26 ème dimanche du temps ordinaire
25 septembre 2022
Luc 16, 19-31
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Un jour, dans une école talmudique, un élève demande à son rabbin :
«Pourquoi un pauvre est amical et prêt à aider, tandis qu’un riche ne
nous remarque même pas ?»
Le rabbin lui demande alors de regarder par la
fenêtre ; il y voit une femme avec son enfant qui va au marché.
Ensuite, il lui dit de se tourner vers un miroir, et lui demande ce
qu’il voit. L’élève répond: «Moi-même!» Et le rabbin continue, en lui
disant :
«La fenêtre est faite en verre, le miroir aussi, mais au fond de ce
dernier il y a une couche d’argent, et vois-tu, dès qu’on met un peu
d’argent derrière le verre, on ne voit plus que soi-même.»
C’est aussi ce que nous dit cette parabole de « L’homme riche et du pauvre Lazare », que je viens de vous lire. En effet, nous y découvrons un homme riche qui ne pense qu’à lui-même, sans s’occuper ou se préoccuper d’autre chose. Je crois que vous aurez tous à manger à midi et un toit pour vous loger ce soir. Je vois que vous avez tous des habits encore assez beaux, pas usés jusqu’à être transparents, je veux dire par là que je pense que vous ne portez pas ces mêmes habits sans interruption depuis des jours, voire des mois. Autrement dit, quelque part, vous êtes tous riches, notamment si on vous compare à une grande partie de la population du monde. Cette parabole de l’homme riche nous concerne donc tous directement, moi y compris !
Mais le texte que j’ai choisi ce matin nous ouvre aussi un voile sur l’Au-delà, le monde après la mort. La Bible ne décrit pas en détail comment sera le Ciel, je crois d’ailleurs qu’il n’y aurait pas de mots pour le faire, mais elle nous donne des indications. Et cette parabole nous en donne quelques-unes. La première chose à noter, c’est qu’elle ne parle pas de la situation ultime dans le Ciel ou l’Enfer, car ici, il est d’abord question du séjour des morts, « le sein d’Abraham ». Nous sommes donc avant la Résurrection des morts et le Jugement dernier ; car, après, il n’y aura plus de communication possible entre le Ciel et l’Enfer. Par contre, dans cette parabole, s’il n’y a pas de pont entre ces deux endroits, les gens peuvent se parler, ainsi l’homme riche et Abraham se parlent. Cependant, il serait hasardeux, à partir de cette parabole ou de tout autre texte, de tirer un enseignement doctrinal sur ces questions s’il n’est pas corroboré par d’autres textes bibliques. Autrement dit, si Jésus ou les apôtres ne disent pas la même vérité ailleurs, on ne peut tirer un enseignement à partir d’une parabole. Ce texte n’est donc pas un enseignement sur le Ciel ou l’Enfer ou l’Au-delà. Ce qu’il nous montre surtout, c’est qu’après la mort il y a une séparation : l’homme riche et Lazare ne vont pas dans les mêmes lieux. Jésus ne veut pas pour autant nous faire peur, mais plutôt nous inviter à ne pas passer à côté de la vie, à ne pas manquer l’Essentiel. Face au mystère de la mort, Jésus ne parle pas d’abord de Jugement ou de peines éternelles, mais d’Espérance et de Vie éternelle. Et cette parabole, si elle peut paraître et même être un avertissement, veut surtout nous inviter à saisir cette Espérance et la faire croître tout au long de notre existence.
Alors, que veut dire cette parabole ? Qu’une grande partie des riches
iront en Enfer et la majorité des pauvres au Ciel ? Ce n’est pas si
simple que ça ! En tout cas ce passage de l’Evangile de Luc ne dit pas
cela. Luther, pour sa part, disait qu’un pauvre ne va pas au Ciel parce
qu’il est pauvre, et un riche en Enfer parce qu’il est riche. Abraham
par exemple, que l’on trouve dans cette parabole, était assez riche,
même très riche, et il se retrouve du bon côté. Alors qu’est-ce qui
différencie ces deux personnages, si ce n’est pas la richesse ou la
pauvreté ?
Un élément essentiel les différencie dans la parabole, et ce n’est pas
un hasard : Lazare a un nom et l’homme riche pas. En effet, son nom
n’est pas indiqué : ce qui est indiqué, ce sont des éléments de sa
richesse, comme ses vêtements de pourpre et de fin lin, et la vie qu’il
pouvait se payer, joyeuse et brillante. C’est comme s’il n’existait que
par ses richesses, par son avoir sans Etre vraiment. Comme si sa
richesse lui avait fait perdre son nom, son identité, son âme – et nous
en connaissons beaucoup à qui c’est arrivé ou arrive encore -. Comme si
ses biens avaient supplanté sa personne, comme s’il ne se définissait
plus qu’à partir de son avoir. Il avait beaucoup de richesses, mais il
n’avait que cela, et en avait perdu son nom ! Et pourtant, comme Lazare,
comme vous et moi, c’était une personne créée à l’image de Dieu,
appelée à avoir une relation avec Dieu.
Mais dans le texte, aucune indication ne mentionne une quelconque
relation de l’homme riche avec Dieu. L’homme riche ne se préoccupe ici
ni de Dieu ni de son prochain, donc de Lazare. Et Lazare, me direz-vous,
on ne parle pas non plus de sa relation à Dieu. Apparemment, c’est
vrai, mais j’ai dit que Lazare a un nom, vous le connaissez : c’est
justement Lazare. Et savez-vous ce que ce nom signifie en hébreu ? Comme
Eléazar , son nom signifie « Dieu a secouru » ou « Dieu a aidé ». Voilà
le lien, la relation entre le pauvre Lazare et Dieu, il nous est donné
par son nom. Lazare a un nom, ce n’est pas un numéro, un pauvre
quelconque : certes il est pauvre mais il a un nom, une identité, une
personnalité.
Et la Bible dit que Dieu nous appelle par notre nom, ce que nous
répétons lors de chaque baptême; car il nous connaît personnellement,
avant même que nous existions, il nous connaissait. Et Dieu a des
projets d’amour et de bienveillance envers chaque être humain, riche ou
pauvre, blanc ou noir, petit ou grand ou tout ce que vous voulez. Dieu a
connu et aimé Lazare. Il a aussi connu et aimé l’homme riche, comme il a
connu et aimé Judas, Pierre, Paul, comme il aime chacun de nous. Mais
la différence, c’est que Lazare a été secouru par Dieu, c’est ce que
signifie son nom, il a reçu quelque chose de Dieu, le secours ; car lui
savait qu’il avait besoin du secours de Dieu.
Il n’avait presque rien, Lazare, il était pauvre, il était content de
ramasser quelques miettes au milieu des chiens. Il était conscient de
son état, qu’il avait besoin du secours de Dieu, pas seulement pour le
nourrir, mais pour recevoir l’espérance de la vie éternelle, le pardon
de Dieu.
C’est là le cœur de cette parabole, qui se situe au milieu de textes
parlant de la fidélité et du pardon: la fidélité de Dieu, qui prend soin
de Lazare, le conduit après la mort au sein d’Abraham, parce qu’ il a
reçu le pardon de Dieu, la Grâce.
Mais l’homme riche a aussi reçu quelque chose, il l’a même reçu de Dieu,
ou plutôt Dieu a permis qu’il reçoive quelque chose, ce sont des biens :
Abraham le lui a dit, tu as reçu tes biens pendant ta vie. L’homme
riche a reçu des biens, mais seulement des biens, il n’a pas reçu le
pardon de Dieu, parce qu’il ne l’a pas demandé, pas cherché, n’ayant pas
de relation avec Dieu. Il pensait qu’il avait tout ce qu’il fallait
avec ses richesses, et il n’a pas pensé que l’homme ne vit pas de pain
seulement ou de richesses, mais de toute parole qui sorte de la bouche
de Dieu. Sur la terre, l’homme riche ne pensait qu’à lui, à sa vie, et
il jouissait de cette vie. Ce n’est pas interdit de jouir de la vie,
Jésus a fait le premier miracle à Cana en changeant l’eau en vin.
Simplement, il ne suffit pas de jouir de la vie ici- bas, Jésus nous
invite à jouir de la vie aussi après la mort, à participer au « festin
des noces de l’Agneau ». L’homme riche ne se savait pas pauvre devant
Dieu. Il n’a compté que sur ses richesses, qui n’ont pas pu le sauver.
Il n’a pensé qu’à lui, a oublié Lazare et Dieu. Maintenant, dans le
séjour des morts, il ne pense plus seulement à lui, il pense enfin aux
autres , à ses frères. Il aimerait pouvoir leur envoyer Lazare, en
espérant qu’ils comprendraient ce qui est Essentiel dans la vie, et se
repentiraient. Car désormais, notre homme riche est conscient de ses
péchés et de ceux de ses frères, et parle enfin de repentance. Et que
répond Abraham ? Que s’ils n’écoutent pas Moïse et les Prophètes, ils ne
risquent pas de se laisser persuader, même si quelqu’un revenait de la
mort pour leur parler. Dieu avait envoyé Lazare vers l’homme riche pour
lui ouvrir les yeux, il était couché à sa porte, mais il n’avait pas su
discerner dans sa présence un appel de Dieu à réfléchir et à se
repentir, et maintenant il veut l’envoyer vers ses frères !
Jésus, nous répètent inlassablement les Evangiles, est venu accomplir
la Loi et les Prophètes. Par là, Jésus veut nous inviter à ouvrir la
Parole de Dieu et surtout nous ouvrir à elle, car Tout y est déjà écrit ;
même si Lui, nous donne une nouvelle clé de lecture au travers de sa
vie et de sa mort. Cette Clé est que « nous sommes sauvés par Grâce, par
le moyen de la Foi », Eph 2, 8 ; et la foi vient de ce qu’on
entend, et ce qu’on entend vient de la Parole du Christ.
Cette parabole est en fait la parabole « du pauvre homme riche et du
riche pauvre Lazare ». Elle nous invite à axer nos vies sur la Parole de
Dieu seule, si nous voulons recevoir la Vie éternelle.
La Loi nous rappelle d’ailleurs que c’est un péché que d’aimer quelque
chose ou quelqu’un plus que Dieu, et Jésus a repris cela, lorsqu’il a
dit :
« Si quelqu’un vient à moi, sans me préférer à son père, à sa mère, à sa
femme, à ses enfants, à ses frères, et à ses sœurs, et même à sa propre
vie, il ne peut être mon disciple. Et quiconque ne porte pas sa croix,
et ne me suit pas, ne peut être mon disciple ». Mais il a surtout dit,
et cela vaut pour tous les hommes riches, jeunes ou vieux, mais aussi
pour tous les pauvres et pour nous tous ici :
« Je suis venu afin que les brebis aient la vie, et qu’elles l’aient en
abondance » . Dieu désire ainsi notre Bonheur : que nous soyons riche ou
pauvre, il nous offre sa Paix et la Vie éternelle.
Amen.
Source : http://www.erf-villefranche.fr/cultes/Predic-03-05-09.pdf, in https://www.histoiredunefoi.fr.
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