samedi 8 novembre 2025

Saint Jean Chrysostome (+ 407), Sur la croix, il est roi

 


 C’est avec la fête du Christ-Roi de l’Univers, instituée en 1925 par le Pape Pie XI, que s’achève l’année liturgique.

34ème dimanche du temps ordinaire C - 

Le Christ Roi de l'univers


Évangile de Jésus Christ selon saint Lc 23,35-43.

On venait de crucifier Jésus, et le peuple restait là à regarder. Les chefs ricanaient en disant : "Il en a sauvé d'autres ! Qu'il se sauve lui-même, s'il est le Messie de Dieu, l'Élu !"





 
 
 
Seigneur, souviens-toi de moi quand tu viendras inaugurer ton Règne, Lc 23,42. Le larron n'a pas osé faire cette prière avant d'avoir déposé par son aveu le fardeau de ses péchés. Tu vois, chrétien, quelle est la puissance de la confession ! Il a avoué ses péchés et le paradis s'est ouvert. Il a avoué ses péchés et il a eu assez d'assurance pour demander le Royaume après ses brigandages.

Songes-tu à tous les bienfaits que la croix nous procure ? Tu veux connaître le Royaume ? Dis-moi : Que vois-tu donc ici qui y ressemble? Tu as sous les yeux les clous et une croix, mais cette croix même, disait Jésus, est bien le signe du Royaume. Et moi, en le voyant sur la croix, je le proclame roi. Ne revient-il pas à un roi de mourir pour ses sujets ? Lui-même l'a dit : Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis, Jn 10,11. C'est également vrai pour un bon roi : lui aussi donne sa vie pour ses sujets. Je le proclamerai donc roi à cause du don qu'il a fait de sa vie. Seigneur, souviens-toi de moi quand tu seras dans ton Royaume.

Comprends-tu maintenant comment la croix est le signe du Royaume ? Si tu le veux, voici encore une autre preuve. Le Christ n'a pas laissé sa croix sur la terre, mais il l'a soulevée et emportée avec lui dans le ciel. Nous le savons parce qu'il l'aura près de lui quand il reviendra dans la gloire. Tout cela pour t'apprendre combien est vénérable la croix qu'il a appelée sa gloire.

Lorsque le Fils de l'homme viendra, le soleil s'obscurcira et la lune perdra son éclat, Mt 24,29. Il régnera alors une clarté si vive que même les étoiles les plus brillantes seront éclipsées. Les étoiles tomberont du ciel. Alors paraîtra dans le ciel le signe du Fils de l'homme, Mt 24,29-30.

Tu vois quelle est la puissance du signe de la croix ! Quand un roi entre dans une ville, les soldats prennent les étendards, les hissent sur leurs épaules et marchent devant lui pour annoncer son arrivée. C'est ainsi que des légions d'anges et d'archanges précéderont le Christ, lorsqu'il descendra du ciel. Ils porteront sur leurs épaules ce signe annonciateur de la venue de notre Roi.

Homélie sur la croix et le larron, 1,3-4, PG 49, 403-404.

http://www.clerus.org/bibliaclerusonline/fr/jb5.htm

 

DEDICACE DE LA BASILIQUE DE LATRAN

 

 Saint Jean 2,13-22 

 

"Détruisez ce sanctuaire, et 

                                       en trois jours je le relèverai"

 

 

 

 

Fête de la Dédicace de la Basilique du Latran

          En chaque communauté, où il y a une église consacrée, on célèbre chaque année la « dédicace » de cette église, c’est-à-dire l’anniversaire du jour où l’édifice a été consacré au culte de Dieu, et donc le jour où la communauté a commencé de s’y réunir plusieurs fois par jour pour y célébrer les Offices divins, et où les moniales ou les moines ont commencé d’y venir privément, à toute heure, pour y rencontrer Dieu dans une prière intime. Nous célébrons également chaque année la dédicace de l’Église du diocèse où se trouve notre monastère. Eh bien, aujourd’hui c’est la dédicace de la cathédrale de l’Église de Rome que nous célébrons.

          La basilique Saint-Pierre est évidemment plus connue que celle du Latran. C’est là que vont en premier lieu tous les pèlerins et les touristes qui viennent à Rome. C’est là également qu’ont lieu la plupart des grandes célébrations liturgiques pontificales. Cependant, la cathédrale du Pape, en tant qu’évêque de Rome, c’est la basilique du Latran, et non pas celle de Saint-Pierre. Or, le pape est en tout premier lieu l’évêque du diocèse de Rome et c’est précisément en tant qu’évêque de Rome et donc de successeur de Pierre qu’il a la mission de confirmer ses frères dans la foi et de veiller à la communion entre toutes les Églises locales. C’est pourquoi nous exprimons aujourd’hui notre communion avec l’Église de Rome et toutes les Églises locales de la chrétienté en commémorant cette dédicace.

          La cathédrale du Latran fut érigée en 320 par Constantin peu après sa conversion et la fin de l’ère des persécutions. Elle fut construite sur le plan des « basiliques », c’est-à-dire des maisons du peuple dans l’Empire romain. Toutes les grandes basiliques romaines ont conservé jusqu’à nos jours ce caractère d’un grand espace intérieur où le peuple se réunit pour célébrer le mystère chrétien, mais aussi et tout d’abord pour célébrer le mystère de sa communion dans le Christ.

          Dans l’Évangile des marchands chassés du Temple, Jésus révèle déjà que le culte de la nouvelle Alliance est très différent de celui de l’ancienne Alliance.   Le Temple de l’ancienne Alliance, qui était la « maison de Dieu » -- « maison de mon Père », dit Jésus -- n’est pas remplacé ni par un temple matériel nouveau, ni par plusieurs, mais par l’humanité du Christ. « Le temple dont il parlait – dit saint Jean – c’était son corps ». Depuis la mort de Jésus et sa résurrection, Il habite en chacun de ceux qui ont reçu son Esprit et qui sont donc devenus, chacun, le Temple de Dieu. « N’oubliez pas, nous dit saint Paul, que vous êtes le temple de Dieu et que l’Esprit de Dieu habite en vous... Le temple de Dieu est sacré, et ce temple, c’est vous ».

          La vision d’Ézéchiel, à qui l’on fait voir l’eau qui coule du côté droit du Temple et qui apporte vie et fécondité ainsi que nourriture et guérison à tout ce qu’elle touche a toujours été appliquée au Christ dans la tradition chrétienne. C’est Lui qui est la source de notre communion et de notre unité.

          Depuis plusieurs siècles le pape ne vit plus au Latran mais au Vatican. Dans l’exercice de son ministère de communion il doit se faire aider par plusieurs collaborateurs qui, avec le temps, son devenus une lourde machine administrative qu’on appelle la Curie romaine. Il peut arriver que certains d’entre nous ne soient pas toujours d’accord avec certaines positions prises par des organismes romains.  Il peut même arriver qu’on voit en certaines décisions de ces « dicastères » des obstacles à la communion plutôt que des aides à la communion. Mais ce sont là des accidents de parcours de l’histoire. Ce qui est important, c’est qu’à travers l’Évêque de Rome nous sommes en communion avec toutes les autres communautés ecclésiales du monde et que nous formons tous un seul Temple, un seul Corps du Christ abreuvé du même fleuve de sang et d’eau provenant du côté droit du Christ ouvert par la lance du soldat sur la Croix. C’est ce mystère de communion que nous célébrons aujourd’hui en fêtant la dédicace de la cathédrale de l’évêque de Rome.

Dom Armand VEILLEUX

 https://www.scourmont.be/publications/pages-de-dom-armand-veilleux/homelies-de-dom-armand-veilleux/5681-homelie-pour-la-dedicace-de-la-basilique-du-latran-dimanche-9-novembre-2025

mardi 21 octobre 2025

Homélie de St Bernard pour la fête de la Toussaint


“Pourquoi notre louange à l’égard des saints, pourquoi notre chant à leur gloire, pourquoi cette fête même que nous célébrons ? Que leur font ces honneurs terrestres, alors que le Père du ciel, en réalisant la promesse du Fils, les honore lui-même ?
De nos honneurs les saints n’ont pas besoin, et rien dans notre culte ne peut leur être utile. De fait, si nous vénérons leur mémoire, c’est pour nous que cela importe, non pour eux. Pour ma part, je l’avoue, je sens que leur souvenir allume en moi un violent désir 

Le premier désir, en effet, que la mémoire des saints éveille, ou plus encore stimule en nous, le voici : nous réjouir dans leur communion tellement désirable et obtenir d’être concitoyens et compagnons des esprits bienheureux, d’être mêlés à l’assemblée des patriarches, à la troupe des prophètes, au groupe des Apôtres, à la foule immense des martyrs, à la communauté des confesseurs ; au chœur des vierges, bref d’être associés à la joie et à la communion de tous les saints. Cette Église des premiers-nés nous attend, et nous n’en aurions cure !
Les saints nous désirent et nous n’en ferions aucun cas ! Les justes nous espèrent et nous nous déroberions ! Réveillons-nous enfin, frères ; ressuscitons avec le Christ, cherchons les réalités d’en haut ; ces réalités, savourons-les. Désirons ceux qui nous désirent, courons vers ceux qui nous attendent, et puisqu’ils comptent sur nous, accourons avec nos désirs spirituels. Ce qu’il nous faut souhaiter, ce n’est pas seulement la compagnie des saints, mais leur bonheur, si bien qu’en désirant leur présence, nous ayons l’ambition aussi de partager leur gloire, avec toute l’ardeur et les efforts que cela suppose. Car cette ambition-là n’a rien de mauvais : nul danger à se passionner pour une telle gloire.

Et voici le second désir dont la commémoration des saints nous embrase : voir, comme eux, le Christ nous apparaître, lui qui est notre vie, et paraître, nous aussi, avec lui dans la gloire. Jusque là, il ne se présente pas à nous comme il est en lui-même, mais tel qu’il s’est fait pour nous : notre Tête, non pas couronnée de gloire, mais ceinte par les épines de nos péchés. Il serait honteux que, sous cette tête couronnée d’épines, un membre choisisse une vie facile, car toute la pourpre qui le couvre doit être encore non pas tant celle de l’honneur que celle de la dérision. Viendra le jour de l’avènement du Christ : alors on n’annoncera plus sa mort de manière à nous faire savoir que nous aussi sommes morts et que notre vie est cachée avec lui. La Tête apparaîtra dans la gloire, et avec elle les membres resplendiront de gloire, lorsque le Christ restaurera notre corps d’humilité pour le configurer à la gloire de la Tête, puisque c’est lui la Tête.Cette gloire, il nous faut la convoiter d’une absolue et ferme ambition. Et vraiment, pour qu’il nous soit permis de l’espérer, et d’aspirer à un tel bonheur, il nous faut rechercher aussi, avec le plus grand soin, l’aide et la prière des saints, afin que leur intercession nous obtienne ce qui demeure hors de nos propres possibilités.”

Grégoire de Palamas (+ 1359), Aux humbles Dieu accorde sa grâce

 


 


30e dimanche du temps ordinaire C


Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
18,9-14

Jésus dit une parabole pour certains hommes qui étaient convaincus d'être justes et qui méprisaient tous les autres :
"Deux hommes montèrent au Temple pour prier. L'un était pharisien et l'autre, publicain."



Cet être spirituel qui est le premier auteur du mal et qui s'ingénie à le répandre, se montre très habile à détruire par le désespoir et l'infidélité les fondements de la vertu dans l'instant même où ils ont été posés dans une âme. Ensuite, lorsque se dressent les murs de ce que j'appellerai la maison de la vertu, il se sert aussi très astucieusement du découragement et de la négligence pour leur donner l'assaut. Même quand le toit des bonnes oeuvres  vient d'être construit, il l'abat encore avec l'arrogance et la présomption.

Restez fermes pourtant, ne vous effrayez pas, car l'homme zélé pour le bien est plus habile que lui. Et la vertu possède, pour résister au mal, une force plus grande que la sienne. Elle bénéficie, en effet, de l'assistance et du secours envoyés d'en haut par Celui qui peut tout. Dans sa bonté, il rend forts tous ceux qui aiment la vertu.

De la sorte, celle-ci restera inébranlable face aux multiples et funestes machinations ourdies par l'Adversaire. Elle pourra en outre relever et rétablir ceux qui sont tombés dans l'abîme des maux, et les conduire facilement à Dieu par le repentir et l'humilité.

La parabole nous le fait comprendre suffisamment. Le publicain, bien qu'il soit publicain et passe sa vie dans ce que j'appellerai l'abîme du péché, s'unit par une simple prière à ceux qui mènent une vie conforme à la vertu. Grâce à cette courte prière il se sent léger, il s'élève, il triomphe de tout mal, il est agrégé au choeur des justes et justifié par le Juge impartial. Le pharisien, lui, est condamné sur ce qu'il dit, bien qu'il soit pharisien et se considère comme quelqu'un d'important. Car il n'est pas vraiment juste, et de sa bouche sortent beaucoup de paroles d'orgueil qui, toutes, provoquent la colère de Dieu.

Pourquoi l'humilité élève-t-elle l'homme à la hauteur de la sainteté, tandis que la présomption le précipite dans le gouffre du péché ? Voici. Celui qui se prend pour quelqu'un d'important devant Dieu est à juste titre abandonné par Dieu, puisqu'il pense ne pas avoir besoin de son secours. L'autre reconnaît son néant et, de ce fait, se tourne vers la miséricorde divine. Il trouve à juste raison la compassion, l'assistance et la grâce de Dieu. L'Écriture dit en effet : le Seigneur résiste aux orgueilleux, mais il accorde aux humbles sa grâce,
 Pr 3,34 grec ;  Jc 4,6 1P 5,5.

Selon la parole du Seigneur, quand ce dernier rentra chez lui, c'est lui qui était devenu juste et non pas l'autre. Qui s'élève sera abaissé ; qui s'abaisse sera élevé,
Lc 18,14. Du fait que le diable est l'orgueil même, et l'arrogance son vice propre, ce mal conquiert puis entraîne avec lui toute vertu humaine à laquelle il se mêle. Pareillement, s'abaisser devant Dieu est la vertu des bons anges : elle triomphe également de tous les vices humains dont sont affligés les pécheurs. Car l'humilité est le char qui nous emmène vers Dieu, sur ces nuées qui doivent emporter jusqu'à lui ceux qui lui seront unis dans les siècles sans fin, selon la prophétie de l'Apôtre : Nous serons emportés, dit-il, sur les nuées du ciel à la rencontre du Seigneur. Ainsi, nous serons pour toujours avec le Seigneur, 1 Th 4,17. Car l'humilité est semblable à une nuée : elle prend corps dans le repentir, elle fait jaillir des yeux un torrent de larmes, elle rend dignes les indignes, elle conduit et unit à Dieu ceux qui, en raison de leur volonté droite, sont justifiés par la grâce.

Homélie 2 ; PG 151, 17-20.28-29.
http://www.clerus.org/bibliaclerusonline/pt/jzt.htm#h3

jeudi 9 octobre 2025

Homélie de saint Grégoire de Nysse (+ 395), Prier

 

29e dimanche du temps ordinaire C     19 octobre 2025



Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 18,1-8

Jésus dit une parabole pour montrer à ses disciples qu'il faut toujours prier sans se décourager : "Il y avait dans une ville un juge qui ne respectait pas Dieu et se moquait des hommes. Dans cette même ville, il y avait une veuve qui venait lui demander : 'Rends-moi justice contre mon adversaire.'"


Le Verbe de Dieu nous livre ses enseignements sur la prière lorsqu'il apprend aux disciples qui en sont dignes et qui cherchent avec ferveur à s'en instruire, avec quelles paroles il convient de prier pour se faire entendre de Dieu. Au contraire, celui qui ne s'unit pas à Dieu par la prière, se détachera de lui. Ce discours devra donc nous faire comprendre en premier lieu
qu'il faut toujours prier sans se décourager, Lc 18,1. Car la prière a pour effet d'unir l'homme à Dieu, et celui qui est en communion avec Dieu est loin de l'Adversaire.


La prière sauvegarde la tempérance, maîtrise la colère, abat l'orgueil, extirpe la rancune. La prière est le sceau de la virginité et la fidélité du mariage. Elle est le bouclier des voyageurs, la garde de ceux qui dorment, la confiance de ceux qui veillent, la prospérité des agriculteurs, la sécurité des navigateurs.

Vraiment, quand bien même nous passerions toute notre vie à converser avec Dieu dans la prière et l'action de grâce, nous resterions, je crois, aussi indignes de cet échange avec notre bienfaiteur que si nous n'avions même pas conçu le désir de lui manifester notre reconnaissance.

Le temps se divise en trois moments : le passé, le présent et l'avenir. En chacun d'eux nous saisissons la bienveillance divine. Penses-tu au présent ? Tu es en vie grâce au Seigneur. Si tu envisages l'avenir, l'espoir de réaliser tes désirs repose sur le Seigneur. Quant au passé, tu n'aurais pas existé si le Seigneur ne t'avait pas créé.

Il t'a accordé sa faveur en te faisant naître, et depuis ta naissance il te l'accorde encore. Comme l'Apôtre le dit :
Tu as en lui la vie et le mouvement, Ac 17,28. Tu fondes sur cette même faveur ton espoir des réalités à venir. Toi, tu n'es maître que du présent.

Même si tu ne cesses de rendre grâce à Dieu durant toute ta vie, cela égalera à peine la grâce qu'il te fait au moment présent, et tu ne trouveras jamais le moyen de payer ta dette de reconnaissance pour le passé et pour l'avenir. Que nous sommes loin, d'ailleurs, de lui rendre grâce selon la mesure de nos capacités ! C'est au point que nous n'employons même pas les possibilités qui nous sont offertes de manifester notre gratitude. Nous négligeons, en effet, de réserver, je ne dis pas toute la journée, mais même une infime partie de celle-ci, à la méditation des réalités divines.

Qui a rétabli dans la grâce originelle l'image divine que le péché avait ternie en moi ? Qui me fait monter vers le bonheur que je possédais avant d'être exilé du paradis, privé de l'arbre de vie et englouti dans l'abîme de cette existence charnelle ?
Il n'y a personne qui comprenne, Rm 3,11, dit l'Écriture. Car, en vérité, si nous y étions vraiment attentifs, durant toute notre vie nous ne cesserions de rendre grâce à Dieu.

Homélies sur la prière du Seigneur, 1, PG 44, 1120 1124-1125

Clerus,org

Saint Bruno de Segni, La foi qui purifie


28e dimanche du temps ordinaire C  - 12 octobre 2025


Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
17,11-19

Jésus, marchant vers Jérusalem, traversait la Samarie et la Galilée. Comme il entrait dans un village, dix lépreux vinrent à sa rencontre. Ils s'arrêtèrent à distance et lui crièrent : "Jésus, maître, prends pitié de nous." En les voyant, Jésus leur dit : "Allez vous montrer aux prêtres."



Jésus, marchant vers Jérusalem, traversait la Samarie. Comme il entrait dans un village, dix lépreux vinrent à sa rencontre, Lc 17,11-12. Que représentent les dix lépreux sinon l'ensemble des pécheurs ? Lorsque vint le Christ notre Seigneur, tous les hommes souffraient de la lèpre de l'âme, même s'ils n'étaient pas tous atteints de celle du corps. Or la lèpre de l'âme est bien pire que celle du corps. Mais voyons la suite. Ils s'arrêtèrent à distance et lui crièrent : Jésus, maître, prends pitié de nous, Lc 17,13. Ces hommes se tenaient à distance car ils n'osaient pas, étant donné leur état, s'avancer plus près de lui. Il en va de même pour nous : tant que nous demeurons dans nos péchés, nous nous tenons à l'écart. Donc, pour recouvrer la santé et guérir de la lèpre de nos péchés, supplions d'une voix forte et disons : Jésus, maître, prends pitié de nous. Cette supplication ne doit toutefois pas venir de notre bouche, mais de notre coeur, car le coeur parle d'une voix plus forte. La prière du coeur pénètre dans les cieux et s'élève très haut, jusqu'au trône de Dieu.

En les voyant, Jésus leur dit : Allez vous montrer aux prêtres, Lc 17,14. En vérité, lorsque Dieu regarde, il prend pitié. Il voit donc les lépreux, et aussitôt, saisi de pitié, il leur prescrit d'aller trouver les prêtres, non pour que les prêtres les purifient, mais pour qu'ils les déclarent purs.

En cours de route, ils furent purifiés, Lc 17,15. Il faut que les pécheurs entendent cette parole et fassent l'effort de la comprendre. Il est facile au Seigneur de remettre les péchés. Souvent, en effet, le pécheur est pardonné avant de venir trouver le prêtre. En réalité, il est guéri à l'instant même où il se repent. Quel que soit, en effet, le moment où il se convertit, il passe de la mort à la vie. Qu'il se rappelle cependant de quelle conversion il s'agit. Qu'il écoute ce que dit le Seigneur : Revenez à moi de tout votre coeur, dans le jeûne, les larmes et le deuil ! Déchirez vos coeurs et non pas vos vêtements, Jl 2,12. Toute conversion doit donc s'opérer dans le coeur, au-dedans. Car Dieu ne repousse pas un coeur brisé et broyé , Ps 50,19.

L'un d'eux, voyant qu'il était guéri, revint sur ses pas, en glorifiant Dieu à pleine voix. Il se jeta la face contre terre aux pieds de Jésus, en lui rendant grâce. Or, c'était un Samaritain, Lc 17,15-16. En réalité, cet homme représente tous ceux qui ont été purifiés dans l'eau du baptême ou guéris par le sacrement de pénitence. Ils ne suivent plus le démon, mais imitent le Christ, ils marchent à sa suite en le glorifiant et en lui rendant grâce, et ils n'abandonnent pas son service.

Jésus lui dit : Relève-toi et va : ta foi t'a sauvé, Lc 17,19. Grande est donc la puissance de la foi, car sans elle, selon la parole de l'Apôtre, il est impossible d'être agréable à Dieu, He 11,6.Abraham eut foi en Dieu, et, de ce fait, Dieu estima qu'il était juste, Rm 4,3. C'est donc la foi qui sauve, la foi qui justifie, la foi qui guérit l'homme dans son âme et dans son corps.

Homélie de saint Bruno de Segni  (+ 1123)

Commentaire sur l'évangile de Luc, 2, 40, PL 165, 426-428


http://www.clerus.org/bibliaclerusonline/fr/ijb.htm#a3w

dimanche 31 août 2025

Saint Bruno de Segni (+1123), Avoir une place aux noces du Seigneur


 

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 14,1,7-14

Un jour de sabbat, Jésus était entré chez un chef des pharisiens pour y prendre son repas. Remarquant que les invités choisissaient les premières places, il leur dit cette parabole: "Quand tu es invité à des noces, ne va pas te mettre à la première place."


Commentaire sur l'évangile de Luc, 2, 14 ; PL 165, 406-407

 

 

 

Le Seigneur avait été invité à un banquet de noces. En observant les convives, il remarqua que tous choisissaient les premières places et les plus honorables, chacun désirant se placer avant tous les autres et s'élever au-dessus de tous. Il leur raconta cette parabole qui, même prise en son sens littéral, est bien utile et nécessaire à tous ceux qui aiment jouir de la considération des gens et qui ont peur d'être rabaissés. Elle accorde, en effet, des marques de courtoisie aux plus humbles et des signes de respect aux personnes d'un rang élevé.

Mais comme cette histoire est une parabole, elle renferme une signification qui dépasse le sens littéral. Voyons donc quelles sont ces noces et qui sont les invités aux noces. Celles-ci s'accomplissent quotidiennement dans l'Eglise. Chaque jour le Seigneur célèbre des noces, car chaque jour il s'unit les âmes fidèles lors de leur baptême ou de leur passage de ce monde-ci au Royaume céleste.

Eh bien! nous qui avons reçu la foi en Jésus Christ et le sceau du baptême, nous sommes tous invités à ces noces. Une table y est dressée pour nous, dont l'Ecriture dit : Tu prépares la table pour moi devant mes ennemis, Ps 23,5. Nous y trouvons les pains de l'offrande, le veau gras, l'Agneau qui enlève les péchés du monde. Ici nous sont offerts et le pain vivant descendu du ciel et le calice de l'Alliance nouvelle. Ici nous sont présentés les évangiles et les épîtres des Apôtres, les livres de Moïse et des prophètes, qui sont comme des mets remplis de toutes les délices.

Que pourrions-nous donc désirer de plus ? Pourquoi choisirions-nous les premières places? Quelle que soit la place que nous occupions, nous avons tout en abondance et ne manquons de rien. Mais toi qui cherches à avoir la première place, qui que tu sois, va t'asseoir à la dernière place. Ne permets pas que ta science te gonfle d'orgueil, et ne te laisse pas exalter par la renommée. Mais plus tu es grand, plus il faut t'humilier en toute chose et tu trouveras grâce auprès de Dieu, Lc 1,30. si bien qu'au moment favorable il te dira: Mon ami, avance plus haut, et ce sera pour toi un honneur aux yeux de tous ceux qui sont à table avec toi, Lc 14,10.

Assurément, pour autant que cela dépendait de lui, Moïse occupait la dernière place. Lorsque le Seigneur voulut l'envoyer vers les fils d'Israël et l'invita à accéder à un rang plus élevé, il lui répondit: Je t'en prie, Seigneur, envoie qui tu voudras envoyer car je n'ai pas la parole facile, Ex 4,13. C'est comme s'il avait dit : "Je ne suis pas digne d'une fonction aussi haute." Saûl aussi se considérait comme un homme d'humble condition, quand le Seigneur fit de lui un roi. Et de même Jérémie, craignant de monter à la première place, disait : Oh! Seigneur mon Dieu! Vois donc: je ne sais pas parler, je ne suis qu'un enfant, Jr 1,6 !

C'est donc par l'humilité, non par l'orgueil, par les vertus, non par l'argent, que nous devons chercher à occuper la première place, le premier rang dans l'Église.

Clerus homéliaires

samedi 23 août 2025

Saint Anselme (+1109), Le prix du Royaume

 




21e dimanche du temps ordinaire C 24 août 2025



Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 
13,22-30

Dans sa marche vers Jérusalem, Jésus passait par les villes et les villages en enseignant. 
Quelqu'un lui demanda : "Seigneur, n'y aura-t-il que peu de gens à être sauvés?" 
Jésus leur dit : "Efforcez-vous d'entrer par la porte étroite, car, je vous le déclare, beaucoup chercheront à entrer et ne le pourront pas."







Dieu proclame qu'il a mis en vente le Royaume des cieux. Mais ce Royaume est si beau que l'oeil de l'homme mortel ne peut voir, ni l'oreille entendre, ni l'esprit imaginer sa félicité et sa gloire. Tout homme qui cherche à en connaître le prix obtiendra cette réponse : "Celui qui veut nous donner un Royaume dans le ciel n'a pas besoin d'argent terrestre, et nul ne peut rien donner à Dieu qui ne lui appartienne déjà, puisqu'il possède tout."

Par ailleurs, Dieu ne donne pas un bien si précieux d'une manière totalement gratuite, car il ne l'accorde pas à celui qui n'aime pas. Personne, en effet, ne donne une chose qui lui est chère à celui pour qui elle n'a aucune valeur. Et comme Dieu n'a pas besoin de ce que tu as, et qu'il n'a pas à donner un bien si précieux à celui qui ne veut pas aimer ce bien, ce qu'il demande simplement, c'est l'amour, sans lequel il ne doit pas faire ce don. Donne donc l'amour et reçois le Royaume ; aime, et il est à toi.

En somme, régner dans le ciel signifie simplement être uni à Dieu, à tous les anges et à tous les saints, ne faire qu'une volonté avec eux par l'amour, de façon à exercer tous ensemble une même puissance. Aime donc Dieu plus que toi-même et tu commenceras déjà à avoir ce que tu veux posséder parfaitement dans le ciel. Sois en accord avec Dieu et avec les hommes - à la seule condition qu'ils ne soient pas en désaccord avec lui - et tu commenceras aussitôt à régner avec Dieu et avec tous les saints. Car, dans le ciel, Dieu et tous les saints ajusteront leur volonté à la tienne, dans la mesure où tu auras ajusté en cette vie ta volonté à la leur. Si donc tu veux être roi dans le ciel, aime Dieu et les hommes comme tu dois le faire, et tu mériteras de devenir ce que tu désires.

Mais tu ne pourras parvenir à ce parfait amour qu'après avoir vidé ton coeur de tout autre amour. Voilà pourquoi ceux qui remplissent leur coeur de l'amour de Dieu et du prochain, ne veulent que les choses voulues par Dieu ou par les autres, pourvu que les choses voulues par ces derniers n'aillent pas à rencontre de la volonté de Dieu.

En conséquence, ils sont assidus aux prières, aux entretiens et aux pensées célestes, car il leur est doux de soupirer après Dieu, de lui parler, de l'entendre et de penser à celui qu'ils aiment tant. De là vient qu'ils sont joyeux avec ceux qui sont dans la joie, qu'ils pleurent avec ceux qui pleurent, qu'ils prennent les malheureux en pitié, qu'il donnent à ceux qui sont dans le besoin, car ils aiment les autres comme eux-mêmes. Aussi dédaignent-ils les richesses, les pouvoirs, les plaisirs, les honneurs et les louanges, car celui qui aime ces choses agit souvent contre Dieu et son prochain.

C'est ainsi que tout ce qu'il y a dans la Loi et les prophètes dépend de ces deux commandementsMt 22,40. Donc, celui qui veut parvenir à l'amour parfait avec lequel s'achète le Royaume, aimera le détachement, la pauvreté, l'effort et l'obéissance, comme font les saints.

Lettre 112, à Hugues le Reclus; Opera omnia, t. 3, 244-246.

in Clerus.org homéliaire 

samedi 9 août 2025

Saint Théodore le Studite, Tenez vos lampes allumées


19ème  dimanche du temps ordinaire année C

 

Tenez vos lampes allumées, 

St Luc 12,32-48, Mt 25,1-4

 

Il y a un temps pour les semailles et un temps pour la moisson, un temps pour la paix et un temps pour la guerre, un temps pour le travail et un temps pour le loisir. Mais pour le salut de l'âme, tout moment est propice, et toute journée est favorable, si du moins nous le voulons. Ainsi donc, soyons toujours en mouvement vers le bien, faciles à mouvoir, mettant la Parole en actes.

C'est toujours le temps de la prière, le temps de la réconciliation après les fautes, le temps de ravir le Royaume des cieux. Voici l'époux, dit l'Évangile, sortez à sa rencontre. Et les vierges sages sont allées à sa rencontre avec des lampes brillantes et elles sont entrées pour les noces ; tandis que les vierges folles retardées par l'absence de bonnes oeuvres criaient :

- Seigneur, Seigneur, ouvre-nous !

Mais il a répondu : - En vérité, je vous le dis, je ne vous connais pas.

Et il ajoute : - Veillez donc car vous ne savez ni le jour ni l'heure.

Il faut donc veiller et éveiller l'âme à la sobriété, à la sainteté, à la purification, à l'illumination, pour éviter que la mort ne nous ferme la porte. Qu'ils sont heureux les serviteurs que le Maître, à son retour, trouvera vigilants.

Pour moi qui suis ton serviteur indigne, Dieu, veuille m'éveiller du sommeil de mon indolence. Fait brûler en moi le feu de Ton Amour divin ; que grandisse sans cesse au-dedans de moi mon désir de répondre à ton infinie tendresse. Ah! S'il m'était donné de pouvoir tenir à longueur de nuit ma lampe allumée et ardente dans Ton temple, Seigneur ! Si elle pouvait éclairer tous ceux qui pénètrent dans la maison de mon Dieu !

Seigneur, accorde-moi cet amour qui se garde de tout relâchement, que je sache tenir toujours ma lampe allumée, sans jamais la laisser s'éteindre ; qu'en moi elle soit lumière pour mon prochain.

samedi 2 août 2025

Saint Basile, Que faire des grandes richesses ?

 


18e dimanche du temps ordinaire C            3 août  2025


Évangile de Jésus Christ selon saint Luc  
12,13-21



Du milieu de la foule, un homme demanda à Jésus : 

"Maître, dis à mon frère de partager avec moi notre héritage."


 

Il y avait, dit l'évangileun homme riche dont les terres avaient beaucoup rapporté. Il se disait : Que vais-je faire ? Je vais démolir mes greniers et j'en construirai de plus grands, Lc 12,16-18. Pourquoi donc cette terre avait-elle tant rapporté à un homme qui ne devait faire aucun bon usage de cette fertilité ? C'était pour mieux mettre en lumière la patience de Dieu dont la bonté s'étend même sur de telles gens. Car il fait tomber sa pluie sur les justes et sur les injustes, et il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, Mt 5,45.

De quel état d'esprit cet homme faisait-il montre? L'aigreur du caractère, la haine des hommes, l'égoïsme, voilà ce qu'il offrait en retour à son bienfaiteur. Il oubliait que nous appartenons tous à la même nature. Il ne jugeait pas nécessaire de distribuer son superflu aux pauvres. Mais ses greniers craquaient, trop étroits pour ses immenses dépôts, et son coeur d'avare n'était pas encore comblé. D'ailleurs, ses nouvelles récoltes s'ajoutaient sans cesse aux anciennes et les apports annuels venaient accroître son opulence, de sorte qu'il se trouva dans une situation sans issue. Il n'acceptait pas de se défaire de ses anciennes réserves, tant il était avare, et il n'arrivait plus à entreposer les nouvelles récoltes trop abondantes. De là les projets non réalisés et les angoisses insurmontables.

Que vais-je faire ? Qui n'aurait pitié d'un homme en proie à un pareil tourment?  Car ce ne sont pas des bénéfices que la terre lui apporte, mais des soupirs. Elle ne lui procure pas d'abondants revenus, mais des soucis, des peines et un embarras extrême. Il pousse des lamentations comme le ferait un miséreux. Ne sont-ce pas là les plaintes de celui qui est réduit à la mendicité ? Que vais-je faire? Comment vais-je me nourrir, me vêtir ?


Considère, homme, celui qui t'a comblé de ses dons. Souviens-toi de toi-même. Rappelle-toi qui tu es, quelles affaires tu conduis, qui te les a confiées, pour quelle raison tu as été préféré à beaucoup. Tu es le serviteur du Dieu bon, tu as la charge de tes compagnons de service. Ne crois pas que tous ces biens sont destinés à ton ventre. Dispose des biens que tu as entre les mains comme s'ils appartenaient à autrui: ils te donneront du plaisir pendant quelque temps, puis s'évanouiront et disparaîtront. Mais il t'en sera demandé un compte détaillé.

Que vais-je faire ? La réponse était simple : "Je rassasierai les affamés, j'ouvrirai mes greniers et j'inviterai les pauvres. J'imiterai Joseph, j'annoncerai à tous ma charité, je ferai entendre une parole généreuse: 'Vous tous, qui manquez de pain, venez à moi. Que chacun prenne une part suffisante des dons que Dieu m'a accordés ! Venez y puiser comme à des fontaines publiques".


Homélie de saint Basile (+ 379),  Que faire des grandes richesses?

Homélies sur la richesse, 6, 1-2; PG 31, 261 -265. in Clerus.org

samedi 19 juillet 2025

Saint Bruno de Segni, + 1123, Vie contemplative et active

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 10,38-42

Alors qu'il était en route avec ses disciples, Jésus entra dans un village. Une femme appelée Marthe le reçut dans sa maison. Elle avait une soeur, nommée Marie, qui, se tenant assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole.



Vie contemplative et vie active



Toutes les actions de notre Sauveur sont remplies de significations symboliques. Ce qu'il faisait en tous lieux avait valeur de signe. Ainsi accomplit-il toujours dans la sainte Église les actions visibles qu'il a faites en ce temps-là dans la bourgade de Béthanie. Le Seigneur Jésus entre donc chaque jour dans la bourgade de l'Eglise. Il ne dédaigne pas de la visiter continuellement. Marthe l'y accueille et le fait entrer dans sa maison.

Voyons donc ce que Marthe symbolise, de même que Marie. Chacune d'elles est vraiment le signe de quelque chose d'important, puisqu'à elles deux, elles constituent toute l'Église. Marthe symbolise la vie active, Marie la vie contemplative. Voilà pourquoi, d'après ce que dit l'Écriture, c'est Marthe, et non Marie, qui reçut le Christ dans sa maison.

Marie, en effet, n'a pas de maison, car la vie contemplative entraîne le renoncement à tous les biens de ce monde. Le contemplatif ne demande rien d'autre que de s'asseoir aux pieds du Seigneur, et de consacrer tout son temps à lire les Livres saints, à prier et à contempler Dieu. Il lui suffit encore d'écouter sans cesse la parole de Dieu et d'alimenter son âme plutôt que son corps. Telle a été la vie des prophètes, des Apôtres et de beaucoup d'autres: ils ont tout abandonné, ils ont fui le monde et se sont attachés à Dieu, eux qu'on croyait démunis de tout, et qui possédaient tout, 2 Co 6,10. Il n'y a que les hommes de bien qui mènent ce genre de vie.

Quant à la vie active, les bons et les méchants peuvent la mener. On l'appelle du reste "vie active" parce qu'elle est faite d'activités incessantes, de fatigues et de tâches sans fin, et qu'elle ne laisse presque aucune place à un moment de tranquillité. Mais nous ne parlons pas de cette espèce de vie active qui occupe les malfaiteurs, agite les tyrans, séduit les cupides, tourmente les adultères et incite tous les méchants à commettre de mauvaises actions. Comme nous ne parlons que de cette Marthe, soeur de Marie, nous ne parlons en réalité que de la vie active qui se rapproche le plus de la vie contemplative.

Cette sorte de vie active est pure, exempte de péché et très proche, en effet, de la vie contemplative. Que l'Apôtre prêche, qu'il baptise, qu'il travaille de ses mains pour vivre, qu'il parcoure les villes et qu'il se soucie de toutes les Églises, cela ne relève-t-il pas de la vie active ? Ainsi le même évangile dit-il, en parlant de Marthe, qu'elle était accaparée par les multiples occupations du service, Luc 10,40. Du reste, nous voyons encore aujourd'hui des chefs et ministres de l'Église s'affairer à courir partout, se fatiguer, se démener, se donner beaucoup de peine pour subvenir de multiples façons aux besoins de leurs frères, si bien que nous pouvons dire à juste titre qu'eux aussi sont accaparés par les multiples occupations du service.

La vie contemplative est donc meilleure que la vie active, pour la raison qu'elle est exempte de soucis et ne cessera jamais. Cependant la vie active est à ce point nécessaire que, sans elle, la vie contemplative elle-même ne peut exister ici-bas.

Prière

La seule chose qui soit vraiment nécessaire, c'est d'écouter ta Parole, ton Verbe, Seigneur Dieu. Aide-nous à ne pas nous inquiéter pour ce qui est vain, à garder la paix dans les occupations qui nous absorbent, et à trouver du temps pour nous tenir, émerveillés, aux pieds de Jésus Christ. Lui qui règne.


Homélie de saint Bruno de Segni (+1123) Commentaire sur l'évangile de Luc, 1, 10, PL 165, 390-391

Clerus.org 


samedi 28 juin 2025

Saint Hilaire, la foi de Pierre

 


Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 16,13-19

 

 

 

Jésus était venu dans la région de Césarée-de-Philippe, et il demandait à ses disciples : "Le Fils de l'homme, qui est-il, d'après ce que disent les hommes ?"






Croire que Jésus est Fils de Dieu de nom et pas de nature, n'est pas la foi évangélique et apostolique. Car si ce nom désignait l'adoption sans que pour autant le Christ soit le Fils venu de Dieu, je me pose cette question: "Pourquoi le bienheureux Simon, fils de Yonas, a-t-il proclamé : Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant, Mt 16,16 ? Est-ce parce qu'il a pu, comme tout le monde, naître fils de Dieu par le sacrement qui nous régénère?"

Si le Christ était fils de Dieu en fonction du nom qu'on lui attribue, je demande : "Qu'est-ce qui a été révélé à Pierre, non par la chair et le sang, mais par le Père qui est aux cieux ? Une croyance partagée par tous a-t-elle quelque mérite ? Et faut-il glorifier la révélation d'une chose que tout le monde connaît ? Si le Christ était fils par adoption, pourquoi la confession de Pierre lui vaudrait-elle d'être appelé bienheureux, alors qu'il n'aurait reconnu au Fils qu'une qualité commune à tous les saints ?"

Or, la foi de l'Apôtre s'est avancée au-delà des limites de l'intelligence humaine. Nul doute qu'il eût souvent entendu cette parole : Qui vous accueille m'accueille ; et qui m'accueille accueille celui qui m'a envoyé, Mt 10,40. Ainsi, Pierre savait déjà que le Christ était envoyé. Et celui qu'il savait être envoyé, il l'avait entendu déclarer: Tout m'a été confié par mon Père ; personne ne connaît le Fils, sinon le Père, et personne ne connaît le Père, sinon le Fils, Mt 11,27. Qu'est-ce que le Père a révélé alors à Pierre, et qui lui valut la gloire de voir sa confession appelée bienheureuse ? Est-ce qu'il ne connaissait pas les noms du Père et du Fils ? Il les avait entendus fréquemment.

Mais il dit une parole qu'aucune voix humaine n'avait encore prononcée: Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant, Mt 16,16. En vérité, alors même que le Christ demeurant dans la chair s'était déjà déclaré Fils de Dieu, l'Apôtre fut alors le premier à reconnaître dans la foi que la nature divine est en lui. Si Jésus, en effet, a loué Pierre, ce n'est pas uniquement pour l'avoir honoré par sa profession de foi, mais aussi pour avoir reconnu son mystère, car l'Apôtre n'a pas seulement confessé le Christ, mais il l'a aussi proclamé Fils de Dieu. Pour l'honorer, il lui eût certainement suffi de confesser: Tu es le Christ. Il eût pourtant été inutile de l'appeler Christ sans le proclamer Fils de Dieu. De fait, en disant: Tu es, Pierre a clairement déclaré la perfection et le caractère unique de la vraie nature du Fils. Et en disant: Celui-ci est mon Fils, Mt 17,5, le Père a révélé à Pierre qu'il devait proclamer : Tu es le Fils de Dieu. Car la parole Celui-ci est est l'indication donnée par celui qui révèle, tandis que l'adhésion donnée par celui qui confesse sa foi s'exprime par la réponse : Tu es.

L'Église est donc bâtie sur la pierre de cette confession. Mais un esprit de chair et de sang ne peut découvrir le sens de cette profession de foi. Appeler le Christ Fils de Dieu et, de plus, croire qu'il l'est, est un mystère qui ne peut être révélé que par Dieu. Ou alors, serait-ce le nom divin qui aurait été révélé à Pierre plutôt que la filiation de nature ? Pour ce qui est du nom, Pierre avait déjà souvent entendu le Seigneur se proclamer Fils de Dieu. Sur quoi porte donc cette glorieuse révélation ? Elle concerne certainement la nature et pas le nom, qui avait déjà été souvent proclamé.

Cette foi est le fondement de l'Église. Grâce à cette foi, la puissance de la Mort, Mt 16,18 ne pourra rien contre l'Eglise. Cette foi possède les clefs du Royaume des cieux et ce qui a été délié ou lié par elle sur la terre, est délié et lié dans les cieux. Cette foi est le don de la révélation du Père. Elle ne déclare pas mensongèrement que le Christ a été créé de rien, mais elle le proclame Fils de Dieu selon la nature qui lui est propre.
 

 Il ne reconnaît pas en Pierre, vieillard proclamé bienheureux, le témoin de la foi, le témoin pour qui le Christ a prié le Père afin que sa foi ne défaille pas, Lc 22,32 dans la tentation.

Au Christ qui le lui demandait, Pierre a réaffirmé son amour pour Dieu, et il s'est affligé de se voir encore mis à l'épreuve comme quelqu'un qui doute et qui hésite, et d'être interrogé une troisième fois. Et ainsi purifié de ses trois tentations, il a mérité de s'entendre dire trois fois par le Seigneur : Sois le berger de mes brebis, Jn 21,17. Alors que tous les Apôtres gardaient le silence, il a reconnu, grâce à une révélation du Père, que le Christ est le Fils de Dieu. Et sa bienheureuse confession de foi lui a valu une gloire suréminente, au-delà de ce que peut concevoir la faible nature humaine.


Traité de saint Hilaire (+ 367) sur la Trinité
La Trinité, livre 6, 36-37; CCL 62, 239-242.