Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 16,13-20
Jésus était
venu dans la région de Césarée-de-Philippe, et il demandait à ses disciples :
"Le Fils de l'homme, qui est-il, d'après ce que disent les hommes?"
Pierre devait recevoir les clés de l'Église, plus encore les clés des
cieux, et le gouvernement d'un peuple nombreux devait lui être confié. Le
Seigneur lui avait dit : Tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié
dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les
cieux, Mt 16,19.
Si Pierre, avec sa tendance à la sévérité, était resté sans péché, comment
aurait-il pu faire preuve de miséricorde pour ses disciples ? Or, par une
disposition de la grâce divine, il est tombé dans le péché, si bien qu'après
avoir fait lui-même l'expérience de sa misère, il a pu se montrer bon envers
les autres.
Rends-toi compte: celui qui a cédé au péché, c'est bien Pierre, le coryphée des
Apôtres, le fondement solide, le rocher indestructible, le guide de l'Église,
le port imprenable, la tour inébranlable, lui qui avait dit au Christ: Même
si je dois mourir avec toi, je ne te renierai pas, Mt 26,35
; lui qui, par une divine révélation, avait confessé la vérité: Tu es le
Messie, le Fils du Dieu vivant, Mt 16,16.
Or, l'évangile rapporte que, la nuit même où le Christ fut livré, Pierre vint
s'approcher du feu pour se chauffer. Une jeune fille lui dit alors : Toi
aussi, hier, tu étais avec cet homme, et Pierre lui répondit : Je ne
connais pas cet homme, Mt 26,69-72.
Tu viens de dire : Même si je dois mourir avec toi, et maintenant tu
nies en disant: Je ne connais pas cet homme. Pierre, est-ce bien cela
que tu avais promis ? On ne t'a encore fait subir aucune torture, infligé aucun
coup de fouet, mais il a suffi qu'une fille t'adresse la parole pour que tu te
mettes à nier !
Une deuxième fois, la fille lui dit: Toi aussi, hier, tu étais avec lui. Et
Pierre répondit : Je ne connais pas l'homme en question.
Quelle est la personne qui te parle pour que tu nies ainsi? Une femme sans
influence, une portière, une étrangère, une esclave, qui n'a droit à aucune
considération, te parle et tu lui réponds en niant. Que c'est étonnant ! Une
fille vient vers Pierre, une femme de mauvaise vie bouleverse la foi de Pierre.
Lui, la colonne, le rempart, se dérobe devant les soupçons d'une femme. Ce
n'étaient que des mots, mais ils ont ébranlé la colonne, ils ont fait trembler
le rempart lui-même.
On lui dit une troisième fois : Toi aussi, hier tu étais avec cet homme, mais
il le nia une troisième fois.
Finalement, Jésus fixa sur lui son regard pour lui rappeler ce qu'il lui avait
dit. Pierre comprit, se repentit de sa faute et se mit à pleurer. Mais alors le
Seigneur miséricordieux lui accorda son pardon, car il savait que Pierre, étant
un homme, était sujet à la faiblesse humaine.
Comme je l'ai déjà dit, Dieu en a disposé ainsi et a permis que Pierre commette
un péché, parce qu'un peuple nombreux allait lui être confié: car il ne fallait
pas que, sévère parce que sans péché, il soit incapable de pardonner à ses
frères. Il a été soumis au péché pour que la conscience de sa faute et du
pardon reçu du Seigneur, le conduise à pardonner aux autres par amour. Il
accomplissait ainsi une disposition providentielle conforme à la manière d'agir
de Dieu.
Il a fallu que Pierre, lui à qui l'Église devait être confiée, la colonne des
Églises, le port de la foi, le docteur du monde, se montre faible et pécheur.
C'était, en vérité, pour qu'il puisse trouver dans sa faiblesse une raison
d'exercer sa bonté envers les autres hommes.
Homélie sur saint Pierre et saint Élie, 1 ; PG 50, 727-728.
Clerus homéliaires
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