jeudi 3 décembre 2020

Saint Bernard, les visites du Verbe

2ème dimanche de l'Avent :  Marc 1,1-8


 
Saint Bernard (1090-1153)
Fondateur et abbé de Clairvaux, docteur de l’Église.  
 

Sermon 74 sur le Ct des Ct.  
 
 

Les visites du Verbe 

 

  

 
Des  mouvements  de  départ  et  de  retour  du  Verbe  ont  effectivement lieu dans l’âme. Jésus disait :  
- Je m’en vais et je viens vers vous, Jn 14,28.  
- Encore un peu de temps et vous ne me verrez plus, et puis un peu de temps encore et vous me verrez, Jn 16,16.  


Mais que ce peu de temps dure longtemps ! Mon Seigneur, appelles-tu court  ce  temps  que  nous  passons  sans  te  voir  ?  Ce  temps  est  long, beaucoup trop long. Ce temps est court si l’on considère nos mérites, et long si l’on tient compte de nos désirs.  


Nous trouvons ces deux affirmations chez le Prophète :  
S’il  tarde  à  venir,  attends-le,  car  il  viendra  et  ne  tardera  pas,  Ha  2,3.
Comment le Prophète peut-il dire à la fois qu’il ne tardera pas et qu’il tarde  à  venir,  sinon  parce  que  ce  délai,  tout  à  fait  normal  en  ce  qui concerne nos mérites, paraît interminable à nos désirs… C’est que l’âme
qui aime, emportée, soulevée par ses désirs, oublie son peu de mérites, ferme les yeux sur la majesté de Dieu pour les ouvrir sur ses dons et, s’appuyant  sur  sa  grâce,  se  comporte  envers  Lui  avec  une  totale
assurance.  Sans  honte  pour  son  audace,  elle  rappelle  le  Verbe. Confiante, elle Lui réclame ses douceurs, et avec sa liberté coutumière, l’âme Le nomme non pas son Seigneur, mais son Bien-aimé :  
Reviens,  mon  Bien-aimé,  sois  semblable  à  la  gazelle  et  au  faon  des biches sur les montagnes de Bethel, Ct 2,17.  

 
Le  Verbe  est  venu  en  moi,  et  plus  d’une  fois.  S’il  y  est  entré fréquemment, je n’ai pas toujours pris conscience de son arrivée. Je L’ai senti en moi et je me rappelle sa présence. Quelquefois j’ai même dû  prévenir  son  entrée,  mais  jamais  je  ne  l’ai  sentie  pas  plus  que  son départ, Jn 3, 8. D’où est-Il venu en mon âme ? Où est-Il retourné en la quittant ? Par où a-t-Il pénétré ? Par où est-Il sorti ? Aujourd’hui encore, je l’ignore. Ce n’est d’ailleurs pas étonnant, car c’est de Lui qu’il est dit :  
- Nul ne connaît la trace de tes pas.  


Le Verbe n’est point entré par les yeux, car Il n’a pas de couleur, ni par les oreilles, car Il est silencieux, ni par le nez, car ce n’est pas au souffle qu’il se mêle, mais à l’esprit. Il n’est pas entré par ma gorge, car Il n’est
ni nourriture ni breuvage ; et je ne L’ai pas touché, car Il est impalpable. Par où est-II donc entré ? Peut-être n’est-Il pas entré, car Il ne vient pas du dehors, comme quelque chose d’extérieur. Il n’est pas non plus venu
du dedans, puisqu’il est le bien et que le bien, je le sais, n’est pas en moi.


Je suis monté jusqu’au sommet de mon être, et voici que le Verbe me  dominait de très haut. Explorateur curieux, je suis descendu au fond de moi-même, et je L’ai trouvé plus bas encore. J’ai regardé au-dehors, et je L’ai découvert au-delà de ce qui m’est le plus extérieur. Je me suis tourné au-dedans, et j’ai vu combien Il m’est bien plus intime que moi-même. J’ai reconnu alors la vérité de ce que j’avais lu :  
- C’est en Lui que nous avons le mouvement et l’être, Ac 17,28.  
Heureux  celui  en  qui  Il  est,  qui  vit  par  Lui  et  reçoit  de  Lui  son mouvement.  


Si ses voies sont aussi insaisissables, vous me demanderez comment j’ai pu savoir qu’Il était là. C’est que le Verbe est vivant et efficace, He 4,12. Dès  son  entrée  en  moi,  Il  a  réveillé  mon  âme  endormie.  Il  a  remué, adouci et blessé mon cœur, mon cœur de pierre, mon cœur malade. Il s’est mis aussi à  défricher et à détruire, à bâtir et à planter, Jr  1,10, à arroser les terres arides. Il a éclairé les recoins obscurs. Il a ouvert ce qui était fermé. Il a enflammé ce qui était froid, et mon âme toute entière ne pouvait que bénir le Seigneur et tout mon être louer son saint Nom, Ps 102,1. 

Soeur Monique Anne Giroux, les chemins de la grâce, 123+124.

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