Vie spirituelle et intériorité, soeur Jeanine Gindrey

 

Vie spirituelle et intériorité

La vie spirituelle désigne la vie dans l’Esprit. Il y a la prière et la vie quotidienne qu’on désire vivre en Dieu  à chaque instant. La vie spirituelle, c’est l'aspiration à l'élévation de l'âme. «Vers ton nom, vers la mémoire de toi, va le désir de l'âme », Is 26, 8-9.

Saint Augustin nous invite à nous rendre présente à l’Hôte intérieur.

« Rentre dans ton cœur et de là, va à Dieu. Le chemin sera court si tu commences par revenir à ton cœur. Tu te laisses troubler par ce qui se passe au-dehors de toi, et tu te perds », Sermon 311,13.

« Ne te borne pas à la surface de toi-même, pénètre jusque dans l’intérieur de ton cœur. Considère soigneusement ton âme », Sermon 53,15.

1.     Fondements pour tous les baptisés

La vie spirituelle est fondée sur la personne vivante du Christ. C’est l’Écriture  qui nous révèle ce qu’est la vie chrétienne, comment y entrer et comment la vivre, individuellement et collectivement. Il s’agit de connaître Dieu : « La vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ », Jn 17,3. Le Père Picard et Mère Isabelle insistent sur « L’amour envers Notre Seigneur Jésus-Christ ». Il nous faut lire les Écritures en nous laissant éclairer par l’Esprit Saint, pour que la Parole produise en nous du fruit de Vie. Lire la Parole, abondamment, dans la foi, nous permet d’écouter Dieu nous parler,  et sa Parole nous éclaire quand il veut et comme il veut.

Lire ne veut pas dire méditer en produisant soi-même du sens.

Tout réveil spirituel commence par un retour aux Écritures, et par le désir ardent de vivre dans la Vérité toute entière sous la conduite de l’Esprit Saint.

Fondements de la vie chrétienne pratique

Mère Isabelle connaissait bien la tradition de l’Église. Elle nous a donné comme devise : « Assidues à l’enseignement des Apôtres, à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières », Ac 2,42.

Notre devise doit inspirer notre manière de vivre. À l’exemple de la première communauté chrétienne, une sœur Orante désire vivre en union avec le Seigneur au milieu de toutes ses activités quotidiennes, être accueillante et joyeuse dans la persévérance, selon l’enseignement des apôtres, dans la communion fraternelle, le pain partagé et les prières, l’adoration, la louange et l’intercession.

L’apôtre Paul nous enseigne que l’unité de l’Esprit nous est déjà acquise, et que nous devons nous efforcer de « la conserver, par le lien de la paix », Ep 4,1-6.

Le credo comporte 7 fondements

Un seul corps : tous ceux qui sont nés de nouveau en Christ font partie du Corps du Christ.

Un seul Esprit dans lequel tous sont « plongés » (baptisés).

Une seule espérance, celle du retour glorieux du Seigneur Jésus.

Un seul Seigneur, le Christ.

Une seule foi, la foi en Dieu, en Christ et en Sa Parole.

Un seul baptême dans la mort et la résurrection de Jésus.

Un seul Dieu et Père de tous, le Père de Notre Seigneur Jésus-Christ, Notre Père en Christ.


 

Paul cite cinq ministères de direction spirituelle dans l’Église

« Les dons qu’il a faits, ce sont les Apôtres, et aussi les prophètes, les évangélisateurs, les pasteurs et les docteurs qui enseignent. De cette manière, les fidèles sont organisés pour que les tâches du ministère soient accomplies et que se construise le corps du Christ, jusqu’à ce que nous parvenions tous ensemble à l’unité dans la foi et la pleine connaissance du Fils de Dieu, à l’état de l’Homme parfait, à la stature du Christ dans sa plénitude. Alors, nous ne serons plus comme des petits enfants, nous laissant secouer et mener à la dérive par tous les courants d’idées, au gré des hommes qui emploient la ruse pour nous entraîner dans l’erreur. Au contraire, en vivant dans la vérité de l’amour, nous grandirons pour nous élever en tout jusqu’à celui qui est la Tête, le Christ. Et par lui, dans l’harmonie et la cohésion, tout le corps poursuit sa croissance, grâce aux articulations qui le maintiennent, selon l’énergie qui est à la mesure de chaque membre. Ainsi le corps se construit dans l’amour», Ep 4,11-16.

Tendons à ce qui est parfait

« Dès lors, laissons de côté l’enseignement élémentaire sur le Christ, élevons-nous à la perfection d’adultes, au lieu de poser une nouvelle fois les fondements, à savoir : conversion avec rejet des œuvres mortes et foi en Dieu, instruction sur les baptêmes et l’imposition des mains, la résurrection des morts et le jugement définitif. Nous élever à la perfection d’adultes, voilà donc ce que nous allons faire si Dieu le permet », He 6, 1-3.

Renoncer aux « œuvres mortes », aux  œuvres négatives pour progresser dans notre vie chrétienne

La doctrine du baptême, c’est notre baptême dans la mort et la résurrection de Jésus.

L’imposition des mains joue un grand rôle dans la vie chrétienne :  

Le Christ utilisait souvent ses mains pour bénir, guérir et délivrer.

C’est par les mains que se transmet l’onction du Saint-Esprit. Jésus a dit que ceux qui croiraient en Lui pourraient imposer les mains aux malades, et que « les malades seront guéris », Mc 16,18.

C’est par l’imposition des mains que peut se communiquer l’effusion du Saint-Esprit, Ac 8,17 et 19,6.

C’est par l’imposition des mains que peut se transmettre un don, 2 Tim, 1,6

ou qu’un ancien peut être confirmé dans son ministère, Ac 13, 3.

La résurrection des morts nous rappelle que tous devront un jour ressusciter.

 

On voit ce souci de perfection revenir dans les instructions de nos deux fondateurs.

Chacune d’entre nous a sa place et sa mission dans le Corps du Christ et peut accomplir les œuvres  d’un apôtre, d’un prophète, d’un évangéliste, d’un pasteur ou d’un docteur. Toutes nous avons reçu une mission dans la Congrégation et dans l’Église.

 

2.     Fondements spécifiques aux Orantes de l’Assomption


Fondements spécifiques aux Orantes de l’Assomption : Notre Règle de vie, la lecture abondante de l’Écriture (Lectio), la liturgie qui est le cœur de toute vie contemplative et qui nous rassemble, la lecture spirituelle de bons auteurs qui communiquent des repères dans la croissance d’un chemin intérieur, l’étude pour mieux connaître et aimer le Christ et comme source de renouvellement intérieur, l’oraison et l’adoration, la vie en communauté fraternelle comme élément essentiel pour aller à Dieu ensemble. C’est notre charisme que nous vivons dans la famille de l’Assomption.


Des critères de croissance dans notre vie quotidienne

La capacité à s’assumer et à assumer les autres sœurs dans la vie commune (fraternelle).

La capacité à discerner est un signe de solidité spirituelle.

La capacité à faire silence sur ce qui se passe en nous et autour de nous (plus besoin de se répandre au dehors en bavardage). Au début d’une vie spirituelle, ce qui est vécu perturbe, en cours de croissance spirituelle, une solidité apparaît : « On n’est plus déstabilisée par la moindre parole, les heurts ou des événements ».

La capacité de se taire intérieurement pour écouter l’Écriture, ou les autres.

La fréquentation de l’Écriture fait qu’elle surgit pour éclairer notre vie. C’est ce que le Père Picard et Mère Isabelle appellent surnaturel : donner sens au quotidien avec un regard évangélique, un regard de foi, « éviter d’en  rester à une lecture seulement humaine, attachée à sa culture, son éducation, son milieu », mais élever l’humain à la patrie dont parle saint Augustin, celle du repos et du bonheur en Dieu.


Ce qui favorise la croissance

-Savoir qui on est, connaître notre charisme, et vivre avec nos sœurs « une seule âme et un seul cœur tournés vers Dieu ».

-Lire les instructions de nos Fondateurs.

-Lire des commentaires des Pères de l’Église qui nous partagent leur expérience spirituelle qui ne démodent pas. Les commentaires de l’Évangile correspondent à un moment particulier qui passe. Ils viennent de la réflexion et de l’analyse exégétique.

-Il est nécessaire d’entrer dans un chemin intérieur où l’on se reçoit de Dieu.

-Pour être fidèles à l’Assomption, nos fondateurs nous disent : « Pas de petites dévotions, mais une dévotion, celle de la liturgie ».

-Croître en quittant au moment opportun la méditation. Continuer à méditer d’année en année par peur du silence intérieur, empêche de se recevoir de l’Esprit Saint.

-Vivre en silence intérieur pour percevoir le murmure de l’Esprit Saint en nous.

-La croissance ne se limite pas à la formation au noviciat.  Le noviciat n’est pas un but en soi, mais une étape pour aider à notre croissance spirituelle. Évitons d’en faire une référence unique qui enferme et empêche d’accueillir la nouveauté de l’Esprit, dans les contextes différents auxquels il faut s’adapter ‘une certaine forme de relecture enferme.

-En communauté, il y a un temps pour tout, un temps pour le silence et un temps pour le partage spirituel qui peut naître de nos lectures (instructions des Fondateurs, textes patristiques de l’office des lectures). Ce qui favorise le partage avec des laïcs ou en communauté, c’est de donner à lire un même texte spirituel qui sert de médiation au partage. Chacun le lit puis partage sur ce qui l’interroge, ce qui le heurte, ce qui est conviction ou ce qu’il n’a pas compris.


- L’animation de la communauté et l’animation de nos entités : Nous, responsables d’entités, devons acquérir une meilleure connaissance des écrits de nos Fondateurs pour pouvoir susciter nos sœurs à les découvrir à leur tout et être à l’aise avec notre charisme en se l’appropriant.

 

En conclusion

Peut-être que la connaissance commence par la décision d’un effort important de lecture.

Il ne s’agit pas de « lire pour lire » comme le disait Mère Isabelle à Thérèse Dienne qui semblait lire rapidement un livre de liturgie sans que cela ne l’aide aucunement à mieux comprendre la liturgie.

Mais lire pour être éclairé, lire en cherchant à comprendre.

 


 

Modo contemplativo

Dans la vie contemplative, on ne peut parler à Dieu que si l'âme est silencieuse. Quand on parle trop haut, avec trop de paroles, si on fait trop de bruit, si on est agité, le bruit gêne le silence de l'âme. 

On voit des personnes agitées qui n'attendent pas qu'elles aient entendu ce qu'on leur dit. On s'agite pour gagner du temps et on le perd. Ainsi quelquefois je vois des sœurs qui sont à faire quelque chose de pressé après l'office, elles partent pendant l'antienne du Salve Regina ; elles ont gagné une seconde. D'autres courent pour aller à leur oraison, elles cherchent le recueillement, elles ont peut-être fait une seconde de plus de prière, mais que vaut cette prière ? On s'accroche dans son banc, on bouscule les autres. Toute cette agitation est un manque de mortification. Il faut savoir maintenir le silence des autres en se faisant à soi-même un devoir de ne pas s'agiter. C'est un manque de puissance sur soi-même quand on ne sait pas dominer ce qui vous agite. 

Il faut beaucoup travailler là-dessus, dire ce qu'on a à dire en peu de mots, former sa mémoire à prévoir, être calme au dedans de soi-même. Les personnes calmes donnent du calme aux autres. 

Par l'abandon à Dieu, l'âme devient beaucoup plus calme parce qu'elle ne s'agite pas, non seulement dans les grandes choses mais aussi dans les petites. Il faut avoir ce calme qui fait qu'on attend tout de Dieu. Le travail intellectuel a un but de recueillement. Quand vous étudiez le latin, l'histoire de l'Église, l'Écriture Sainte, vous vous formez un esprit surnaturel. C’est à cela qu'est destiné ce travail, afin que vous soyez recueillies, que vous ayez toujours les pensées d'en-haut. Ce travail ne doit pas devenir une source d'agitation. Il faut tout faire suaviter et fortiter. C'est la devise qu'il faut prendre sur soi-même pour être doux, calme », 4 août 1917. Mère Isabelle commente le chapitre 3 de la troisième partie du Directoire, Le chemin de la grâce, p. 321.

 


®  Un passage obligé :

Entrer dans le combat des pensées selon Saint Jean Cassien (v. 360-v. 433) 

Moine méditerranéen, fondateur de l’abbaye saint Victor à Marseille.

 

Il est impossible que l’esprit ne soit pas traversé de pensées multiples, mais il reste possible de les accueillir ou de les rejeter. La naissance de nos pensées ne dépend pas entièrement de nous, mais il nous revient de les approuver et de les accueillir. 

Il dépend de nous pour une grande part, de hausser le ton de nos pensées. La lecture assidue des Écritures n’a point d’autre but que de faire naître dans notre mémoire des pensées divines. Le chant répété des psaumes est destiné à nourrir le regret de nos fautes.

 

Souvent l’âme se sent pressée par un flot de pensées. Et c’est à elle de voir quelles pensées elle doit admettre et quelles pensées elle doit rechercher. 

Les pensées qui viennent de nous-mêmes, viennent de notre mémoire et de notre imagination, lorsque nous pensons à ce que nous faisons et nous souvenons de ce que nous avons fait ou vu, ou entendu. Nos pensées viennent de notre tempérament, de nos conversations, du soin que nous apportons à nos activités.

Il peut arriver que nos pensées soient coupables. Si cédant à la négligence et à la paresse, nous nous laissons envahir et prendre par des pensées et des conversations inutiles, ou bien si nous nous embarrassons des soins de ce monde et de sollicitudes superflues, de là germera comme une sorte d’ivraie.

Enfin, quand Dieu vient nous visiter par une illumination de l’Esprit Saint, Il nous rend clairvoyants et suscite des actes pour collaborer à notre avancée. L’Esprit nous rend libres, mais il faut comprendre ce que l’on peut appeler une véritable attitude de liberté. La vraie liberté est celle des fils et des filles qui vivent dans la confiance et l’obéissance, et donc dans la dépendance d’amour à l’égard du Père.

Les chemins de la grâce, p. 112.


 La vie intérieure est une vie de simplicité et non d’effort, Dieu nous parle et nous nous mettons sous sa main.La vie intérieure est une vie de fidélité parce ce que nous devons obéir aux moindres touches de grâce.

Avoir l’ouïe fine pour écouter l’Esprit Saint, 7 mars 1914, Mère Isabelle.

Les chemins de la grâce, p. 315.

Nourrir notre prière sans curiosité, pratiquer le recueillement qui nous unit à Lui, 6 juillet 1910, Mère Isabelle. Les chemins de la grâce, p. 309.

Tout doit prier en moi Pendant un certain temps Dieu, compatissant à notre faiblesse, se contente dans l'oraison d'écarter un à un tous les obstacles. Il coupe, il arrache, il détruit. Il met à ce travail une adorable patience ! Il ne se contente pas d'arracher et de détruire, car à travers les débris de ce qu'Il renverse, il laisse pénétrer dans l'âme les rayons de sa lumière divine, rayons de consolation, rayons de force, rayons de lumières.

Mais quand Dieu a pendant longtemps travaillé ainsi dans l'oraison, Il veut que l'oraison devienne autre chose. Il veut la posséder, Il veut l'avoir entre ses mains, il veut se refléter en elle, non pas que l'âme sente toujours ce divin travail. Dieu n'est jamais un Dieu muet, mais Il est souvent un Dieu qui se tait et travaille dans le silence…

Comment toutefois est-il possible qu'il arrive un moment dans la vie d'oraison où Dieu veuille nous trouver en quelque sorte sinon parfaits, du moins sans obstacle à sa grâce ? Cela paraît un non-sens et presque une injustice en égard à notre imperfection et à l'histoire du juste qui tombe sept fois par jour…, 9 février 1881 Lettre d’Isabelle Comtesse d’Ursel au Père Picard.  Elle a 32 ans.

Les chemins de la grâce, p. 308.

Relecture de Mère Isabelle.

Il ne me sert de rien de prendre un livre. Tel livre que je lirais volontiers tranquillement à ma table ne me dit plus rien quand il s'agit de l'oraison. La seule chose qui puisse me dire quelque chose à l'oraison, c'est cette parole intérieure du Verbe par laquelle je sens que je suis le temple du Saint-Esprit. Cette parole, je ne la saisis pas, je sens que, si je la saisissais, elle m'enflammerait. Je sens qu'Elle est esprit et vie. Je sens qu'Elle seule est esprit et vie et que l'Évangile lui-même, qui est cependant la parole de Dieu n'a pas cette saveur, cette vie, cette illumination que l'âme doit trouver dans son commerce avec Dieu. C'est un intermédiaire et mon âme ne peut pas supporter d'intermédiaire avec Dieu dans l'intime du cœur. Là il n'y a pas de paroles. Il y a la vie, l'union, la liquéfaction de ma pauvre âme pécheresse dans sa communication avec Dieu.

C’est de temps en temps, au fin fond de mon cœur que je sens cela, que je cherche cela. Tout le reste du temps se passe à regarder voler les mouches que je ne vois pas d'ailleurs parce que je n'y vois pas clair, mais si j'y voyais clair, comme les mouches m'amuseraient plus que mon oraison où je pense à n'importe quoi, à une foule de choses qui ne m'intéressent pas du tout », 11 mars 1907. Elle a 60 ans.

Les chemins de la grâce, p. 310.

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