mercredi 12 mai 2021

Saint Grégoire Le Grand, Les voies de l'esprit sont mystérieuses

 Pentecôte Mt 28,16-20




Saint Grégoire le grand (540-604)

64 ème  pape,docteur et Père de l'Église d'occident.




On ne sait comment viennent ses dons, ni d’où, ni quand.

L’Esprit souffle où il veut ; et toi, tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d’où il vient, et tu ne sais ni où il va, Jn 3,8.

Même celui qui a été illuminé par l’Esprit ne peut découvrir comment sa voix s’est introduite jusqu’à l’oreille de son coeur. Il est incapable de décrire les voies par lesquelles sa force invisible a pénétré en lui, comment il vient et comment il se retire. Personne ne peut connaître d’avance les résultats d’une prédication ; personne ne peut prévoir dans quels coeurs entrera l’Esprit. Dieu sème dans les âmes d’une manière incompréhensible. On ne voit pas l’action de Dieu dans les coeurs, on ne voit pas comment il y entre, on ne connaît pas les voies qu’il prend pour les illuminer et cependant il les change. Nous voyons le résultat, nous ignorons le comment. - Quelle voie prend la lumière pour se répandre ? demande Dieu à Job, Jb 38,24.

Cette voie est invisible à nos yeux, répond Grégoire. La sagesse, comme l’Esprit, se répand secrètement dans les coeurs. La parole de l’Esprit se fait entendre sans bruit à l’oreille du coeur. C’est une parole à l’intérieur, c’est une voix qui ne fait pas de bruit mais qui donne la science au-dedans et instruit les coeurs, c’est une brise légère. Transmise sans bruit au coeur du croyant, la parole de l’Esprit est incommunicable. On peut percevoir son inspiration, non l’exprimer par des mots. N’est-ce pas le propre de l’expérience de ne pouvoir se transmettre ? On ne peut savoir ce qu’est une parole de l’Esprit-Saint si on ne l’a pas reçue.

La venue de l’Esprit est toujours inopinée. Aussi l’Écriture dit-elle que l’Esprit tombe sur ceux qu’il visite. Tomber, dit Grégoire, c’est être entraîné soudainement vers le bas. L’action de l’Esprit est rapide comme celle de l’éclair ; l’Esprit est présent à tous et a chacun au même moment. L’Esprit de Dieu n’a pas besoin des détours du langage humain pour se faire comprendre ; les mots qu’il emploie sont comme des paroles ; en fait une force intérieure intime à l’homme ce qu’il doit faire. C’est l’Esprit qui dit au coeur de Philippe : - Rejoins ce char, Ac 8,29 ; c’est lui qui fait entendre à l’esprit de Pierre : - Voici trois hommes qui te cherchent. Debout, descends et pars avec eux, Ac 10,19-20. En un instant les coeurs sont mis au courant de ce qu’ils ignoraient. La parole de Dieu est lumière subite dans les ténèbres de l’ignorance. Quand il veut instruire quelqu’un, l’Esprit ne souffre aucun retard. Il lui suffit de toucher l’esprit de l’homme, et son simple toucher enseigne tout. Le coeur est changé aussitôt qu’illuminé ; instantanément il n’est plus ce qu’il était et il devient ce qu’il n’était pas.

L’Esprit Saint vient dans tous les fidèles ; sur le Christ seul il est demeuré d’une manière permanente et unique, Jn 1,33 ; chez les fidèles, il n’est pour ainsi dire que de passage ; on ne peut jouir à volonté et de manière continue des dons de l’Esprit. L’Esprit n’est qu’en visite dans les âmes. Cependant il faut ajouter que chez certains, parce que leur vie est pure, l’Esprit réside en permanence. Autre chose bien sûr est l’habitation de l’Esprit dans tous les baptisés : c’est lui qui donne la vie aux âmes et il est présent partout. L’Esprit se rend présent puis se retire, il est mobile, Sg 7,22. Il se porte même à la rencontre de ceux qui ne le connaissent pas.

Insaisissable, l’Esprit laisse cependant des traces de son passage, il laisse dans le coeur la trace de l’expérience de l’invisible. L’Esprit a été envoyé dans nos coeurs par le Fils unique du Père pout nous donner la vie, pour nous donner la possibilité de croire à ce que nous ne connaissons pas encore par expérience. Celui qui n’a pas encore atteint une foi aussi assurée doit faire confiance provisoirement à ceux qui par l’Esprit Saint en font l’expérience.

D’une part, l’Esprit nous est donné comme témoin pour secourir notre foi parce que nous ne pouvons pas encore connaître d’expérience l’invisible. Maintenant, nous avons le gage de l’Esprit ; alors, dans la patrie, nous parviendrons aux joies d’en haut. On nous donne un gage pour nous donner l’assurance qu’une promesse sera tenue. Le don de l’Esprit est appelé un gage, 2 Cor 1,22 et 5,5, parce qu’il renforce la certitude de notre espérance.

D’autre part, il y a des chrétiens qui ont déjà par l’Esprit-saint l’expérience de l’invisible ils ont reçu de l’invisible une connaissance aussi assurée que l’est celle donnée par la vue dans les choses de ce monde.

Les chrétiens ordinaires ont reçu par l’Esprit Saint la certitude de l’invisible mais ils ne le connaissent pas encore d’expérience ; ils ont déjà la certitude de son existence puisqu’ils en ont touché le gage, mais ils n’ont pas la certitude de la réalité elle-même. Il y a l’expérience du chrétien ordinaire puis celle du mystique. Pour l’un, l’invisible est objet de foi, pour l’autre, l’invisible est objet d’expérience, quasi de constat.

L’homme n’est pas à la mesure de l’Esprit. Il y a disproportion entre ce que l’Esprit donne à entendre et la capacité de l’homme. Ce que l’Esprit fait voir en un instant au coeur du prophète, celui-ci ne peut l’exprimer d’un seul mot. La puissance de l’Esprit dépasse aussi la capacité des coeurs spirituels : l’Esprit Saint est ce vin nouveau qui fait éclater les outres, fussent-elles neuves. Tant qu’il demeure en cette vie et malgré tous ses efforts, l’homme ne peut voir la gloire de Dieu. L’Esprit ne donne de lui-même aux hommes qu’une connaissance limitée parce que leur faiblesse ne leur permet pas de le recevoir tel qu’il est. Il se fait brise légère, mais c’est encore trop pour eux ; cette brise leur fait l’effet d’un vent violent. L’Esprit nous touche légèrement mais ce toucher nous fait chanceler, sa lumière nous perturbe. L’homme n’est pas à la mesure des choses de Dieu.

Cependant, l’Esprit Saint sait s’adapter à la faiblesse de l’homme. Sa présence se manifeste comme un toucher. L’Esprit Saint est le doigt de Dieu, Mt 12,28 et Luc 11,20. Quand la grâce de l’Esprit Saint se répand en nous elle nous remplit de douceur, Job 20,17. L’Esprit du Christ en effet remplit de joie celui à qui il fait goûter la douceur de sa divinité. L’Esprit Saint mérite bien son nom de Paraclet ou consolateur.

Patrick CATRY, OSB, Moine de Wisques, Parole de Dieu, Amour et Esprit-Saint chez Saint Grégoire le Grand, Vie monastique N° 17, 181-185.

 

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