Conseil de congrégation 2-23 décembre 2019
… «Le silence
extérieur est certainement recommandé dans la vie religieuse, mais c'est
surtout le silence intérieur qui est demandé. Le silence extérieur en est la
sauvegarde, et je vous le recommande. Le silence intérieur est celui qu'on
garde en union avec Notre-Seigneur, il faut vivre en silence dans le cœur de
Notre-Seigneur et ne pas chercher autre chose qui nous détourne des vraies
fontaines du Sauveur où nous devons puiser.... »,
Mère Isabelle, Instruction
du 12 Juin 1915 - Constitutions - Chapitre XII
- Du silence.
Le silence
est à vivre comme une attitude fondamentale du Verbe incarné, et une manière de
nous mettre à la suite du Christ.
Le silence de la nuit de Bethléem, Lc 2,1-14 se prolonge
pendant toute la vie de Jésus.
Le silence de sa longue vie cachée à Nazareth est à la source du jaillissement
de sa prédication. Et celle-ci se nourrit de la communion au Père vécue dans la
solitude du désert et des nuits de prière.
Nous pouvons contempler le silence
intérieur de Jésus qui domine les esprits, les tempêtes, et bien des agitations
humaines. L’incompréhension de ses amis et de ses ennemis le conduit au silence
extrême de sa passion et de sa mort.
« Jésus se taisait », Mt 26,63 ; 27,12-14.
« Brutalisé, il n’ouvre pas la
bouche », Is 53,7.
Devant l’injustice des hommes, le
Christ est le serviteur fidèle, remettant sa cause entre les mains de Dieu.
Silence de
Jésus devant Pilate.
Silence du
Père ressenti par Jésus à Gethsémani et sur la Croix. Le silence du Vendredi Saint
vécu sous le mode de l’absence empêche pendant un temps d’entrevoir où il
conduit, à la vie en plénitude.
Silence du
tombeau... où rien ne semble subsister, si ce n’est le vide de la souffrance,
de la séparation, le vide d’une espérance inachevée. La Présence devient
absence et tout semble perdu.
Le silence
de Dieu traverse les jours saints et nous prépare à l’accueil de la Parole du
Christ Ressuscité, comme la mort nous prépare à vivre de la plénitude de sa
Vie.
C’est dans le silence, la solitude et la nuit que se réalise le triomphe de la Résurrection.
Pas de paroles mais le silence du pouvoir de Dieu sur le péché et la mort. La
totale union entre Jésus et son Père, la même vie divine du Verbe dans le Père
et l’Esprit, est essentiellement silence.
Le silence ne serait-il pas dans
notre vie un passage nécessaire à notre ouverture à la
manifestation de Dieu ? Rappelons-nous l’Homélie ancienne du Samedi Saint que nous offre le livre des
heures à la veille de Pâques.
- "Que se passe-t-il ? Aujourd’hui grand silence
sur la terre - et ensuite solitude - parce que Dieu s’est endormi dans la
chair. Il veut visiter ceux qui demeurent dans les ténèbres et dans l’ombre de
la mort. C’est vers l’homme captif que Dieu se dirige pour le délivrer. Il le
relève en disant : -"C’est moi qui, pour toi, te parle maintenant,-
Eveille-toi - Relève-toi - Sois illuminé..."
Le silence n’est rien par lui-même, sinon par le fruit qu’il porte, la
parole qu’il engendre. Devant Dieu, la ténèbre n’est pas ténèbre, et le silence
comme la Parole illumine le dialogue. Silence de Dieu et silence de l’homme. L’Écriture
nous en donne de nombreux exemples.
"Yahvé, ne sois pas muet, Seigneur
ne sois pas loin", Ps 64,22.
Souvent
perçu comme un éloignement, voire un abandon, le silence de Dieu ne signifie
pourtant pas forcément une interruption du dialogue. Il est le plus souvent le
reflet de son infinie patience.
"Certains l’accusent de retard, mais il use de
patience envers vous, voulant que personne ne périsse, mais que tous arrivent
au repentir" 2 Pr 3,9.
Aux jours
d’infidélité, il nous attend pour renouer le dialogue : - "Va et dis-leur..."
À travers
les prophètes, Dieu nous montre une autre forme de son amour patient et
silencieux. Pour ne pas effaroucher son peuple tiède ou pécheur, Dieu ne parle
pas directement.
Dans
d’autres circonstances, parler est indispensable pour ne pas manquer à la confession
de Dieu, Mt 26,64. C’est dans
cette perspective, "qu’une nuit, dans une vision, le Seigneur dit à Paul :
- "Sois sans crainte. Continue de
parler, ne te tais pas, Ac 18,9. Dans les formes et les
circonstances les plus diverses, la parole du disciple cherche à annoncer la Bonne
Nouvelle de l’amour et du salut.
"Ecoute, Israël", Dt 6,4.
Toute Parole de Dieu est une invitation à l’écoute et
contient en elle-même la profondeur et le sens du silence.
« Marie retenait tous ces événements et les
méditait dans son cœur », Luc 2,19-51.
Avant d’être
exprimée en paroles et en actes, la proclamation de l’Évangile s’enracine dans
l’humble silence de l’adoration et de la méditation du cœur. Chemin d’accès au
repos, le silence est aussi ouverture à la Révélation que le Seigneur a promis
aux petits, « … », Mt 11,25.
Le silence est une part essentielle du langage de Dieu. Sans silence, Dieu ne
peut révéler tout son être, toute sa vérité. Sans silence, il serait impossible
à l’homme de percevoir la révélation de Dieu. Aussi Dieu éduque l’homme au moyen de sa Parole et de son silence.
Solitude et silence, communication et parole, expriment sa réalité la plus
profonde. Nous ne pouvons que les accueillir ensemble, pour que surgisse le
langage de la révélation de Dieu dans nos vies. Acceptons que la révélation de
Dieu passe non seulement par notre écoute silencieuse, mais aussi par le
silence de Dieu en son apparente absence.
Dans la vie
religieuse, le silence nous ouvre à la Parole et au silence de Dieu,
le silence nous permet de faire l’expérience de Sa
présence invisible.
Dès le monachisme primitif, le
silence favorise cette attitude du cœur qui a tout quitté pour centrer toutes
ses énergies sur Jésus qui habite l’homme. La méditation de la Parole et la
charité avec les frères sont les buts recherchés dans le silence, comme dans la
parole. Plus tard, des notions de discipline puis de mortification ont parfois
occulté le caractère essentiellement christologique et mystique du silence
religieux.
Une difficulté de la méditation
pratiquée année après année, c’est qu’elle empêche d’entrer dans le langage de
Dieu tissé de Paroles et de silence, et parfois de longs silences.
En guise de
conclusion
… «La fidélité amène le recueillement. Il faut le silence d'action en
toutes choses. Quand on garde le silence extérieurement, on le garde
intérieurement. Il faut que l'âme se tienne unie à Dieu afin d'entendre la voie
intérieure. Il ne faut pas d'agitation, on peut troubler la paix intérieure des
autres. Notre-Seigneur ne parle pas toujours dans l'oraison, dans la communion.
Il le fait quelquefois en dehors de tout exercice religieux, mais il le fait toujours dans le silence ; c'est
qu'il parle à l'âme, quand l'âme est attentive », Instruction de Mère Isabelle, Du but de l’Institut, Sceaux, 10 juillet
1920.
... Le silence tant intérieur qu'extérieur est un des plus puissants moyens de se disposer à la communication intime avec Dieu dans l'oraison, qui est comme l'âme de notre vie. L'âme de notre vie, c'est l'oraison, c'est la prière. Nous voyons dans l'épître tirée des Actes des Apôtres, que Saint Paul, dans son discours à l'Aréopage, dit que nous devons chercher Dieu comme à tâtons.
Certainement Dieu est près de nous, dans notre cœur, et nous pouvons
converser avec Lui sans cesse. Nous le cherchons dans un grand silence, car
c'est dans le silence que nous le trouvons le mieux. Dans les créatures, on
cherche la conversation, les paroles; mais pour Dieu, c'est toujours dans ce
silence dont parle Bossuet : "Ce silence où il se dit tant de
choses." La voix de Dieu est, pour ainsi dire, souvent comme un
léger murmure, on ne l'entend que si on prête une oreille attentive. Nous
devons le chercher d'autant plus dans ce silence, dans cette obscurité dont
parlent Saint Jean de la Croix et tous les mystiques. Nous devons arrêter sur
Lui un simple regard dans l'attention, dans la fidélité extérieure et
intérieure. Ce simple regard ne signifie pas l'oisiveté, la distraction. Dès
que l'âme s'aperçoit qu'elle est distraite, elle s'empresse de mettre dans son
coeur une pensée sainte. Mais quand elle a ramené son esprit, elle n'a pas besoin
de toujours produire des pensées, mais d'écouter alors le murmure divin, de ne
pas laisser pénétrer [en elle] les bruits du monde, d'avoir cette foi que Dieu
est toujours tout près de nous, qu'Il nous entend toujours, que pas un cheveu
ne tombe de notre tête sans sa permission.
Il faut vivre ces choses dans le silence de l'âme. Non pas seulement le silence
intérieur, mais aussi le silence extérieur. Il faut s'y appliquer, non
seulement pour soi-même, mais par charité pour les autres. Il faut pour cela
avoir la présence intime de Dieu. Mais si, par maladresse, on manque à ce
silence, il faut se laisser envahir par Dieu, marcher en sa présence et oublier
tout le reste, Mère Isabelle, Instruction, Chapitre XII, Du
silence, 9 octobre 1915.
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