Frères et sœurs, tout à l’heure nous avons fait se rencontrer nos cierges, et les deux flammes ont, l’espace d’un instant, formé une seule lumière qui s’est ensuite communiquée à chacun de nous. C’est une belle image pour signifier la double lumière que nous avons la grâce de célébrer aujourd’hui : celle de la Résurrection, et celle de la Présentation de Jésus au Temple, qui est comme le dernier rayon de la lumière de Noël. S’il s’agit d’une lumière, d’une révélation, c’est bien parce qu’une rencontre a eu lieu.
« Rencontre du Seigneur » : c’est l’appellation primitive qui fut donnée à cette fête, et que nos frères d’Orient ont conservée jusqu’à aujourd’hui. Toute vraie rencontre, toute visitation est une lumière. A chaque fois que nous vivons une rencontre importante, nous faisons l’expérience de la lumière de Dieu, et de son amour pour nous. Cet amour, nous l’avons reçu quand il est venu à Noël, il y a maintenant quarante jours.
Dans ce passage d’évangile, une rencontre a lieu entre deux anciens, Anne et Syméon, qui représentent la sagesse d’Israël, et l’enfant Jésus entouré de ses parents. Les deux extrémités de la vie, le commencement et la fin, l’Ancienne et la Nouvelle Alliance se rejoignent. La rencontre des différences, mais aussi celle des fragilités, produit ici une étincelle, une lumière qui fascine. Parmi nous, les grands-parents font l’expérience de la beauté d’une telle rencontre quand ils voient leurs petits-enfants pour la première fois. Un climat de louange et d’admiration est palpable.
Pourtant, dans ce récit, comme à Noël, l’émerveillement est teinté de précarité, de vulnérabilité. Au jour de la naissance de Jésus, comme à sa Passion, il y a une grande pauvreté. Marie est prévenue : « Ton cœur sera transpercé par une épée » lui dit Syméon. Ce nouveau-né qu’elle porte, et qu’elle continuera de porter à la Croix, est un « signe de division ». La rencontre entre Dieu et son peuple est loin d’être toujours facile. La paix dont parle Syméon n’est pas une béatitude simpliste. La lumière du Christ qui vient dans le Temple, qui vient dans le monde, brille dans nos ténèbres. Malgré sa faiblesse apparente, elle éclaire le monde entier : le peuple d’Israël aussi bien que les nations païennes, tous les deux marqués par le péché de l’idolâtrie. Cette clarté qui vient purifier nos ténèbres, il est difficile de la recevoir, car elle est encore cachée. Ce n’est pas une lumière aveuglante, mais une étoile qui brille dans la nuit, discrètement. Si toute vraie rencontre est une lumière, une révélation, cela ne veut pas dire qu’une telle expérience soit simple.
Une flamme fragile, comme celle d’un cierge, brille dans les ténèbres. Dans notre passage d’évangile, cette lumière est encore cachée, dissimulée derrière le voile d’un rite, ou plutôt de deux rites superposés : le rite de la circoncision de Jésus, huit jours après sa naissance, qui marque la reconnaissance par Dieu de son Fils, et celui de la purification de Marie, car celle-ci vient d’accoucher. Derrière le cadre de la Loi juive, le quotidien d’un rite, derrière l’aspect ordinaire de la vie se cache un mystère insondable. En effet, une autre rencontre apparaît : c’est celle du Père des cieux qui accueille son Fils bien-aimé dans le Temple. Le Fils de Dieu, par les mains de Marie et Joseph, est offert à son Père. Syméon reçoit cet enfant, comme pour signifier la paternité de Dieu qui accueille. La rencontre véritable est une donation de l’un à l’autre. Le Fils se donne au Père, il s’offre pour lui. Si les parents de Jésus n’offrent que deux tourterelles pour le sacrifice, ce n’est pas simplement parce qu’ils sont pauvres, mais parce que l’agneau sacrifié sera leur fils, le Fils de Dieu. Jésus est l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde. Il a tout reçu des mains de son Père, et c’est par cet amour reçu qu’il peut s’offrir totalement.
Frères et sœurs, comme nous l’avons dit, toute rencontre est fragile, difficile, car elle implique de notre part le sacrifice, le don de soi à l’autre, comme le Fils s’est donné au Père.
Le pape François, dans son exhortation apostolique La Joie de l’Evangile, nous invite à (je cite) :
« courir le risque de la rencontre avec le visage de l’autre ».
« La foi authentique dans le Fils de Dieu fait chair est inséparable du don de soi, de l’appartenance à la communauté, du service, de la réconciliation avec la chair des autres. Dans son incarnation, le Fils de Dieu nous a invités à la révolution de la tendresse ». La joie est « comme un rayon de lumière qui naît de la certitude personnelle d’être infiniment aimé, au-delà de tout ».
Voilà un beau programme ! Laissons-nous habiter par cet amour de Dieu pour nous. Cet amour qu’il nous a manifesté en nous donnant son Fils. Apportons à Dieu notre vie et celle de nos frères qui souffrent. Même si nous n’avons pas grand chose à offrir : deux tourterelles ou deux petites pièces, comme la veuve de l’évangile, Lc 21,1-4, entrons dans le mystère de l’Eucharistie, dans l’action de grâce du Christ, et offrons avec lui le monde entier, pour que grandisse, au-delà de toute division, la Paix dans les cœurs. Amen.
fr. Columba, https://www.encalcat.com/presentation-du-seigneur-au-temple-a_546.php
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