mardi 28 décembre 2021

Anselm Grün (né en 1945), Moine bénédictin, Les mages

 

Selon Saint Matthieu 2,1-42

2 janvier 2022 année C



Saint Matthieu rapporte qu’après la naissance de Jésus, des mages s’en vinrent d’orient à Jérusalem. Ils étaient à la recherche du roi des Juifs qui venait de naître et dont une étoile leur avait annoncé la venue. Ces mages pourraient avoir été des astrologues de Babylone (en Irak), experts dans l’interprétation des songes, des membres de la caste sacerdotale perse, qui se distinguaient alors par un savoir surnaturel.

Les Juifs chassés à Babylone avaient sans doute parlé aux astrologues du lieu de leur attente d’un Messie. L’art du christianisme primitif a représenté les mages comme des prêtres de la religion de Mithra, la principale concurrente de l’Église chrétienne naissante. Il faut voir dans ce fait une signification toute particulière. Saint Matthieu et les Pères de l’Église ont interprété l’adoration de ces mages comme le signe que les sages et les initiés du monde entier venaient vers le Christ pour lui rendre hommage et lui apporter des présents. Tout ce que les hommes avaient pu amasser de savoir et d’expérience conduisait à l’adoration de l’Enfant Dieu.

De quelque façon que l’on soit en quête, quelque expérience que l’on accumule en astrologie ou dans l’interprétation des songes, dans la magie ou les pratiques ésotériques, ce que l’on retrouve au fond de tout cela, c’est la nostalgie de l’Enfant divin, Dieu qui devient visible en s’incarnant.

Saint Matthieu nous montre un autre chemin. Il s’agit de penser jusqu'au bout le savoir du monde. On aboutit alors à ces questions : - Quel est le but de l’astrologie ? - Que recherche l’ésotérisme dans toutes ses branches si nombreuses et si diverses ? Le but ? C’est de déchiffrer le mystère de la vie. Qu’est-ce que l’homme ?

Qui est Dieu ?

D'où venons-nous ? Où allons-nous ?

Celui qui va jusqu'au bout de son savoir arrivera toujours à Dieu fait homme. C’est au Christ que le mène son savoir. C’est pourquoi les autres voies vers le divin ne représentent aucun danger pour notre foi chrétienne. Toutes ces voies témoignent du profond désir de trouver le Roi nouveau-né, l’Enfant divin à travers lequel rayonne la majesté de Dieu.

Les mages représentent aussi notre propre quête. Nous sommes tous en route vers le Roi qui vient de naître.

Il y a une magie qui désire s’emparer du divin, en faire sa chose. Ce n’est pas elle qui nous conduira vers Dieu. Avec cette magie, nous nous accrochons solidement à notre Moi.

Par la naissance du Christ, Dieu s’est révélé dans la chair, dans l’être humain. Et les mages ne parviennent au Christ qu’en se mettant en route et en renonçant à s’emparer de Dieu par des pratiques magiques. Leur chemin sera long. Ils devront laisser derrière eux tout leur savoir, et se prosterner dans un étonnement réel devant le mystère de Dieu qui rayonne à travers l’enfant de Marie.

Dans l’Écriture, les mages sont qualifiés d’astrologues. Ils interprètent les étoiles du ciel, et aussi celles qui se lèvent dans nos coeurs. Oui, Dieu Lui-même nous protège et nous guide sur les chemins tortueux de notre vie, pour nous conduire, par delà nos jours de bonheur et nos jours de désolation, jusqu'à l’Étoile qui brille au-dessus de l’Enfant divin. Dieu nous conduit jusqu'au lieu où nous pourrons nous oublier nous-mêmes pour nous prosterner, tout à nous-mêmes et tout en Dieu.

L’étoile, c’est l’image de ta nostalgie. Suit la jusqu’au bout. Son but ultime est le tien. La route sera parfois difficile, le désir se fera douleur, parce que tu n’auras pas atteint le véritable objet de ta quête, là où tu seras vraiment à la maison, chez toi.

Les Trois Rois

De ces mages, l’art et la piété populaire en occident ont fait aussi les Trois Rois, les Trois saints Rois, donnant de la Bible une interprétation qui relève de la psychologie des profondeurs.

Le trois est le nombre de l’homme complet. Dans les contes, le roi a toujours trois fils qui correspondent à l’esprit, à l’âme et au corps, ou encore à la tête, au coeur et au ventre. Tous trois se mettent en route pour trouver l’eau de la vie ou quelque remède pour le roi malade. Finalement, c’est sur le chemin de l’accession à soi-même qu’ils s’engagent. Ils y vivront maintes aventures et devront triompher de bien des dangers.

L’art a montré les Trois Rois représentant les trois âges de la vie, la jeunesse, la maturité et la vieillesse, ou bien les rois de trois grands continents, l’Europe, l’Afrique et l’Asie.

C’est en réalité de nous-mêmes qu’il s’agit. Tout en nous doit se mettre en route, la jeune vitalité, la force de l’homme mûr et la sagesse du grand âge, pour aller au fond de ce que signifie être homme. Pour rester vivant, il faut que tout se transforme. Le but qui nous est proposé, c’est de devenir des êtres royaux qui ne soient pas dominés par autrui mais se déterminent par eux-mêmes, qui soient d’accord avec eux-mêmes : c’est cela la dignité royale. Or dans le cas des Trois Rois, cette dignité s’exprime par le fait qu’ils se dépouillent des marques de leur royauté et se prosternent devant l’Enfant divin.

Les Trois Rois voyagent ensemble, ils sont étroitement associés. Ils écoutent la voix de leur coeur. C’est lui qui leur a montré une étoile, celle de la nostalgie. Leur chemin, c’est celui du désir. C’est un long pèlerinage, ils sont fatigués mais continuent, suivant en confiance le désir de leur coeur. Ils finissent par atteindre leur but que l’Étoile leur avait indiqué. Cependant ils ont besoin de rencontrer Hérode et ses lettrés pour la localiser exactement.

Nous devons écouter la voix de notre coeur, mais aussi nous nous laissons conseiller pour mieux l’entendre.

Le but du voyage des Trois Rois, c’est la maison de Marie avec l’Enfant. Au terme de leur voyage, ils ne reçoivent nulle récompense, mais au contraire, ils donnent tout ce qu’ils ont apporté, ils se prosternent et ils adorent. Tel est le paradoxe de notre existence.

Plus nous avançons sur le chemin qui mène à nous-mêmes, et moins nous importe ce que nous en retirons et quelle figure nous faisons face aux autres. Nous nous sommes laissé attirer par le mystère de la vie, et quand nous l’atteignons, nous nous prosternons dans l’oubli de nous-mêmes, entièrement saisis. Nous sommes dans notre maison.

Pour la piété populaire, les Trois saints Rois sont les patrons préférés des voyageurs. On les invoque également pour écarter les influences nocives du monde des esprits. Très tôt, on les a nommés Gaspard, Melchior et Balthasar. On a inscrit l’abréviation de leurs noms C+M+B sur le linteau des maisons, des étables et des granges, pour les protéger des mauvais esprits. Ces noms étaient probablement dérivés de la formule de bénédiction « Christus mansionem benedicat » : - Que le Christ bénisse cette maison.

Mais ce que les hommes plaçaient dans ces Trois Rois, c’était leur soif d’un savoir magique qui pourrait les délivrer des angoisses profondes de leurs âmes et de les protéger contre tous les dangers.

in Orantes de l'Assomption Les chemins de la grâce, Textes pour l'office des lectures, présentés par soeur Monique-Anne Giroux, Or.A.

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