice, on rencontra un
certain Simon de Cyrène, et on fit passer le bois de la croix des
épaules du Seigneur sur les siennes. Ce transfert préfigurait la foi des
nations, pour qui la croix du Christ devait devenir, non un opprobre,
mais une gloire. En vérité, le Christ, notre Pâque, a été immolé.
Il s'est offert au Père en sacrifice nouveau et véritable de
réconciliation, non dans le Temple, dont la dignité avait déjà pris fin,
mais à l'extérieur et hors du camp, pour qu'à la place des
victimes anciennes dont le mystère était aboli, une nouvelle victime fût
présentée sur un nouvel autel, et que la croix du Christ fût cet autel,
non plus du temple, mais du monde.
Devant le Christ élevé en croix, il nous faut dépasser la représentation
que s'en firent les impies, à qui fut destinée la parole de Moïse : Votre vie sera suspendue sous vos yeux, et vous craindrez jour et nuit, sans pouvoir croire à cette vie.
Pour nous, accueillons d'un cœur libéré la gloire de la croix qui
rayonne sur le monde. Pénétrons d'un regard éclairé par l'Esprit de
vérité le sens de la parole du Seigneur annonçant l'imminence de sa
Passion : C'est maintenant le jugement du monde, c'est maintenant
que le prince de ce monde va être jeté dehors. Et moi, une fois élevé de
terre, j'attirerai tout à moi.
Ô admirable puissance de la croix ! Ô gloire inexprimable de la Passion !
En elle apparaît en pleine lumière le jugement du monde et la victoire
du Crucifié ! Oui, Seigneur, tu as tout attiré à toi ! Alors que tu
avais tendu les mains tout le jour vers un peuple rebelle, le monde
entier comprit qu'il devait rendre gloire à ta majesté. Tu as tout
attiré à toi, Seigneur, puisque, le voile du temple déchiré, le saint
des saints devenu béant, la figure a fait place à la réalité, la
prophétie à son accomplissement, la Loi à l'Évangile. Tu as tout attiré à
toi, Seigneur, puisque la piété de toutes les nations célèbre partout,
au vu et au su de tous, le mystère qui jusqu'alors était voilé sous des
symboles dans un temple unique de Judée.
Ta croix, ô Christ, est la source de toutes les bénédictions, la cause
de toute grâce. Par elle, les croyants tirent de leur faiblesse la
force, du mépris reçu la gloire, et de la mort la vie. Désormais,
l'unique offrande de ton corps et de ton sang donne leur achèvement à
tous les sacrifices, car tu es, ô Christ, le véritable Agneau de Dieu, toi qui enlèves le péché du monde.
L'ensemble des mystères trouve en toi seul son sens plénier : au lieu
d'une multitude de victimes, il n'y a plus qu'un unique sacrifice.
https://www.aelf.org/2020-04-10
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