dimanche 4 mai 2025

Saint Grégoire le Grand, le bon pasteur

4ème dimanche de Pâques, 2025


St Jean 10,11-18 
St Jean  10,27-38

En ce temps-là, Jésus dit aux pharisiens : « Je suis le Bon  Pasteur. Le Bon Pasteur donne sa vie pour ses brebis. Le mercenaire, celui qui n’est pas le pasteur, à qui les brebis n’appartiennent pas, voit-il venir le loup, il abandonne les brebis et s’enfuit. Et le loup les emporte et les disperse. Le mercenaire s’enfuit parce qu’il est mercenaire et qu’il ne se soucie pas des brebis. Je suis le Bon Pasteur; je connais mes brebis et mes brebis me connaissent, comme le Père me connaît et que je connais le Père. Et je donne ma vie pour mes brebis. J’ai encore d’autres brebis, qui ne sont pas de cette bergerie; celles-là aussi, il faut que je les conduise; et elles écouteront ma voix, et il y aura une seule bergerie et un seul Pasteur ».

Vous avez entendu, frères très chers, l’instruction qui vous est adressée par la lecture d’Evangile ; vous avez entendu aussi le péril que nous courons. Voici en effet que celui qui est bon, non par une grâce accidentelle, mais par essence, déclare : « Je suis le Bon Pasteur ». Et nous donnant le modèle de la bonté que nous devons imiter, il ajoute : « Le Bon Pasteur donne sa vie pour ses brebis ». Il a fait ce qu’il nous a enseigné ; il a montré ce qu’il nous a ordonné. Le Bon Pasteur a donné sa vie pour ses brebis au point de changer son corps et son sang en sacrement pour nous, et de rassasier par l’aliment de sa chair les brebis qu’il avait rachetées. Il nous a tracé la voie du mépris de la mort, pour que nous la suivions ; il a placé devant nous le modèle auquel nous devons nous conformer : dépenser d’abord nos biens extérieurs en toute charité pour les brebis du Seigneur, et si nécessaire, donner même à la fin notre vie pour elles. La première forme de générosité, qui est moindre, conduit à cette dernière, qui est plus élevée. Mais puisque l’âme, par laquelle nous vivons, est incomparablement supérieure aux biens terrestres que nous possédons au-dehors, comment celui qui ne donne pas de ses biens à ses brebis serait-il disposé à donner sa vie pour elles ? Car il en est qui ont plus d’amour pour les biens terrestres que pour les brebis, et qui perdent ainsi à bon droit le nom de pasteur. C’est d’eux que le texte ajoute aussitôt après : « Le mercenaire, celui qui n’est pas le pasteur, à qui les brebis n’appartiennent pas, voit-il venir le loup, il abandonne les brebis et s’enfuit ».
 
Il n’est pas appelé pasteur, mais mercenaire, celui qui fait paître les brebis du Seigneur, non parce qu’il les aime du fond du cœur, mais en vue de récompenses temporelles. Il est mercenaire, celui qui occupe la place du pasteur, mais ne cherche pas le profit des âmes. Il convoite avidement les avantages terrestres, se réjouit de l’honneur de sa charge, se repaît de profits temporels et se complaît dans le respect que lui accordent les hommes. Telles sont les récompenses du mercenaire : il trouve ici-bas le salaire qu’il désire pour la peine qu’il se donne dans sa charge de pasteur, et se prive ainsi pour l’avenir de l’héritage du troupeau. Tant que n’arrive aucun malheur, on ne peut pas bien discerner s’il est pasteur ou mercenaire. En effet, au temps de la paix, le mercenaire garde ordinairement le troupeau tout comme un vrai pasteur. Mais l’arrivée du loup montre avec quelles dispositions chacun gardait le troupeau. Un loup se jette sur les brebis chaque fois qu’un homme injuste ou ravisseur opprime les fidèles et les humbles. Celui qui semblait être le pasteur, mais ne l’était pas, abandonne alors les brebis et s’enfuit, car craignant pour lui-même le danger qui vient du loup, il n’ose pas résister à son injuste entreprise. Il fuit, non en changeant de lieu, mais en refusant son assistance. Il fuit, du fait qu’il voit l’injustice et qu’il se tait. Il fuit, parce qu’il se cache dans le silence. C’est bien à propos que le prophète dit à de tels hommes : « Vous n’êtes pas montés contre l’ennemi, et vous n’avez pas construit de mur autour de la maison d’Israël pour tenir bon dans le combat au jour du Seigneur »Ez 13, 5. Monter contre l’ennemi, c’est s’opposer par la voix libre de la raison à tout homme puissant qui se conduit mal. Nous tenons bon au jour du Seigneur dans le combat pour la maison d’Israël, et nous construisons un mur, quand par l’autorité de la justice, nous défendons les fidèles innocents victimes de l’injustice des méchants. Et parce que le mercenaire n’agit pas ainsi, il s’enfuit lorsqu’il voit venir le loup.
 
Mais il y a un autre loup, qui ne cesse chaque jour de déchirer, non les corps, mais les âmes : c’est l’esprit malin. Il rôde en tendant des pièges autour du bercail des fidèles, et il cherche la mort des âmes. C’est de ce loup qu’il est question tout de suite après : « Et le loup emporte les brebis et les disperse ». Le loup vient et le mercenaire fuit, quand l’esprit malin déchire les âmes des fidèles par la tentation et que celui qui occupe la place du pasteur n’en a pas un soin attentif. Les âmes périssent, et il ne pense, lui, qu’à jouir de ses avantages terrestres. Le loup emporte les brebis et les disperse : il entraîne tel homme à la luxure, enflamme tel autre d’avarice, exalte tel autre par l’orgueil, jette tel autre dans la division par la colère; il excite celui-ci par l’envie, renverse celui-là en le trompant. Comme le loup disperse le troupeau, le diable fait mourir le peuple fidèle par les tentations. Mais le mercenaire n’est enflammé d’aucun zèle ni animé d’aucune ferveur d’amour pour s’y opposer : ne recherchant en tout que ses avantages extérieurs, il n’a que négligence pour les dommages intérieurs du troupeau. Aussi le texte ajoute-t-il aussitôt : « Le mercenaire s’enfuit parce qu’il est mercenaire et qu’il ne se soucie pas des brebis ». En effet, la seule raison pour laquelle le mercenaire s’enfuit, c’est qu’il est mercenaire. C’est comme si l’on disait clairement : « Demeurer au milieu des brebis en danger est impossible à celui qui conduit les brebis, non par amour des brebis, mais par recherche de profits terrestres ». Car du fait qu’il s’attache aux honneurs et se complaît dans les avantages terrestres, le mercenaire hésite à s’opposer au danger, pour ne pas perdre ce qu’il aime. Après nous avoir montré les fautes du faux pasteur, notre Rédempteur revient sur le modèle auquel nous devons nous conformer, quand il affirme : « Je suis le Bon Pasteur ». Et il ajoute : « Je connais mes brebis — c’est-à-dire :  je les aime — et mes brebis me connaissent », comme pour dire clairement : « Elles me servent en m’aimant ». Car il ne connaît pas encore la Vérité, celui qui ne l’aime pas.
 
Maintenant que vous avez entendu, frères très chers, quel est notre péril, considérez également, dans les paroles du Seigneur, quel est le vôtre. Voyez si vous êtes de ses brebis, voyez si vous le connaissez, voyez si vous percevez la lumière de la Vérité. Précisons : si vous la percevez, non par la seule foi, mais par l’amour. Oui, précisons : si vous la percevez, non en vous contentant de croire, mais en agissant. En effet, le même évangéliste Jean qui parle dans l’évangile de ce jour déclare ailleurs « Celui qui dit connaître Dieu, mais ne garde pas ses commandements, est un menteur », 1 Jn 2, 4. C’est pourquoi ici le Seigneur ajoute aussitôt : « Comme le Père me connaît et que je connais le Père. Et je donne ma vie pour mes brebis ». C’est comme s’il disait clairement : « Ce qui prouve que je connais le Père et que je suis connu du Père, c’est que je donne ma vie pour mes brebis ; je montre combien j’aime le Père par cette charité qui me fait mourir pour mes brebis ». Mais parce qu’il était venu racheter, non seulement les Juifs, mais aussi les païens, il ajoute : « J’ai encore d’autres brebis, qui ne sont pas de cette bergerie; celles-là aussi, il faut que je les conduise; et elles écouteront ma voix, et il y aura une seule bergerie et un seul Pasteur ». C’est notre rédemption à nous, venus des peuples païens, que le Seigneur avait en vue lorsqu’il parlait de conduire aussi d’autres brebis. Et cela, mes frères, vous pouvez en constater chaque jour la réalisation. C’est ce que vous voyez aujourd’hui accompli dans la réconciliation des païens. Il a pour ainsi dire constitué une seule bergerie avec deux troupeaux, en réunissant les peuples juif et païen dans une même foi en sa personne, comme l’atteste Paul par ces paroles : « Il est notre paix, lui qui des deux peuples n’en a fait qu’un »Ep 2, 14. Il conduit les brebis à sa propre bergerie quand il choisit pour la vie éternelle des âmes simples de l’un et l’autre peuple. C’est de ces brebis que le Seigneur dit ailleurs : « Mes brebis écoutent ma voix, et je les connais, et elles me suivent, et je leur donne la vie éternelle »Jn 10, 27-28. C’est d’elles qu’il déclare un peu plus haut : « Si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé, et il entrera et il sortira, et il trouvera des pâturages »Jn 10, 9. Il entrera en venant à la foi ; il sortira en passant de la foi à la vision face à face, de la croyance à la contemplation; et il trouvera pour s’y rassasier des pâturages d’éternité (suite et fin du sermon de Saint Grégoire le Grand).

(Début du sermon de Saint Grégoire le Grand) « Les brebis du Seigneur trouvent des pâturages, puisque tous ceux qui le suivent d’un cœur simple se rassasient en pâturant dans des prairies éternellement vertes.
Et quels sont les pâturages de ces brebis, sinon les joies intérieures d’un paradis à jamais verdoyant ? Car les pâturages des élus sont la présence du visage de Dieu, dont une contemplation ininterrompue rassasie indéfiniment l’âme d’un aliment de vie. Ceux qui ont échappé aux pièges du plaisir fugitif goûtent, dans ces pâturages, la joie d’un éternel rassasiement. Là les chœurs des anges chantent des hymnes; là sont réunis les citoyens du Ciel. Là se célèbre une fête solennelle et douce pour ceux qui reviennent de ce triste et pénible exil terrestre. Là se rencontrent les chœurs des prophètes qui ont prévu l’avenir; là siège pour juger le groupe des apôtres ; là est couronnée l’armée victorieuse des innombrables martyrs, d’autant plus joyeuse là-haut qu’elle a été plus cruellement éprouvée ici-bas; là, les confesseurs sont consolés de leur constance par la récompense qu’ils reçoivent; là se rencontrent les hommes fidèles dont les voluptés du monde n’ont pu amollir la robuste virilité, là les saintes femmes qui, outre le monde, ont vaincu la faiblesse de leur sexe, là les enfants qui ont devancé le nombre des années par la maturité de leurs mœurs, là enfin les vieillards que l’âge a rendus si faibles, sans pourtant leur faire perdre le cœur à l’ouvrage.

Recherchons donc, frères très chers, ces pâturages où nous partagerons la fête et la joie de tels concitoyens. Le bonheur même de ceux qui s’y réjouissent nous y invite. N’est-il pas vrai que si le peuple organisait quelque part une grande foire, ou qu’il accourait à l’annonce de la dédicace solennelle d’une église, nous nous empresserions de nous retrouver tous ensemble ? Chacun ferait tout pour y être présent, et croirait avoir beaucoup perdu s’il n’avait eu le spectacle de l’allégresse commune. Or voici que dans la cité céleste, les élus sont dans l’allégresse et se félicitent à l’envi au sein de leur réunion; et cependant, nous demeurons tièdes quand il s’agit d’aimer l’éternité, nous ne brûlons d’aucun désir, et nous ne cherchons pas à prendre part à une fête si magnifique. Et privés de ces joies, nous sommes contents !

Réveillons donc nos âmes, mes frères ! Que notre foi se réchauffe pour ce qu’elle a cru, et que nos désirs s’enflamment pour les biens d’en haut : les aimer, c’est déjà y aller. Ne laissons aucune épreuve nous détourner de la joie de cette fête intérieure : lorsqu’on désire se rendre à un endroit donné, la difficulté de la route, quelle qu’elle soit, ne peut détourner de ce désir. Ne nous laissons pas non plus séduire par les caresses des réussites. Combien sot, en effet, est le voyageur qui, remarquant d’agréables prairies sur son chemin, oublie d’aller où il voulait. Que notre âme ne respire donc plus que du désir de la patrie céleste, qu’elle ne convoite plus rien en ce monde, puisqu’il lui faudra assurément l’abandonner bien vite. Ainsi, étant de vraies brebis du céleste Pasteur, et ne nous attardant pas aux plaisirs de la route, nous pourrons, une fois arrivés, nous rassasier dans les pâturages éternels ».

Notredamedesneiges.over-blog.com

Extrait d’un Sermon sur le Bon Pasteur, par le Pape Saint Grégoire le Grand,

mardi 29 avril 2025

Saint Augustin, Aimer le Christ, aimer nos frères

 

3e dimanche de Pâques C


Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
21,1-19

Jésus se manifesta encore aux disciples sur le bord du lac de Tibériade, et voici comment. Il y avait là Simon-Pierre avec Thomas, dont le nom signifie "Jumeau", Nathanaël de Cana en Galilée, les fils de Zébédée, et deux autres disciples. Simon-Pierre leur dit : "Je m'en vais à la pêche."




Voici que le Seigneur, après sa résurrection, apparaît de nouveau à ses disciples. Il interroge l'apôtre Pierre, il oblige celui-ci à confesser son amour, alors qu'il l'avait renié trois fois par peur. Le Christ est ressuscité selon la chair, et Pierre selon l'esprit. Comme le Christ était mort en souffrant, Pierre est mort en reniant. Le Seigneur Christ était ressuscité d'entre les morts, et il a ressuscité Pierre grâce à l'amour que celui-ci lui portait. Il a interrogé l'amour de celui qui le confessait maintenant, et il lui a confié son troupeau.

Qu'est-ce donc que Pierre apportait au Christ du fait qu'il aimait le Christ ? Si le Christ t'aime, c'est profit pour toi, non pour le Christ. Si tu aimes le Christ, c'est encore profit pour toi, non pour lui. Cependant le Seigneur Christ, voulant nous montrer comment les hommes doivent prouver qu'ils l'aiment, nous le révèle clairement: en aimant ses brebis.

Simon, fils de Jean, m'aimes-tu ? - Je t'aime. - Sois le pasteur de mes brebis. Et cela une fois, deux fois, trois fois. Pierre ne dit rien que son amour. Le Seigneur ne lui demande rien d'autre que de l'aimer, il ne lui confie rien d'autre que ses brebis. Aimons-nous donc mutuellement, et nous aimerons le Christ. Le Christ, en effet, éternellement Dieu, est né homme dans le temps. Il est apparu aux hommes comme un homme et un fils d'homme. Étant Dieu dans l'homme, il a fait beaucoup de miracles. Il a beaucoup souffert, en tant qu'homme, de la part des hommes, mais il est ressuscité après la mort, parce que Dieu était dans l'homme. Il a encore passé quarante jours sur la terre, comme un homme avec les hommes. Puis, sous leurs yeux, il est monté au ciel comme étant Dieu dans l'homme, et il s'est assis à la droite du Père. Tout cela nous le croyons, nous ne le voyons pas. Nous avons reçu l'ordre d'aimer le Christ Seigneur que nous ne voyons pas, et nous crions tous : "J'aime le Christ".

Mais, si tu n'aimes pas ton frère que tu vois, comment peux-tu aimer Dieu que tu ne vois pas 1 Jn 4,20 ? En aimant les brebis, montre que tu aimes le Pasteur, car justement, les brebis sont les membres du Pasteur. Pour que les brebis soient ses membres, le Pasteur a consenti à devenir la brebis conduite à la boucherie Is 53,7. Pour que les brebis soient ses membres, il a été dit de lui : Voici l'Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde Jn 1,29. Mais cet agneau avait une grande force. Veux-tu savoir quelle force s'est manifestée chez cet agneau ? L'agneau a été crucifié, et le lion a été vaincu.

Voyez et considérez avec quelle puissance le Seigneur Christ gouverne le monde, lui qui a vaincu le démon par sa mort. Aimons-le donc, et que rien ne nous soit plus cher que lui.


Sermon Guelferbytanus 16, 1, PLS 2, 579
Clerus.org homeliaire

samedi 26 avril 2025

Basile de Séleucie, Jésus entre toutes portes closes

2ème dimanche de Pâques

         Saint Jean 20,19-31                                   

                                                                                                     Jésus entre toutes portes closes 





Ceux qui doutaient de sa Résurrection, sont alors frappés de stupeur. Mais Thomas, alors absent, demeure incrédule. Thomas désire voir Jésus de ses propres yeux. L’impatience le brûle quand il dit : - Si je ne mets mon doigt dans la marque des clous, et si je ne mets ma main dans son flanc, je ne croirai pas. Il veut être lui-même témoin du Seigneur. Et le Seigneur réapparaît, il dissipe la tristesse de son disciple et vient combler son attente : Jésus entre toutes portes closes.

Cet exploit inouï confirme sa résurrection inouïe. - Mets ton doigt dans la marque des clous, dit-il à son disciple Thomas. Je connais ton désir. Je sais ce que tu penses. Je connais tes doutes, et je t’ai fait attendre, pour mieux regarder ton impatience. - Mets ton doigt dans la marque des clous, mets ta main dans mon flanc, et ne sois plus incrédule, mais crois.

Alors Thomas le touche, toute sa défiance tombe, et comblé d’une foi sincère et de tout l’amour que l’on doit à son Dieu, il s’écrie : - Mon Seigneur et mon Dieu ! Et le Seigneur lui dit : - Parce que tu m’as vu, tu as cru ; heureux ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru !

Thomas, porte la nouvelle de ma résurrection à ceux qui ne m’ont point vu. Dis-leur qu’ils sont appelés par grâce, et contemple leur foi. - Heureux en vérité ceux qui n’ont pas vu et ont cru !

Telles sont les oeuvres de la grâce et la moisson de l’Esprit.

Ils ont suivi le Christ sans l’avoir vu, ils l’ont cherché et ils ont cru.

Ils l’ont reconnu avec les yeux de la foi, non les yeux du corps.

Ils n’ont pas mis leurs doigts dans les marques des clous, mais, par la grâce, ils se sont attachés au Christ et ils ont fait leur cette parole du Seigneur :

- Heureux ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru !


in Monique-Anne Giroux, Les chemins de la grâce, Collection Orantes de l'Assomption

samedi 19 avril 2025

ENVOI EN MISSION EN GALILEE

 

Lire l’Évangile de Matthieu 28, 8-15
 
En ce temps-là, quand les femmes eurent entendu les paroles de l’ange, 
vite, elles quittèrent le tombeau, remplies à la fois de crainte et d’une grande joie, 
et elles coururent porter la nouvelle à ses disciples. 
Et voici que Jésus vint à leur rencontre et leur dit : « Je vous salue. »
 
Elles s’approchèrent, lui saisirent les pieds et se prosternèrent devant lui. 
Alors Jésus leur dit : « Soyez sans crainte, allez annoncer à mes frères qu’ils doivent se rendre en Galilée : c’est là qu’ils me verront. » 
 
Tandis qu’elles étaient en chemin, quelques-uns des gardes allèrent en ville annoncer aux grands prêtres tout ce qui s’était passé. 
Ceux-ci, après s’être réunis avec les anciens et avoir tenu conseil, donnèrent aux soldats une forte somme en disant : « Voici ce que vous direz : “Ses disciples sont venus voler le corps, la nuit pendant que nous dormions.” 
Et si tout cela vient aux oreilles du gouverneur, nous lui expliquerons la chose, et nous vous éviterons tout ennui. » 
Les soldats prirent l’argent et suivirent les instructions. 
Et cette explication s’est propagée chez les Juifs jusqu’à aujourd’hui. (AELF)
 

Saint Éphrem, 4ème siècle, Hymne sur la Résurrection.

Diacre, Docteur de l’Église, théologien et chantre des églises de langue syriaque. 



Le Christ nous a illuminés de sa joyeuse Lumière

 Jésus, notre Seigneur, nous est apparu du sein du Père.

 Il est venu, nous a tirés des ténèbres et illuminés de sa joyeuse Lumière.

 

 

 

 

 

Le jour s’est levé pour les hommes.

La puissance des ténèbres est chassée.

Sa Lumière a éclairé nos yeux obscurcis.

Il a fait lever sa gloire sur le monde et il a éclairé les plus profonds abîmes.

La mort est anéantie, les ténèbres ont pris fin.

 

Il a illuminé toutes les créatures, ténèbres depuis les temps anciens.

Il a réalisé le salut et nous a donné la vie.

Il reviendra dans la gloire,

il éclairera les yeux de tous ceux qui l’auront attendu.

 

Notre Roi vient dans Sa grande gloire.

Allumons nos lampes, sortons à sa rencontre, Mt 25,6.

Réjouissons-nous en Lui

comme Il s’est réjoui en nous et nous réjouit par sa glorieuse Lumière.

 

Levez-vous, préparez-vous pour rendre grâce

à Celui qui reviendra dans sa gloire et nous réjouira de sa joyeuse Lumière dans le Royaume.

Amen.

Orantes de l'Assomption, textes pour l'office des lectures, présentés par soeur Monique-Anne Giroux, Or.A., T 2, 232.


mercredi 16 avril 2025

Saint Grégoire le Grand, Le mystère de Pâques Ne me retiens pas

 

Saint Grégoire le Grand, 7ème siècle. 64ème pape, docteur et Père de l'Église d'occident. Le mystère de Pâques, Centurion, p. 292. Pour Grégoire, Marie de Magdala, Marie, sœur de Marthe et la pécheresse sont un même personnage. Samedi Saint


Ne me retiens pas
, Jn 20,17.

Pourquoi Marie ne peut-elle pas toucher Jésus ? Il lui dit : - Ne me retiens pas, car je ne suis pas encore monté vers le Père. En notre cœur, Jésus monte vers le Père si nous le tenons pour l’égal du Père. Sinon, il n’est pas encore monté en notre cœur vers le Père. Celui qui croit le Fils coéternel au Père, celui-là touche véritablement Jésus.

Saint Paul avait déjà, en son cœur, fait monter Jésus vers le Père, lorsqu’il disait : - Le Christ Jésus, ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu, Ph 2,6.

Jean lui aussi touchait le Sauveur des mains de la foi. - Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était au commencement auprès de Dieu, Jn 1, 1-2. Il touche le Seigneur, celui qui le croit égal au Père et de substance éternelle.


Mais comment le Fils peut-il être égal à son Père ? Voici le témoignage de Paul : - Le Christ, est puissance de Dieu et sagesse de Dieu, 1 Co 1, 24. Prétendre que le Christ lui est inférieur, n’est rien d’autre que diminuer le Père, en lui déniant la sagesse de son Fils. Or le Seigneur dit encore : - Le Père et moi, nous sommes UN, Jn 10, 30. - Le Père est plus grand que moi, Jn 14,28. Il est aussi écrit à son sujet : - Il était soumis à ses parents, Lc 2, 51. il s’estime plus petit que son Père qui est dans les cieux, quand sur la terre et dans la condition humaine, il obéit à ses parents. C’est parce qu’il est homme qu’il dit à Marie : - Va trouver mes frères pour leur dire que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu, Jn 20,17. Au lieu de dire mon et votre, pourquoi ne dit-il pas notre Père ? La distinction qu’il opère ici marque que le Dieu Père n’est pas le même pour lui et pour nous. – Je monte vers mon Père, qui l’est par nature. - Votre Père, l’est par grâce. - Vers mon Père, parce que je suis descendu. – Vers votre Père, parce que vous monterez. Dieu est à moi, car je suis homme aussi. Dieu est à vous, parce que vous avez été délivrés de l’erreur. Dieu Père m’a engendré Dieu avant le temps. Dieu vous a créés hommes avec moi à la fin des temps.

Marie Madeleine s’en va donc annoncer aux disciples : - J’ai vu le Seigneur ! Et elle raconta ce qu’il lui avait dit, Jn 20,18.

Le péché des hommes quitte ici le cœur d’où il était issu. C’est une femme qui, au paradis, tend à l’homme le fruit de la mort. C’est une femme qui, au tombeau, annonce la vie aux hommes, et rapporte les paroles de Celui qui vivifie, après avoir répété les propos du funeste serpent. Comme si le Seigneur disait aux hommes, non par des mots, mais des actes : - la main qui vous a tendu le breuvage de mort, vous présente aujourd’hui la coupe de vie.

Marie s’érige en témoin de la compassion de Dieu. Mort, elle le cherchait. Et elle trouva vivant celui qu’elle cherchait mort. Elle trouva en Lui tant de grâce que c’est elle qui porta la nouvelle aux apôtres, aux messagers de Dieu.

Voilà l’infinie tendresse de notre Créateur, qui pour ranimer notre conscience, dispose partout des exemples de pécheurs repentis. En regardant Pierre, le larron, Zachée, Marie Madeleine, nous ne voyons que des appels à l’espérance et au repentir. Dieu Tout-Puissant nous offre partout des exemples, et dispose des signes de sa compassion. Dieu Tout-Puissant oublie volontiers que nous avons commis le mal, et il est prêt à regarder notre repentir comme l’innocence même. Déplorez vos péchés d’hier, prévenez ceux qui, aujourd’hui, vous menacent. Notre Rédempteur consolera vos larmes d’un jour, dans sa joie éternelle, car il vit et règne avec Dieu notre Père, dans l’unité du Saint-Esprit, et il est Dieu dans tous les siècles des siècles. Amen.

Saint Grégoire le Grand, 7ème siècle. 64ème papedocteur ePère de l'Église d'occident. Le mystère de Pâques, Centurion, p. 292. Pour Grégoire, Marie de Magdala, Marie, sœur de Marthe et la pécheresse sont un même personnage. Samedi Saint



Saint Éphrem le Syrien, 4ème siècle. Deuxième Nocturne du Vendredi Saint

 


vendredi saint 18 avril 2025




Aujourd'hui s'avance la Croix, la création exulte ; la Croix, chemin des égarés, espoir des chrétiens, prédication des Apôtres, sécurité de l'univers, fondement de l'Église, fontaine pour ceux qui ont soif.

Aujourd'hui s'avance la Croix et les enfers sont ébranlés. Les Mains de Jésus sont fixées par les clous, et les liens qui attachaient les morts sont déliés. Aujourd'hui, le Sang qui ruisselle de la Croix parvient jusqu'aux tombeaux et fait germer la vie dans les enfers. Dans une grande douceur Jésus est conduit à la Passion, bénissant Ses douleurs à toute heure : Il est conduit au jugement de Pilate qui siège au prétoire ; à la sixième heure on Le raille ; jusqu'à la neuvième heure, Il supporte la douleur des clous, puis Sa mort met fin à sa Passion. A la douzième heure, Il est déposé de la Croix : on dirait un lion qui dort. Alors Il descend aux enfers, désirant voir les justes qui se reposent de leurs fatigues et Il les passe en revue comme un roi regardant son armée au repos à l'heure de midi, Il dit : - Me voici, je viens. Et toute l'armée se dresse aussitôt.

Mais revenons à la Passion. Pendant le jugement, la Sagesse se tait et la Parole ne dit rien.

Ses ennemis Le méprisent et Le mettent en Croix.

Aussitôt, l'univers est ébranlé, le jour disparaît et le ciel s'obscurcit.

On Le couvre d'un vêtement dérisoire, on Le crucifie entre deux brigands.

Ceux à qui, hier, Il avait donné son corps en nourriture le regardent mourir de loin. Pierre, le premier des Apôtres, a fui le premier. André aussi a pris la fuite, et Jean qui reposait sur son côté n'a pas empêché un soldat de percer ce Côté de sa lance. Le chœur des Douze s'est enfui. Ils n'ont pas dit un mot pour Lui, eux pour qui Il donne sa vie. Lazare n'est pas là qu'Il a rappelé à la vie, l'aveugle n'a pas pleuré Celui qui a ouvert ses yeux à la lumière, et le boiteux, qui grâce à Lui pouvait marcher, n'a pas couru auprès de Lui. Seul un bandit crucifié à Son côté Le confesse et L'appelle son roi, au scandale des juifs. Ô larron, fleur précoce de l'arbre de la Croix, premier fruit du bois du Golgotha.

Désormais, par la Croix, les ombres sont dissipées et la vérité se lève, comme nous le dit l'Apôtre (Paul) : - L'ancien monde est passé, toutes choses sont nouvelles.  La mort est dépouillée, l'enfer livre ses captifs, l'homme est libre, le Seigneur règne, la création est dans la joie. La croix triomphe et toutes les nations, tribus, langues et peuples viennent pour L'adorer. Nous trouvons en elle notre joie avec le bienheureux Paul qui s'écrie : - Loin de moi la pensée de trouver ma gloire ailleurs que dans la Croix de Jésus-Christ notre Seigneur.  La Croix rend la lumière à l'univers entier, elle chasse les ténèbres et rassemble les nations de l'Occident, du Nord, de la mer et de l'Orient en une seule Église, une seule foi, un seul baptême dans la charité.

Elle se dresse au centre du monde, fixée sur le calvaire. Armés de la Croix, les Apôtres s'en vont prêcher et rassembler dans son adoration tout l'univers, foulant aux pieds toute puissance hostile. Par elle, les martyrs ont confessé la foi avec audace et n'ont pas craint les ruses des tyrans. S'en étant chargés, les moines, dans une immense joie, ont fait de la solitude leur séjour. Cette Croix paraîtra lors du retour du Christ, la première dans le ciel, sceptre précieux, vivant, véritable et saint du grand Roi : - Alors, dit le Seigneur, apparaîtra dans le ciel le signe du Fils de l'homme.  Nous la verrons, escortée par les anges, illuminant la terre, d'un bout de l'univers à l'autre, plus claire que le soleil, annonçant le jour du Seigneur. Ainsi soit-il. 

samedi 12 avril 2025

Pape Benoît XVI, messe de la cène du Seigneur 2011

 


JEUDI SAINT 








Chers frères et sœurs,

«J’ai ardemment désiré manger cette Pâque avec vous avant de souffrir !» (Lc22, 15). Par ces mots, Jésus a ouvert la célébration de son dernier banquet et de l’institution de la sainte Eucharistie. Jésus est allé au devant de cette heure, en la désirant. Au fond de lui-même, il a attendu ce moment où il se donnerait lui-même aux siens sous les espèces du pain et du vin. Il a attendu ce moment qui aurait dû être en quelque sorte les véritables noces messianiques : la transformation des dons de cette terre et le fait de devenir un avec les siens, pour les transformer et inaugurer ainsi la transformation du monde. Dans le désir de Jésus, nous pouvons reconnaître le désir de Dieu lui-même – son amour pour les hommes, pour sa création, un amour en attente. L’amour qui attend le moment de l’union, l’amour qui veut attirer les hommes à soi, pour ainsi réaliser entièrement le désir de la création elle-même : en effet, celle-ci est tendue vers la manifestation des fils de Dieu (cf. Rm 8, 19). Jésus nous désire, il nous attend. 

Et nous, le désirons-nous vraiment ? 

Nous sentons-nous poussés intérieurement à le rencontrer ? 

Désirons-nous ardemment sa proximité, devenir un avec lui, don qu’il nous fait dans la sainte Eucharistie ?  

Ou bien sommes-nous indifférents, distraits, remplis d’autres choses ? 

D’après les paraboles de Jésus sur les banquets, nous savons qu’il connaît la réalité des places restées vides, la réponse négative, le désintérêt pour lui et pour sa proximité. Les places vides au banquet nuptial du Seigneur, avec ou sans excuses, sont pour nous, depuis longtemps désormais, non pas une parabole, mais une réalité présente, précisément dans ces pays auxquels il avait manifesté sa proximité particulière. Jésus savait aussi que des invités seraient venus, oui, mais sans être revêtus de l’habit nuptial – sans la joie de sa proximité, suivant seulement une habitude, et avec une tout autre orientation de leur vie. Saint Grégoire le Grand, dans une de ses homélies, se demandait : quel genre de personnes sont celles qui viennent sans habit nuptial ? En quoi consiste cet habit et comment l’acquiert-on ? Sa réponse est : ceux qui ont été appelés et viennent ont en quelque sorte la foi. C’est la foi qui leur ouvre la porte. Mais il leur manque l’habit nuptial de l’amour. Celui qui ne vit pas la foi en tant qu’amour n’est pas préparé pour les noces et il est jeté dehors. La communion eucharistique requiert la foi, mais la foi requiert l’amour, autrement elle est morte aussi comme foi.

À travers les quatre Évangiles, nous savons que le dernier banquet de Jésus, avant sa Passion, a été aussi un lieu d’annonce. Jésus a proposé encore une fois avec insistance les éléments fondamentaux de son message. Parole et Sacrement, message et don sont inséparablement unis. Cependant, durant son dernier banquet, Jésus a surtout prié. Matthieu, Marc et Luc utilisent deux mots pour décrire la prière de Jésus au moment central de la Cène: «eucharistesas» et «eulogesas» - «remercier» et «bénir». Le mouvement ascendant du remerciement et celui descendant de la bénédiction vont ensemble. Les paroles de la transsubstantiation font partie de cette prière de Jésus. Ce sont des paroles de prière. Jésus transforme sa Passion en prière, en offrande au Père pour les hommes. Cette transformation de sa souffrance en amour possède une force transformante pour les dons dans lesquels, à présent, il se donne lui-même. Il nous les donne afin que nous-mêmes et le monde soyons transformés. Le but véritable et dernier de la transformation eucharistique c’est notre transformation elle-même dans la communion avec le Christ. L’Eucharistie vise l’homme nouveau, le monde nouveau tel qu’il peut naître uniquement à partir de Dieu à travers l’œuvre du Serviteur de Dieu.

Grâce à Luc et surtout à Jean, nous savons que Jésus dans sa prière durant la Dernière Cène a aussi adressé des suppliques au Père – suppliques qui, en même temps, contiennent des appels à ses disciples d’alors et de tout temps. En cette heure, je voudrais choisir uniquement une supplique que, selon Jean, Jésus a répétée quatre fois au cours de sa Prière sacerdotale. Combien a-t-elle dû le préoccuper en son for intérieur! Elle reste constamment sa prière au Père pour nous : c’est la prière pour l’unité. Jésus dit explicitement que cette supplique n’est pas valable seulement pour les disciples présents à ce moment-là, mais qu’elle concerne tous ceux qui croiront en lui (cf. Jn 17, 20). Elle demande que tous soient un «comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, afin que le monde croie» (Jn 17, 21). L’unité des chrétiens ne peut se réaliser que si les chrétiens sont intimement unis à lui, à Jésus. Foi et amour pour Jésus, foi dans son être un avec le Père et ouverture à l’unité avec lui sont essentiels. Cette unité n’est donc pas seulement quelque chose d’intérieur, de mystique. Elle doit devenir visible, visible au point de constituer pour le monde la preuve que Jésus a été envoyé en mission par le Père. C’est pour cela que cette supplique a un sens eucharistique caché que Paul a clairement mis en évidence dans la Première Lettre aux Corinthiens : «Le pain que nous rompons, n’est-il pas communion au corps du Christ ? Puisqu’il y a un seul pain, à plusieurs nous ne sommes qu’un corps, car tous nous participons à ce pain unique.» (1 Co 10, 16s). Avec l’Eucharistie naît l’Église. Nous tous nous mangeons le même pain, nous recevons le même corps du Seigneur, ce qui signifie qu’Il ouvre chacun de nous, au-delà de lui-même. Il nous rend tous un. L’Eucharistie est le mystère de la proximité et de la communion intimes de chacun avec le Seigneur. Et, en même temps, elle est l’union visible de tous. L’Eucharistie est Sacrement de l’unité. Elle parvient jusque dans le mystère trinitaire, et elle crée ainsi, en même temps, l’unité visible. Disons-le encore une fois : elle est la rencontre très personnelle avec le Seigneur et, toutefois, elle n’est jamais seulement un acte individuel de dévotion. Nous la célébrons nécessairement tous ensemble. Dans chaque communauté, le Seigneur est présent de manière totale. Mais il est un seul dans toutes les communautés. C’est pourquoi les paroles: «Una cum Papa nostro et cum Episcopo nostro» font nécessairement partie de la prière eucharistique de l’Église. Ce n’est pas un ajout extérieur à ce qui se produit intérieurement, mais une expression nécessaire de la réalité eucharistique elle-même. Et nous mentionnons le Pape et l’Évêque par leur nom de domaine: l’unité est tout-à-fait concrète, elle porte des noms. Ainsi l’unité devient visible, elle devient signe pour le monde et elle établit pour nous-mêmes un critère concret.

Saint Luc a conservé pour nous un élément concret de la prière de Jésus pour l’unité : «Simon, Simon, voici que Satan vous a réclamés pour vous cribler comme le froment; mais moi j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas. Toi donc, quand tu seras revenu, affermis tes frères» (Lc 22, 31s). Aujourd’hui nous constatons de nouveau avec douleur qu’il a été concédé à Satan de cribler les disciples, de manière visible, face au monde entier. Et nous savons que Jésus prie pour la foi de Pierre et de ses successeurs. Nous savons que Pierre qui, à travers les eaux agitées de l’histoire va à la rencontre du Seigneur et risque de couler, est toujours à nouveau soutenu par la main du Seigneur et guidé sur les eaux. Mais après suit une annonce et une tâche. «Toi donc, quand tu seras revenu…» : Tous les êtres humains, excepté Marie, ont continuellement besoin de conversion. Jésus prédit à Pierre sa chute et sa conversion. De quoi Pierre a-t-il dû se convertir ? Au début, lors de son appel, effrayé par le pouvoir divin du Seigneur et par sa propre misère, Pierre avait dit : «Éloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur!» (Lc 5, 8). À la lumière du Seigneur, il reconnaît son imperfection. C’est précisément ainsi, dans l’humilité de celui qui se sait pécheur, qu’il est appelé. Il doit toujours retrouver à nouveau cette humilité. Près de Césarée de Philippe, Pierre n’avait pas voulu accepter que Jésus ait à souffrir et à être crucifié. Cela n’était pas conciliable avec l’image qu’il se faisait de Dieu et du Messie. Au Cénacle, il n’a pas voulu accepter que Jésus lui lave les pieds: cela n’allait pas avec son idée de la dignité du Maître. Au Jardin des Oliviers, il a frappé de son glaive. Il voulait démontrer son courage. Cependant, devant la servante, il a affirmé ne pas connaître Jésus. À ce moment-là, cela ne lui semblait qu’un petit mensonge, pour pouvoir rester près de Jésus. Son héroïsme s’est effondré à cause d’un jeu mesquin pour une place au centre des évènements. Nous tous nous devons toujours à nouveau apprendre à accepter Dieu et Jésus Christ tel qu’il est, et non tel que nous voudrions qu’il soit. Nous aussi nous avons du mal à accepter qu’il se soit lié aux limites de son Église et de ses ministres. Nous non plus nous ne voulons pas accepter qu’il soit sans pouvoir en ce monde. Nous aussi nous nous cachons derrière des prétextes, lorsque notre appartenance au Christ devient trop coûteuse et trop dangereuse. Nous tous nous avons besoin de conversion pour accueillir Jésus dans son être-Dieu et son être-Homme. Nous avons besoin de l’humilité du disciple qui observe la volonté du Maître. En cette heure, nous voulons le prier de nous regarder nous aussi comme il a regardé Pierre, au moment propice, avec ses yeux bienveillants, et de nous convertir.

Pierre, le converti, est appelé à affermir ses frères. Ce n’est pas un fait extérieur que cette tâche lui soit confiée au Cénacle. Le service de l’unité a son lieu visible dans la célébration de la sainte Eucharistie. Chers amis, pour le Pape c’est un grand réconfort que de savoir qu’au cours de chaque Célébration eucharistique, tous prient pour lui ; que notre prière s’unit à la prière du Seigneur pour Pierre. C’est seulement grâce à la prière du Seigneur et de l’Église que le Pape peut accomplir sa tâche d’affermir ses frères – de paître le troupeau de Jésus et de se porter garant de cette unité qui devient témoignage visible de la mission de Jésus de la part du Père.

«J’ai ardemment désiré manger cette Pâque avec vous». Seigneur, tu nous désires, tu me désires. Tu désires te donner toi-même à nous dans la sainte Eucharistie, t’unir à nous. Seigneur, suscite aussi en nous le désir de toi. Renforce-nous dans l’unité avec toi et entre nous. Donne à ton Église l’unité, afin que le monde croie. Amen.

MESSE DE LA CÈNE DU SEIGNEUR

HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVI

Basilique Saint-Jean-de-Latran
Jeudi Saint, 21 avril 2011